Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Maxime Gremetz

Réunion du 16 avril 2008 à 15h00
Modernisation du marché du travail — Article 4, amendement 126

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaxime Gremetz :

L'amendement vise à compléter l'alinéa 7 de cet article par les mots : « définie à l'article L. 1233-3 ». Je rappelle que, même si les articles L. 1233-2 et L. 1233-3 se suivent, la précaution consistant à préciser que la cause économique réelle et sérieuse est définie à l'article L. 1233-3 nous paraît nécessaire. En effet, cette précision permet de circonscrire clairement la notion de « cause réelle et sérieuse », qui a toujours fait l'objet de grands débats. Il y a eu aussi une jurisprudence en matière de licenciement économique. La cause économique réelle et sérieuse étant définie par la loi, il convient d'empêcher toute interprétation qui élargirait les motifs économiques licites de rupture du contrat de travail au-delà des hypothèses expressément prévues par le législateur.

Comme vous me semblez un peu hermétique à tout cela, je vais prendre l'exemple de Flodor – que vous connaissez, monsieur le ministre, puisque la société était située dans votre région.

L'entreprise a été volontairement mise en faillite par le groupe italien Unichips, et la direction a prétendu qu'elle ne pouvait pas reclasser les salariés, qu'elle n'en avait pas la possibilité. Elle a ajouté qu'il ne lui restait rien, qu'elle ne pourrait même pas verser la prime de licenciement puisque l'entreprise était en faillite. Le groupe Unichips a indiqué qu'il n'avait plus rien à voir avec elle – au point d'ailleurs d'en changer le nom : la société s'appelle maintenant Péronne Industrie, et non plus Flodor. Mais nous et les salariés, nous n'avons pas accepté ce stratagème, et nous avons entamé une procédure en mettant en question, parce qu'il y a un groupe, la cause réelle et sérieuse invoquée, à savoir l'impossibilité de reclasser les salariés. Et, pour la première fois dans l'histoire – ça, c'est une jurisprudence ! –, un tribunal, celui d'Amiens, a condamné le groupe Unichips. Il a dénoncé les manoeuvres consistant à modifier les statuts considérant que la direction du groupe était responsable de toutes ses filiales, y compris dans la Somme, et devait appliquer le droit français ; comme elle ne voulait pas le faire, elle a été condamnée à proposer des reclassements, et, en plus, à payer.

Ce jugement change toute la donne. En effet, pour déterminer la prime de licenciement, on ne prend plus en compte la petite société mise en faillite, avec ses petits résultats, mais l'ensemble des actifs du groupe. Au bout de deux ans et demi de procédure, les salariés, ont gagné, en fonction des années d'ancienneté, 65 000 euros chacun en moyenne !

Je prendrai un autre exemple, monsieur le ministre, si vous n'êtes pas encore convaincu : Abelia Decors, groupe allemand, cette fois – que vous connaissez aussi sans doute. Il n'est pas italien, mais l'histoire est la même : lutte des salariés, puis on liquide parce que cela arrange ; le groupe est vendu par petits morceaux ; il n'existe plus ! Mais au terme de la procédure, le tribunal dit : « Messieurs, vous n'existez plus, mais vous existiez au moment où vous avez décidé ces licenciements. Cela veut dire que vous allez réparer ce que vous avez fait. » Le tribunal d'Amiens vient de condamner ce groupe qui n'existe plus à payer un chèque de plus de 60 000 euros par salarié. C'est un moyen de dissuader ceux qui prétendent licencier pour des causes réelles et sérieuses, mais qui espèrent ne pas être touchés parce qu'ils sont un groupe étranger.

Mon objectif est atteint : il y a maintenant une nouvelle jurisprudence, et les groupes étrangers, sachant ce qu'ils vont devoir payer, y regarderont à deux fois. Je ne veux pas les faire partir, mais les dissuader de licencier et de fermer des groupes ou des entreprises en France.

Monsieur Dord, n'étant pas originaire de Picardie, vous ne connaissez pas ces deux jugements, mais M. le ministre, lui, les connaît. Vous seriez donc bien inspiré de lui conseiller d'en tenir compte. Tout le monde, toute la presse en a parlé. Acceptez cet amendement qui vise à empêcher des groupes de déroger à cette jurisprudence. Comme je sais que vous n'êtes pas les défenseurs des grands groupes – vous l'avez répété cet après-midi, et la porte-parole de l'UMP a dit qu'il fallait les faire payer un peu plus –, je crois que vous serez d'accord avec cet amendement, à moins que M. le ministre ne veuille beaucoup de mal à M. Fillon – mais je n'ose y penser.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion