Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Marylise Lebranchu

Réunion du 1er avril 2009 à 21h30
Protection de la création sur internet — Article 2, amendements 223 390 126

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarylise Lebranchu :

Je voudrais revenir un instant sur l'ensemble des problèmes que pose le dispositif de sanction prévu. Avec ce texte, vous créez quelque chose de phénoménal, que nous n'avons jamais réussi à mettre en place, ni les uns ni les autres, après moult débats sur le crédit revolving : une liste remise à des opérateurs privés, contraints de ne pas abonner les personnes qui y sont inscrites.

D'abord, compte tenu du manque à gagner, je pense qu'un certain nombre d'opérateurs s'arrangeront pour ne jamais disposer de la liste.

Ensuite, si une personne forme un recours, à quel moment sera-t-elle inscrite sur la liste ? Dès le prononcé de la sanction, après le sursis, après le jugement ? Vous n'en dites rien et il est important que nous le sachions ce soir.

Par ailleurs, la filiale française de l'opérateur privé ne manquera pas de proposer à l'internaute sanctionné un abonnement à l'étranger en attendant la fin de son histoire. La DGCCRF, chargée de la répression de la contrefaçon, a relevé de nombreux abonnements souscrits à l'étranger et qu'elle était dans l'incapacité de vérifier. C'est en recherchant l'origine des contrefaçons vendues en ligne qu'elle a découvert qu'il est possible de s'abonner ailleurs pour ne pas être pisté sous contrôle judiciaire. Voilà pourquoi je pense que votre dispositif est inefficace.

Je suis inquiète aussi car l'on fournit des arguments de droit à des sociétés privées pour ne pas remplir les obligations liées à l'abonnement. Quelles sanctions sont prévues pour l'opérateur qui aura réabonné M. Nicolin (Sourires) en prétextant ne pas avoir encore vu son nom sur la liste ? Il aura tout intérêt à lui faire souscrire un contrat et à le suspendre ensuite, puisque l'internaute sanctionné ne sera pas remboursé de cette nouvelle inscription.

Tout cela me paraît à la fois très grave et très complexe. Comment un magistrat pourra-t-il s'en sortir lorsqu'il sera saisi d'une demande de sursis à exécution de la sanction et que dans le même temps on lui dira que l'internaute a souscrit un abonnement avec un autre opérateur ? L'opérateur sera-t-il traduit en même temps devant le juge ? Et devant quelle juridiction ?

On crée des fichiers, des listes noires, pour des choses qui seront bientôt – vous avez le droit de le penser, même si je ne partage pas cette opinion – de l'ordre du délit, mais qui ne sont pas de nature à troubler l'ordre public.

Lorsque je considère le nombre de postes de contractuels qu'il faudra créer pour faire le travail – envoyer les lettres recommandées, vérifier qu'elles sont arrivées, transmettre aux autorités judiciaires les éléments de preuve que l'on possède ou non, car la preuve en la matière est extrêmement difficile à établir –, j'en déduis qu'il faudra un budget très important. Ou alors, cela signifie que l'on n'appliquera pas la loi. Certains, dans les couloirs, disaient que c'était une loi pour faire peur et qu'on ne l'appliquerait peut-être pas. C'est grave !

J'aurais préféré que l'on emploie les mêmes crédits pour aider les créateurs qui ont peu de revenus à se protéger, à s'adapter à la nouvelle culture. Cette gabegie financière des ministères de la culture et de la justice…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion