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Intervention de Franck Riester

Réunion du 20 novembre 2007 à 21h30
Dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat après déclaration d'urgence

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFranck Riester, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi particulièrement technique, qui vient de nous être présenté et que le Sénat a adopté en première lecture, comporte des mesures de transposition de directives européennes, des demandes d'autorisation du Gouvernement à en transposer d'autres par ordonnance, des mesures nationales d'adaptation spécifiques pour combler certaines lacunes de telle ou telle directive, et enfin des demandes de ratification d'ordonnances déjà prises.

Les demandes d'autorisation à légiférer par ordonnance sont justifiées par trois arguments qui s'additionnent et sont tout à fait recevables : tout d'abord, le caractère technique et complexe des dispositions à prendre, ensuite l'urgence à transposer les directives – la date limite étant au plus tard la fin de l'année –, enfin la marge de manoeuvre limitée de la France pour la transposition. S'y ajoute le fait que la France doit être à jour de ses transpositions lorsqu'elle prendra la présidence de l'Union.

La commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a examiné les divers articles de ce projet de loi et je voudrais ici vous en faire l'analyse.

L'article 1er procède à la transposition de la directive du 11 mai 2005 sur l'assurance de responsabilité civile des véhicules. Cette directive tend à protéger plus efficacement les consommateurs et les victimes d'accident. Sa disposition la plus significative consacre le droit d'action directe du tiers lésé à l'encontre de l'assureur, droit qui était déjà en vigueur sous l'effet d'une jurisprudence de la Cour de cassation. Pour le reste, les précisions apportées suppriment divers risques de contentieux liés à des approximations ou à des divergences dans le détail du droit ou de la jurisprudence des États membres.

L'article 2 propose d'autoriser le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive européenne du 16 novembre 2005 relative à la réassurance, et à moderniser le régime des fonds communs de créances.

La directive institue le passeport européen en vertu duquel, désormais, un réassureur autorisé dans un État le sera aussi dans l'ensemble des États de l'Union. En contrepartie, elle unifie les contrôles de solidité financière, de solvabilité, de gestion au niveau demandé par les États les plus exigeants. Compte tenu de la technicité du sujet, l'ordonnance de transposition ne touchera en pratique que les milieux professionnels de la réassurance.

Les fonds communs de créances, les FCC, sont les instruments sur lesquels repose la titrisation en droit français. La titrisation est une pratique de marché en pleine expansion depuis dix ans, par laquelle un créancier cède des créances dont il est propriétaire à une entité ad hoc, qui en finance l'acquisition sous une forme structurée par l'émission de titres négociables sur un marché financier. La titrisation permet donc de rendre liquide un portefeuille de créances originellement non liquides.

La modernisation consistera à harmoniser le statut des fonds français avec celui en vigueur chez la plupart de nos partenaires. Les capacités d'action limitées des FCC français conduisent nos institutions financières nationales non pas à moins titriser, mais à intervenir sur des places étrangères et non sur la place de Paris ! Le dispositif prévu sera plus adapté puisqu'il évitera les contournements, parfois douteux, de la législation. Il ouvre également la titrisation aux risques d'assurance.

Le projet d'ordonnance a donc pour objet l'amélioration de la compétitivité de la place de Paris, et un meilleur contrôle des fonds par le superviseur français. Nous devons donner priorité à la compétitivité et à l'attractivité de notre territoire.

L'article 3 comble une lacune. En juin dernier, l'Union européenne a adopté un règlement qui a abouti à diviser par deux les tarifs d'appel de téléphonie mobile émis ou reçus par un consommateur européen voyageant dans un pays de l'Union autre que le sien. Cependant, un règlement européen ne s'applique pas au sein d'un même État. L'article 3 décalque donc les dispositions du règlement pour l'itinérance entre le territoire métropolitain et les collectivités territoriales d'outre-mer, soumises au même règlement. Cette mesure devrait entraîner une baisse de 42 % du coût des appels émis et une baisse de 38 % du coût des appels reçus. Il n'y pas de doute, cet article est bien dans l'intérêt de nos concitoyens d'outre-mer.

L'article 4 rend l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – l'ARCEP – compétente pour contrôler la bonne application de ce règlement par les opérateurs français.

L'article 5 autorise le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles d'une trentaine de professions. Nous l'avons vu avec vos services, madame la ministre, le projet d'ordonnance est en cours d'élaboration, en liaison étroite avec les professionnels concernés. En matière d'établissement, la directive se contente de consolider quinze directives existantes, sans apporter de réelles novations. Mais, en matière de prestation occasionnelle de service, elle allège les obligations par rapport au régime de l'établissement, tout en prévoyant pour les États des garanties optionnelles, qu'ils pourront activer ou non.

L'article 6 met un point final à une bataille économique, politique, médiatique et juridique, qui a plusieurs fois fait la une de la presse dans les années passées. En effet, il supprime, à la demande de la Commission européenne, la base légale qui permet au Gouvernement d'interdire la rémunération des comptes à vue, rémunération que le Gouvernement avait autorisée par voie réglementaire après un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes d'octobre 2004.

L'article 7 prévoit la ratification de plusieurs ordonnances de transposition en droit national de directives communautaires prises en 2004 et en 2007.

La première ordonnance a déjà été ratifiée.

La deuxième ordonnance concerne l'application à nos entreprises des nouvelles normes comptables internationales – IAS – et des nouvelles normes internationales d'information financière – IFRS. Elle permet notamment de renforcer l'information à destination des actionnaires et du public contenue dans les rapports de gestion.

La troisième ordonnance a pour objet de transposer en droit national la directive MIF, qui modifie sensiblement l'architecture des marchés d'instruments financiers en substituant au principe de centralisation des ordres sur les marchés réglementés une logique de concurrence entre les bourses européennes. Tout en prévoyant une réglementation moindre, elle renforce la coopération entre les superviseurs européens en matière d'échange d'informations.

La dernière ordonnance concerne la rénovation du contrôle prudentiel des banques par le biais du dispositif « Bâle II », qui renforce la solidité et la stabilité du système bancaire, en définissant notamment un nouveau ratio de solvabilité bancaire.

Ce sont là des avancées réelles, que la commission des affaires économiques a approuvées.

L'article 8 propose de compléter la transposition de la directive communautaire du 15 décembre 2004, dite « directive Transparence », qui prévoit des règles minimales de transparence s'agissant de l'information que les sociétés cotées dans les États membres de l'Union européenne sont tenues de publier.

En effet, si la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie du 26 juillet 2005 en a transposé la plupart des dispositions, elle n'a pas défini le champ territorial des pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers – l'AMF – en matière de contrôle des franchissements de seuil. Or les grands acteurs économiques ignorent, bien évidemment, les frontières. Il nous est donc proposé de définir la compétence de l'AMF sur les franchissements de seuil sur la base de la règle de « l'État membre d'origine », ce qui permettra de soumettre aux obligations de déclaration les émetteurs ayant leur siège social en France, quel que soit le lieu de négociation de leurs titres au sein de l'Espace économique européen.

Par ailleurs, le Sénat a adopté un article additionnel après l'article 8, concernant la Commission des sanctions de l'AMF. Comme vous le savez, des professionnels siègent dans cet organe ; si elle offre des garanties indispensables d'expérience et de compétence, leur présence présente aussi des risques de conflits d'intérêts. C'est pourquoi il paraît utile, comme le propose l'article 8 bis, de permettre à une personne mise en cause de demander la récusation d'un membre de la Commission des sanctions de l'AMF, s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité. D'ailleurs, les trois ordres juridictionnels – administratif, civil et pénal – disposent déjà d'une procédure de récusation ; il semble donc naturel d'en prévoir une pour l'AMF.

L'article 9 tend à transposer les dispositions de l'article 5, relatives aux contrats d'assurance, de la directive du 13 décembre 2004, mettant en oeuvre le principe de non-différenciation entre femmes et hommes dans l'accès aux biens et services. Toute discrimination fondée sur la prise en compte du sexe comme élément de calcul des primes et prestations est interdite pour tous les nouveaux contrats conclus après le 21 décembre 2007. Cependant, des différences proportionnelles en matière de primes et de prestations pourront être fixées par arrêté du ministre chargé de l'économie et de celui chargé de la sécurité sociale, à condition que ces différenciations tarifaires – qui existent déjà pour certaines catégories de contrats d'assurance – soient fondées sur un risque actuariel et statistique. Ces dérogations devront intervenir avant le 21 décembre 2007.

L'article 10 vise à mettre en conformité les dispositions relatives aux pouvoirs reconnus à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes dans le domaine de la consommation avec le règlement communautaire du 27 octobre 2004 relatif à la coopération en matière de protection des consommateurs. Cet article étend ainsi le champ d'application des pouvoirs d'enquête de la DGCCRF à certaines dispositions du code de la consommation, mais également à d'autres textes, relatifs à l'exercice de l'activité d'agent immobilier, au commerce électronique et à la vente de voyages touristiques. Il accroît d'autre part les pouvoirs d'injonction et de saisine de l'autorité judiciaire de la DGCCRF.

Les membres de la commission des affaires économiques ont souligné le caractère utile et novateur de ces dispositions, qui permettront de renforcer la protection des consommateurs.

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