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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 29 avril 2009 à 15h00
Protection de la création sur internet — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche :

Quel n'a donc pas été mon étonnement lorsque j'ai lu, le 16 avril dernier, un article sur le congrès de l'industrie du disque à Montréal qui annonçait : « Les Canadiens sont les champions du monde du téléchargement » ? Moi qui pensais que c'étaient les Français ! Notre record n'en serait donc pas un ? Mon trouble n'a été que plus grand lorsque j'ai découvert que la SGAE, équivalent espagnol de la SACEM, a annoncé, lors du MIDEM 2008, que les Espagnols étaient – devinez quoi – les champions du monde du téléchargement !

Qui détient donc aujourd'hui ce record ? Faute de pouvoir trancher, nous savons au moins que le champion français des partis politiques en matière de piratage est incontestablement l'UMP, qui, nous venons de l'apprendre, devra verser 32 500 euros – et non pas l'euro symbolique qu'elle avait généreusement proposé – de dommages et intérêts à un groupe musical piraté lors d'un de ses meetings. (Applaudissements et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Nous l'avons dit et nous le répétons à l'occasion de cette nouvelle lecture : ce projet de loi est un pari perdu d'avance. On ne fait jamais de bonnes lois en dressant nos concitoyens les uns contre les autres, comme ce texte qui oppose les créateurs aux internautes, c'est-à-dire les artistes à leur public.

Ce texte est inutile à plusieurs titres : il est d'ores et déjà dépassé ; il est inefficace, car contournable ; il est risqué pour nos concitoyens tant il comporte d'aléas et d'incertitudes juridiques. Et, surtout, je le rappelle, il ne rapportera pas un euro de plus aux créateurs.

Pourtant, aujourd'hui encore, le Gouvernement ignore toute approche alternative qui pourrait être fondée sur la reconnaissance des échanges non lucratifs entre individus, en contrepartie du paiement d'une contribution forfaitaire par les abonnés au haut débit. Nous avons proposé l'instauration d'une contribution créatrice pour ouvrir un débat que vous avez aussitôt refermé.

Il est évidemment plus simple de se contenter d'affirmer – comme, le 22 avril dernier, le Président de la République trouvant à nouveau, dans son agenda, le temps de recevoir à l'Élysée quelques célébrités du monde artistique – que « le créateur était propriétaire de sa création », ce que personne ne conteste, et d'enfoncer ainsi des portes ouvertes afin de masquer la réalité d'un projet de loi qui met en place un dispositif répressif disproportionné.

Le participant à cette rencontre qui a rapporté ces propos n'a malheureusement pas révélé si, en cette occasion, l'épouse du chef de l'État avait confirmé les déclarations selon lesquelles elle a, en tant qu'artiste, « grand plaisir à être téléportée, grand plaisir à être copiée, grand plaisir à être piratée, car, au fond, quand on est piraté, c'est qu'on intéresse les gens ». (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Je voudrais d'ailleurs rendre hommage à la femme du chef de l'État, car, la semaine dernière, la publication d'une étude suédoise lui a donné raison, en démontrant que les personnes qui téléchargent gratuitement de la musique achètent dix fois plus de musique sur internet que les personnes qui ne téléchargent pas.

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