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Intervention de Pierre Gosnat

Réunion du 27 janvier 2009 à 21h30
Logement et lutte contre l'exclusion — Question préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Gosnat :

Madame la ministre, nous voici donc parvenus à la discussion du projet de loi dit « mobilisation pour le logement et lutte contre l'exclusion ». Ce n'est pas que nous commencions à désespérer, si ce n'est du plaisir de vous entendre, car nous aurions préféré que ce texte tombe dans les oubliettes parlementaires, où s'entassent force propositions de loi ou de résolutions jamais examinées, mais aussi nombre de projets adoptés mais orphelins de tout décret d'application.

Il aura fallu six mois, entre son passage en conseil des ministres, sa lecture mouvementée au Sénat, sa discussion en commission, pour que ce projet arrive dans notre hémicycle – délai étonnamment long, avouvez-le, pour un texte sur lequel le Gouvernement a déclaré l'urgence… Je n'ose imaginer, à l'heure où le Gouvernement ne cesse de clamer qu'il souhaite conférer davantage de pouvoir aux parlementaires, que cette procédure ait pour but inavoué de limiter le débat à une seule lecture dans les deux chambres. Ce serait tout à fait regrettable, vous en conviendrez.

Nous avons mis ce temps à profit pour travailler nos amendements ; il faut dire qu'il y avait matière à cela… J'espère que tous seront analysés sérieusement, sans blocage dogmatique, et que certains bénéficieront de votre soutien ou de celui de nos collègues de la majorité.

Certes, nous avons eu du temps, mais le calendrier qui nous a été imposé a fortement contrarié le travail parlementaire. Le budget 2009 a été voté en novembre dernier, avant le présent texte, alors que nombre de programmes sont intrinsèquement liés à la mise en oeuvre de cette loi. Cette anticipation apparaît d'une certaine manière comme une entorse à la démocratie, notamment pour ce qui touche au détournement du 1 % ou au fait que I'ANAH ait dû emprunter 70 millions auprès de l'Agence France Trésor pour financer ses programmes.

Ensuite est venu le plan de relance, et il semble, madame la ministre, que vous ayez été prise de court par le Président. Certes, vous commencez à être habituée – pas seulement vous, d'ailleurs –, car c'est monnaie courante sous l'omniprésidence sarkozyenne. Mais l'annonce de la construction de 30 000, puis de 100 000 logements, du doublement du prêt à taux zéro et du déblocage de 200 millions d'euros pour l'ANRU a mis sur la touche votre projet, ce qui justifie pleinement cette question préalable.

Les dispositions de ce texte ne sont pas à même de répondre efficacement à la situation de crise que connaît notre société dans le domaine du logement depuis des décennies. Ce constat d'échec est partagé par l'ensemble des associations qui, d'une voix unanime, rejettent votre projet. Vous pouvez lire dans Le Monde de ce soir un placard publicitaire qui s'adresse directement à tous les députés ; vous avez également pu entendre les manifestations qui se sont déroulées devant l'Assemblée nationale et prendre connaissance des centaines de milliers de pétitions signées partout dans le pays.

À cet égard, je tiens à réitérer mon soutien aux militants du DAL et aux Enfants de Don Quichotte victimes de violences policières et toujours objet de poursuites judiciaires. C'est tout simplement inacceptable ; il serait souhaitable, au moment où nous abordons cette discussion, que le Gouvernement fasse preuve d'indulgence et tende la main aux gens qui travaillent sur ces questions.

Non, madame Boutin, votre projet de loi n'est pas à la hauteur des enjeux. Je pense même qu'à bien des égards, la mise en oeuvre de cette loi ne ferait qu'aggraver la crise, ainsi que toutes les inégalités sociales, le logement étant l'un des éléments fondamentaux de ces inégalités.

Il y a urgence. Selon la Fondation Abbé Pierre, dont les chiffres ont été confirmés, il y aurait en France près de 100 000 SDF, plus d'un million de personnes privées de domicile personnel, et 2,2 millions vivant dans des conditions de logement très difficiles, dont la moitié sans sanitaires ou chauffage. Plus de 1,2 million de ménages sont en attente d'un logement social ; seulement 430 000 y ont eu accès l'an passé. Telle est la réalité des chiffres, lesquels traduisent imparfaitement celle que nous côtoyons dans nos permanences et que vivent toutes ces familles, ces jeunes confrontés à la pénurie de logements ou à l'habitat indigne et qui ne peuvent mener une vie sereine tant ce problème gâche leur existence.

Comment les élus locaux, à qui vous renvoyez ces difficultés, peuvent-ils faire face à cet afflux de demandes, alors que nous ne cessons de travailler à la construction sociale dans nos collectivités ? Faut-il renvoyer la résolution du problème au DALO, dont nous connaissons les limites, qui viennent d'être rappelées par Jean-Yves Le Bouillonnec ? Ne faut-il pas reconnaître cette réalité dramatique, afin de se donner les moyens d'y porter remède, plutôt que de se complaire dans l'autosatisfaction, dont témoignait encore votre introduction, madame la ministre, lorsque vous avez cherché à justifier le désengagement massif de l'État en réalité consacré par ce projet de loi ?

Certes, « l'indifférence est sans doute la pire des choses lorsque l'on parle de souffrance », avez-vous déclaré – J'ai de bonnes lectures : c'étaient des propos publiés dans L'Humanité, en novembre 2007.

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