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Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Réunion du 27 janvier 2009 à 21h30
Logement et lutte contre l'exclusion — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec :

Monsieur le président, madame la ministre du logement, messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous nous rejoignons tous sur l'urgence à résoudre la très grave crise du logement et de l'hébergement qui sévit dans notre pays depuis trop d'années, une crise qui brise les familles, qui casse la vie de bien trop de femmes et d'hommes pour ne pas constituer un scandale, qui prive des enfants d'un confort de vie compatible avec la promesse d'avenir que nous leur devons.

Nous ressentons et nous partageons peut-être tous ici la souffrance de nombre de nos compatriotes privés de ce droit élémentaire et vital : avoir un toit, un logement décent où ils pourraient s'épanouir, s'investir dans tous leurs projets de vie. Élus de terrain, acteurs locaux proches de la réalité du quotidien des Français, nous savons bien ce que vivent ces familles. Nous voulons que cela change ; nous voulons évidemment agir vraiment, et vite.

Oui, madame la ministre, la situation est grave et l'urgence s'impose à nous. Mais ce n'est pas en attachant à votre loi l'attribut de la procédure d'urgence que vous allez combler les carences et les lacunes que connaît l'action de l'État. D'autant que cela fait déjà cinq mois que l'urgence a été déclarée… Reconnaissez-le, madame la ministre, au-delà des avatars de l'ordre du jour parlementaire, les apparences sont bien contraires aux prétentions du Gouvernement !

Oui, madame la ministre, autant vous le dire franchement, en mémoire de tous les combats menés dans cet hémicycle depuis 2002, et dans lesquels, je l'ai toujours souligné, vous avez tenu votre place, souvent en vous démarquant courageusement de votre groupe : nous sommes profondément déçus.

Nous avons toujours dit qu'il n'y avait pas besoin d'une nouvelle loi, qu'il fallait s'atteler à appliquer toutes celles que nous avions adoptées ces dernières années, et surtout mobiliser les moyens financiers de l'État et tous les acteurs afin d'apporter une réponse pertinente et efficace aux attentes de nos compatriotes.

Madame la ministre, vous-même avez tenu ce discours à votre arrivée aux responsabilités et dans les mois qui ont suivi. Et, je le crois, vous étiez sincère. Seulement voilà, l'action de l'État pour le logement, c'est d'abord la lutte pour ses financements. C'est une vraie bataille, je le reconnais, dure au moment des arbitrages. Tous les ministres du logement qui vous ont précédée l'ont menée avec plus ou moins de résultats, plus ou moins d'efficacité.

Le sentiment, partagé par tous les acteurs du logement, c'est que vous avez perdu cette bataille. Les plus sévères, parmi lesquels je me range, disent que vous n'avez même pas daigné la mener, et que vous avez abandonné un combat pour lequel vous auriez obtenu toutes les mobilisations et tous les soutiens, y compris le nôtre. D'une certaine manière, cette loi est donc votre porte de sortie. Mais comment, dans ces conditions, mobiliser pour le logement ?

Quant à lutter contre l'exclusion, bienheureux est le droit d'amendement qui donne aujourd'hui à notre collègue Etienne Pinte et à nombre d'entre nous, sur tous les bancs de l'hémicycle, la possibilité de puiser dans les remarquables conclusions de son rapport, pour faire adopter par le Parlement des mesures relatives à l'hébergement d'urgence, auxquelles vous n'aviez manifestement attaché ni intérêt ni importance !

Certes, le logement est un domaine de compétence éclatée, impliquant de nombreux acteurs, de nombreuses interventions – comme l'urbanisme ou la maîtrise foncière –, de nombreux dispositifs et de nombreux financements, souvent croisés. Difficile à appréhender dans sa globalité, il l'est encore plus avec des mécanismes marchands qui restent prégnants sur les politiques locales de l'habitat – hausse des prix, des coûts de construction…

Mais je veux rappeler ici, solennellement, que l'État, dans la plénitude de ses compétences régaliennes, est garant du droit au logement et qu'à ce titre, la mise en oeuvre de ce droit relève de sa totale responsabilité.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel – rappelons-la, puisque nous sommes dans le cadre d'une exception d'irrecevabilité – a souligné, par une décision du 19 janvier 1995, que la possibilité de disposer d'un logement décent, besoin aussi vital que de disposer d'une nourriture suffisante, a été élevée au rang d'objectif à valeur constitutionnelle. Cette décision protectrice du droit au logement fonde l'action du Gouvernement, elle l'oblige même, en orientant par ailleurs le travail législatif. Dans son considérant n° 8, le Conseil rappellait : « Il incombe tant au législateur qu'au Gouvernement de déterminer, conformément à leurs compétences respectives, les modalités de mise en oeuvre ».

Ce cadre constitutionnel nous contraint tous ici, dans cet hémicycle, membres du Gouvernement et députés de la majorité comme de l'opposition. Et je veux démontrer pourquoi et en quoi le projet de loi ne respecte pas ce cadre constitutionnel. Il exprime un recul sans précédent, une casse de tous les instruments mis en place au fil du temps.

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