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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 21 juillet 2009 à 9h30
Protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche :

Nous sommes donc amenés, aujourd'hui, à discuter d'un projet de loi pénal. Nous voyons, à cet égard, un certain paradoxe dans le fait qu'HADOPI 1, qui était présenté – abusivement, de notre point de vue – comme un texte pédagogique, ait été examiné au fond par la commission des lois de l'Assemblée nationale, alors que le texte HADOPI 2, qui n'est rien d'autre qu'un texte répressif, ne l'ait pas été.

Pensez-vous, ainsi, que l'extension du champ des ordonnances pénales n'intéresse pas les commissaires aux lois ou, au contraire, avez-vous craint que cela ait pu trop les intéresser ?

Que nous présente, en effet, le Gouvernement sinon un projet de loi qui fait semblant – oui, semblant – de prendre acte de la décision du Conseil constitutionnel pour mieux la contourner, comme l'ont d'ailleurs révélé les récents débats au Conseil d'État, tout en donnant maladroitement des gages aux ayants droit, ceux-ci étant inquiets du temps que pourra prendre cette prise de sanction, en leur « vendant » la procédure accélérée de l'ordonnance pénale. En un mot, une justice expéditive.

C'est peu dire, madame la garde des sceaux, que nous souhaiterions, au cours de ces débats, vous entendre plus globalement sur les choix de politique pénale que ce texte vous contraint de faire.

Comment, concrètement, cela va-t-il se passer si cette loi est promulguée ? Il nous a semblé utile, pour éclairer nos débats, de rappeler les principales étapes de la procédure, ne serait-ce que pour démontrer la logique absurde qui vous anime.

Tout d'abord, il est nécessaire qu'un téléchargement soit opéré et repéré comme étant un téléchargement illégal. Il est utile de l'avoir à l'esprit, car cela se situe en amont de la décision judiciaire.

Lors de la discussion sur HADOPI 1, nous avions, à de nombreuses reprises, interrogé le Gouvernement sur la manière dont cela allait se passer. Nous n'avions alors jamais obtenu de réponse. Et puis, en lisant les observations du Gouvernement sur notre recours devant le Conseil constitutionnel, nous avons découvert la façon, je cite, « dont seront relevés les indices d'un manquement à la procédure conduisant à l'identification de l'abonné ». Ainsi, je cite toujours, « les ayants droit vont constituer une base de données numériques d'environ 10 000 phonogrammes et 1 000 films différents. Un prestataire choisi par les ayants droit procédera ensuite à l'interrogation des réseaux pair à pair connus pour abriter de l'échange illégal : l'interrogation prendra la forme d'une requête pour un contenu donné. Lorsque l'adresse IP d'un abonné sera signalée comme ayant répondu à une demande de partage de ce fichier, il sera ainsi repéré ».

Il est donc à noter ici, monsieur le ministre de la culture, que seul le téléchargement de certaines oeuvres – 10 000 phonogrammes et 1 000 films différents – sera surveillé, créant une étonnante discrimination entre artistes. Vous prétendez défendre tous les artistes. Votre projet de loi n'en défend que certains. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Les ayants droit transmettront alors – je continue, mes chers collègues, de décrire la procédure, elle est éclairante, pour que vous sachiez ce que vous allez voter – les relevés d'incidents à l'HADOPI avec l'adresse IP repérée sur le Net. L'HADOPI interrogera les FAI pour savoir si cette adresse IP correspond à l'un de leurs abonnés, les FAI transmettront à l'HADOPI les coordonnées de l'abonné.

C'est à ce moment-là seulement que l'HADOPI transmettra son premier mail d'avertissement à l'internaute pour l'informer qu'il a téléchargé un contenu illégal sur le net, ou si ce n'est lui, en tout cas que cela s'est fait à partir de son adresse IP. Mail d'avertissement dont on ne sait s'il parviendra à son destinataire dans la mesure où il sera envoyé sur l'adresse donnée par le fournisseur d'accès. Si par chance il le reçoit, il ne pourra, de toute façon, à ce stade, contester la mise en cause qu'il contiendra.

Si la même adresse IP est à nouveau signalée à l' HADOPI par un nouveau rapport dit « d'incidents », la Haute Autorité enverra à l'abonné une recommandation qui, selon l'article 1er ter du projet de loi actuel, devra comprendre une information sur les sanctions prévues par HADOPI 2.

Si la même adresse IP est à nouveau repérée comme ayant permis le téléchargement de l'oeuvre d'un artiste qui a le privilège d'être protégé, les agents assermentés de l'HADOPI constitueront un dossier à destination du parquet.

En ce qui concerne les agents assermentés, nous dénonçons le fait que, dans l'article 1er bis, vous modifiiez HADOPI 1 qui a été promulguée il y a tout juste un mois en faisant disparaître les garanties de moralité et de déontologie de ces agents qui devaient être définies par décret en Conseil d'État,…

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