Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Frédéric Reiss

Réunion du 15 novembre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Enseignement scolaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Reiss, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales :

La petite embellie dans le primaire – plus 700 postes – ne masque pas les 1 500 emplois non remplacés dans le secondaire, les 1 700 postes supprimés par la résorption des surnombres disciplinaires ou les 3 500 postes correspondant à l'utilisation des heures supplémentaires. L'enseignement privé paie son écot même si, comme l'a fait remarquer Yves Censi, dans son rapport, la baisse démographique ne peut être invoquée.

La revalorisation du métier d'enseignant passe par une augmentation de leur pouvoir d'achat : une provision d'un montant de 54,25 millions est prévue à cet effet ; 125 000 heures supplémentaires année et 1 200 000 heures supplémentaires effectives seront créées et vont coûter 130 millions d'euros. Elles seront défiscalisées conformément à la loi du 21 août 2007.

Les dispositifs innovants prévus par la loi du 23 avril 2005, dont j'étais le rapporteur, sont financés dans ce projet de budget : généralisation des projets personnalisés de réussite éducative pour les élèves en difficulté, création de 300 postes d'infirmière, création de 200 unités pédagogiques d'intégration dans le second degré. L'accompagnement éducatif de deux heures après les cours est à noter aussi, et c'est déjà le cas dans les collèges de l'éducation prioritaire depuis la rentrée 2007.

Le nombre d'enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire a plus que doublé en cinq ans et les moyens consacrés à cette grande politique républicaine ne cessent d'être augmentés : 142 millions d'euros sur le programme « Vie de l'élève » permettent de financer les auxiliaires de vie scolaire ; 100 millions d'euros sont prévus pour les accompagnements individualisés et 38 millions d'euros pour les accompagnements collectifs, sachant que leur formation est prévue pour 4,6 millions d'euros ; 2 700 postes d'auxiliaire de vie scolaire supplémentaires ont été créés à la rentrée 2007.

J'en viens maintenant au coeur de mon rapport consacré aux conseillers d'orientation psychologues. Il peut paraître incongru de se focaliser sur un corps de personnels qui ne mobilise que 270 millions d'euros : rapportés aux 59 milliards des crédits de l'enseignement scolaire, cela ne représente que 0,5 %. Si les COP ne sont pas nombreux – 4 308 dont 521 directeurs – dans les 578 centres d'information et d'orientation, ce sont des acteurs clairement identifiés qui jouent un rôle clé dans le système éducatif.

Le choix du thème d'approfondissement de mon rapport s'inscrit aussi dans la perspective d'un grand service public de l'orientation voulu par le Président de la République. Le Premier ministre, dans sa lettre de mission au délégué interministériel à l'orientation a rappelé les objectifs prioritaires du Gouvernement : « Conduire les jeunes à un haut niveau de qualification et assurer leur insertion professionnelle ».

L'élaboration d'un « projet d'orientation scolaire et professionnelle » avec les parents, les enseignants, les personnels d'orientation et les autres professionnels compétents est d'ailleurs actée dans la loi Fillon.

Que savons-nous du travail des COP ? Ils interviennent dans les CIO et exercent principalement en classes de sixième, troisième, seconde et terminale. Depuis la rentrée 2007, ils assistent les professeurs principaux des classes de première pour des entretiens d'orientation.

Lors de mes auditions, je me suis rendu compte de la qualité de leur travail et des différentes facettes de leur métier. J'ai découvert l'activité remarquable qu'ils mènent au sein de sections spécialisées auprès d'enfants en maison d'arrêt, en liaison avec la protection judiciaire de la jeunesse ou les juges pour enfants. Les conseillers d'orientation psychologues font également partie de l'équipe de suivi qui détermine le projet personnel de scolarisation des enfants handicapés.

Alors pourquoi ce mal-être ? Les conseillers d'orientation psychologues se sentent délaissés par l'administration. Ils sont certes sous l'autorité de l'inspecteur d'académie, mais n'ont pas de statut propre et les directeurs n'ont qu'une relative autorité de fonctionnement. Fonctionnaires de catégorie A, ils sont assimilés à des professeurs certifiés mais ne bénéficient pas de la hors classe. De plus, un empilement de circulaires définit mal leurs soixante-douze missions prioritaires.

Pour l'évaluation de leur travail, on dispose d'une estimation chiffrée de leurs activités grâce au bilan d'activités des CIO mais, malheureusement, d'aucun indicateur de performance.

Il y a en moyenne un conseiller d'orientation psychologue pour 427 élèves, disséminés dans deux ou trois collèges ou lycées. Plusieurs d'entre eux m'ont exprimé leur opposition à une logique de placement des élèves dans les bassins d'emploi. Ils ne veulent pas être des « adéquationnistes » et tiennent à leur licence de psychologie, indispensable à leurs yeux pour conduire des auditions avec des élèves en difficulté. Pourtant plusieurs de mes interlocuteurs pensent que si conseiller d'orientation est un métier, psychologue en est un autre ! Et je partage ce point de vue.

Selon les projections de l'Association des conseillers d'orientation psychologues de France, fondées sur les tendances constatées aujourd'hui en termes de recrutement, la moitié des effectifs aura disparu en 2013. Ce corps, marqué par un fort taux de féminisation – 79 % – , se caractérise en effet par un vieillissement certain, la moitié des personnels ayant plus de cinquante ans.

Généralement, les conseillers d'orientation psychologues ont une bonne connaissance des métiers. Alors pourquoi sont-ils mal aimés ? Pourquoi sont-ils les boucs émissaires des dysfonctionnements de l'orientation ? Le processus d'orientation comprend trois étapes – le conseil en orientation, la décision d'orientation du conseil de classe, l'affectation – et c'est souvent lorsque l'affectation n'est pas conforme à leurs souhaits que les familles estiment que leur enfant a été mal orienté et qu'elles mettent en cause la responsabilité du conseiller d'orientation psychologue, incriminé à tort. C'est évidemment regrettable, d'autant que cela a pour conséquence perverse le développement d'officines qui proposent du coaching en orientation, business plutôt lucratif jouant sur l'inquiétude légitime des parents qui pensent s'adresser à des professionnels. Où est alors l'égalité des chances ?

Certes, la baisse du nombre de conseillers d'orientation psychologues n'explique pas tout, mais il faut bien reconnaître que les cinquante-cinq postes créés en 2007 n'ont pas compensé les départs à la retraite.

Avec un diplôme en guise de talisman, les conseillers d'orientation psychologues ne sont jamais là où on les attend. Ce qui m'amène à évoquer leur service hebdomadaire. Lors de la mise en oeuvre de la loi sur les 35 heures, les négociations avec les syndicats ont abouti à la définition d'un service hebdomadaire de 27 h 30 incluant les temps de déplacement et de présence aux conseils de classe, et ce pour trente-neuf semaines, comme pour tout enseignant.

Monsieur le ministre, tout doit être mis en oeuvre pour mettre fin à l'orientation par l'échec voire à l'échec de l'orientation. Car 150 000 élèves qui sortent du système scolaire sans qualification et 90 000 étudiants qui se retrouvent en échec à l'université, c'est trop, c'est même beaucoup trop !

Aussi souhaiterai-je vous faire quatre propositions relatives aux conseillers d'orientation psychologues et vous livrer deux réflexions plus générales.

Premièrement, la licence de psychologie ne doit plus être le préalable du recrutement. Le concours externe de recrutement des conseillers d'orientation doit être ouvert aux titulaires d'une licence en psychologie comme aux titulaires de toute autre licence de l'enseignement supérieur. Le concours interne doit être ouvert aux fonctionnaires de catégorie A des trois fonctions publiques. De même, un concours similaire à la troisième voie de l'ENA doit être ouvert aux candidats ayant dix ans d'expérience professionnelle.

Deuxièmement, les futurs conseillers, après avoir accompli avec succès une période probatoire d'un an, devront être affectés à un collège ou un lycée où ils seront placés sous l'autorité du chef d'établissement. Ainsi disparaîtrait la nébuleuse qui entourait le service des conseillers d'orientation psychologues. Dans cette perspective, il faudrait évidemment veiller à leur nécessaire formation continue.

Troisièmement, conformément aux recommandations contenues dans le schéma national de l'orientation et de l'insertion professionnelle de mars 2007, le métier des futurs conseillers d'orientation doit être centré sur la « mission de faire connaître le monde économique, les entreprises, les formations et leurs possibilités d'insertion professionnelle ».

Quatrièmement, les centres d'information et d'orientation – les CIO – doivent être rattachés aux régions : une phase d'expérimentation pourrait être conduite dans deux ou trois d'entre elles, dans la logique des compétences qui leur sont dévolues en matière de formation professionnelle. Une véritable synergie devrait s'établir entre les permanences d'accueil, d'information et d'orientation, les missions locales et ces CIO « nouvelle génération », qui devront avoir pignon sur rue pour devenir des lieux de rencontre accueillants.

Plus généralement, s'agissant du processus d'orientation, je propose que les enseignants participent à l'orientation tout au long de leur carrière. Aujourd'hui, 650 millions d'euros sont consacrés à l'indemnité de suivi d'orientation – l'ISO –, versée mécaniquement aux enseignants du second degré. Il ne s'agit pas de la supprimer, mais d'en proposer une gestion plus dynamique en la transformant en indemnité au mérite correspondant à un travail d'orientation effectif. Il faut savoir en effet que certains enseignants bénéficiant de cette indemnité ne connaissent même pas l'existence des espaces d'orientation « Kiosque » au sein des CDI des collèges !

Je propose d'autre part que les filières technologiques et professionnelles soient valorisées. Je crois à l'excellence du travail de la main comme je crois à l'efficience de l'enseignement par alternance. Aujourd'hui, un jeune voulant se lancer dans une voie technologique ou professionnelle subit des pressions du système si jamais il a des aptitudes pour suivre des études longues. Il faut respecter son choix car il va contribuer à donner à ces filières leurs lettres de noblesse. Dans le même temps, il importe de développer un système de passerelles entre les différentes filières afin de permettre des réorientations à tout moment.

Dernière réflexion : je suis persuadé que l'école doit offrir à certains jeunes la possibilité d'une alternance dès l'âge de quatorze ans. Il y a bien des classes comprenant trois ou six heures de découverte des métiers, je m'en réjouis, mais c'est probablement insuffisant. L'« apprentissage junior » a vécu et je souhaiterais qu'un dispositif similaire sous statut scolaire soit mis au point.

Monsieur le ministre, vous le savez mieux que quiconque : il n'y a pas d'éducation sans savoir, il n'y a pas d'éducation sans effort …

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion