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Intervention de Pierre Morel-A-L'Huissier

Réunion du 3 juin 2009 à 21h30
Faciliter le maintien et la création d'emplois — Article 9

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morel-A-L'Huissier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, je voudrais revenir très rapidement sur l'atmosphère globale qui entoure le télétravail, notamment sur les définitions du télétravail ainsi que sur les blocages que nous avons connus dans notre pays en la matière.

Les choses sérieuses concernant le télétravail débutent dans les années soixante-dix. Le premier choc pétrolier obligeant au pragmatisme en matière de dépenses énergétiques, la question des économies d'énergies devient alors un enjeu d'importance. C'est ainsi que Jack Nilles, chercheur à l'université de Californie du Sud, se penche sur le teleworking, avec l'objectif de réduire les déplacements des salariés. Soutenu par le développement de l'informatique et des télécommunications, son projet est mis en oeuvre par une grande compagnie d'assurance américaine. De cette époque datent les mots teleworking et telecommuting, traduits en français par les termes « télétravail » et « travail télépendulaire ».

En France, il faut attendre le début des années quatre-vingt-dix pour que le télétravail entre dans le vocabulaire courant. On dénombre à l'époque une centaine de définitions différentes, comme le note Anne Daubrée dans Travail et nouvelles technologies. Dix ans plus tard, en 2003, les avantages et les inconvénients du télétravail sont loin d'être identifiés, d'autant que le mot est entre-temps devenu, en France, tabou et synonyme d'échec. Cette résistance à l'idée de télétravail a longtemps bloqué, dans notre pays, l'ébauche d'une réflexion avancée sur les nouvelles organisations du travail et l'émergence des technologies de l'information et de la communication.

Je voudrais revenir très rapidement sur l'évolution des définitions du télétravail ainsi que sur les raisons de l'échec de ce concept dans notre pays. Une première définition du télétravail est proposée en 1973 et le désigne comme « toute forme de substitution, par l'usage des TIC, aux déplacements normaux liés au travail ». Vingt ans plus tard, la DATAR précise que « le télétravail concerne toute activité tertiaire dont le traitement s'effectue à distance des utilisateurs dans des lieux structurés de façon industrielle et dont la vocation est d'utiliser les moyens de communications électroniques ». En 2002, on définit le télétravail comme « une activité professionnelle exercée hors de l'entreprise grâce à une activité télématique ». Nous pourrions, à l'envi, multiplier les exemples. Je voudrais simplement vous faire toucher du doigt que trois composantes sont systématiquement retenues : l'usage des TIC, l'organisation du travail et la dimension spatiale.

Parmi les raisons de l'échec du télétravail dans notre pays, on peut citer : l'usage, plus marqué que dans d'autres pays, du Minitel, qui a retardé l'appropriation des nouvelles TIC ; la résistance aux changements d'habitudes, notamment en termes de management induit par l'apparition des TIC ; une réticence syndicale avérée, notamment de la part de la CGT ; une perception négative de ce mode de travail trop souvent assimilé au travail à plein-temps à domicile ; une certaine méfiance envers l'apparition de salariés dont l'activité s'exerce pour partie en dehors de l'entreprise – 15 % des entreprises récemment consultées affirmaient encore qu'il s'agit d'un problème essentiel qu'elles devront traiter dans les années à venir – ; l'absence de véritables aides gouvernementales au développement du télétravail ; le déficit en équipements et en réseaux.

Afin de bien fixer les termes du débat, je tiens à donner quelques chiffres : 15 % des foyers étaient équipés d'un ordinateur en 1995, 33 % en 2001, 53 % en 2007 – contre 67 % aux Pays Bas. Le nombre de particuliers abonnés à Internet s'élevait à 8 % de la population en 2000, à 18 % en 2001, à 37 % en 2007. Quant à la téléphonie mobile, 60 % de la population y était abonnée en 2005, pour 80 % aujourd'hui.

Ces quelques observations permettent de camper le sujet et de mettre un terme à une certaine inculture française sur le télétravail. Chacun s'accorde enfin à reconnaître aujourd'hui les avantages du télétravail en termes de rapport qualité-coût du travail, d'environnement, de qualité de vie, de conservation de l'espace ou de management. Aussi souhaiterais-je que nos débats, loin de galvauder le mot « télétravail », permettent d'aborder tous les points qui ont fait l'objet d'un accord entre partenaires sociaux, à savoir la définition du télétravail et du télétravailleur, le volontariat, l'équipement de travail, la santé et la sécurité, l'organisation du travail, la réversibilité, les conditions d'emploi, la protection des données, la vie privée, la formation et les droits collectifs.

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