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Intervention de Manuel Aeschlimann

Réunion du 17 juillet 2007 à 15h00
Lutte contre la récidive — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaManuel Aeschlimann :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte était très attendu par nos concitoyens. Il était l'un des engagements de campagne du Président de la République. Et si Nicolas Sarkozy s'est ainsi engagé fortement à lutter contre la récidive, c'est parce qu'en homme efficace et concret, il a pu constater jour après jour la lourde et gravissime carence de la réglementation applicable en la matière.

L'insécurité était, l'on s'en souvient, le thème majeur de la campagne présidentielle de 2002. Dans ses fonctions de ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy a su apporter rapidement de vraies réponses, pragmatiques et réalistes, à ce fléau qui touche tous nos concitoyens. II a su redonner confiance à la police en lui donnant les moyens d'agir. Mais ces moyens accrus et la bonne utilisation qui en a été faite ont démontré que le problème de l'insécurité comportait de multiples facettes et que la lutte contre ce phénomène devait être permanente et évolutive.

Il est vrai que l'insécurité demeure une réalité. La récidive en est l'une des causes les plus insupportables. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : entre 2000 et 2005, les condamnations en récidive ont augmenté de 70 % pour les crimes et délits et de 145 % pour les délits violents. Par ailleurs, 30 % des mineurs condamnés récidivent dans les cinq années qui suivent. Il convient d'ajouter à cela le « chiffre noir » de la délinquance des mineurs ignorée des forces de police et de gendarmerie.

Il est grand temps de stopper cet engrenage de la violence et de mettre un terme à ces « noyaux suractifs de délinquance » – pour reprendre l'expression du sociologue Sébastian Roché –, au sein desquels 5 % des jeunes commettent plus de 50 % des infractions. Nous avons une obligation de résultat, l'obligation de faire cesser la banalisation de la violence.

Qu'est-ce en effet que la récidive, sinon la banalisation d'un comportement grave et dangereux ? Aujourd'hui, des citoyens sont assassinés pour avoir soutenu un regard, refusé de donner une cigarette ou simplement avoir été au mauvais endroit au mauvais moment. La violence gratuite côtoie désormais la violence acquisitive – les vols avec violence –, la violence prédatrice – les conflits entre bandes – et la violence « protomafieuse » – les assassinats de dealers concurrents. La violence accompagne quasi-systématiquement le vol à la dépouille, les comportements agressifs anti-institutionnels et les conflits entre bandes rivales. Elle est devenue totalement disproportionnée avec les faits ou l'attitude qui la motivent. Selon Lucienne Bui-Trong, ancienne responsable de la section « Villes et banlieues » à la direction centrale des renseignements généraux, on voit maintenant des enfants, des personnes âgées ou des infirmes être attaqués, ou encore des groupes agresser un individu seul. C'est le retour de la violence non régulée et de la cruauté. La récidive procure aux délinquants un véritable sentiment d'impunité. C'est d'ailleurs au sein des zones urbaines sensibles et des banlieues que cet état de fait est le plus symptomatique. Tous les jours, la population manifeste son exaspération, mais elle préfère souvent adopter une stratégie de délitement face à l'incapacité des autorités à apporter une réponse appropriée. Or n'est-ce pas le devoir de la justice que de protéger en priorité les plus faibles ? Les forces de police elles-mêmes sont démoralisées : pourquoi arrêter aujourd'hui un délinquant qui sera relâché demain ?

Notre vocabulaire porte la trace de cette dépréciation de la justice, les « incivilités » ayant remplacé les petits « délits ». Il faut d'ailleurs se garder d'user de dévaluations sémantiques pour masquer une réalité bien sombre ; il n'y a pas de petite délinquance, mais de l'insécurité tout court.

Certains jugeront que ce projet de loi est une énième réforme pénale dont les dispositions ne produiront pas les effets escomptés. Ils se trompent. En effet, aucun des textes précédents ne s'est attaqué à la récidive avec cette ambition et cette audace. Par sa fermeté, son équilibre et ses objectifs clairement affichés, cette nouvelle loi amènera le délinquant à intérioriser la sanction pénale, ce qui est le meilleur outil de dissuasion et de prévention. Désormais, le récidiviste saura précisément ce qu'il encourt.

Avec ce projet, vous avez su, madame la ministre, concilier la répression et la prévention, notamment à l'égard des mineurs. Vous êtes sortie de la posture ubuesque qui a trop longtemps conduit certains à vouloir éduquer sans sanctionner et d'autres à vouloir sanctionner sans éduquer. Partant du constat que les fonctions rétributive et intimidante de la peine ne jouent plus, vous avez réaffirmé clairement le principe de l'emprisonnement, tout en respectant les grands principes de l'ordonnance de 1945.

L'objet de ce texte recoupe cependant un autre enjeu de la politique pénale, aussi important sans doute : celui de l'effectivité des peines. J'attire donc votre attention sur l'attente de nos concitoyens en la matière : une peine non exécutée contribue très largement à accroître le sentiment d'impunité. Là encore, madame la ministre, je suis convaincu que vous saurez allier fermeté et justice pour que ce texte reçoive dans les faits une application large et efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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