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Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 28 avril 2009 à 21h45
Simplification du droit — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, je me livrerai à quatre observations pour étayer mon argumentation.

La première est d'ordre général. La simplification du droit est effectivement un exercice intéressant auquel nous souscrivons tous. Cependant, cette proposition de loi ne présente pas toutes les qualités requises. En technique législative, un cavalier est un amendement qui n'a strictement rien à voir avec le texte principal. Or, la lecture de cette proposition touffue nous donne l'impression que celle-ci n'est composée que de cavaliers. Elle comporte en effet 141 articles qui n'ont aucun rapport entre eux. Vous êtes ainsi promu, monsieur le rapporteur, à la tête d'un escadron de cavaliers, mais vous avez été obligé de recruter une partie d'entre eux au Sénat alors que vous n'en souhaitiez pas vraiment la présence. En effet, le chef d'escadron n'est pas toujours le sergent recruteur et doit supporter des cavaliers parfois indisciplinés dont la présence est difficile à justifier !

Le plus important de ces cavaliers est celui qui figure à l'article 65 octies, à savoir le report d'un an de l'entrée en vigueur de la collégialité de l'instruction, décidée à la suite du fiasco d'Outreau et instaurée par la loi du 5 mars 2007, qui devait intervenir le 1er janvier 2010. En application de cette loi, devaient être décidés par le collège des juges d'instruction : la mise en examen, l'attribution du statut de témoin assisté, la saisine du juge de la liberté et des détentions pour une mise en détention, la mise en liberté d'office, le renvoi devant le tribunal, l'ordonnance de non-lieu ou le renvoi devant la cour d'assises. C'est à ce titre d'ailleurs que, pendant la période intermédiaire, on a créé les pôles de l'instruction et c'est en application de ces derniers qu'a été modifiée, dans la douleur, la carte judiciaire. Et curieusement, par un amendement au Sénat, on décide de repousser d'une année l'application de cette disposition votée en 2007 et prévoyant une période intermédiaire de trois ans. Cette période intermédiaire n'a pas été mise à profit pour se donner les moyens de mettre en oeuvre une réforme que tout le monde jugeait pourtant absolument nécessaire à l'époque.

Il faut dire que entre temps, le 7 janvier 2009, lors de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, le Président de la République a expliqué qu'il était favorable à la suppression du juge d'instruction. Sur une simple injonction présidentielle, on suspend donc l'application d'une loi au motif, nous dit-on, que la chancellerie ne serait pas prête.

J'ajoute que le Sénat a modifié cet article qui prévoyait à l'origine un report sans date de cette réforme votée à l'unanimité. Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'État, que le groupe SRC ne puisse voter ce texte, ne serait-ce que parce qu'il comporte une telle disposition.

Vous comprendrez que le groupe SRC ne vote pas un texte qui comporte une telle disposition.

Hélas ! Ce n'est pas la seule que nous réprouvions. Certaines vous exposent même à la censure du Conseil constitutionnel. Le texte comporte en effet de nombreux cavaliers qui contredisent l'ambition affichée de la réforme de la Constitution, qui était de revaloriser le rôle du Parlement. L'article 28 quater autorise le Gouvernement à modifier les parties législatives et réglementaires du code rural et forestier, lui donnant ainsi l'occasion de créer des organisations de producteurs nationaux, en lieu et place des producteurs régionaux. L'article 28 terdecies modifie le code rural et le code de la sécurité sociale en ce qui concerne les relations avec l'inspection du travail. L'article 33 ter prévoit la modification par ordonnance des règles budgétaires applicables au régime des régions et des syndicats mixtes, et l'article 36, celle des structures administratives dans le secteur agricole. Il cause à ce titre une vive inquiétude au sein des organisations de producteurs, dont s'est émue une de nos collègues élue des Côtes d'Armor. Parce que ces dispositions visent à autoriser la modification par ordonnance des textes relevant de la compétence législative, elles encourent à notre sens la censure du Conseil constitutionnel.

En troisième lieu, le texte contient des décisions inopportunes. Il prévoit notamment que la réception et l'instruction du dossier de demande de naturalisation par mariage incomberont non plus aux tribunaux d'instance mais aux préfectures. De ce fait, on peut craindre certaines disparités dans leur traitement, ce qui ne simplifiera pas le droit. Dans la plupart des cas, en effet, il faudra demander un certificat de nationalité du fait du mariage, qui reste délivré par le tribunal d'instance. De même, l'article 15 bis supprime la transmission des rapports économiques à l'inspection du travail, dont le rôle se trouve ainsi amoindri. L'article 15 octies applique à la SNCF des dispositions du code du travail, ignorant des décrets datant des années soixante. Enfin, l'article 14 quinquies exclut les déménageurs de la réglementation sur les transports. Pourtant, le rapporteur de la commission des lois nous a expliqué que cette mesure risque de soustraire la totalité des entreprises de déménagement à la réglementation du transport, ce qui n'est pas une bonne idée. Sans doute l'auteur de cette disposition adoptée par le Sénat n'en a-t-il pas mesuré les conséquences.

Cependant, dans un souci de rapidité, vous avez décidé que ce texte devait être voté conforme, quitte à y revenir par la suite. Si de telles pratiques peuvent se justifier quand on veut en finir avec un texte, elles ne concourront pas à la simplification de la loi, puisque, de l'aveu du rapporteur lui-même, il contient des mesures insatisfaisantes.

J'en viens à ma quatrième remarque. À l'évidence, certains articles du texte, sans être mauvais pour autant, ne visent en rien à simplifier le droit. Il en va ainsi de l'article 54 ter, qui modifie les règles de la police intercommunale, de l'article 28 duodecies, qui offre la possibilité aux débitants de tabac d'exploiter leur commerce sous forme de société en nom collectif, ou encore de l'article 28 octies qui adjoint au Conseil national des barreaux deux membres de droit, le président de la conférence des bâtonniers et le bâtonnier de Paris.

Nous voterons par conséquent contre ce texte qui modifie une disposition de procédure pénale adoptée à l'unanimité par l'Assemblée, qui porte atteinte aux droits du Parlement en transférant au Gouvernement la possibilité d'intervenir par ordonnance dans les matières législatives, et contient enfin des dispositions critiquables. J'ajoute que la méthode qui consiste à présenter comme une simplification du droit des mesures qui visent en fait à le modifier n'a rien de satisfaisant.

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