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Intervention de Daniel Boisserie

Réunion du 11 décembre 2007 à 21h30
Tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Boisserie :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il me semble indispensable de rappeler les raisons pour lesquelles nous devons aujourd'hui nous prononcer sur cette proposition de loi, adoptée par le Sénat en première lecture, qui traite des tarifs réglementés de l'électricité et du gaz.

En novembre 2006, votre majorité, chers collègues de l'UMP, du Nouveau Centre et du MODEM, a adopté une loi qui privatise EDF et transpose les directives européennes 200354CE et 200355CE, lesquelles mettent en place l'ouverture totale à la concurrence des marchés du gaz et de l'électricité, à compter du 1er juillet 2007.

N'oublions pas que le gouvernement socialiste de Lionel Jospin avait mené d'âpres négociations avec Bruxelles pour que cette ouverture soit uniquement limitée aux professionnels et aux entreprises et que c'est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui a décidé de libéraliser totalement le marché du gaz et de l'électricité.

En fait, le dogme qui prévalait lors de la décision du gouvernement Raffarin – et qui prévaut toujours aujourd'hui –, celui d'un libéralisme pour lequel toute idée contraire est forcément mauvaise, pour lequel seule une économie totalement débridée, sans contrainte aucune, est digne de ce nom, montre actuellement ses limites. Il s'avère en effet que cette vision caricaturale de l'économie résiste de moins en moins à la réalité des faits.

En effet, une ouverture totale à la concurrence n'entraîne pas automatiquement une baisse des prix. La preuve nous en est donnée par deux pays : l'Angleterre et les États-Unis. Nous connaissons tous la hausse conséquente que les tarifs de l'énergie ont connue en Angleterre depuis leur libéralisation et les distorsions que subissent les consommateurs, suivant qu'ils habitent dans les Highlands ou à Arsenal. En revanche, la situation des États-Unis est beaucoup moins connue. Lors de la discussion au Sénat, Daniel Raoul a évoqué un article de presse paru en septembre dernier dans le New York Times. Nous y découvrons qu'environ dix ans après la libéralisation du système énergétique, de nombreux États font marche arrière ou rendent de l'argent aux consommateurs pour en atténuer les effets. Parmi les vingt-cinq États qui ont libéralisé leur marché, seule la Californie envisage d'étendre les prix du marché. Ce changement d'attitude est le fait d'une augmentation du prix de l'électricité beaucoup plus rapide que dans les États ayant préservé leur monopole.

Pour être juste, je me dois de reconnaître que la responsabilité de la situation actuelle n'incombe pas uniquement aux décisions prises par Jean-Pierre Raffarin et son gouvernement. La Commission européenne tente une nouvelle fois d'imposer une approche ultralibérale et très dogmatique, en lançant contre la France une procédure destinée à vérifier si nos tarifs réglementés sont compatibles avec les règles européennes. Si, par malheur, nous devions céder aux injonctions de l'Europe, il est fort probable que l'abandon des tarifs réglementés aurait pour conséquence, comme dans les autres pays, une hausse conséquente du coût de l'énergie. Les incidences sur notre économie nationale seraient sévères : perte de compétitivité de nos entreprises, hausse de la facture des administrations et des collectivités locales, baisse accrue du pouvoir d'achat des ménages.

Prétendre, comme le fait Bruxelles, que les tarifs réglementés entravent la concurrence, c'est oublier que notre pays a eu le courage et l'intelligence de mettre en place, depuis des décennies, une politique énergétique ambitieuse qui nous a dotés de l'un des parcs nucléaires les plus performants et importants du monde. Le financement de cette politique provient en grande partie du budget de l'État français, c'est-à-dire grâce aux impôts acquittés par nos entreprises et nos concitoyens. Les tarifs réglementés sont donc en quelque sorte la juste contrepartie des efforts financiers consentis pendant toutes ces années et qui permettent désormais de produire une électricité à un prix abordable.

L'abandon des tarifs réglementés nous promet d'autres conséquences, que subissent déjà les Américains et les Britanniques. Les bourgs isolés, les hameaux, les communes à l'écart des grands axes de communication risquent de se voir abandonnés, mis à l'écart de la société et du progrès. Les extensions de réseaux, leur entretien et leur renforcement, jugés coûteux et fort peu rentables, en feront immanquablement les frais. Que vont devenir les personnes isolées aux ressources modestes, les personnes âgées, les familles nombreuses, les travailleurs pauvres ? Avec la déréglementation, comment ces gens-là feront-ils pour se chauffer et s'éclairer lorsque les fins de mois seront difficiles et les hivers rigoureux ?

En conclusion, monsieur le secrétaire d'État, l'abandon des tarifs réglementés constitue pour moi un nouveau coup de canif porté à l'aménagement du territoire et une nouvelle mise en cause de la solidarité entre citoyens, mais aussi entre ville et territoires ruraux, entre ceux qui ont peu et ceux qui ont beaucoup. J'y vois la volonté politique de la majorité d'affaiblir encore les territoires ruraux, les régions les plus pauvres et les départements les plus défavorisés. Ceux qui souffriront le plus de cette déréglementation programmée sont les mêmes que ceux qui subissent déjà les franchises sur les médicaments et les actes médicaux et ceux qui, pourtant non imposables, vont se voir privés de l'exonération de la redevance audiovisuelle. Votre proposition de loi prétendument réparatrice n'est guère qu'un rideau de fumée, comme l'a dit M. Brottes, et le fait que vous refusiez nos amendements – des amendements destinés à protéger les consommateurs – montre bien votre volonté de ne pas agir.

L'échéance du 1er juillet 2010 arrivera très vite, monsieur le secrétaire d'État, et nul ne sait ce qui se passera ensuite. C'est pourquoi nous vous demandons de retirer cette date butoir du texte.

Quant à la réversibilité, c'est une question importante, sur laquelle nous restons extrêmement prudents. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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