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Intervention de Marc Le Fur

Réunion du 13 novembre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Agriculture pêche forêt et affaires rurales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Le Fur :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, durant les cinq minutes qui me sont imparties, je n'évoquerai qu'un seul sujet, celui de la crise porcine. En effet, alors que la situation peut être considérée comme satisfaisante dans bien des filières – végétales, lait, volailles, oeufs, ces deux dernières ayant connu des difficultés très importantes il y a un an –, en matière porcine, la crise est à la fois violente, rapide et sans précédent.

En outre, cette crise est très singulière. Ce n'est pas une crise classique car elle ne porte pas simplement sur le prix de vente. Certes, celui-ci est bas : à peine plus d'un euro le kilo au marché de Plérin, ce qui est dû à une forte augmentation de la production porcine en Allemagne et en Espagne, contre une hausse de 1 % environ chez nous. Cette crise est singulière, surtout, parce qu'elle porte sur le prix de revient, qui a explosé du fait de l'augmentation du coût des aliments, à la suite de la hausse mondiale du prix des céréales. Deux chiffres simplement : le blé est aujourd'hui à 262 euros la tonne, contre 140 euros voilà un an, soit une augmentation de l'ordre de 90 %.

La conjonction de prix de vente bas et de prix de revient élevés rend la situation dramatique. La perte est ainsi de 40 centimes par kilo de porc produit et de 35 euros par cochon qui quitte l'exploitation. Pour un élevage moyen de 150 truies, elle atteint 10 000 euros par mois. Cela ne pourra pas tenir longtemps. Il est à craindre, hélas ! que la crise ne soit pourtant durable. Si l'on peut espérer une augmentation des prix de vente au printemps prochain – et ce n'est qu'une espérance –, tout laisse à penser en effet que les prix de revient vont rester élevés, notamment du fait du coût des céréales. Tout cela se traduit par un endettement très important des exploitations. Les choses vont très vite et il importe de réagir.

On peut redouter que nos bassins de production, essentiellement dans l'Ouest et en Bretagne, ne souffrent particulièrement parce qu'ils sont moins concurrentiels que ceux de nos partenaires, allemands notamment. Ainsi, la grande usine allemande située à côté de Düsseldorf, qui abat énormément de porcs, a un coût de production horaire de 13 ou 14 euros, contre 21 ou 22 euros chez nous, et ce parce qu'elle fait massivement appel à une main-d'oeuvre originaire d'Europe orientale. Donc, au-delà de nos paysans, nos ouvriers risquent aussi de souffrir de cette situation, demain.

Face à tout cela, la réponse de l'Europe est quasiment inaudible. Nous demandons des restitutions ; vous nous avez relayés et je vous en remercie. Mais hélas, nous ne les avons toujours pas obtenues. Une restitution, ce n'est pas l'aumône, c'est une subvention momentanée pour corriger un écart de compétitivité excessif. Rappelons-le, nous produisons en euros alors que nos concurrents en Amérique du Nord ou du Sud le font en dollars et ont ainsi des facilités d'exportation que nous n'avons pas.

Pour l'heure, l'Europe s'est bornée à accorder le stockage privé, demandé par les Danois et accepté par Mme Fischer Boel, sans doute sensible aux intérêts de ses compatriotes. Mais cela ne saurait suffire. Ce faisant, nous subventionnons des éleveurs qui auraient de toute façon stocké leur production pour vendre au printemps. Cette disposition aura donc peu d'effet.

Au plan national, monsieur le ministre, nous disposons du levier de la baisse des charges. Il faut activer très vite le FAC, le fonds d'allégement des charges. Grâce à ce fonds, nous pourrons relayer les efforts de la MSA. Il s'agit en quelque sorte d'appliquer à la production porcine ce qui a été décidé pour la pêche. C'est indispensable.

Cette crise doit également être l'occasion de remettre à plat un certain nombre de dispositifs. Monsieur le ministre, lorsque le Président de la République vous a nommé, il vous a adressé une lettre de mission dans laquelle il vous demandait de favoriser l'organisation de l'offre, et je sais que vous êtes très sensible à cette préoccupation. Les paysans veulent en effet se regrouper désormais en organisations de producteurs, les OP. On peut donc imaginer des associations d'OP qui soient autant d'occasions de créer des fonds de mutualisation pour mieux résister aux crises. Il faut aider à mettre de tels dispositifs en oeuvre. Cela va dans le sens du rapport Porry, rédigé il y a quelques années, et dans celui de la loi d'orientation agricole votée en 2005 – je parle sous le contrôle de mon excellent collègue Herth.

En Bretagne, nombreux sont ceux qui pensent à des organisations de ce type. Il faut profiter de cette crise pour avancer puisque c'est hélas par temps de crise qu'on réforme. Il faut que nous ayons le courage de le faire, même si cela touche à l'organisation de la filière et si cela remet en cause un certain nombre d'habitudes.

Je souhaite que chacun soit bien conscient que la filière porcine, notamment en Bretagne, est essentielle à la prospérité de notre agriculture. Monsieur le ministre, je suis convaincu que vous saurez trouver les voies et moyens pour nous permettre de progresser et d'atténuer les conséquences dramatiques de cette crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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