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Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du 11 février 2009 à 9h30
Déclaration du gouvernement sur le changement de statut de mayotte et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Il faut donc, aujourd'hui, un rattrapage pour les adultes.

Ce chantier dépasse pourtant largement le cadre des missions de la seule éducation nationale et nécessitera le concours de l'ensemble des composantes de la société mahoraise ainsi que de ses structures aussi bien culturelles que cultuelles et associatives.

La départementalisation doit également amener Mayotte à une égalité sociale effective avec le reste des départements français. Elle impliquera à ce titre la mise en place des mécanismes de transfert, prestations sociales et minima sociaux actuellement à l'oeuvre dans l'hexagone ainsi que dans les départements d'outre-mer. Toutefois, une généralisation brutale des prestations sociales à Mayotte aurait pour seul effet de déstabiliser profondément les équilibres socio-économiques d'un territoire encore marqué par un faible taux d'activité salariée ainsi que par la faiblesse relative du secteur privé.

Les prestations sociales, dont le bénéfice est lié aux cotisations prélevées sur les salaires, sont actuellement d'un niveau très inférieur à celui que l'on peut observer sur la majeure partie de notre territoire. Leur revalorisation se doit ainsi d'être opérée en lien direct avec celle des cotisations, dans l'esprit d'un alignement sur le niveau de droit commun. Le Gouvernement annonce un effort particulier dans le domaine de l'allocation de logement social qui, parce ce qu'elle constitue la véritable porte d'accès au logement, doit à nos yeux devenir l'un des leviers privilégiés de l'amélioration du niveau de vie de nos concitoyens mahorais.

Les minima sociaux, dont deux sur huit sont pour l'heure mis en oeuvre à Mayotte, sont aussi d'un niveau très inférieur à celui de l'hexagone et des départements d'outre-mer. Leur revalorisation progressive ainsi que le déploiement des minima non encore appliqués à Mayotte constitue sans doute, outre un devoir pour l'État, l'un des bénéfices les plus attendus par les Mahorais de la départementalisation.

Toutefois, celle-ci se traduirait par nombre d'effets pervers si elle s'opérait sans l'assise économique qu'elle présuppose. Aussi cette revalorisation doit-elle avoir lieu au rythme du développement de l'économie mahoraise, lequel devra désormais intervenir à un rythme accéléré. Ainsi le fonds mahorais de développement économique sera-t-il notamment transformé en un fonds de développement économique, social et culturel chargé de contribuer au financement des équipements et des chantiers retenus.

Mayotte ne se trouve de surcroît nullement condamnée à centrer son développement économique autour des activités de rentes que peuvent constituer la culture et l'exportation de la vanille ou de l'ylang-ylang, même si l'augmentation continue des revenus tirés de ce dernier indique une piste prometteuse pour le développement de l'économie mahoraise. En effet, Mayotte présente notamment des opportunités de développement dans le secteur touristique ; le fait que les croisiéristes y fassent désormais régulièrement escale plaide incontestablement pour un effort significatif en direction de cette filière.

Plus largement, je remarque que, bien souvent, les débats consacrés dans cet hémicycle à nos départements et collectivités d'outre-mer se focalisent sur les seuls handicaps entravant structurellement leur développement : leur éloignement géographique de l'hexagone, leur insularité souvent, l'étroitesse de leur marché intérieur et le fait d'être, pour la plupart, à proximité immédiate de producteurs disposant d'une main d'oeuvre à faible coût.

-Il est trop rare d'entendre décliner ici les avantages et atouts indéniables dont ceux-ci disposent : la formidable jeunesse de leur population, la richesse de leur patrimoine naturel et culturel ainsi que, bien souvent, l'exceptionnel dynamisme dont font preuve la plupart de leurs entreprises. C'est à ce titre également qu'il importe de ne pas les déstabiliser en revalorisant brutalement le niveau de prestations, telles que le SMIC, qui ont un impact direct sur leurs marges de manoeuvre.

La départementalisation de Mayotte conduira également à de profondes modifications de sa fiscalité – je l'ai déjà évoqué – et favorisera la libre administration des collectivités territoriales.

La départementalisation impliquera enfin de reposer la question du nouvel équilibre à définir entre le respect au sein de cette nouvelle collectivité de l'identité et de la culture propre aux Mahorais et celui des principes intangibles de la République comme de ses engagements européens et internationaux.

Les Mahorais qui n'y ont pas expressément renoncé, musulmans en majorité, continuent en effet à bénéficier d'un statut personnel de droit local, explicitement reconnu dans notre ordre juridique depuis 1939. Ce statut procède d'un droit coutumier hérité du droit musulman ainsi que de coutumes africaines et malgaches. Il concerne essentiellement les droits de la personne et de la famille ainsi que les droits patrimoniaux.

Si des réformes ont été entreprises pour rapprocher ce statut du droit commun, particulièrement par l'interdiction de la polygamie, de la répudiation unilatérale ainsi que de la discrimination entre enfants devant l'héritage, la départementalisation doit marquer une nouvelle étape dans ce rapprochement, notamment en ce qui concerne l'égalité des droits entre hommes et femmes, par exemple pour l'âge légal du mariage.

Le système de la justice cadiale devra également être réformé en ce qu'il pose, à l'heure actuelle, nombre de difficultés, au regard du droit à un procès équitable comme du droit au respect de la vie privée et familiale ou encore de l'interdiction de discriminations fondées sur le sexe.

Je note par ailleurs que nombre de Mahorais se tournent désormais plus spontanément vers les juridictions de droit commun pour trancher leurs litiges, exprimant par là-même un malaise réel vis-à-vis d'une justice perçue comme trop aléatoire.

S'il importe de préserver les éléments du statut personnel de droit local compatibles avec notre pacte républicain, il est également nécessaire de garantir une unité de l'institution judiciaire dans l'ensemble de nos départements et du département de Mayotte s'il choisit de devenir un département, une seule justice pouvant appliquer des droits découlant de plusieurs statuts.

Après la disparition en 2008 de l'activité des cadis en ce qui concerne les biens immobiliers, il conviendra donc de poursuivre dans la voie tracée en 2000 du recentrage du rôle des cadis sur leurs seules, et réellement utiles, fonctions de médiateurs sociaux.

C'est à la lumière de l'ensemble des modalités d'une éventuelle départementalisation que les Mahorais devront se prononcer le 29 mars prochain. Il nous appartiendra pour notre part de respecter les résultats de cette consultation quels qu'ils soient, même s'ils n'appellaient pas à la création d'un cent unième département. Je rappelle toutefois que la départementalisation si elle est, en tant que telle, sans effets sur le statut de Mayotte vis-à-vis de l'Union européenne, appellera une nouvelle batterie de réformes, notamment fiscales, tendant à faire accéder ce territoire, au sein de l'Europe, au statut de région ultrapériphérique et, par là-même, aux financements communautaires.

Au nom des parlementaires du groupe Nouveau Centre, je tiens à saluer le projet de départementalisation tel que le Gouvernement le propose aujourd'hui à nos concitoyens de Mayotte après la demande du conseil général à l'unanimité. Nous apporterons également notre contribution aux textes législatifs qui viendront, je pense, tirer les conséquences de la consultation de nos concitoyens de Mayotte.

Je conclurai enfin en réaffirmant la richesse et la chance pour la France de disposer de départements et collectivités d'outre-mer qui sont attachés à la République et qui, pourtant, sont trop rarement qualifiés d'atouts pour notre communauté ; ils sont même parfois considérés, y compris dans cet hémicycle, comme des poids à tirer pour notre pays. C'est une chance : Mayotte souhaite intégrer la République française, et la République française va enfin accomplir son devoir vis-à-vis des Mahorais. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

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