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Intervention de Jean Launay

Réunion du 16 juillet 2007 à 10h00
Règlement définitif du budget de 2006 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Launay :

Monsieur le ministre, l'examen du projet de loi de règlement du budget de 2006 est l'occasion, sur la base d'un retour en arrière sur l'exercice budgétaire écoulé, de formuler des observations critiques sur la gestion des finances publiques par le Gouvernement.

Au préalable, je voudrais faire deux réflexions.

Premièrement, la situation de l'économie française et son environnement international influent sur les conditions de l'exécution budgétaire. Depuis 2004, l'économie mondiale bénéficie d'une croissance vigoureuse. Pourtant, notre pays est à la peine et court derrière le redressement de l'activité mondiale. Comme Pierre-Alain Muet l'a dit, nous sommes, avec un taux de croissance de 2,1 % en 2006, en dessous du niveau d'activité enregistré dans la zone euro.

Deuxième réflexion : l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances votée en 2001 impose, à partir de l'exercice 2006, de faire certifier par la Cour des comptes la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l'État, lesquels ont été pour la première fois établis suivant les exigences du nouveau référentiel comptable. C'est donc la première fois que les gestionnaires ont pu mettre en oeuvre la fongibilité des crédits au sein des programmes, qui constituent l'unité de spécialisation des crédits. Selon la Cour des comptes, cet usage a d'ailleurs été plutôt prudent, avec un total de 400 millions d'euros de crédits déplacés par les gestionnaires.

Dans ce contexte, les recettes réelles, c'est-à-dire hors remboursements et dégrèvements, atteignent 322,54 milliards d'euros dont 294,3 milliards de recettes fiscales, 24,78 milliards de recettes non fiscales et 3,56 milliards de fonds de concours. Les dépenses de l'État s'élèvent à 550,1 milliards d'euros en crédits de paiement dont 269,6 pour le budget général – trois missions sur trente-quatre concentrant la moitié des crédits de paiement consommés.

Le déficit de l'État reste donc élevé, avec 39 milliards d'euros fin 2006, soit plus de 7 milliards d'euros au-dessus du niveau atteint à la fin de l'année 2001. Nous sommes toujours dans un contexte de comptes publics dégradés.

Ce déficit représente, fin 2006, 2,5 % du PIB et les projections faites pour 2007 et 2008 le situent au même niveau. Si, pour la première fois depuis 2001, l'État enregistre un solde primaire proche de l'équilibre, ses recettes ne sont toujours pas suffisantes pour payer une partie au moins des intérêts de la dette. Et la Cour des comptes relève dans son rapport que 531 millions d'euros, bien que dépensés en 2006, n'ont pas été comptabilisés, et que la fin de l'année 2006 a été marquée par d'importants arriérés de paiement – lesquels, n'étant pas intervenus dans les délais réglementaires, ne sont pas comptabilisés dans le budget de 2006. La Cour note que l'incertitude relative au montant des dépenses reportées d'une année sur l'autre devra être impérativement levée à l'avenir, ce qui implique d'engager sans tarder les travaux nécessaires à la fiabilisation de l'information budgétaire et comptable.

Cette baisse du déficit public d'environ un demi-point de PIB nous place certes, et pour la première fois depuis 2002, sous la limite communautaire des 3 % du PIB. Néanmoins, comme la zone euro connaît pour 2006 un déficit public moyen de 1,6 % du PIB, la France fait, là encore, moins bien que ses partenaires.

La dette atteint par ailleurs des records. Alors qu'elle avait baissé sous la précédente législature, elle a culminé fin 2005 à 66,2 %, revenant à 63,7 % fin 2006, ce qui reste largement au-dessus du seuil correspondant à nos engagements européens – lesquels avaient pourtant toujours été tenus entre 1997 et 2002. Votre échec dans la maîtrise de l'endettement public est donc patent.

Ce point est d'ailleurs sévèrement jugé par la Cour des comptes, qui souligne en outre : « Les mesures prises en 2006 pour réduire le ratio d'endettement ne sont pas durablement reconductibles et ne constituent donc pas une voie structurelle de désendettement : les cessions ont atteint un montant exceptionnel en 2006 et le potentiel d'actifs cessibles n'est pas illimité » – on ne vend qu'une fois ! « Les mesures d'optimisation de la trésorerie ont produit l'essentiel de leurs effets potentiels en 2006 ; la gestion active de la trésorerie de l'État ne doit pas conduire à des tensions excessives sur les liquidités du Trésor, qui pourraient contraindre l'État à des refinancements ponctuels à très court terme. »

Les prélèvements obligatoires, loin de se réduire, continuent d'augmenter pour atteindre, en 2006, 44,2 % du PIB, infirmant ainsi les dires de M. Copé, qui pensait pouvoir baisser à la fois les dépenses, les impôts, les déficits et la dette. Non seulement vous focalisez votre action sur des cadeaux fiscaux aux plus aisés, comme le prouve le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, mais votre politique consiste à reporter systématiquement les hausses des prélèvements et des charges à la progression la plus dynamique vers la sécurité sociale et les collectivités locales.

Au total – et je ne reprends ici que quelques éléments du rapport de la Cour des comptes – notre préoccupation est grande : le déficit budgétaire représente encore l'équivalent d'un mois et demi de dépenses ; la baisse de l'endettement de l'État n'a été obtenue qu'au moyen d'un montant exceptionnel de cessions d'actifs ; l'accumulation de déficits n'a pas eu pour contrepartie un effet spécifique en matière d'investissement ; le déficit de la sécurité sociale persiste et engendre une dette croissante.

Les premières tendances de 2007 ne font qu'accroître nos inquiétudes, qui concernent en particulier les difficultés d'appréciation de la norme de progression des dépenses dite « zéro volume », beaucoup de dépenses fiscales échappant à tout contrôle et à toute comptabilisation ; l'augmentation du volume des reports de charges en 2006 et les importantes sous-dotations budgétaires affectant plusieurs missions en 2007, qui rendront difficiles à réaliser les objectifs fixés dans la loi de finances initiale ; ou encore l'aggravation du déficit de la sécurité sociale, qui devrait atteindre 12 milliards d'euros.

Enfin, le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dont nous n'avons pas terminé l'examen, accorde des cadeaux fiscaux inconsidérés. C'est le contraire des relèvements de recettes que nous aurions pu espérer, et qui auraient permis, dans une période de bonne conjoncture, de constater une amélioration rapide des soldes publics sans incidence notable sur la croissance. Monsieur le ministre, lorsque M. le rapporteur général vous a interrogé en commission des finances au sujet de l'impact de ce texte sur l'exécution budgétaire 2007, vous n'avez parlé que des 1,5 milliard d'euros que coûteront les mesures sur les heures supplémentaires, en omettant scrupuleusement d'évoquer les pertes de recettes correspondant au bouclier fiscal et à la diminution du produit de l'ISF. Il faudra, monsieur le ministre, faire passer rapidement aux Mines la balance de la justice fiscale !

Je conclurai par quelques remarques concernant les conditions dans lesquelles ce projet de loi de règlement a été examiné : des délais trop courts pour permettre un travail approfondi sur les rapports annuels de performances, une utilisation lacunaire des indicateurs de performances, une hiérarchisation insuffisante des objectifs due à la surabondance des indicateurs de moyens ou d'activité. Ces constats objectifs, je souhaite qu'ils soient partagés afin que nous puissions tous ensemble améliorer la lecture des comptes publics et donner toute sa force à la LOLF – dont je suis heureux de saluer l'un des inspirateurs, Didier Migaud, président de la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ainsi que du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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