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Intervention de Jean-Louis Idiart

Réunion du 16 juillet 2007 à 10h00
Règlement définitif du budget de 2006 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Idiart :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de règlement doit devenir un moment fort de la discussion budgétaire. Et si nous sommes sortis de ces tristes temps où il ne s'agissait que d'un acte formel – qui ne permettait en rien au Parlement, saisi des années plus tard, d'en tirer des enseignements efficaces et qui, surtout, exonérait toujours les gouvernements de toute responsabilité, puisque les décideurs n'étaient plus là –, nous avons encore bien des efforts à faire.

Désormais, la loi de règlement est un outil. Même si, cette année, l'examen de l'exercice 2006 n'est pas réalisé dans des conditions convenables – malgré les efforts de la commission des finances – en raison du calendrier électoral, nous disposons tout de même des éléments permettant d'éclairer le débat d'orientation budgétaire.

Si, dans son rapport, la Cour des comptes relève un progrès dans la définition et l'utilisation des objectifs et indicateurs de performances, des lacunes persistent en 2006. Ainsi, près de 25 % des cibles chiffrées étaient encore indisponibles dans certains projets de performances en 2006, et 42 % des indicateurs ne sont pas renseignés dans le cadre de la mission « Enseignement scolaire ».

Un manque de hiérarchisation dans les différents objectifs est également constaté, du fait d'une surabondance d'indicateurs de moyens ou d'activité, mais aussi de l'absence d'indicateurs d'efficience ou de qualité de service. Le résultat mesuré échappe souvent, en réalité, aux responsables des programmes.

Sur le fond, le rapport de la Cour des comptes vient conforter les craintes que nous exprimions l'an passé, craintes qui s'amplifient pour l'avenir en raison des milliards de cadeaux inscrits dans le projet de loi TEPA.

La loi de règlement 2006 montre clairement des comptes publics dégradés et en situation précaire, avec un déficit public à peine stabilisé. Le déficit de l'État reste élevé. Quant aux déficits de la sécurité sociale, ils se sont accumulés depuis 2002. Alors que le régime général était excédentaire en 2001, il n'a plus connu une telle situation depuis l'arrivée de la droite au pouvoir et, aujourd'hui, toutes les branches du régime général sont déficitaires. Le déficit consolidé du régime général sera en hausse en 2007. D'après les projections de la Commission des comptes de la sécurité sociale, il atteindrait 12 milliards d'euros, soit un niveau proche de celui enregistré avant la réforme de l'assurance maladie en 2004.

L'échec de la réforme est patent. Comme le reconnaît la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, le dossier médical personnel « est au point mort », alors qu'il était au centre de la réforme et devait être opérationnel au 1er juillet 2007. Parallèlement, les assurés sociaux ont vu le reste à charge pesant sur eux augmenter de 2 milliards d'euros entre 2004 et 2006, selon le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

Par ailleurs, la situation de la France par rapport à ses principaux partenaires se dégrade.

Certes, le déficit public connaîtrait une réduction de l'ordre de 0,5 point de PIB et se situerait, pour la première fois depuis 2002, sous la limite communautaire de 3 % du PIB. Mais cette réduction est très limitée par rapport à celle constatée dans les pays voisins. L'amélioration moyenne du solde public est de 1 point dans la zone euro et de 0,7 point dans l'Union européenne à vingt-sept. L'Allemagne a même connu une réduction de 1,5 point de son déficit. Pire : à l'exception du Portugal, la France est le seul pays de la zone euro à ne pas enregistrer d'excédent du solde primaire en 2006.

La dette publique explose. Elle atteint des niveaux records et l'endettement public n'est pas réellement maîtrisé.

Alors qu'elle avait baissé sous la précédente législature, la dette a crû de façon exponentielle jusqu'en 2005. Elle a atteint un niveau record de 66,2 % fin 2005 dans le cadre du budget proposé par Nicolas Sarkozy. La dette publique atteint 63,7 % fin 2006, à hauteur de 1 142 milliards d'euros, après 1 137 milliards en 2005. Nos engagements européens, qui supposent de maintenir la dette sous le seuil des 60 % du PIB ne sont plus respectés depuis cinq ans, alors qu'ils l'avaient toujours été dans la période précédente.

La politique de désendettement ne peut être durable que si elle s'appuie sur la stabilisation du solde primaire. À défaut, l'effet boule de neige sur la dette continue à jouer, et celle-ci s'autoalimente.

En 2006, la dette n'a baissé que du fait de l'affectation quasi intégrale – 95 % – des recettes de privatisation au désendettement, soit 16,3 milliards d'euros, pour 0,9 point de PIB, de la gestion active de la trésorerie de l'État et de l'amélioration de la gestion courante de la dette de l'ensemble des acteurs publics.

La Cour des comptes a dressé un bilan sans appel de la politique menée jusqu'à la fin de 2006, qu'elle juge sans lendemain, risquée et potentiellement coûteuse.

Selon la Cour, « les mesures prises en 2006 pour réduire le ratio d'endettement ne sont pas durablement reconductibles et ne constituent donc pas une voie structurelle de désendettement : les cessions ont atteint un montant exceptionnel en 2006 et le potentiel d'actifs cessibles n'est pas illimité ; quant aux mesures d'optimisation de la trésorerie, elles ont produit l'essentiel de leurs effets potentiels en 2006.

« De surcroît, ces mesures n'améliorent en rien la situation patrimoniale des administrations publiques puisqu'à la diminution de leurs passifs (la dette) correspond une réduction équivalente de leurs actifs (les titres de participations et les disponibilités de trésorerie). »

Aujourd'hui, les risques d'une telle politique à court terme sont avérés.

Au-delà de la propagande sur la baisse des impôts – plutôt destinée à quelques-uns –, on voit bien que les prélèvements obligatoires, eux, continuent d'augmenter. En 2006, ils ont atteint 44,2 % du PIB, en hausse de 0,4 point par rapport à 2005, soit l'équivalent de plus de 7,4 milliards d'euros.

Il y a, d'une part, une focalisation, à dessein, sur un impôt peu à peu réduit à la portion congrue, l'impôt sur le revenu, et le seul déficit budgétaire, et, d'autre part, une politique systématique de report des hausses des prélèvements et des charges, dont la progression est la plus dynamique, vers la sécurité sociale et les collectivités locales.

Les dépenses de l'État posent également problème.

Si la norme de progression des dépenses dites « zéro volume », soit 1,8 % en valeur, taux identique à l'inflation, a été formellement respectée, c'est au prix de multiples arrangements budgétaires et comptables, dénoncés notamment par la Cour des comptes. Comme le relève la Cour, la norme de dépenses porte, en 2006, sur 272,8 milliards d'euros de dépenses nettes, sans compter les prélèvements sur recettes, alors que les dépenses brutes totales atteignent 550,1 milliards d'euros.

Les dépenses fiscales échappent, en effet, à tout contrôle et à toute comptabilisation. Elles ne sont pas intégrées à la norme de progression des dépenses, ce qui a incité à transformer certaines dépenses budgétaires en dépenses fiscales. Il en va ainsi, par exemple, de la suppression du prêt à taux zéro, remplacé par un crédit d'impôt aux établissements prêteurs.

S'agissant du déficit de l'État, le solde primaire serait proche de l'équilibre pour la première fois seulement depuis 2001. Malheureusement, la Cour des comptes a dénoncé plusieurs manipulations comptables ayant conduit à ce résultat : des dépenses n'ont pas été comptabilisées malgré leur paiement en 2006, et le montant des retards de paiement à l'égard des organismes de sécurité sociale et des partenaires de l'État s'est accru. En outre, des « mesures exceptionnelles » ont été prises pour limiter le déficit. Ainsi, comme en 2005, le Gouvernement a choisi d'anticiper la perception de certaines recettes, sans effet de long terme, mais avec un appréciable surcroît de recettes venant limiter le déficit pour une année donnée. Le régime d'encaissement des acomptes de l'impôt sur les sociétés a ainsi, une nouvelle fois, été modifié en collectif budgétaire 2006, comme en collectif 2005, pour un « gain » de 1,6 milliard d'euros par rapport à 2005.

De même, les modifications des redevances pour les émissions radio ont permis l'encaissement de deux années de redevances, soit un gain de 150 millions d'euros.

Nous sommes particulièrement inquiets de l'état des finances publiques. Les débats de la semaine dernière nous ont montré qu'aucun effort particulier n'était fait pour améliorer la situation, et qu'il s'agissait simplement de faire plaisir à certaines catégories. C'est pourquoi nous ne voterons pas le projet de règlement définitif du budget 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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