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Intervention de Alain Gest

Réunion du 4 novembre 2008 à 15h00
Statut des témoins devant les commissions d'enquête parlementaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Gest :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture s'inscrit dans une démarche plus vaste de revalorisation du rôle du Parlement, qui passe par le renforcement de ses pouvoirs de contrôle. Ainsi, le comité de réflexion sur les institutions présidé par Édouard Balladur a examiné la possibilité d'étendre le champ d'application des commissions d'enquête, en leur accordant notamment des prérogatives élargies. Les commissions d'enquête occupent en effet une place essentielle parmi les instruments de contrôle dont dispose le Parlement. C'est justement parce que nous souhaitons conforter ce rôle que cette proposition de loi est venue en débat.

Les commissions d'enquête ont, en effet, produit des travaux significatifs sur un certain nombre de sujets qui ont suscité des débats importants dans notre pays. Cependant, il apparaît que les modalités de fonctionnement de cet instrument doivent être améliorées. Je ferai notamment référence aux commissions d'enquête sur les dérives sectaires, qui ont été révélatrices de certains problèmes. Ainsi, la commission d'enquête sur l'influence des sectes et leurs conséquences sur la santé physique et mentale des mineurs a mis en exergue les imperfections du dispositif. Il apparaît que, suite aux travaux de la commission, de nombreux témoins ont été attaqués en justice à cause de leurs déclarations.

J'avais, pour ma part, déjà observé ce phénomène en 1995, lorsque j'ai eu l'honneur de présider la première commission d'enquête sur le thème des sectes en France. Je vous ai vu, monsieur le ministre, donner il y a quelques instants les signes d'un certain étonnement à l'écoute de M. Brard. Je me vois malheureusement obligé de corroborer les propos de notre collègue et je me félicite d'avoir voté la réforme constitutionnelle qui permettra sans doute d'éviter, à l'avenir, de semblables dérives.

Les responsables des mouvements sectaires qui, bien souvent, disposent de moyens financiers considérables, ont fait de l'acharnement procédurier une arme de dissuasion et d'intimidation dont ils usent à l'encontre des personnes dont le témoignage peut être gênant pour eux. On constate ainsi que la position des témoins s'est trouvée fragilisée au travers des évolutions successives du dispositif.

C'est principalement la conjonction du caractère obligatoire du témoignage et de la publicité des débats qui a exposé les témoins à des répercussions judiciaires. Depuis la loi du 20 juillet 1991, la publicité est devenue la règle. Ainsi, au fil des années, on est passé des comptes rendus et des rapports à une diffusion la plus large possible sous les effets conjugués de la demande croissante de transparence exprimée par nos concitoyens et de l'évolution des moyens techniques. Par ailleurs, force est de constater que, sur les sujets que je viens d'évoquer, la demande d'information et l'intérêt médiatique vont croissant, ce qui justifie d'autant plus que nous adoptions un système répondant au mieux à la problématique rencontrée.

Dans un tel contexte, il apparaît nécessaire d'assurer la sécurité juridique des témoins au regard des obligations que l'on fait peser sur eux, notamment de les prémunir des actions en justice au titre de la diffamation, de l'injure et de l'outrage. C'est l'efficacité même de la commission d'enquête qui peut être remise en cause par un usage abusif des procédures de justice par ceux qui souhaitent faire taire certains témoins, comme l'a dit M. Brard.

Si la nécessité d'instaurer une protection s'impose de manière indiscutable, il convient cependant de définir une solution équilibrée qui respecte les droits des tiers. C'est ce à quoi s'est attachée la présente proposition de loi en première lecture. Je veux en remercier, au nom du groupe UMP, le président Bernard Accoyer. Ainsi le présent texte a-t-il fait le choix d'une solution médiane qui permet de faire coexister efficacité et publicité des débats, à savoir une immunité partielle de nature législative, similaire à celle octroyée aux témoins judiciaires.

Cette immunité est partielle dans la mesure où elle préserve les droits des tiers. D'une part, le champ d'application de l'immunité est restreint à la diffamation, l'injure ou l'outrage ; d'autre part, tout ne peut être dit devant une commission d'enquête, notamment les propos mensongers et subordonnés qui demeurent sanctionnables par la loi. De plus, cette immunité s'applique aux publications parlementaires et comptes rendus faits de bonne foi.

Enfin, un amendement adopté en première lecture a fixé un encadrement supplémentaire à cette immunité en excluant de son champ de protection les propos qui n'ont pas de lien avec l'objet de l'enquête et les faits examinés par la commission.

Nos collègues sénateurs ont introduit, le 10 juin dernier, quelques modifications au texte qui ne portent pas sur le fond de la proposition de loi, mais sur la forme. En effet, alors que l'Assemblée nationale avait prévu de placer ces dispositions dans l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, les sénateurs ont choisi de les rattacher à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Il leur est apparu opportun d'établir un parallèle entre la protection octroyée aux témoins devant une commission d'enquête parlementaire et la protection octroyée aux témoins devant un tribunal telle qu'elle figure à l'article 41 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

L'objectif de la proposition de loi – à savoir une protection des témoins équilibrée et respectueuse des droits des tiers – étant maintenue, le groupe UMP ne souhaite pas introduire de modifications au texte adopté par le Sénat. On aurait d'ailleurs pu espérer que ce texte fasse l'objet d'un vote conforme des sénateurs dès la première lecture en l'absence de modifications substantielles, dans la mesure où l'intérêt général appelle une entrée en vigueur rapide de ces dispositions. En effet, des témoins de la commission d'enquête sur les sectes font actuellement l'objet de poursuites judiciaires et l'adoption de ce texte peut permettre un effet rétroactif qui serait le bienvenu.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, ces observations étant faites, je veux simplement indiquer que le groupe UMP votera avec beaucoup d'intérêt ce texte de loi dans l'état où les sénateurs nous l'ont transmis. (Applaudissements sur tous les bancs.)

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