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Intervention de Laurent Wauquiez

Réunion du 17 juillet 2009 à 9h30
Formation professionnelle tout au long de la vie — Après l'article 20, amendement 156

Laurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi :

Vos propos font écho au débat que nous avons eu hier soir.

Premièrement, en l'état actuel du droit communautaire, de notre point de vue – mais l'État n'impose pas à tout un chacun, et notamment pas aux responsables des collectivités locales, d'avoir la même analyse que lui –, il n'y a aucune marge de manoeuvre : la formation professionnelle est considérée comme une activité économique, soumise à ce titre au droit de la concurrence.

Deuxièmement, de l'avis des plus grands experts que nous avons consultés, la notion de SSIG est totalement vide. Autrement dit, elle ne reçoit aucune application en droit communautaire permettant de l'utiliser pour se dérober au droit de la concurrence. La notion de services sociaux d'intérêt général ne permet pas de se soustraire à l'application du droit de la concurrence. Si jamais vous avez une autre vision de la jurisprudence de la CJCE, je suis preneur. Pour notre part, nous avons saisi le Conseil de la concurrence, demandé des expertises, consulté la direction des affaires juridiques, posé la question au Conseil d'État, bref, nous nous sommes adressés à tout ce qui fait l'expertise du droit public en France. Personne n'est parfait, me direz-vous, peut-être ont-ils manqué quelque chose ; reste que la doctrine sur ce sujet est tout de même assez unanime.

Troisièmement, la directive « services » ne porte pas sur la formation professionnelle et ne permet pas d'utiliser sa transposition pour soustraire la formation professionnelle au champ de l'activité économique.

Reste un problème qu'a soulevé le député Rousset, qui m'a écrit à ce sujet en tant que président de l'ARF : l'ambiguïté, en droit communautaire, de la notion de mandatement. On s'est parfois demandé ce que la Commission européenne avait exactement en tête. Le mandatement n'offre-t-il pas un biais permettant d'atténuer, notamment pour les personnes les plus éloignées de l'emploi, l'application du droit de la concurrence ? Cette notion apparaît dans une décision du 28 novembre 2005 relative à l'application des dispositions de l'article 86-2. Or il apparaît, après avoir interrogé la Commission, que la notion de mandatement est pour elle la simple transcription de ce que nous appellerions une délégation de service public. Ils considèrent que les règles du droit de la concurrence s'appliquent, que vous l'exerciez vous-même ou que vous l'exerciez sous forme de délégation de service public. Ce qui n'autorise pas à se soustraire aux règles du droit de la concurrence.

En outre, il faut savoir que le droit communautaire est supérieur, dans la hiérarchie des normes, au droit national. Même si le Parlement adoptait une loi, le Conseil d'État la balaierait d'un revers de main. Même une loi ne nous protègerait pas.

Autrement dit l'état actuel du droit, de notre point de vue, ne nous permet pas de faire autrement que de nous soumettre au droit de la concurrence. Nous le faisons donc sur nos propres marchés.

Certaines régions ont la même lecture que nous. C'est le cas de la région Bretagne, qui s'est engagée dans cette démarche. D'autres régions en ont une autre : la région Limousin, par exemple, a considéré qu'elle pouvait continuer à subventionner l'AFPA. Un contentieux est en cours. J'attends de voir quel en sera le résultat. Mais, comme je vous l'ai dit, je suis très inquiet de la prise de risque juridique. Si, comme je le pense très fortement, les tribunaux annulent les subventions, il pourrait être demandé rétroactivement à l'AFPA de reverser les sommes qu'elle a reçues. C'est une grosse prise de risque.

Reste l'ouverture qui a été faite par le député Rousset, et sur laquelle je suis totalement prêt à travailler. Le code des marchés publics nous laisse des marges. La Bretagne les a exploitées, avec un appel d'offres contenant des clauses qui valorisaient les services publics et l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi. Je crois que c'est dans cette voie qu'il faut s'engager. Nous y sommes prêts. Je vous ai donné l'exemple de l'appel d'offres que nous avons lancé pour les détenus et autres publics très spécifiques. C'est l'AFPA qui l'a remporté, et notamment parce que nous avons veillé à ce que les clauses de l'appel d'offres valorisent la dimension de service public. Au vu de l'état du droit européen et de notre capacité – soyons lucides – à le modifier dans les cinq années à venir, cela me semble la meilleure voie. Je suis tout à fait prêt à travailler avec vous dans ce sens.

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