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Intervention de Michel Bouvard

Réunion du 7 janvier 2009 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2009 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Bouvard :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, l'examen des deux projets de loi qui nous sont soumis aujourd'hui constitue la dernière touche à la mise en oeuvre du plan de relance présenté par le Président de la République le 4 décembre dernier à Douai, mais dont les toutes premières mesures étaient plus anciennes.

Le projet de loi d'accélération des programmes de construction et d'investissements publics et privés est une nécessité pour accompagner la relance, en accélérant les conditions de réalisation de ces investissements. Toutefois, je centrerai mon propos sur le second texte, le projet de loi de finances rectificatives pour 2009, en évoquant notamment, en tant que président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, le rôle joué par cette institution.

Cette loi de finances rectificative est la troisième que nous examinons en quelques mois.

La première visait à soutenir le secteur bancaire dans sa mission de financement de l'économie, par le biais du refinancement du marché interbancaire et des interventions en fonds propres. Je pense notamment à l'intervention de la Caisse des dépôts et de l'État en faveur de la banque Dexia, que j'ai eu l'occasion d'évoquer devant vous en décembre. Si ce premier volet a permis d'éviter le pire, le comportement des banques suscite cependant des interrogations. Ainsi les établissements bancaires, malgré les aides qu'ils ont reçues, se sont montrés incapables de répondre à plus du tiers des adjudications prêts locatifs sociaux – prêts mis en place dans le cadre du programme VEFA présenté, à juste titre, comme ultra-prioritaire par le Président de la République – et ce alors même qu'il avait été recommandé à la Caisse des dépôts de ne pas accorder elle-même directement tous les prêts.

Ma deuxième interrogation concerne la relance puisqu'il s'agit d'éviter une plus grande dégradation de l'emploi : dans le dossier relatif au consortium des électro-intensifs, où plus de 3 milliards d'euros doivent être levés à la suite d'une discussion excessivement difficile mais conduite avec succès auprès de la Commission européenne par le Gouvernement de François Fillon avec l'appui du Président de la République, les établissements financiers n'ont jusqu'à présent répondu qu'à la hauteur d'un peu plus d'un milliard d'euros en vue de permettre le maintien des capacités de production des plus grands groupes industriels du pays. Que font les établissements bancaires des aides et des mécaniques mises en place par le Gouvernement ?

Ma troisième interrogation porte sur les prêts à l'exportation. En discutant avec des industriels, j'ai eu la surprise de constater que leurs clients ne réussissent pas à mobiliser des prêts qui leur sont nécessaires, les établissements financiers n'étant pas au rendez-vous. C'est pourquoi, une fois de plus, on se tourne vers la Caisse des dépôts et consignations !

Cela me conduit à souligner, dans le cadre de ce plan de relance, combien il est important de préserver les liquidités des fonds d'épargne de la Caisse des dépôts, qui ont été largement sollicités depuis le début de la crise financière. Il est normal de mobiliser les liquidités disponibles afin de soutenir l'économie. Dès lors que la priorité des priorités des fonds d'épargne, à savoir le logement social, est financée et que nous gardons le volume nécessaire de ressources permettant d'assurer la disponibilité des placements de nos concitoyens dans les produits d'épargne réglementés, il n'y a pas d'obstacle à la mobilisation d'une partie de ces liquidités sur des objectifs stratégiques définis par l'État en matière de soutien à l'économie. Encore cela suppose-t-il qu'on nous laisse des disponibilités suffisantes sur les fonds d'épargne et qu'on arrête le transfert en direction des banques dès lors qu'elles se montrent incapables de répondre aux objectifs qui leur sont assignés par les pouvoirs publics, notamment en ce qui concerne de grandes priorités nationales comme les crédits à l'exportation, Exceltium ou le logement social. Et puisque les banques réclament beaucoup, il est de mon devoir, en tant que président de la commission de surveillance de la Caisse, de rappeler l'utilité des liquidités des fonds d'épargne et pourquoi nous avons besoin de les conserver.

Cela dit, je souhaite aborder le contenu du texte en exprimant ma satisfaction à propos des priorités relatives à l'investissement, à l'apurement des retards de paiement des créances de l'État vis-à-vis des entreprises ou à l'accélération de leur versement. Nous savons en effet qu'un certain nombre de programmes budgétaires abondés à cette occasion – je pense au patrimoine – vont permettre de lancer immédiatement une multitude de chantiers attendus, de donner du travail à des artisans et de consolider des entreprises spécialisées. Nous savons que les mesures prévues permettront la construction de logements et le maintien de l'activité du bâtiment. Nous savons également que les 731 millions d'euros consacrés aux universités contribueront à améliorer l'économie de la connaissance – priorité nationale également – et à moderniser nos campus.

J'ai à ce sujet une interrogation, monsieur le ministre : on peut se réjouir de ces ressources supplémentaires mais il serait intéressant que vous nous indiquiez à quel niveau sont mobilisés les crédits provenant de la cession de titres d'EDF. C'est pour nous une préoccupation constante de savoir comment ces titres sont mobilisés, quel est leur niveau de consommation et s'il ne serait pas possible de rendre plus dynamique la gestion de ces titres qui ont permis de doter les universités françaises de moyens importants destinés à leur modernisation.

Ayant évoqué ma satisfaction quant à la priorité donnée à l'investissement, priorité qui ne détériore pas, à terme, la structure de la dépense publique puisque le choix du Gouvernement n'a pas été celui d'une relance massive par la consommation ni celui d'une augmentation massive des frais de fonctionnement par le biais de recrutements d'emplois publics qui n'auraient pas été nécessaires, je voudrais revenir aux sollicitations dont fait l'objet la Caisse des dépôts et dire un mot de l'intervention de Jean-Pierre Balligand.

La Caisse a été sollicitée pour le plan de refinancement des banques, notamment en vue de renforcer les fonds propres de Dexia, et pour le redéploiement des excédents d'épargne réglementée des livrets de développement durable et des livrets d'épargne populaire, afin de compenser les surplus des livrets A, à hauteur de 17 milliards d'euros, en contrepartie d'un engagement d'utilisation au profit des PME. La Caisse participe au plan de financement des PME à travers la convention qui la lie à OSEO. Elle est directement engagée dans le plan de rachat de 30 000 logements en VEFA, annoncé en octobre 2008, avec plus de 6 000 logements déjà négociés par la Société nationale immobilière.

La CDC est aussi fortement engagée dans le présent plan de relance qui prévoit qu'elle pourra participer au financement des partenariats public-privé – qui ont peut-être plus de difficultés à se financer compte tenu de la crise bancaire – à hauteur de 8 milliards d'euros supplémentaires en matière de prêts infrastructures, en mobilisant une partie des fonds d'épargne gérés par elle. Une nouvelle ligne de refinancement est prévue pour renforcer OSEO-Garantie. En ce qui concerne le logement, enfin, une enveloppe de prêts de 4,5 milliards d'euros est prévue pour 2009 par le biais des financements traditionnels des fonds d'épargne.

Mais le principal engagement de la Caisse des dépôts dans le plan de relance passe par le Fonds stratégique d'investissement. Nous constatons avec satisfaction que l'État apporte, à travers ce collectif budgétaire, 3 milliards d'euros de liquidités immédiatement disponibles, la Caisse agissant de même de son côté, permettant ainsi au Fonds d'entamer immédiatement ses activités.

Il faut se réjouir que tout soit allé très vite puisque un mois s'est écoulé entre l'annonce de l'intention du Président de la République de mettre en place ce Fonds stratégique et sa création, et un autre mois entre le discours de Montrichard qui a consacré la création du Fonds et la mise en place de ses structures. Contrairement à Jean-Pierre Balligand, les nominations ne me posent aucun problème puisque les concertations nécessaires sur la répartition des responsabilités entre les deux actionnaires ont eu lieu avec le directeur général de la Caisse des dépôts et avec le président de la commission de surveillance.

Je partage en revanche avec Jean-Pierre Balligand l'idée qu'il est nécessaire de préciser un certain nombre de points. Ce n'est certes pas le cas en ce qui concerne le Fonds lui-même, les doctrines d'investissement ayant été annoncées par le chef de l'État qui a précisé ce que le Fonds n'aurait pas à faire. Nous avons publié, avec Augustin de Romanet, les doctrines d'investissement de la Caisse. Le Fonds stratégique en étant une filiale, ses doctrines devront s'inspirer de celles de la Caisse.

Si ce dernier point ne présente aucune difficulté, en revanche, l'État doit être conscient que, malgré les disponibilités de la Caisse des dépôts, nous avons atteint aujourd'hui le maximum d'intervention sur les fonds d'épargne, d'une part, et sur la section générale, d'autre part. Il faut en effet que l'institution garde des possibilités d'intervention stratégique : le dossier de La Poste viendra en son temps.

Nous devons aussi, avec l'État, respecter soigneusement la logique de rentabilité du Fonds, consistant à investir dans des entreprises qui ont un avenir. C'est d'ailleurs ce que son directeur général, M. Michel, a dit ce soir devant la commission de surveillance.

La Caisse des dépôts est dans son rôle en intervenant chaque fois que des événements majeurs se produisent dans le pays. Elle l'a fait au moment de la reconstruction au lendemain de la guerre et à chacune des grandes étapes de l'histoire industrielle et économique de la France.

Cette institution dispose aujourd'hui de ressources qui n'ont jamais été aussi élevées. Elles sont engagées, mobilisées au service de l'économie, mais il ne saurait être question de procéder comme pour le jeu du bonneteau. Il faut donc que les choix arrêtés prennent en compte les demandes urgentes mais aussi les stratégies de long terme que la Caisse a toujours défendues et qui lui permettent aujourd'hui d'être au rendez-vous de l'urgence.

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