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Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 9 octobre 2008 à 9h30
Grenelle de l'environnement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristiane Taubira :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, chers collègues, j'avais prévu de consacrer la moitié de mon intervention à des sujets d'ordre général, tels que les déchets nucléaires, déclarés hors la loi – en tout cas hors la vôtre –, leur neutralisation ; leur enfouissement ; le financement de la recherche par les bénéfices de la filière ; la performance verte de certains moyens de transports ; les fausses alternatives énergétiques – pourquoi se priver d'un peu d'ironie ? – ; les audaces impressionnantes que sont l'exemplarité de l'État et même le contenu environnemental des messages publicitaires.

Mais, après avoir entendu hier le ministre d'État répondre à Serge Letchimy et avoir écouté Alain Gest, je me suis dit qu'il valait mieux prendre le temps de lever les malentendus et de préciser que les outre-mer ne sont ni des vitrines, ni même des terres de grande sympathie. Ce sont en fait des territoires peuplés, avec des histoires et des identités. Dans les propos tenus hier par Serge Letchimy, il n'y avait pas de demande affective, il y avait une exigence politique.

De ce point de vue, comment ne pas s'étonner de voir reléguer à l'article 49 quelques dispositions spécifiques aux outre-mer et surtout de voir expulser, par principe, vers cet article 49 tout amendement relatif à l'outre-mer, alors que c'est principalement armée des atouts des outre-mer que la France se présente dans les rencontres internationales et, mieux, qu'elle y affirme à la fois le bien-fondé de ses points de vue et de ses exigences ?

Ce fut le cas à Rio en 1992, où la seule avance française a été la promesse de création d'un grand parc naturel en Guyane. Lors de la convention de Washington déjà, elle avait présenté à la protection de nombreuses espèces tropicales et équatoriales. Pour la convention de Ramsar sur les zones humides, la Guyane occupe une place de choix. À Kyoto, la France a déclaré 15,5 millions d'hectares de forêts pour son territoire hexagonal, auxquels elle a ajouté 8 millions d'hectares venant des outre-mer, dont 7,5 de la seule Guyane, ce qui propulse notre pays, grâce à cet apport amazonien, à la quatrième place en Europe, après la Suède, la Finlande et l'Espagne – des pays qui n'ont pas de bonus tropical.

À Kyoto toujours, conformément au paragraphe 1 de l'article 5, la France s'est engagée à présenter un inventaire annuel sur ses émissions de gaz à effet de serre. Cet inventaire a été élaboré par le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique. Il est calculé à partir de six secteurs émetteurs, dont sont soustraits les prairies et les forêts qui séquestrent du CO2. En 2006, sur les 404 millions de tonnes de gaz déclarées par la France, elle a déduit 73 millions de tonnes de carbone capturées par cette forêt, dont 15 millions de tonnes – soit un plus de 20 % – par la seule forêt guyanaise.

Dans le domaine maritime, c'est la même chose. La France est classée deuxième puissance mondiale, juste après les États-Unis, selon le critère de la superficie. Mais, sur ces 11 millions de kilomètres carrés, 97,28 % sont apportés par les outre-mer, dont la moitié par la seule Polynésie. C'est à ce titre, en tout cas, que la France a autorité pour participer aux conférences internationales sur le droit de la mer et aux protocoles et conventions concernant la mer territoriale et la zone contiguë, la haute mer, le plateau continental, la pêche et les ressources biologiques, mais aussi bien entendu les massifs coralliens, les travaux de reconnaissance du fond des mers comme patrimoine commun de l'humanité ou ceux concernant le régime juridique du patrimoine culturel subaquatique. Bien évidemment, lorsque les technologies permettront l'exploitation industrielle des nodules poly- métalliques, ces anomalies géologiques se trouvant dans les mers chaudes, la France sera fondée à faire valoir ses points de vue et ses intérêts.

Autrement dit, parler de trame verte et bleue, c'est-à-dire de biodiversité terrestre et marine, en refoulant les outre-mer à la toute fin du texte révèle quand même une méthode singulière.

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