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Intervention de Jean Grellier

Réunion du 9 octobre 2008 à 9h30
Grenelle de l'environnement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Grellier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, mes chers collègues, je limiterai volontairement mon propos à la problématique des déchets.

Celle-ci fait l'objet dans ce projet de loi d'un seul article, l'article 41. Pourtant, le concept de déchets peut se décliner comme une donnée transversale et récurrente des différents thèmes contenus dans ce texte. En effet, il intègre plusieurs problématiques, que ce soit en termes de logement, d'habitat ou de modes de production, de transformation et de commercialisation des produits. Il touche aussi aux domaines du transport et de l'énergie, et conditionne ainsi un certain nombre d'aspects des orientations économiques et industrielles de notre pays.

Il serait donc normal, à mon avis, de se donner une ambition beaucoup plus importante, allant au-delà des seules généralités de l'article 41 tel qu'il nous est soumis. Je rappelle d'ailleurs que, dans ses conclusions, le Conseil économique et social invitait à plus d'ambition en réclamant le dépôt d'un projet de loi spécifiquement consacré à la question des déchets.

Plusieurs objectifs doivent être poursuivis. Il convient de faire de la prévention des déchets une vraie priorité. Elle constitue le meilleur moyen d'éviter les impacts environnementaux tout en diminuant les coûts de gestion. Il convient également d'encourager la coresponsabilité entre acteurs grâce à une régulation publique, afin de renforcer la cohérence de la politique des déchets et d'en améliorer le traitement.

Le terme générique de « déchet » masque une réalité complexe et mal connue. Le code de l'environnement le définit comme « tout résidu d'un processus de production, de transformation ou d'utilisation, toute substance, matériau, produit (...) abandonné ou que son détenteur destine à l'abandon ».

Le déchet, d'une manière générale, s'intègre donc dans le cycle de vie des différentes activités économiques. Il est ce qui reste d'un produit dont la consommation ne permet pas une complète utilisation. Mais il n'est pas forcément et tout de suite un déchet ultime, dont il faudrait assurer un traitement spécifique. Au contraire, il peut devenir un nouveau produit qui, dans le cadre d'un recyclage, peut s'intégrer dans un processus de fabrication, d'utilisation et de consommation et, à son tour, fournir un nouveau déchet.

Le déchet le plus facile à recycler et à valoriser est précisément celui qui n'a pas été produit. Pour cela, il faut créer les véritables conditions économiques permettant de réduire les déchets à la source et favoriser la valorisation des ressources déjà produites. Il faut mettre en place les conditions concrètes pour permettre la réutilisation des sous-produits de chaque processus de production ou de consommation, pour les réintégrer et éviter leur dégradation en déchets ultimes, en les considérant comme des ressources potentielles.

Ce concept englobe la réduction de déchets en amont par l'éco-conception des produits, le remplacement de la vente de produits par la vente de services ou la location –économie de fonctionnalité –, peu génératrices de déchets, le réemploi et, enfin, le recyclage. Cette organisation est fortement créatrice d'emplois, dont une partie n'est pas délocalisable.

Le rapport entre la mise en décharge et le tri et le recyclage d'un même tonnage est de un à dix en termes d'emplois.

En conséquence, dans l'aboutissement ou la phase terminale de ces différents cycles, il serait nécessaire de prendre en compte, dès le produit initial, la faculté d'utiliser économiquement mais aussi socialement, l'ensemble des activités générées par ces cycles, pour mesurer la capacité sociétale, économique et écologique de le tolérer. Il faut donc que ces cycles soient globalement vertueux.

C'est à ce stade qu'apparaît la nécessité d'une recherche fondamentale en amont de la production, afin de prendre en compte l'ensemble des problématiques qui, en aval du produit initial, sont attachées aux différents cycles qui vont se dérouler.

Dans ce domaine, il y a une action d'envergure à accomplir et à mettre en oeuvre, qui concerne de nombreux acteurs des chaînes de production, de transformation, de commercialisation et de consommation, afin d'aboutir à une démarche optimale qui doit s'intégrer alors dans la notion de développement durable.

Mais, en même temps, il y a un fort enjeu économique en termes de valeur ajoutée à des ressources qui peuvent être locales et qui doivent trouver des solutions locales.

Ces démarches doivent être forcément diversifiées, afin de s'adapter aux différents types de déchets.

Les déchets ménagers demandent une implication citoyenne et collective.

Les déchets de l'agriculture, de la construction, du bâtiment et des travaux publics en appellent à la responsabilisation des producteurs, des promoteurs et des entreprises.

Les déchets industriels demandent que soit prise en compte la spécificité de chaque modèle industriel.

Les déchets nucléaires, qui ne sont nullement abordés dans ce projet de loi, représentent pourtant un enjeu important en termes de traitement et d'élimination, voire de réutilisation.

Il y a cependant une constante dans ces différentes catégories de déchets : la nécessité d'en maîtriser les volumes. Cela passe par un contrôle de toute la chaîne et de la durée de vie des déchets.

Cela permettra d'en maîtriser le coût résiduel, qui, actuellement, porte essentiellement sur l'usager, le consommateur et le contribuable, et qu'il faut plus justement répartir. Pour cela, la collectivité publique, à ses différents niveaux de responsabilité, doit mettre en place une réglementation cohérente intégrant les priorités écologiques et environnementales, en lui donnant un caractère incitatif, voire, si nécessaire, contraignant, afin de pouvoir obtenir très rapidement des résultats significatifs.

Après une période active dans les années 1992-2002, à la suite du rapport de la commission Bourrelier, qui avait recommandé une forte relance de la recherche sur les déchets pour accompagner les objectifs de la loi de 1992, la recherche s'est essoufflée.

En outre, la problématique des déchets devrait être intégrée à l'ensemble des programmes de recherche et développement des producteurs, afin de ne pas être cantonnée au seul traitement des produits en fin de vie.

Le cadre très général de ce projet de loi ne me paraît pas répondre à cette urgence. C'est donc un chantier qui reste ouvert et qui demandera une grande mobilisation, mais qui, contrairement aux idées reçues, peut être positif en termes d'enjeu et de développement économique territoriaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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