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Intervention de Valérie Pecresse

Réunion du 23 juillet 2007 à 15h00
Libertés et responsabilités des universités — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat après déclaration d'urgence

Valérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je tiens en préambule à rendre hommage aux travaux de cette assemblée qui ont inspiré le projet de loi sur les libertés et les responsabilités des universités que j'ai aujourd'hui l'honneur de vous présenter.

Je pense d'abord aux rapports qui, en 2006, ont contribué à l'élaboration du Pacte pour la recherche sous l'impulsion de mon prédécesseur, François Goulard, et de Jean-Michel Dubernard, alors président de la commission des affaires culturelles, avec une mention particulière pour celui de la mission d'information sur la recherche publique et privée en France face au défi international que Jean-Pierre Door présida, et à laquelle participèrent de nombreux collègues qui sont aujourd'hui à nouveau présents dans cet hémicycle pour débattre de questions qu'ils savent décisives pour l'avenir de notre pays et que je tiens à saluer : je vois Pierre Lasbordes, Pierre Cohen, Yvan Lachaud, Jean-Yves Le Déaut, Gaëtan Gorce, Jacques Domergue.

Je pense ensuite à l'ambitieux rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances sur la gouvernance des universités, signé de Michel Bouvard et Alain Clayes, dont les préconisations trouvent une concrétisation directe dans le texte qui vous est aujourd'hui présenté.

Je veux remercier le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, M. Pierre Méhaignerie, le rapporteur du projet de loi, M. Benoist Apparu, ainsi que l'ensemble des membres de la commission des affaires culturelles et des députés, de la majorité comme de l'opposition, d'avoir accepté de travailler dans des délais particulièrement resserrés, délais qui nous étaient dictés par l'urgence même d'une réforme attendue et espérée de tous. Je leur sais gré de la qualité des relations que nous avons nouées et des discussions que nous avons eues au cours de ces dernières semaines. Elles permettront, j'en suis certaine, d'enrichir, de préciser et d'améliorer encore ce projet de loi.

Nous devons favoriser l'avènement d'universités puissantes et autonomes, appelées à jouer un rôle central dans la formation des élites et dans l'effort de recherche. L'autonomie des universités est la clef de voûte de la réforme de notre système d'enseignement supérieur. Ainsi s'exprimait Nicolas Sarkozy dans son livre Témoignage.

Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, le texte que j'ai l'honneur de vous présenter est le fruit d'une volonté politique longtemps réfléchie et mûrie qui arrive aujourd'hui à son terme. C'est pourquoi la réforme de notre système public d'enseignement supérieur et de recherche figure à la première page de l'agenda du Gouvernement de François Fillon.

Mais pour réussir cette réforme globale, la nation doit d'abord renouveler le pacte de confiance et d'exigence qui la lie à l'Université depuis plus de huit siècles.

Car le destin de notre nation est intimement lié à celui de ses universités. L'Église les créa, les rois les confortèrent, la Révolution leur adjoignit les Grandes écoles, l'Empire les refonda, la IIIe République fit d'elles ce qu'elles sont encore aujourd'hui : des temples républicains du savoir, où chaque jeune, quelle que soit son origine sociale, peut venir apprendre tout ce qui fera de lui un homme ou une femme libre, un esprit éclairé.

Madame la présidente, je pense particulièrement à celui qui occupa longtemps votre siège, Édouard Herriot, ce boursier qui, grâce à son travail, à son talent et aux écoles et universités de cette république, fut tour à tour, normalien, agrégé, docteur, maire de Lyon, Président du Conseil, puis de l'Assemblée nationale et enfin académicien peu après son retour de déportation.

C'est à cette histoire pleine de destins exemplaires que nous devons aujourd'hui être fidèles en osant refonder l'université française.

La nouvelle université.

Une université qui dispose de toutes les armes nécessaires pour affronter la compétition mondiale de l'intelligence ;

Une université qui s'adapte aux besoins de notre société en s'ancrant fermement dans son territoire, sans cesser pour autant de s'ouvrir au monde ;

Une université qui mobilise chaque membre de la communauté universitaire autour d'un projet d'établissement clair et ambitieux ;

Une université qui offre à chaque étudiant une formation de qualité et de vraies perspectives professionnelles.

C'est cette université qui nous permettra de relever les deux défis auquel notre nation doit faire face : élever le niveau de qualification des nouvelles générations ; structurer des réseaux de recherche de niveau international.

Ces défis, nous allons les relever au plus vite, car la bataille pour conserver en France nos emplois, nos centres de décision et nos structures de recherche est d'ores et déjà lancée.

« Aujourd'hui la bataille se joue sur le terrain de l'esprit ! » nous dit Edgar Morin. Eh bien ! cette bataille, c'est dans nos universités que nous la gagnerons et c'est là aussi que nous pouvons la perdre si nous n'agissons pas au plus vite.

L'urgence appelle l'audace. Nul ne peut reprocher au Gouvernement de mener la réforme tambour battant, nul ne peut me reprocher de vouloir y jeter toutes les forces qui aujourd'hui se rassemblent pour avancer.

Je n'ignore pas que la réforme de l'université est difficile et périlleuse : depuis vingt ans, tous mes prédécesseurs, de droite comme de gauche, l'ont voulue ou l'ont tentée, convaincus qu'ils étaient de son caractère incontournable.

Mais aujourd'hui, je le dis avec une certaine gravité en m'adressant à tous les bancs de cet hémicycle, nous n'avons plus le droit d'échouer. Se contenter du statu quo ou céder au renoncement serait irresponsable. Je dirais même coupable.

Et d'abord envers nos étudiants.

Mal orientés, mal encadrés, trop nombreux à décrocher, trop nombreux à ne pas trouver d'emploi à la fin de leurs études, c'est pour eux d'abord que nous devons agir.

Notre université est riche d'un million et demi d'étudiants. Et pourtant, un tiers seulement d'entre eux a réellement choisi d'être là. Les autres, c'est-à-dire l'immense majorité, se retrouvent à l'université, faute d'avoir été admis en section de technicien supérieur, en institut universitaire technologique ou en classe préparatoire. Pour beaucoup de ceux-là, l'échec est prévisible dès la première année. Ils sont ainsi 90 000 à quitter chaque année l'université sans diplôme.

Décidément, ne rien faire, ne pas réagir, ce serait insulter l'avenir. L'avenir de notre jeunesse qui nous a dit clairement l'année dernière combien elle avait besoin de respect, de justice et tout simplement de sens. L'avenir de notre pays tout entier, qui risque un véritable déclassement dans la bataille mondiale de l'intelligence qui se livre désormais.

Dans le dernier et sans doute trop célèbre classement de Shanghai, la première université française, l'université Pierre et Marie Curie, occupe seulement la quarante-cinquième place.

Je sais bien, tous ces classements sont sujets à caution. Leurs défauts sont nombreux. Eh bien ! Que les Européens se donnent les moyens d'en élaborer d'autres ! Pourquoi ne pas en faire un des objectifs de la présidence française de l'Union européenne en 2008 ?

Pour autant, ne nous voilons pas la face. Mesdames et messieurs les députés, écoutons le général de Gaulle, qui aimait à dire « qu'il n'y a de réussite qu'à partir de la vérité ». Or, la vérité, c'est que la France attire encore bien trop peu d'étudiants venus des pays qui, demain, seront au coeur de la croissance mondiale. La vérité, c'est que de plus en plus de jeunes chercheurs quittent nos universités pour en rejoindre d'autres, mais à l'étranger. La vérité, c'est que la France connaît une dégradation sensible de l'attractivité internationale de ses universités et de la visibilité de ses travaux de recherche.

Dans ce contexte alarmant, le Pacte pour la recherche adopté l'an dernier par le Parlement, sous l'impulsion de François Goulard, que je salue, a posé les premières fondations du redressement scientifique de notre pays.

Les pôles de recherche et d'enseignement supérieur permettent désormais la mise en commun de nos forces scientifiques ; une Agence de l'évaluation de la recherche de niveau international est née, elle sera pleinement opérationnelle dans les semaines à venir ; l'Agence nationale pour la recherche a été confortée ; des réseaux thématiques de recherche avancée voient le jour qui, sur un projet scientifique commun, font vivre ensemble des équipes d'excellence venues des universités, des organismes mais aussi de partenaires publics et privés.

Aujourd'hui, il faut aller encore plus loin et lever les derniers freins sur lesquels toute une tradition d'excellence scientifique vient buter. Car la France, c'est quarante-sept hommes et femmes couronnés d'un prix Nobel, dont une femme d'exception, Marie Curie, qui le reçut par deux fois. La France, c'est neuf médailles Fields, et une réputation mondiale dans le domaine des mathématiques.

Mais, pour moderniser l'université, pour que vive notre excellence, il faudra désormais rompre. Rompre avec la complaisance d'abord. Il est temps de parler avec sincérité à notre jeunesse : ne plus faire croire aux étudiants et à leurs familles que l'égalité des chances, c'est le droit pour tous de tout faire et aussi longtemps que possible. Rompre avec l'indifférence ensuite : nous ne pouvons plus continuer à fermer les yeux sur une situation que chacun sait explosive.

L'État dépense chaque année 7 000 euros pour un étudiant, alors même qu'il investit 10 000 euros pour un lycéen. Nous sommes le seul pays de l'OCDE à présenter un tel déséquilibre dans ses engagements. Ce n'est pas un choix d'avenir, je le dis clairement. Nous avons laissé l'université devenir le parent pauvre de notre enseignement supérieur, parce que nous la jugions irréformable.

Or, l'avenir est à l'université. Tous nos efforts doivent s'y porter. Dans le respect du pacte solennel qui unit la nation à son université, la réforme que propose le Gouvernement fait le pari de la liberté et la responsabilité.

Liberté et responsabilité : les valeurs cardinales de notre université et les principes fondateurs de notre projet politique.

Rendre leur liberté aux universités, c'est leur confier des responsabilités qu'elles n'étaient pas en mesure d'assumer auparavant, faute d'avoir des structures capables de les exercer. C'est lever les pesanteurs devenues insupportables dans un monde où la réactivité est indispensable.

Permettez-moi juste de vous donner trois exemples, qui sont tellement parlants :

Élire le président d'une université suppose de réunir 140 personnes et de recourir parfois à vingt-trois tours de scrutin ;

Recruter un professeur peut prendre jusqu'à dix-huit mois ;

Un conseil d'administration d'université décide d'absolument tout, y compris de l'installation des parcmètres aux abords de l'université, alors qu'il devrait pouvoir se concentrer sur ses missions essentielles, c'est-à-dire le recrutement, les formations, la stratégie de recherche.

Conjuguer liberté et responsabilité au coeur d'une gouvernance rénovée, voilà la première condition du redressement de nos universités.

L'organisation de nos établissements sera plus rationnelle, plus fluide, plus transparente, et donc plus efficace.

La définition de la politique scientifique et de formation sera dévolue à un conseil d'administration à la fois resserré et plus largement ouvert sur le monde socio-économique et les collectivités locales.

Les pouvoirs de proposition du conseil scientifique et du conseil des études et de la vie universitaire, sources d'incessantes navettes et tractations, sont supprimés. Ces deux conseils pourront désormais se consacrer pleinement à leur mission de soutien et d'éclairage de la politique d'établissement.

Avancée remarquable enfin : la mise en place, dans chaque université, d'un comité technique paritaire destiné à devenir le lieu privilégié du dialogue social, ce qui aura pour effet de désencombrer singulièrement les ordres du jour du conseil d'administration.

Cette clarification des rôles des différents conseils s'accompagne du renforcement de l'autorité et des compétences du président de l'université.

Légitimement élu, au sein ou à l'extérieur de l'établissement, il incarnera un projet et animera une équipe de direction cohérente, sous le contrôle du conseil d'administration. Il sera jugé sur ses résultats dans le cadre d'un mandat de quatre ans renouvelable une fois.

Un président, issu du monde universitaire ou de la recherche, qui se verra conférer un pouvoir dont dispose déjà un directeur d'IUT, celui de refuser par un avis défavorable motivé l'affectation de tout membre du personnel qui ne correspondrait pas au profil du poste.

Grâce à cette rénovation profonde de leur gouvernance, nos universités pourront enfin assumer des compétences nouvelles.

Conjuguer liberté et responsabilité au coeur d'une autonomie réelle, voilà la deuxième condition du redressement de nos universités.

Des universités autonomes, ce sont d'abord des universités qui maîtrisent leur recrutement, un recrutement à la fois rapide et adapté.

C'est pourquoi, dès son entrée en vigueur, la loi permettra aux établissements de raccourcir les délais de recrutement de leurs enseignants-chercheurs. C'est ainsi que nos universités pourront garder, attirer et retenir les meilleurs.

Dans le respect du principe constitutionnel de l'indépendance des professeurs et du statut de la fonction publique, des comités de sélection ad hoc seront donc créés à cette fin dans les universités, sous le contrôle du conseil scientifique de l'établissement. Mais un recrutement autonome, rapide et adapté, ce n'est pas un recrutement qui cède à la tentation du « localisme » : ces conseils comprendront donc nécessairement une moitié de membres extérieurs.

D'ici à cinq ans, toutes les universités devront progressivement atteindre le stade ultime de leur autonomie, en obtenant la maîtrise pleine et entière de leur budget et la gestion de leurs ressources humaines.

Elles pourront ainsi faire appel à des contractuels français ou étrangers afin d'occuper des fonctions d'enseignants-chercheurs ou des emplois de catégorie A non pourvus dans l'université.

Selon des règles générales fixées par le conseil d'administration, le président mènera une véritable politique de primes et d'intéressement. Il pourra aussi moduler les obligations de service des enseignants-chercheurs en fonction de leurs parcours professionnels et des besoins de l'université. Doivent-ils pouvoir consacrer plus de temps à la recherche ? Faut-il au contraire qu'ils enseignent davantage ? Peuvent-ils s'impliquer plus encore dans l'administration de l'établissement ou dans le suivi pédagogique des étudiants ? Voilà des questions que, faute d'autonomie, on ne pouvait jusqu'ici même pas poser.

Cette souplesse d'organisation du travail est indispensable à la mise en oeuvre d'une véritable stratégie d'établissement. Elle exige bien sûr une évaluation rigoureuse.

Enfin, aux universités qui le souhaitent et à elles seules, l'État transférera la pleine propriété de leurs biens immobiliers. Elles pourront ainsi en faire le meilleur usage.

Vous le voyez, le Gouvernement veut des universités ouvertes et dynamiques. Et une université ouverte, c'est aussi une université riche des relations qu'elle entretient avec de nombreux partenaires publics et privés. Nous avions proposé que des fondations universitaires, reconnues par nature d'utilité publique, puissent être créées, sans personnalité morale. Le Sénat a renforcé notre ambition, en permettant aux universités de créer également des fondations partenariales.

A mes yeux désormais, tous les fonds disponibles, qu'ils proviennent d'anciens élèves, de généreux donateurs, de collectivités publiques ou d'entreprises privées, doivent être dirigés vers le nouvel horizon du XXIe siècle : l'élévation du niveau de connaissances de nos enfants.

Cette autonomie, le Gouvernement l'a voulue d'abord pour nos universités, qui en ont un besoin vital. Mais je reconnais comme parfaitement légitime que d'autres établissements d'enseignement supérieur puissent en bénéficier s'ils le souhaitent. Je pense, par exemple, aux Écoles normales supérieures ou au Collège de France, à ces fleurons du paysage scientifique mondial qui sont d'ores et déjà candidats à l'autonomie. Je m'en félicite, car ils apportent ainsi la preuve que ce nouveau statut, que nous allons bâtir ensemble, est le plus adapté aux défis qui nous attendent.

Mesdames, messieurs les députés, je mesure la portée du projet de loi que je vous soumets aujourd'hui. C'est une véritable révolution culturelle que les universités s'apprêtent à accomplir. Mais elles ne seront pas seules. Elles auront à leurs côtés un État plus déterminé et investi que jamais, aux côtés de son enseignement supérieur.

Un État garant de l'égalité entre étudiants, entre territoires et entre établissements.

Le caractère national des diplômes habilité par l'État, la définition par ce dernier du montant annuel des droits d'inscription, le rôle dévolu au recteur en matière de contrôle de légalité : tout cela constitue l'armature d'un service public fidèle à ses valeurs originelles.

Un État garant, et un État partenaire.

Ainsi, les universités bénéficieront d'audits d'organisation ; des formations seront offertes à leur personnel et un état du patrimoine immobilier leur sera fourni.

Chaque année, un comité de suivi évaluera la mise en oeuvre de la réforme et accompagnera les universités dans chacune des étapes de l'autonomie. Car notre ambition est simple : permettre à toutes les universités d'atteindre dans un délai de cinq ans l'ensemble des objectifs fixés par la loi.

Dans ce cadre, le renforcement de l'évaluation au travers du contrat quadriennal d'objectifs et de moyens scellé entre l'État et chaque université est une exigence et un principe structurant de la réforme.

Ce projet de loi arme nos universités pour la bataille mondiale du savoir. L'État doit maintenant renforcer le nerf de cette guerre pacifique, mais acharnée.

C'est la volonté du Premier ministre qui a annoncé dans son discours de politique générale un effort sans précédent en faveur des universités. En cinq ans, ce sont 5 milliards d'euros supplémentaires qui leur seront consacrés.

Cette promesse est à la hauteur des choix stratégiques d'une nation qui veut s'investir pleinement dans l'économie de la connaissance, et c'est bien notre intention. Avec l'autonomie des universités, nous bâtissons le socle sur lequel s'appuiera la nouvelle université.

Et sur ce socle, nous allons refonder notre service public d'enseignement supérieur en nous donnant cinq priorités, en ouvrant cinq chantiers, cinq chantiers pour changer l'université :

Conduire une véritable stratégie pluriannuelle d'amélioration des conditions de vie étudiante ;

Rénover les carrières des personnels ;

Offrir à la communauté universitaire des campus dignes d'un grand pays développé ;

Soutenir nos jeunes chercheurs, qui sont la force vive de la science française ;

Enfin, faire réussir nos étudiants en licence.

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