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Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Réunion du 2 juin 2008 à 21h30
Modernisation de l'économie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec :

Les Français, particulièrement les plus modestes, y sont attachés. Ces livrets sont en effet une pierre angulaire de l'accessibilité bancaire sur nos territoires ruraux comme dans les quartiers sensibles. Le livret A demeure le dernier lien de nombreuses familles avec les guichets bancaires. C'est aussi un système unique en Europe de financement du logement social, qui a permis de construire 4,3 millions de logements et de poursuivre d'ambitieuses politiques de la ville ou de la rénovation urbaine.

Accession bancaire et financement du logement social sont deux réalités qui s'inscrivent dans deux services d'intérêt économique généraux reconnus au niveau européen. Or, alléguant l'obligation de mettre en conformité la législation française avec le droit européen, et sans attendre l'issue du recours que le Gouvernement Français lui-même a formé avec d'autres, vous engagez dans la précipitation et sans véritable concertation préalable, non seulement une réforme du mode de distribution du livret A, en ouvrant cette possibilité à tous les établissements bancaires, mais surtout un changement radical dans les principes de centralisation des fonds collectés et dans les modalités de rémunération des services bancaires.

Vous allez ainsi bien au-delà de la prescription européenne et vous donnez satisfaction aux banques en leur offrant plus que ce qu'elles prétendaient vouloir remettre en cause quand elles demandaient la fin du monopole de distribution du livret A. Ce faisant, vous répondez davantage à la logique du profit qu'à celle du financement du logement social, que vous sacrifiez à des enjeux immédiats afin de combler les insuffisances de disponibilités des grands établissements bancaires.

Avouez qu'il est singulier de voir l'épargne populaire appelée au secours des banques, alors que celles-ci chignent souvent pour les découverts des plus modestes, facturent lourdement des prestations et relèvent les taux d'emprunt dont l'offre est actuellement restreinte, y compris pour l'accession sociale à la propriété. Oui, l'idée est pour le moins singulière !

Alors que, jusqu'à présent, 100 % des fonds collectés sur les livrets A étaient affectés au logement social, votre projet prévoit que 70 % seront centralisés et affectés au logement, tandis que 30 % seront conservés par les banques. Cette répartition est un cadeau, sans contrepartie réelle, de 60 à 70 milliards d'euros de collecte, ce qui leur apportera environ 2 milliards d'euros de résultat supplémentaire par an. Qui peut croire sérieusement qu'une contrainte réelle sera imposée aux banques pour qu'elles engagent cette manne dans des investissements d'intérêt général ?

Or la Commission européenne, qui condamne, certes, le monopole de la distribution du livret A, ne remet pas pour autant en cause la centralisation à 100 % de la collecte, qui, selon ses propres termes, « dépend exclusivement des autorités françaises ». En outre, dans une lettre à la Commission européenne datée du 13 octobre 2006, les établissements bancaires eux-mêmes, bien qu'auteurs de la plainte contre les autorités françaises sur le monopole de distribution du livret A, s'étaient engagés à ne pas remettre en cause la centralisation intégrale par la Caisse des dépôts. La décision européenne n'a jamais porté sur le bien-fondé du service public de financement du logement social, comme l'a rappelé à plusieurs reprises Mme Neelie Kroes, commissaire européenne, qui a pris ses distances vis-à-vis de votre dispositif. J'ajoute que le risque d'un nouveau recours n'est pas écarté.

À défaut de garanties suffisantes, la renonciation au principe de la centralisation à la Caisse des dépôts emporte fragilisation du financement du logement social et présente de graves risques d'insuffisances financières pour les politiques du logement et de la ville, sans parler de ses conséquences sur la réduction des prêts et l'alourdissement de leur coût. Tous les bailleurs sociaux vous l'ont dit.

Le groupe socialiste n'accepte pas ce choix, qui sonne comme une double peine pour les ménages les plus modestes en termes d'accessibilité bancaire et d'effectivité du droit au logement. Un an après l'adoption de la loi instituant le droit au logement opposable, alors que la première condamnation sur ce fondement a été prononcée par le tribunal administratif de Paris et, dans une période de crise budgétaire, le Gouvernement déciderait donc de compromettre les objectifs, fixés par les lois successives, de construction de logements destinés aux plus modestes, les plus adaptés, les plus financés par l'emprunt et donc par le livret A ? Je rappelle le Gouvernement à l'exigence du logement social, qui a été oublié, je l'affirme, dans la préparation de ce texte.

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