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Intervention de Jacques Remiller

Réunion du 10 avril 2008 à 15h00
Traité d'organisation mondiale de la propriété intellectuelle : droit d'auteur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Remiller, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'Assemblée nationale est saisie de deux projets de loi visant à autoriser la ratification de deux traités conclus le 20 décembre 1996 dans le cadre de l'OMPI, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, une institution spécialisée des Nations unies.

L'un porte sur le droit d'auteur, l'autre sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes.

Ces traités ont été négociés pour adapter le droit d'auteur à la révolution numérique. Droit d'auteur et nouvelles technologies entretiennent en effet des relations paradoxales. Car le progrès technique, en même temps qu'il facilite la diffusion des oeuvres – mais trop souvent au moyen de la transgression des règles relatives à la protection du droit d'auteur –, s'accompagne aussi de nouvelles possibilités de cryptage et de marquage qui permettent de limiter le nombre de copies ou d'en suivre le cheminement sur Internet.

Grâce aux nouvelles technologies et au développement des réseaux d'utilisateur à utilisateur, il devient désormais possible de partager gratuitement des fichiers numériques entre un nombre quasiment illimité d'utilisateurs anonymes. Conséquence de ces évolutions : la culture de la gratuité s'est propagée parmi les utilisateurs d'Internet tandis que le droit d'auteur est perçu par les internautes comme un frein à la diffusion des oeuvres.

Les deux traités Internet de l'OMPI représentent une étape importante sur la voie de la modernisation du système international du droit d'auteur, marquant ainsi l'entrée de ce système dans l'ère numérique.

Le traité sur le droit d'auteur protège les oeuvres photographiques, les peintures, les sculptures et les films. Il actualise et complète la convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques adoptée en 1886 et dont la dernière révision datait de 1971.

Le traité sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes protège les droits des producteurs de phonogrammes ou d'enregistrements sonores – disques, cassettes, disques compacts – ainsi que les droits des artistes interprètes ou exécutants dont les interprétations ou exécutions sont fixées sous la forme d'enregistrements sonores. Ce traité actualise et complète la convention de Rome adoptée en 1961.

Les traités de l'OMPI garantissent que les titulaires de ces droits continueront à bénéficier d'une protection appropriée et efficace lorsque leurs oeuvres sont diffusées sur Internet.

Ils renforcent en effet la protection du droit d'auteur et des droits voisins en accordant une protection juridique « appropriée » et en imposant des sanctions efficaces contre la neutralisation des mesures techniques mises en oeuvre par les titulaires de droits.

Ces mesures techniques correspondent à des mécanismes de contrôle de copie, comme par exemple le recours à un mot de passe pour accéder à une oeuvre en ligne.

Au-delà des mesures techniques, les traités Internet de l'OMPI protègent également ce qu'on appelle l'information sur le régime des droits. Ils interdisent en effet la modification ou la suppression délibérée des informations qui permettent d'identifier l'oeuvre, son créateur, l'artiste interprète et de déterminer les modalités et conditions de son utilisation.

L'efficacité de ces mesures de protection du droit d'auteur ne saurait être assurée sans la mise en place de sanctions destinées à empêcher leur contournement. Les traités de l'OMPI imposent ainsi aux parties contractantes de prévoir des sanctions juridiques « efficaces » contre la neutralisation des mesures techniques qui sont mises en oeuvre par les titulaires de droits.

Mais les traités accordent en même temps aux États la possibilité – sans que cela soit une obligation – d'apporter des limitations et exceptions au droit d'auteur. Il s'agit ainsi de protéger les intérêts autres que ceux des titulaires de droits, tels que les intérêts du grand public ou de personnes justifiant de besoins particuliers.

Cela n'est toutefois permis que s'il n'est pas porté atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ni causé de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur. Pour le savoir, il faut procéder à ce qu'on appelle le « test en trois étapes ».

Première étape : l'exception doit se limiter à un cas spécial. Deuxième étape : elle ne doit pas porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre. Troisième étape : elle ne doit pas causer de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'ayant droit.

Chacune de ces étapes constitue une condition à respecter pour pouvoir bénéficier d'une exception.

Le droit français est d'ores et déjà en conformité avec les deux traités de l'OMPI. En effet, leurs dispositions sont mises en oeuvre par la directive européenne du 22 mai 2001 sur le droit d'auteur, elle-même transposée par la loi dite DADVSI, la loi du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.

Je veux rappeler ici que la protection du droit d'auteur est une compétence partagée entre l'Union européenne et ses États membres et qu'à ce titre, la Commission européenne a participé à la négociation des deux traités Internet de l'OMPI. Ces traités relèvent ainsi de la catégorie des « accords mixtes », qui sont signés et ratifiés à la fois par la Communauté européenne et par chacun des États membres.

La directive de 2001 a été transposée en France par la loi DADVSI du 1er août 2006, qui fait d'une pierre deux coups en rendant notre droit national compatible à la fois avec la directive européenne et avec les traités de l'OMPI.

Notre code de la propriété intellectuelle comporte désormais des dispositions relatives à la protection juridique des mesures techniques et à l'information sur le régime des droits. La loi française prévoit en effet une amende d'un montant de 300 000 euros ainsi que trois ans de prison pour toute personne éditant un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d'oeuvres ou d'objets protégés, et jusqu'à six mois de prison et 30 000 euros d'amende pour toute personne diffusant ou facilitant la diffusion d'un logiciel permettant de casser les mesures techniques de protection.

Comme cela est permis par les traités OMPI, la loi DADVSI prévoit un certain nombre de limitations et d'exceptions au droit d'auteur, conformément au « test en trois étapes ». C'est notamment le cas des actes de reproduction spécifiques effectués par des bibliothèques accessibles au public, des musées ou des services d'archive.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la France satisfaisant déjà aux obligations résultant des traités Internet de l'OMPI, je vous recommande l'adoption des deux présents projets de loi, conformément au vote émis à l'unanimité par la commission des affaires étrangères. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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