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Intervention de Georges Ginesta

Réunion du 30 octobre 2007 à 21h30

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorges Ginesta, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan :

Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, mes chers collègues, le financement de la sécurité civile s'alimente à trois sources.

La mission « Sécurité civile » représente 418,4 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2008, mais si l'on y ajoute les dotations des autres ministères, la charge totale pour l'État s'élèvera, pour cette même année, à 900 millions d'euros. Toutefois, l'essentiel des coûts de sécurité civile est supporté par les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, dont les comptes administratifs ont fait apparaître une dépense de 4,2 milliards d'euros en 2006. Les budgets primitifs pour 2007 représentent 5,1 milliards d'euros, soit une augmentation de 20 % par rapport aux comptes administratifs de 2006. Si l'on compare les budgets primitifs de 2007 et de 2006, la progression atteint 7,7 %.

En 2008, les dépenses consacrées à la sécurité civile devraient représenter au total 5,9 milliards d'euros. La charge de cette politique publique sera proche de celle du logement – qui s'élève à 6,2 milliards d'euros –, ou de la justice, soit 6,5 milliards d'euros.

De telles augmentations rendent l'effort contributif de nos concitoyens difficilement supportable et les sommes ainsi dépensées font défaut dans d'autres secteurs de l'action locale, tout aussi prioritaires.

Dans les comptes administratifs pour 2006, le financement des SDIS équivaut à une dépense de 82 euros par habitant. Pour certains départements, cette dépense représente un prélèvement qui peut être supérieur à celui de la taxe d'habitation pour une famille de quatre personnes.

Force est de constater que l'appel lancé depuis deux ans par le rapporteur spécial n'a pas été entendu. L'importance de ces dépenses et leur incessante augmentation contraignent maintenant à demander une pause, qui consisterait à engager un mouvement de regroupement des casernes et à cesser les recrutements.

En réalité, avec, d'un côté, l'État qui détient uniquement les moyens mutualisés et qui réglemente et, de l'autre, les SDIS, en charge de la plus grande partie des moyens opérationnels, sous la responsabilité des conseils généraux, le système n'est pas piloté.

Ainsi, l'article 1er de la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004, selon lequel « l'État est garant de la cohérence de la sécurité civile au plan national », n'est pas respecté. La création en 2004 de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours n'a pas permis d'assurer une véritable gouvernance de la sécurité civile.

La revue générale des politiques publiques, lancée par le Gouvernement en juin dernier, doit être l'occasion de reposer le problème de l'architecture institutionnelle de notre système de sécurité civile. Il faudrait qu'au moins un de ses trois groupes de travail – relations entre l'État et les collectivités locales, administration territoriale ou sécurité –, soit explicitement chargé de la sécurité civile, dans ses dimensions nationale et locale.

Le 31 mai 2007, en application de la LOLF, pour la première fois, le rapport annuel de performances sur la mission « Sécurité civile » a été présenté en annexe au projet de loi de règlement pour 2006. Il s'agit d'une avancée majeure dans l'information du Parlement sur l'exécution de la loi de finances. Sa mise en oeuvre devra s'affiner au cours des ans, avec une meilleure appropriation du document par le responsable de programme. Le ministère de l'intérieur a habilement fait usage de la fongibilité asymétrique, avec les crédits de personnel non consommés, pour participer au financement du douzième Canadair.

Trois grandes orientations sont proposées par le Gouvernement pour 2008 : la modernisation des matériels d'intervention sur les risques naturels et technologiques et de lutte antiterroriste, la poursuite du programme du réseau ANTARES et, enfin, des projets immobiliers ciblés sur les sites opérationnels.

Le projet annuel de performances pour 2008 prévoit 732,2 millions d'euros en autorisations d'engagement, contre 564 millions d'euros en 2007, et 418,4 millions d'euros en crédits de paiement, contre 427,9 millions d'euros en 2007. La forte augmentation des autorisations d'engagement résulte de la conclusion en 2008 d'un marché de maintenance d'avions pour une période de dix ans, comme l'avait préconisé l'audit de modernisation d'avril 2006.

Il faut se féliciter de la bonne maîtrise par les services de l'État du budget de la sécurité civile. Il est par comparaison d'autant plus étonnant que les départements n'arrivent pas à en faire autant, et que l'augmentation du coût des SDIS soit permanente.

Cette maîtrise des coûts et des budgets par les services de l'État souffre cependant deux exceptions notables, concernant les colonnes de renfort et les secours d'extrême urgence, qui font l'objet de sous-dotations chroniques. Le projet annuel de performances pour 2008 prévoit un montant de 1,7 million d'euros pour les crédits des colonnes de renfort, alors que la moyenne des cinq dernières années s'élève à 9,5 millions d'euros. Les secours d'extrême urgence sont dotés de 0,1 million d'euros pour 2008, et la différence est encore plus grande avec la moyenne de consommation des cinq dernières années, qui s'élève à 26 millions d'euros – ce dernier montant inclut toutefois les crédits destinés à indemniser les victimes de la sécheresse de 2003.

Conformément aux préconisations des corps d'inspection, la justification du coût synthétique de l'heure de vol par appareil et l'intégration des dépenses d'investissement des flottes aériennes dans une perspective pluriannuelle, ont été développées dans le projet annuel de performances pour 2008.

Un objectif spécifique a été défini pour l'École nationale supérieure des officiers des sapeurs-pompiers, auquel a été associé un indicateur de performance. Il faut cependant regretter le retard pris pour la négociation et la signature du contrat d'objectifs et de performance, qui est pourtant une obligation de la LOLF, et qui seul permet un exercice efficace de la tutelle. Cette école joue un rôle primordial dans le recrutement et la formation de haut niveau des cadres supérieurs des services d'incendie et de secours. La presse a fait état de comportements violents ou indisciplinés de certains sapeurs-pompiers professionnels. Ces comportements isolés ne remettent évidemment pas en cause le haut degré de compétence de la très grande majorité de ces fonctionnaires territoriaux. Il convient toutefois de dénoncer ces dérives et de les corriger grâce au recrutement et à la formation.

En 2008, le fonds d'aide à l'investissement des SDIS, le FAI, sera doté de 28 millions d'euros de crédits. Ce fonds fait l'objet d'une réforme en profondeur pour éviter le saupoudrage et simplifier les procédures. Il s'agit de rendre au FAI sa fonction d'orientation des investissements des SDIS, qu'il accomplit en favorisant la mutualisation des acquisitions et de l'emploi des matériels. Ainsi, l'action de l'État pourra être recentrée sur un nombre réduit de priorités.

La version 2008 du projet annuel de performances a pris en compte certaines remarques des corps de contrôle, notamment en ce qui concerne la création d'un indicateur relatif au délai d'intervention en cas d'alerte au colis piégé. La présentation de ce document est intéressante et claire, mais ce projet de performances, trop bref et trop descriptif, manque certainement d'une ambition – en termes qualitatifs mais aussi financiers – qui permette une large mobilisation des services afin de maîtriser les coûts. On peut également s'interroger sur l'utilité, pour certains indicateurs, de définir des cibles très proches des réalisations, voire en retrait par rapport à elles.

Votre rapporteur spécial réitère sa remarque de l'an dernier sur la définition de l'indicateur « d'accidentologie des sapeurs-pompiers en service commandé ». Les explications méthodologiques montrent que sont considérés comme « accidents en service commandé ayant entraîné un arrêt de travail » les accidents qui remplissent deux conditions : d'une part, ils doivent avoir eu lieu à l'occasion de l'activité de sapeur-pompier professionnel ou volontaire – quelle que soit la nature de cette activité : trajet, intervention, casernement, etc. –, et être reconnus imputables au service par l'autorité territoriale ; d'autre part, ces accidents doivent avoir donné lieu à un arrêt de travail établi par un certificat médical. Une répartition entre les différents types d'accidents serait utile pour distinguer ceux qui se sont déroulés en intervention stricto sensu, de ceux survenus lors d'un trajet ou en caserne.

Si le projet de création d'une mission interministérielle sur la prévention des risques et la gestion des crises semble abandonné à court terme, le renforcement de la coordination interministérielle en matière de sécurité civile reste une nécessité. Le document de politique transversale pourra être une alternative à cette mission interministérielle, avec le rôle dévolu au ministère chef de file. Ce document comporte en outre, pour la première fois cette année, en application de l'article 129 de la loi de finances pour 2007 qui résulte de l'adoption d'un amendement de votre rapporteur spécial, des informations sur les SDIS. Ainsi, la direction de la défense et de la sécurité civile met-elle actuellement au point un ensemble de vingt-huit indicateurs normalisés reflétant une stratégie de gestion de la performance des SDIS.

Comme l'a annoncé le Président de la République lors de la clôture du congrès national des sapeurs-pompiers, le 29 septembre 2007, il est indispensable de revoir l'organisation du secours à personne, en surmontant les querelles de chapelle et l'opposition entre « rouges » et « blancs ». Dans ce domaine comme dans d'autres, les doublons, les redondances et les recouvrements de compétence engendrent des coûts qui doivent maintenant être maîtrisés.

Le nombre d'intervention des SDIS reste stable depuis huit ans, autour de 10 000 par jour, les incendies représentant 9,4 % de ce total et le secours à victime et l'aide à personne, 64 %.

L'activité traditionnelle du sapeur-pompier, le coeur de métier des soldats du feu, est donc maintenant devenue secondaire par rapport aux secours à personne. Cette évolution correspond certainement aux besoins et n'est pas critiquable en elle-même. Mais les SDIS continuent à être organisés avec les sujétions et les avantages liés à une activité qui prévalait jadis.

La croissance des effectifs des sapeurs-pompiers professionnels se poursuit : on dénombrait 37 677 hommes et femmes en 2006, soit 258 de plus qu'en 2005, et les dernières estimations provisoires montrent qu'en septembre 2007 on en comptait déjà plus de 38 000, ce qui représente une augmentation de plus de 10 000 en dix ans. Il faut, de plus, ajouter à ces effectifs ceux du bataillon de sapeurs-pompiers de Paris, soit 8 224 personnes, et ceux du bataillon de marins-pompiers de Marseille, soit 2 454.

L ' organisation du temps de travail, encore principalement fondée sur des gardes de vingt-quatre heures, n'a pas évolué pour s'adapter aux besoins, alors que l'on sait, par exemple, qu'il y a peu de demandes d'intervention entre vingt-trois heures et six heures du matin. Les sapeurs-pompiers effectuent, en moyenne annuelle, de quatre-vingt-quinze à cent gardes, ce qui laisse donc libres 270 jours par an. Une évaluation de ce régime de garde vient de nous être présentée. Nous devons tous être conscients qu'il convient d'inverser la tendance à la hausse des coûts, qui a largement pour origine l'accroissement des effectifs.

Une réflexion devra aussi s'engager sur la fiscalisation de ces dépenses, aujourd'hui portées uniquement par les collectivités territoriales.

En conclusion, mes chers collègues, je vous propose d'adopter, à la suite de la commission des finances, les crédits de la mission « Sécurité civile ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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