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Intervention de Jean-Frédéric Poisson

Réunion du 30 avril 2008 à 15h00
Lutte contre le trafic de produits dopants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Frédéric Poisson :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce débat n'est pas une discussion sur la place du sport dans la société contemporaine, mais vous me permettrez, avant d'en arriver au texte lui-même, de faire un détour par quelques considérations générales.

Le sport réclame, pour son exercice même et pour la préservation de son image et de son attractivité, que trois conditions soient remplies : l'égalité des chances entre les participants sur la ligne de départ, la loyauté de ces mêmes participants les uns vis-à-vis des autres, l'impartialité des personnes qui doivent juger et estimer les performances réalisées. Or le dopage conduit inévitablement à réduire à néant l'égalité entre les participants et la loyauté qui doit les animer. C'est la raison pour laquelle, il constitue une nuisance objective pour le sport dans son ensemble ainsi que pour l'image qu'il donne de lui-même dans notre monde.

Certains se seraient sans doute volontiers contentés d'en rester à ces constats, maintes fois formulés. Mais la réflexion sur le sport menée par les sociologues, les philosophes et les psychologues suscite bien d'autres sujets d'interrogation. Certaines critiques se concentrent sur le sport comme signe par excellence de la dérive capitaliste de la société contemporaine. Michel Caillat, professeur à l'université d'Orléans, évoque ainsi sa pratique et son instrumentation aux fins de lucre. D'autres, comme Georges Vigarello, voient dans le phénomène sportif et dans le dopage en particulier une « illusion individualiste propre à notre temps » : « Le sentiment partagé par nombre d'acteurs dans une société individualiste de pouvoir indéfiniment agir sur leur propre corps, celui de pouvoir échapper à tout enracinement physique. […] Rien d'autre qu'un des effets du lent mouvement d'émancipation de la sphère privée, avec ses possibles illusions et naïvetés ». « Le dopage, conclut-il, n'est finalement que la formule la plus courante donnée à ces pratiques répandues visant à la modification et à l'amélioration de soi-même ».

On pourrait en rester à ces constats, qui sont très justes. Mais il y a nécessité de prendre en compte une évolution lente mais réelle s'agissant du dopage : d'un simple jugement sur sa légalité, nous passons à une appréciation sur ses effets sur la santé publique. C'est ce qui nous réunit aujourd'hui.

J'ai bien compris les objections de certains de nos collègues socialistes sur la nécessité de maintenir l'effort d'éducation et de prévention. J'irai dans leur sens, en ajoutant qu'il doit se faire sentir très tôt, à l'échelon des clubs. Il ne s'agit pas simplement de faire attention aux produits consommés mais aussi de faire comprendre ce qu'est la victoire et à quoi elle sert. Certes, comme l'a souligné Guénhaël Huet, c'est une tragédie pour un sportif professionnel, qui s'est entraîné sa vie durant, d'interrompre sa carrière pendant trois mois, mais jouer sa vie ou l'équilibre de sa famille sur un seul set sur un court de tennis de banlieue quand on a dix ans n'est pas moins dramatique. Il faut donc être vigilant car tout cela existe.

Il est difficile pour lutter contre le dopage de se contenter du seul plan de la légalité des pratiques. Il importe de s'attaquer en même temps, sur le plan de la culture et de l'éducation, à ce que Marie-George Buffet appelait le culte de la performance ou de la victoire à tout prix, car tout cela est lié.

Enfin, l'impératif de santé publique est de plus en plus présent dans la relation des phénomènes de dopage. Ce texte a deux vertus principales qui justifient, de mon point de vue, de le soutenir pleinement.

Premièrement, il tire les enseignements de l'expérience Festina dont les malheureux événements ont eu lieu voilà bientôt dix ans. Nous avions découvert alors tous ensemble que la douane et la police avaient fait bien mieux et bien plus vite que l'ensemble des autorités sportives qui avaient pourtant diligenté des contrôles en la matière. Le Gouvernement a pris acte que l'intervention claire des pouvoirs publics est devenue parfaitement nécessaire, notamment au vu du comportement d'un certain nombre d'acteurs internationaux. Je ne désignerai pas telle ou telle fédération en particulier, ne voulant pas m'attirer les foudres de M. Rochebloine, mais il faut admettre que le comportement de l'UCI n'est pas des plus exemplaire en la matière.

Deuxièmement, cette intervention est rendue nécessaire par les enjeux de santé publique qui affectent désormais toutes les populations, tous les âges et toutes les disciplines, tous les types de compétition et toutes les régions. Il est hautement nécessaire que la lutte ne se concentre plus seulement sur le plan intellectuel ni éducatif mais sur les trafiquants et les filières. Le texte prévoit des sanctions que certains d'entre vous jugent trop lourdes. Même si l'on peut comprendre que stigmatiser un sportif qui consomme n'est pas tout à fait l'attitude qui convient, il est nécessaire de prendre des sanctions, au nom des enjeux de santé publique, de l'exemplarité et tout simplement en raison de l'infraction commise.

Ce signe politique fort envoyé au monde sportif et au-delà à l'ensemble des trafiquants et des fournisseurs nous conduit à devoir voter ce texte, en rappelant que le sport est fait pour l'homme et non l'homme pour le sport ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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