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Intervention de Apeleto Albert Likuvalu

Réunion du 14 mai 2008 à 15h00
Ratification de l'ordonnance du 18 octobre 2007 relative aux marchés d'instruments financiers — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaApeleto Albert Likuvalu :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi a pour objet de permettre la ratification de l'ordonnance du 18 octobre 2007 relative aux marchés d'instruments financiers et portant actualisation et adaptation du droit économique et financier applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, dont je suis l'élu au sein de cette assemblée.

D'un point de vue purement formel, il s'agit de poursuivre la transposition de la directive relative aux marchés d'instruments financiers, dite « directive MIF », déjà transposée pour la métropole, et de l'étendre aux quatre territoires de l'outre-mer que sont Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna. En effet, la transposition de la directive MIF est intervenue avec l'ordonnance du 12 avril 2007 relative aux marchés d'instruments financiers, ordonnance qui a été ratifiée par la loi du 17 décembre 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier.

L'objet même de la directive MIF est la suppression du monopole des marchés réglementés sur la négociation des actions cotées. Autrement dit, l'opérateur historique français, en l'occurrence Euronext Paris, devra affronter la concurrence directe des nouvelles plates-formes de négociation étrangères sur actions françaises ou européennes, l'objectif, maintes fois réaffirmé par le Gouvernement, et encore aujourd'hui ici même, étant alors l'attractivité et le développement de la place financière française.

Dans le contexte actuel de crise financière, directement liée à la crise des subprimes, il est permis de s'interroger, d'une part, sur la stabilité du système financier mondial et, d'autre part, sur notre propre mode de régulation dans ce système plus que jamais mondialisé, mais je referme ici la parenthèse.

La directive MIF a également pour objectif affiché de mieux protéger les épargnants en intégrant au coeur même des règles de commercialisation de services financiers le devoir de conseil. Ici aussi, le doute est permis.

Ces rapides et nécessaires rappels sur les objectifs de la directive MIF ne doivent pas nous faire perdre de vue que le présent projet de loi vise à étendre ces dispositions aux collectivités d'outre-mer déjà citées, en y apportant certaines adaptations rendues indispensables du fait de leur statut particulier.

Toutefois, cela ne peut pas être une simple formalité législative. Bien au contraire, cela doit être l'occasion de revenir sur la situation de ces territoires et, en ce qui me concerne au premier chef, sur la situation économique et sociale des îles Wallis et Futuna. Vous n'êtes pas sans savoir, en effet, monsieur le secrétaire d'État, que la présence des marchés financiers y est pour le moins réduite et que les préoccupations les plus urgentes de leurs habitants ne sont malheureusement pas de suivre les évolutions boursières de l'indice du CAC 40.

Je ne cesserai d'interpeller l'État sur le retard flagrant en matière de développement économique que rencontrent nos collectivités et sur nos problématiques récurrentes liées à l'insularité et, par endroits, à la double insularité. Ma circonscription souffre plus que toute autre de son isolement, de son éloignement de la métropole et, paradoxalement, de son environnement régional proche.

Pas plus tard que la semaine dernière, j'ai rencontré le directeur général de l'Institut d'émission d'outre-mer en visite officielle dans ma collectivité. Nous avons eu l'occasion d'échanger sur les problèmes de développement économique de Wallis-et-Futuna, sur la cherté de la vie et, notamment, sur la nécessaire création d'un observatoire des prix et des revenus ainsi que sur la mise en place d'instruments financiers adéquats pour soutenir les projets porteurs et les initiatives émergentes des différents acteurs économiques, en particulier sur le plan bancaire et pour le soutien aux investissements.

La collectivité des îles Wallis et Futuna n'a qu'une seule banque : la Banque de Wallis-et-Futuna, filiale de la BNP-Paribas. Elle dispose d'un guichet permanent à Wallis et d'un bureau temporaire à Futuna, qui ouvre une fois par mois. Bien que ses prestations soient modestement satisfaisantes à Wallis, l'ouverture du guichet à Futuna reste très aléatoire et rend la vie des Futuniens extrêmement pénible.

Il conviendrait de pallier cette défaillance par l'amélioration de l'existant en assurant les mêmes prestations au guichet de Futuna et en installant un distributeur automatique de billets à Sigave. Aussi, la demande des élus de la collectivité sur la venue et l'implantation d'un deuxième opérateur financier est toujours d'actualité. Sur ce dernier point, des démarches avaient été engagées auparavant mais sans succès. Je ne peux m'empêcher de faire la comparaison entre ma collectivité et celle de Saint-Pierre-et-Miquelon, où il y a plusieurs banques pour une population moins importante. Je vous remercie de nous aider à résoudre ce problème récurrent.

Sur le plan du soutien aux investissements, l'Institut d'émission d'outre-mer, l'Agence française de développement et la BWF ont fait le choix délibéré de ne pas favoriser les emprunts bancaires des particuliers et des entreprises, prétextant des choix de rentabilité ainsi que des critères de solvabilité. Les répercussions de cet immobilisme sont catastrophiques. Des entreprises de BTP ferment tour à tour et des emplois sont supprimés.

Le secteur public représente près de 70 % des emplois sur la collectivité contre 30 % pour le secteur privé. Le développement économique n'est pas amorcé et le chômage va en s'accentuant. Plus de 200 jeunes sortent chaque année du système scolaire, ont des difficultés à trouver du travail sur place et préfèrent s'expatrier en Nouvelle-Calédonie, voire en métropole.

La logique de développement durable doit permettre à la collectivité d'organiser son avenir en créant des emplois dans les secteurs économiques susceptibles de connaître dans les années à venir une progression réelle et prometteuse. C'est dans ce sens que la collectivité a créé depuis 2002 la chambre interprofessionnelle, qui a permis de fédérer, pour la première fois, les représentants des divers métiers de Wallis-et-Futuna.

Seul dispositif territorial existant en matière d'aide financière à l'investissement, le code territorial des investissements ne peut à lui seul accompagner les entreprises wallisiennes et futuniennes et favoriser un développement fortement créateur d'emplois.

En effet, le territoire ne dispose pas des moyens financiers suffisants pour intervenir dans le financement des projets d'entreprises locaux. Pour mémoire, le code territorial des investissements dispose en moyenne d'une enveloppe budgétaire de 125 700 euros par an.

À l'heure du bilan de la première année d'exercice du Président de la République, je souhaite l'interpeller à nouveau, à travers vous, monsieur le secrétaire d'État, sur les engagements de son programme pour l'outre-mer français, qui portent sur le développement économique et l'emploi, la mise en place d'une réelle égalité des chances et le renforcement de la sécurité quotidienne de nos compatriotes.

Force est de constater que, de toute évidence, les objectifs ambitieux de ce programme du Président de la République ne concernent toujours pas la collectivité de Wallis-et-Futuna. C'est fort regrettable.

J'ai également des craintes en ce qui concerne le dispositif d'aides prévu par la loi-programme pour l'outre-mer en préparation, dont les secteurs éligibles, et qui ne concernent guère Wallis-et-Futuna, risquent fort d'exclure et de marginaliser davantage ma collectivité. Or Wallis-et-Futuna a besoin d'instruments économiques performants pour créer et impulser une croissance, car, comme vous le savez, ma collectivité est dépendante de la commande publique. Ainsi, pour la première fois, notre produit intérieur brut a été évalué à 10 000 euros par habitant. Cet indicateur reflète une dure réalité, ce PIB étant essentiellement constitué par les transferts de fonds publics et européens.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire dans cette enceinte, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, l'actuel contrat de développement pour la période 2007-2011 doit permettre aux entreprises locales de bénéficier pleinement et sans discontinuer des commandes et des crédits. Or les baisses substantielles, tout comme les retards de délégation des autorisations d'engagement et des crédits de paiement, ont un impact direct sur l'économie locale et génèrent des conséquences irréversibles en retardant de plusieurs années la réalisation de projets structurants indispensables au développement durable du territoire.

L'aide de l'État à la collectivité de Wallis-et-Futuna est plus qu'indispensable et doit absolument porter en priorité sur le secteur essentiel des instruments financiers, dans le cadre d'un rééquilibrage entre l'île de Wallis et celle de Futuna. Pour cela, il est plus qu'urgent de procéder dès à présent à la mise en oeuvre d'une nouvelle convention de développement pour 2009-2013, à l'instar de ce qui a été mis en place pour 2003-2007. J'ai saisi M. le Secrétaire d'État chargé de l'outre-mer de cette question.

Enfin, l'extension à la Nouvelle-Calédonie, aux îles Wallis et Futuna et à Mayotte de l'aide juridictionnelle en matière de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, prévue dans les chapitres II et III et à l'article 3, ne peut être que bénéfique au système judiciaire de Wallis-et-Futuna, en permettant aux Wallisiens et aux Futuniens de bénéficier des mêmes droits, et notamment de la possibilité d'avoir recours à un moyen de défense. Cette extension permettrait effectivement de mettre en oeuvre les aides nécessaires à l'intervention de l'avocat en matière de médiation et de composition pénales.

Je veux rappeler ce qu'est l'organisation judiciaire de Wallis-et-Futuna. Créée par la loi statutaire de 1961 et comprise dans le ressort de la cour d'appel de Nouméa, la juridiction de droit commun a été constituée, le 19 février 1962, par une section détachée du tribunal de Nouméa à Mata-Utu, le centre administratif. La volonté de se démarquer de la Nouvelle-Calédonie et d'acquérir une plus grande autonomie par rapport à ce territoire a conduit les élus de Wallis-et-Futuna à demander, dès le 1er juillet 1981, aux autorités de l'État la création d'un tribunal de première instance à Mata-Utu. Une délibération de l'Assemblée territoriale, votée le 16 décembre 1981, confirmait officiellement ce voeu. Le tribunal de première instance de Mata-Utu, institué en 1983, est compétent en matière civile, commerciale et pénale. Il existe une cour d'assises, qui siège à Mata-Utu en tant que de besoin, ainsi qu'un tribunal pour enfants institué en décembre 1983. Le président du tribunal de première instance exerce les fonctions de juge des enfants. Enfin, en application de la loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires d'outre-mer, un tribunal du travail a été créé à Mata-Utu en décembre 1968.

Si les règles concernant le fonctionnement des juridictions diffèrent très peu de celles qui sont appliquées en France métropolitaine ou dans les territoires d'outre-mer voisins, l'organisation de la juridiction de droit commun à Wallis-et-Futuna est assez particulière. En effet, elle se distingue par l'absence de barreau et par conséquent d'avocats sur le territoire. Un système spécifique a cependant été imaginé pour remédier à cette carence. Des « citoyens défenseurs » sont ainsi chargés, à titre gracieux, de la défense des Wallisiens et Futuniens. Choisis parmi des personnes originaires du territoire maîtrisant la langue française et, si possible, titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur, ces citoyens défenseurs sont actuellement au nombre de quatre pour Wallis et de deux pour Futuna. La mise en place de ce système n'interdit cependant pas au justiciable de s'adresser au barreau de son choix pour assurer sa défense.

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