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Intervention de Christophe Sirugue

Réunion du 10 juillet 2007 à 21h30
Travail emploi et pouvoir d'achat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Sirugue :

Équilibre bien difficile malgré tout à traduire dans les faits lorsque l'on voit les sommes consacrées aux plus riches de nos concitoyens et celles destinées à ceux qui en auraient pourtant le plus besoin.

Pourtant, l'idée du RSA semble intéressante, justifiant d'ailleurs que plusieurs départements, de droite et de gauche, aient manifesté leur souhait de participer à l'expérimentation proposée par ce texte de loi. Mais force est de constater que les moyens manquent et que les interrogations que soulève ce projet sont nombreuses.

D'abord, il convient de relever le côté très limitatif du nombre de personnes qui pourront bénéficier de cette expérimentation. Tout à l'heure, un de nos collègues laissait à penser que l'on raisonnait sur l'ensemble des personnes bénéficiaires du RMI ou de l'API. Cela n'est pas vrai. Seulement 50 000 à 55 000 personnes seront intéressées par ce projet de loi alors que nous comptons 1,2 million de bénéficiaires du RMI, auxquels il convient d'ajouter un peu plus de 200 000 prestataires de l'API.

Cette mesure est intéressante mais, à cette étape, elle n'est pas autre chose qu'un nouvel outil. Pour en avoir vu de nombreux se mettre en place dans le cadre des politiques d'insertion, je peux dire que le bilan doit être un objectif tout aussi fort que l'idée d'ores et déjà avancée de la généralisation.

Sur le fond même, et c'est là ma seconde remarque, chacun a bien compris que le public visé était restreint, concentré sur les bénéficiaires de ces deux minima sociaux – le RMI et l'API –, par ailleurs relativement proches de l'emploi. Or, lorsque M. le haut-commissaire évoque la généralisation pour la fin 2008, avant même d'ailleurs que ne soit terminée la première année d'une expérimentation annoncée sur trois ans, généralisation qui pourrait s'accompagner d'une suppression, au bénéfice du RSA, des autres minima sociaux, je me demande ce qu'il adviendra de toutes celles et tous ceux qui, cassés par la vie, ont bien d'autres handicaps à surmonter avant d'imaginer revenir dans le cadre d'un emploi.

Bien sûr que le retour à l'emploi est un enjeu fort, car l'on sait à quel point la place que l'on occupe dans cette société repose sur l'emploi que l'on détient. Le RSA, cet outil, est certes une incitation à reprendre un emploi, mais encore faut-il que des emplois soient proposés à ces bénéficiaires des minima sociaux. C'est là ma troisième interrogation. Je ne vois rien dans ce projet de loi qui soit une quelconque offre faite à des employeurs pour les engager ou les inciter à participer un peu plus qu'ils ne le font aujourd'hui à cette offre d'insertion, qui puisse les conduire à proposer des salaires dignes qui feront la différence avec les minima sociaux et, par là même, permettront de faire disparaître ce que l'on appelle les travailleurs pauvres. Pis, je crains même que les mesures proposées en faveur des heures supplémentaires n'accroissent le risque de voir se raréfier les quelques offres d'emploi qui pourraient être destinées à s'inscrire dans le dispositif du RSA !

Enfin, ce RSA, dont on voit bien qu'il est beaucoup moins ambitieux que ce que nous en avions compris à la lecture du rapport de M. Hirsch, s'inscrit dans un contexte particulier, celui des rapports extrêmement difficiles depuis maintenant trois ans entre l'État et les collectivités territoriales. Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il y a un passif et que cela n'est pas la première fois que l'État suggère un dispositif qu'il fait financer ensuite par d'autres.

C'est, tout d'abord, le coût du RMI depuis la loi de décembre 2003 transférant la compétence aux conseils généraux dès janvier 2004. Nous nous souvenons de la facture – 1 milliard d'euros –, qui n'est toujours pas réglée.

Et comme si cela ne suffisait pas, je peux aussi vous parler des contrats d'avenir qui présentaient déjà un surcoût pour les départements… Le ministre Borloo avait annoncé vouloir le compenser à hauteur de 12 %. Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? Je ne vois rien venir et je crois que nous n'aurons rien par rapport à un engagement pourtant récent.

Vous comprendrez dès lors que la proposition faite dans ce projet de loi quant à la prise en charge financière ne manque pas de nous inquiéter. S'il y a bien ces malheureux 25 millions, pourquoi le texte du projet de loi n'évoque-t-il qu'une possible participation financière de l'État et ce pour 2007 seulement ?

Et puisque nous sommes sur une politique de retour à l'emploi dont la compétence demeure celle de l'État et du service public de l'emploi, pourquoi faut-il qu'une nouvelle fois les départements soient appelés à participer au financement ?

Par ailleurs, si, pour les vingt ans du RMI, vous nous proposez sa suppression et son remplacement par le RSA pour répondre à la thématique de campagne que vous avez développée sur l'assistanat, nous savons bien que les plus fragiles, de fait exclus de ce processus de retour à un emploi bien difficile à concrétiser dans les cas auxquels je pense, viendront grossir les rangs des demandeurs d'aides dans les CCAS et sur les fonds sociaux des conseils généraux, occasionnant par là même un formidable retour en arrière.

En tout état de cause, la question des dettes de l'État envers les conseils généraux sur ces questions spécifiques doit être réglée avant d'imaginer aller plus loin. Car chacun a bien compris que, pendant que vous annonciez aux Français votre volonté de leur redonner du pouvoir d'achat, vous transfériez aux élus locaux le soin d'expliquer à ces mêmes Français que les budgets de plus en plus serrés des collectivités locales justifient des efforts avec l'impopularité qui sied à ce genre d'exercice, surtout dans le contexte de gel, voire de repli des dotations de l'État en direction de ces mêmes collectivités tel qu'annoncé par M. le Premier ministre devant notre assemblée lors du discours de politique générale.

Pour conclure, le RSA est un outil intéressant, peut-être porteur d'espoir pour quelques uns, et c'est déjà beaucoup, mais il n'est pas la solution qui permettra de réduire la fracture sociale. Par ailleurs, il nous faut prendre le risque de voir se dégrader encore plus les relations entre l'État et les collectivités locales.

Entre ce gain possible et ces deux maux, le choix est difficile, et je crois qu'il vous revient, monsieur le haut-commissaire, de nous faire des propositions susceptibles de répondre à nos interrogations, car, sans l'engagement des collectivités locales, le dispositif ne pourra pas réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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