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Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 4 mars 2009 à 15h00
Réforme de l'hôpital — Après l'article 16, amendement 1409

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé :

Notons, au passage, que cet amendement n'a rien à voir avec la permanence des soins. M. Tian soulève cependant un vrai problème. En lui faisant connaître mon avis, je répondrai également à Mme Orliac, qui m'a posé la question dans son propos liminaire. Il me faudra entrer dans le détail, et je vous prie de m'excuser si je suis un peu longue.

L'interrogation de Mme Orliac et l'amendement de M. Tian abordent la très importante question de la responsabilité civile des professionnels de santé, notamment des médecins, dans le cadre de la judiciarisation croissante de notre société. L'ONIAM peut se substituer aux acteurs de santé responsables et à leurs assureurs au-delà d'un plafond qui est fixé, par voie réglementaire, à 3 millions d'euros. Ce mécanisme a un double objectif : améliorer les conditions de couverture des professionnels de santé pour les protéger de contrats abusifs et garantir aux victimes qu'elles seront effectivement indemnisées – le second considérant aurait peut-être mérité d'être placé en première place.

En contrepartie, le dispositif prévoit que l'ONIAM récupère, quand c'est possible, les sommes qu'il a engagées au nom de la solidarité nationale auprès du professionnel de santé ou de l'établissement de santé responsable des accidents médicaux – et c'est bien normal.

Je partage évidemment votre souci de faire en sorte que les professionnels de santé soient bien couverts au titre de leur responsabilité civile médicale, mais je ne peux pas donner un avis favorable à votre amendement, car prévoir que l'ONIAM intervienne systématiquement en cas de faute pour prendre en charge, sans possibilité de recours, les indemnisations en cas d'accident médical fautif irait à l'encontre du principe juridique de l'individualisation des peines que prononce le juge civil ou le juge pénal, ce qui serait contraire au respect de l'autorité de la chose jugée.

Ensuite, votre proposition s'étend aux établissements de santé qui, à la différence des professionnels de santé libéraux, peuvent fixer contractuellement, de gré à gré, leur plafond de garantie. Prévoir l'absence de recours subrogatoire de l'ONIAM au-delà des plafonds de garantie des établissements de santé fixés librement, reviendrait à considérer que, à l'avenir, les assureurs et les établissements de santé pourraient fixer des plafonds très bas et que l'ONIAM serait tenu d'intervenir au-delà de ces faibles montants.

Troisième élément, votre proposition conduirait à faire intervenir systématiquement la solidarité nationale, alors que les professionnels libéraux ne rencontrent pas actuellement de difficulté pour se couvrir. La stabilisation des conditions d'assurance en responsabilité civile médicale est d'ailleurs largement due à l'action des pouvoirs publics qui ne sont pas restés inactifs pour répondre aux difficultés des professionnels de santé, notamment pour les professionnels les plus à risque – obstétriciens ou chirurgiens –, afin de leur permettre de faire face à l'évolution des primes d'assurance et aux menaces de retrait de certains assureurs. Nous avons mis en place, en 2006, le dispositif d'aide à la souscription d'une assurance professionnelle pour le médecin qui s'engage dans une démarche d'accréditation. Dès lors qu'il s'engage dans ce processus de réduction des risques, l'assurance maladie lui verse une aide qui varie en fonction de la spécialité exercée et du secteur d'activité. Je rappelle que ce dispositif a coûté à la collectivité 130 millions d'euros les trois dernières années.

Les données qui m'ont été fournies par l'Observatoire des risques médicaux indiquent d'ailleurs que ce dispositif de création récente est très efficace. Il est dédié aux médecins de spécialités dites à risque, et l'aide bénéficie aux chirurgiens pour environ 60 %, 23 % allant aux anesthésistes, 17 % aux gynécologues etou obstétriciens. Le montant de l'aide versée par l'assurance maladie représente entre 55 % et 66 % de la prime versée par les professionnels de santé. Ce n'est donc pas une aide cosmétique.

Enfin, les dernières constatations que m'a transmises le Bureau central de tarification, dont le rôle est de trouver un assureur aux médecins qui ont des difficultés à en trouver un, sont bien orientées : on est passé de 1 300 interventions dudit Bureau en 2003 à 128 en 2008, soit une division par dix du nombre d'interventions, en seulement cinq ans.

L'évolution positive de la situation en matière de responsabilité civile médicale ne justifie donc pas une intervention massive de la solidarité nationale. Je compte poursuivre les efforts qui ont été entrepris, notamment ceux qui concernent l'accréditation des professionnels, sous l'égide de la Haute autorité de santé, et je souhaite que soit laissé au dispositif mis en place le temps de produire tous ses effets avant de modifier une fois de plus le dispositif législatif – ce qui, en soi, ne serait pas grave –, mais, surtout, avant de faire appel à la solidarité nationale, qui nous engage tous.

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