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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 6 octobre 2008 à 16h00
Revenu de solidarité active — Article 1er, amendement 407

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

L'insertion sociale et le retour à l'emploi étant au coeur du dispositif RSA proposé par le Gouvernement, nous souhaitons que soit mentionné dans ce premier article, qui définit le RSA, l'objectif de l'accès à un emploi durable, au terme de la période d'insertion et grâce à elle. Marquant en effet le succès de la réinsertion, le temps plein, pour peu, bien sûr, qu'il soit choisi, est la condition sine qua non pour que les bénéficiaires du RSA sortent du dispositif.

Dans ce cadre, les démarches personnelles du bénéficiaire employable sont primordiales. Elles participent de sa responsabilisation dans son parcours de réinsertion. Il serait toutefois regrettable et dommageable de dédouaner les entreprises, largement responsables des situations de précarité que connaît un trop grand nombre de nos concitoyens – pour lesquels nous légiférons aujourd'hui.

D'après les études d'Eurostat, le salaire moyen est, en France, inférieur à celui de l'ensemble de la zone euro. En complétant ces salaires trop faibles par un revenu de solidarité, le Gouvernement encourage les employeurs à offrir de bas niveaux de rémunération augmentés par la collectivité. Ce risque a été pointé par Valérie Létard, aujourd'hui secrétaire d'État chargée de la solidarité, mais alors sénateur, dans le rapport d'information n° 334 qu'elle remit au Sénat le 11 mai 2005 : « Le principal défaut du RSA réside dans l'encouragement implicite au temps très partiel que ces mesures prodiguent. Le soutien très important apporté par ces dispositifs dès les premières heures d'activité fait en effet craindre des pressions à la baisse sur les salaires et un renforcement du recours par les entreprises à des emplois à temps partiel ou à des emplois temporaires. » Mme Létard le pense-t-elle toujours alors qu'elle est devenue secrétaire d'État ? Je n'en sais rien : il y a longtemps que je ne l'ai pas vue... (Sourires.)

Pour les entreprises qui n'ont aucun scrupule à transférer à la collectivité nationale, au nom de la solidarité, les conséquences sociales et financières de leurs actes, le RSA est une aubaine. En effet, si le nouveau dispositif a, certes, vocation à améliorer la situation des travailleurs les plus démunis, il consiste également à prendre acte de la dégradation des conditions d'emploi au cours des dernières décennies. Nous verrons à l'usage si le dispositif améliorera les conditions faites aux parents isolés, aux travailleurs précaires de la grande distribution, aux salariés en situation de sous-emploi ou aux femmes qui se trouvent souvent, trop souvent, même, dans l'incapacité de faire assurer la garde de leurs enfants ou qui se voient proposer des emplois à temps fractionné, impossibles à assumer.

Nous pensons que le RSA incitera inévitablement ses allocataires inscrits sur les listes des demandeurs d'emploi, et qui seront soumis aux mêmes contraintes que les autres, notamment à celle de la radiation en cas de refus de deux « offres raisonnables d'emploi », à reprendre n'importe quel emploi, même sous-payé, précaire ou à temps très partiel. Nous craignons que le RSA, tel que nous l'examinons, n'aggrave encore ces situations de précarité inacceptables.

Contrairement à ce que laissent trop souvent entendre les discours stigmatisants, les publics visés par le RSA ne sont responsables ni de l'état ni, surtout, de l'évolution du marché du travail.

En effet, alors que le processus de reprise d'un emploi met en cause non seulement le travailleur – c'est une évidence –, mais également l'employeur, ce texte ne prévoit aucune obligation pour celui-ci. Or quel intérêt auront les entreprises à transformer un temps partiel ou très partiel en emploi à temps plein puisque l'État complétera les trop bas revenus de leurs travailleurs précaires ou sous-employés ?

La feuille de route du Grenelle de l'insertion affirmait que les entreprises devaient s'engager à « faire évoluer les pratiques de recrutement ». Nous déplorons que cet attendu n'ait pas été repris par ce texte : sans doute le Gouvernement a-t-il encore une fois cédé aux pressions du MEDEF. Il est vrai que la solidarité n'est pas la spécialité du patronat et qu'il n'est pas dans l'intérêt de celui-ci de se priver d'une main-d'oeuvre servile.

C'est la raison pour laquelle, afin de satisfaire aux grands objectifs du texte, notamment la lutte contre la pauvreté au travail, il est indispensable de prévoir la responsabilisation des entreprises dans la mise en place du nouveau dispositif et d'affirmer que l'insertion sociale et professionnelle durable des bénéficiaires passe par un emploi durable à temps plein.

Tel est l'objet de l'amendement n° 407 .

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