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Intervention de Abdoulatifou Aly

Réunion du 6 novembre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAbdoulatifou Aly :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'examen du projet de budget de l'outre-mer pour 2008 nous offre l'occasion de confronter les objectifs annoncés par le Président de la République et le Gouvernement et la réalité des moyens financiers dégagés pour concrétiser leur politique. Préalablement à toute analyse, il convient de relever que, cette année encore, les crédits affectés au secrétariat d'État à l'outre-mer se sont réduits, en faveur d'autres ministères, à 1,73 milliard d'euros en crédits de paiement. Ils ne représentent donc plus qu'une part infime des 15,6 milliards d'euros que l'État consacre globalement aux outre-mer.

C'est pourquoi il paraît peu pertinent d'ergoter sur la baisse « optique », décriée par certains, ou sur la hausse de plus de 2 % de ce budget à périmètre constant, avancée par d'autres. Il me semble, par contre, plus pertinent de s'intéresser aux mesures consacrées à l'emploi. À Mayotte, environ 40 % des Mahorais sont sans emploi, le sous-emploi touche une frange non négligeable des actifs et l'emploi informel demeure important, même s'il est difficilement quantifiable ; l'efficience de votre politique d'exonération de charges sociales reste à démontrer : en effet, rares sont les entreprises qui existent sur notre île. Dans ces conditions, il serait plus efficace d'aider davantage les jeunes diplômés à créer leurs propres sociétés commerciales et celles préexistantes à pérenniser les emplois précaires de nombreux agents non qualifiés, qui attendent toujours une formation professionnelle continue.

Permettez-moi de souligner à cet égard que, tant que l'école publique à Mayotte ne pourra dispenser un enseignement de qualité, comme en métropole ou ailleurs dans les départements d'outre-mer, les pouvoirs publics continueront à sacrifier des générations de jeunes Mahorais qui ne jouiront jamais de l'égalité des chances avec l'ensemble de nos compatriotes. Comment peut-on admettre qu'à Mayotte aucune école publique, maternelle ou primaire, ne dispose d'un maître titulaire de la qualification de professeur des écoles ? Il est grand temps qu'à travers un véritable plan de développement économique et social ou grâce au futur contrat de projet État-Mayotte pour 2007-2014 – qui n'est toujours pas signé à ce jour – des engagements soient pris pour rattraper les retards considérables de l'éducation nationale.

S'agissant, monsieur le secrétaire d'État, de votre seconde priorité tendant à favoriser le logement social outre-mer, il va sans dire que c'est un objectif louable, auquel l'outre-mer est très attaché. Mais conviendra-t-il d'imposer à Mayotte, par exemple, où la case SIM a fait ses preuves, la construction de HLM, avec tous leurs inconvénients, que la plupart des banlieues de métropole refusent désormais, ou faut-il au contraire s'appuyer sur l'expérience de notre unique société immobilière pour concevoir un nouveau logement social adapté aux réalités locales ?

En tout état de cause, l'amélioration des conditions de vie à Mayotte est indispensable, puisque 52 % des électeurs inscrits dans notre île se sont durablement établis à la Réunion ou en métropole, pour y jouir pleinement de leur citoyenneté. La plupart d'entre eux estiment que, pour mettre fin à cette émigration et revenir au pays, il suffira d'étendre progressivement à Mayotte, après adaptation aux besoins locaux, les mesures sociales qui existent dans les départements d'outre-mer. Comment, en effet, vivre décemment sans CMU ni RMI, ou un « minimum vital » à titre de prestations sociales ? Comment survivre quand les défaillances de la commission de révision de l'état-civil nous réduisent à l'état de clandestins dans notre propre patrie ?

En l'état actuel des choses, cette émigration n'est pas sans effet sur les flux d'immigration irrégulière à Mayotte, puisque les maisons inoccupées sont louées ou squattées par des clandestins. En dépit des résultats significatifs qui placent Mayotte en tête dans ce domaine, la lutte contre l'immigration clandestine ne sera véritablement efficace que le jour où l'on ne se contentera pas de reconduire des clandestins à la frontière, mais où l'on veillera aussi à empêcher l'entrée des immigrés illégaux sur le territoire de Mayotte. Le système Frontex, utilisé en Europe, est à méditer.

Les Mahorais, pour leur part, ont fait leur choix depuis bientôt cinquante ans et ils m'ont chargé, monsieur le secrétaire d'État, de vous renouveler leur conviction inébranlable que leur avenir et le progrès de Mayotte résident exclusivement dans l'accession au statut de département français d'outre-mer et de région ultrapériphérique de l'Union européenne. Ils vous demandent donc instamment de leur indiquer les dispositions que vous comptez prendre pour que, dès l'année prochaine, leur combat, vieux d'un demi-siècle, aboutisse à la réalisation de leur ardent souhait.

C'est sous réserve de la prise en compte de ces observations et des réponses que vous apporterez à mes questions que je voterai votre projet de budget pour 2008.

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