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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 22 mai 2008 à 9h30
Pluralisme dans les médias audiovisuels — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Je souhaite revenir brièvement sur quelques éléments du débat que nous venons d'avoir. En effet, j'ai été très frappé d'observer que ce débat a donné lieu à deux lectures : l'une qui se voulait strictement institutionnelle, selon laquelle cette proposition de loi constituait une dérive institutionnelle et remettait en cause le rôle du chef de l'État comme clé de voûte des institutions, et l'autre, plus politique, qui est la justification même du dépôt et de l'examen de cette proposition de loi. Cette lecture politique se justifie par le fait qu'il est ici question du pluralisme, et donc de la démocratie – car, je le rappelle, le pluralisme a une valeur constitutionnelle.

Je remercie les orateurs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'avoir replacé les vrais enjeux de ce débat dans le contexte général du pluralisme des médias, et j'associe à mes remerciements notre collègue du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, qui a rappelé tous les enjeux de la pluralité des médias aujourd'hui. Cependant, comme l'a rappelé très justement Didier Mathus, nous vivons dans une société médiatique et les propos du Président de la République sur le rôle qui est le sien – « Je suis un président qui gouverne » –, cités par notre collègue, me semblent résumer à bien des égards l'enjeu de la proposition de loi qui est soumise à votre attention.

Comme vous le savez, la règle qui s'applique est celle des trois tiers, même si le principe de référence s'y est substitué depuis 2000. Or, il semble bien que cette règle soit finalement devenue au fil du temps, comme l'a bien montré Michel Françaix à l'aide de quelques solides références littéraires, la règle des quatre tiers. De ce fait – et je fais bien évidemment écho sur ce point à l'intervention de notre collègue Arnaud Montebourg qui a conclu la discussion générale –, ce n'est pas du Président de la République qu'il s'agit dans cette proposition de loi : parce qu'il en va du pluralisme, ce sont avant tout les droits de l'opposition, et notamment de l'opposition parlementaire, qui sont au coeur de notre démarche.

Je voudrais encore répondre sur quelques points à l'intervention de M. Riester et aux propos qu'ont tenus au nom du Gouvernement Mme Albanel et M. Karoutchi. Puisque nous avons eu ce débat en commission et que le président François Mitterrand a été cité à plusieurs reprises, je tiens à souligner à l'intention de M. Riester que le président Mitterrand a fait plus pour le pluralisme des médias en libérant les ondes en 1981 que vous ne faites aujourd'hui avec le lancement de la TNT – lequel, je le rappelle, a été encadré par une loi votée avant l'alternance de 2002.

Cependant, pour en revenir au coeur du débat, permettez-moi de vous renvoyer au rapport que j'ai déposé, qui récapitule avec précision les temps de parole des différents Présidents de la République depuis que ces temps sont comptabilisés, soit depuis 1989. Depuis cette date, notre pays a connu toutes les situations, le Président de la République étant tantôt majoritaire à l'Assemblée nationale et tantôt minoritaire – nous avons en effet vécu, comme vous le savez, deux cohabitations. Ainsi, madame la ministre, puisque vous évoquez les conséquences pratiques de notre proposition, notamment dans ces situations particulières que sont les cas de cohabitation – directement évoqués d'ailleurs à l'alinéa 6 et dernier de l'article unique de la proposition de loi –, et puisque François Mitterrand a été souvent cité, je me permettrai de rappeler qu'entre le 30 mars et la fin de l'année 1993, le temps de parole du Président Mitterrand décompté par le CSA a été de 3 % à 6 % et que, durant l'année 1994, il se situait entre 4 % et 6 %. Nous sommes bien loin de ces chiffres aujourd'hui, où le temps de parole du Président de la République est passé du simple à plus du double pour dépasser 13 %, atteignant même 15 % si l'on compte ses collaborateurs, dans toutes les formes de communication liées à l'actualité politique – journaux télévisés, magazines d'informations et émissions de divertissement. Vous savez en outre que, si l'on ne comptabilise que les journaux télévisés, le pourcentage est bien supérieur, approchant, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le chiffre de 25 %.

Quant au rôle du chef de l'État, qui a souvent été invoqué, et au fait que le Président de la République est amené à s'exprimer au nom de la France, notamment à l'étranger, je ferai remarquer à nos collègues de la majorité que, lorsque le Premier ministre se rend par exemple en visite officielle aux États-Unis ou prend la parole sur des sujets de politique étrangère, son temps de parole est décompté par le CSA sur celui du Gouvernement et que, jusqu'à présent, personne n'a contesté cet état de fait.

En vérité, il ne s'agit donc nullement, avec l'examen de cette proposition de loi, de réduire ou d'abaisser la fonction présidentielle, – pour reprendre l'expression de M. Karoutchi –…

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