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Intervention de Louis Giscard d'Estaing

Réunion du 30 juin 2008 à 17h30
Règlement des comptes et rapport de gestion pour 2007 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis Giscard d'Estaing :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre Assemblée est réunie aujourd'hui pour examiner et débattre de l'exécution du budget qu'elle a voté pour l'année 2007 et qui a fait l'objet, comme celui de 2006 pour la première fois, d'une procédure de certification des comptes de l'État par la Cour des comptes.

Comme l'an dernier était une année particulière, année d'élection présidentielle et de début de législature, le débat de cette année revêt un caractère particulièrement intéressant qui motive celles et ceux qui ont fait l'effort de venir un lundi dans cet hémicycle...

En effet, j'observe que, sur les treize réserves substantielles émises par la Cour des Comptes pour les comptes de l'État pour 2006, seules trois ont été levées pour l'exercice 2007. Elles concernent les contrats d'échange de taux pour la gestion de la dette, le réseau routier national et les comptes des pouvoirs publics. Ce qui veut dire qu'il reste encore dix réserves substantielles relatives aux systèmes d'information financière et comptable de l'État, au dispositif de contrôle et d'audit internes, aux actifs du ministère de la défense, aux comptes de trésorerie, aux produits régaliens, aux immobilisations spécifiques, au compte des procédures publiques gérées par la COFACE, à la section des fonds d'épargne centralisés à la Caisse des dépôts et consignations, aux passifs d'intervention, au parc immobilier, enfin à la qualité des comptes des opérateurs.

À propos des opérateurs, lisons ce qu'écrit la Cour des Comptes : « La Cour a émis, dans le cadre de la certification des comptes de l'État de 2006, une réserve substantielle sur les comptes des opérateurs. Le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique s'était engagé à améliorer de manière systématique la qualité des comptes des opérateurs en lançant plusieurs chantiers de grande ampleur : la fiabilisation du parc immobilier qu'ils contrôlent, le recensement des créances et des dettes vis-à-vis de l'État, la généralisation du recours à un info-centre pour accélérer la centralisation de leurs comptes, le développement du contrôle interne en leur sein et la signature de protocoles de modernisation comptable et financière avec les plus significatifs d'entre eux. En 2007, ces chantiers, inscrits dans une perspective pluriannuelle, se sont poursuivis et développés. Cependant, leurs effets ne permettent pas encore de combler les lacunes structurelles constatées lors de la clôture précédente. »

De fait, si l'on constate que ces dix réserves substantielles ont été reconduites d'une année sur l'autre pour 2006 et 2007, on peut s'interroger sur la crédibilité d'une telle procédure si minoritairement suivie d'effets.

Monsieur le ministre, vous qui êtes familier avec les règles de l'audit, vous savez qu'une entreprise privée ne pourrait durablement poursuivre son activité si son commissaire aux comptes réitérait des réserves sur son bilan. Quid alors de l'efficacité des recommandations émises par la Cour des comptes si elles ne sont pas suivies d'effets ? On ne peut évidemment pas demander à la Cour des Comptes de se livrer à un exercice purement incantatoire, quand bien même il reste utile que la Cour mette en évidence les carences des comptes publics. Il apparaît donc nécessaire d'aller plus loin que la simple déclaration annuelle de certification assortie de réserves.

Puisque la réforme des institutions s'applique à renforcer le rôle du Parlement, ne serait-il pas opportun que, sur le travail de la Cour des comptes – dont, loin de critiquer la qualité, je ne fais que déplorer l'insuffisance, voire l'absence des retombées –, le Parlement soit doté d'un véritable « outil de droit de suite » ? Tel est l'objet d'une proposition de loi que j'ai déposée le 27 mars dernier, et celui d'un amendement au projet de loi constitutionnelle, qui a été cosigné par une cinquantaine de nos collègues : j'y demandais la création d'un office parlementaire d'évaluation et de contrôle, afin de donner au Parlement la capacité de contrôler efficacement la bonne conduite des politiques publiques, au-delà du bref débat de ce soir ou du travail de fond réalisé par les rapporteurs spéciaux.

En effet, dans le cadre de l'équilibre des pouvoirs, quelle institution est mieux placée que le Parlement pour s'assurer, avec le concours d'un organe de contrôle et d'évaluation parlementaire dédié à cette mission, que l'État se conforme aux recommandations de la Cour des comptes ? La complémentarité des tâches de ces deux institutions me paraît évidente, dans la mesure où la Cour des comptes ne parvient pas à obtenir, à elle seule, les résultats qu'elle préconise, et que, de son côté, le Parlement doit disposer de plus de moyens pour conjuguer tous les efforts en vue de la réduction des déficits et de la dette.

Ainsi, la Cour des comptes poursuivrait son travail annuel de certification, tandis que le nouvel office parlementaire, doté de moyens humains plus importants – mais sans constituer forcément une charge plus lourde pour les finances publiques – et d'un pouvoir politique incitatif, pourrait agir de manière plus précise, compte tenu de la profondeur de ses analyses, plus réactive, puisqu'il interviendrait en tant que de besoin et non plus une fois par an, et, partant, plus efficace, puisqu'il pèserait de tout son poids politique pour inciter le Gouvernement à appliquer les recommandations qui lui sont faites.

Je ne donnerai qu'un exemple rapide, mais éloquent, des problèmes qui peuvent se poser en matière de réactivité. Le 12 octobre 2006, Pierre Méhaignerie, alors président de la commission des finances, avait commandé un rapport à la Cour des comptes sur l'immobilier du ministère de la défense ; celui-ci lui a été remis – ou, plus exactement, remis à son successeur – le 17 octobre 2007, soit un an plus tard !

Philippe Seguin lui-même souligne que le Parlement et la Cour des comptes pourraient jouer un rôle complémentaire, à l'image de ce qui se passe au Royaume-Uni, où une collaboration efficace a été nouée entre le Parlement britannique et le National Audit Office par l'intermédiaire du Public Account Committee, le Comité d'audit parlementaire. Pareil office ou comité parlementaire français serait à même d'exploiter les enquêtes de la Cour des comptes et de se procurer les moyens nécessaires pour reprendre des enquêtes insuffisamment approfondies, en mener d'autres, et, le cas échéant, en tirer les conséquences législatives.

Monsieur le ministre, au moins autant que vous, nous sommes préoccupés par le fait que des réserves substantielles continuent d'être formulées, pour l'exercice 2007, sur les comptes de l'État. Cela seul suffirait à justifier que le Parlement dispose de nouveaux moyens, pour qu'il vous aide à les lever. Mes chers collègues, je ne doute pas que nous aboutirons bientôt à un tel résultat, indispensable à l'assainissement de nos finances publiques par la résorption de nos déficits, donc de notre dette. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

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