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Intervention de François Rochebloine

Réunion du 11 octobre 2007 à 15h00
Conditions de libération des infirmières bulgares — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au moment où nous allons nous prononcer favorablement sur la création d'une commission d'enquête sur les conditions de libération des infirmières bulgares et du médecin d'origine palestinienne, je voudrais que nous nous arrêtions un instant sur cette image simple et belle : la joie des personnes libérées, de leurs proches et de leur peuple tout entier. Joie qui s'impose à nos regards, et aussi à notre coeur. Joie à laquelle il est légitime d'associer le Président de la République, son épouse et le secrétaire général de l'Élysée, M. Claude Guéant, qui ont été à la peine et qui ont réussi à faire libérer six personnes, que le monde entier savait injustement condamnées. Huit ans sans liberté, à l'ombre de la mort, c'est long, très long ! Aussi, sans aucune arrière-pensée, ne devons-nous pas ménager notre reconnaissance aux personnes qui ont, dans leur champ de responsabilité, contribué à mettre un terme au cauchemar des prisonniers.

De là découle, à nos yeux, la première justification politique de la commission d'enquête : mettre en lumière, c'est-à-dire en valeur, les responsabilités positives de tous ceux qui, jusqu'au sommet de l'État, ont oeuvré à cette libération. Je ne veux pas, en cet instant, relancer la polémique qui a immédiatement suivi l'heureux dénouement de cette affaire. Les auteurs des propositions de résolution, qui ont suscité ce débat, n'ont pas manqué de saluer, eux aussi, l'issue positive que constitue la remise en liberté des prisonniers. La suspicion que certains ont jetée sur ses modalités – pour reprendre le juste mot employé par notre rapporteur, Roland Blum – révèle peut-être, à côté de préoccupations tout à fait recevables, une certaine jalousie devant un succès obtenu, de surcroît, alors que la diplomatie française est désormais conduite par un ministre d'ouverture.

« Quand je délibère, les jeux sont faits », disait Jean-Paul Sartre. Il eût sans doute apprécié en connaisseur l'enfermement politicien dans lequel le dépit menaçait de conduire à des critiques, aussi délibérées que celles formulées dans l'opposition, des propositions de résolution.

Mais aujourd'hui, heureusement, le climat a évolué. Chacun admet, et je m'en félicite, qu'il ne s'agit pas, en créant cette commission d'enquête, de faire le procès de la France et de son gouvernement. Il s'agit de permettre au Parlement de se faire, dans un climat apaisé, une idée complète des modalités, des enjeux et des suites de cette négociation. Il s'agit aussi d'aider à comprendre comment certains milieux libyens en sont venus à un tel comportement obsessionnel de déni de l'évidence et à une telle imputation de responsabilités à l'étranger, à l'Europe et au monde développé.

Comme cette affaire l'a dramatiquement confirmé, la Libye est un pays déroutant, où les structures de pouvoir sont complexes, concurrentes et entremêlées : c'est tantôt le gouvernement, tantôt l'entourage immédiat du colonel Kadhafi, tantôt d'autres structures qui prennent les décisions, selon une logique que l'on ne perçoit guère de l'extérieur. Aussi faut-il appréhender avec prudence les propos provocateurs du fils du colonel Kadhafi et ses déclarations sur les contreparties consenties par la France ; il ne faut pas s'arrêter à leur contenu apparent, mais chercher à en comprendre le sens.

Comprendre, tel doit être à nos yeux le maître mot de la commission d'enquête que nous allons créer. Comprendre, par exemple, par quel enchaînement de détresse, de ressentiment et d'incompétence certains en sont venus, en Libye, à imputer aux infirmières une situation tragique dont il est scientifiquement établi qu'elles ne pouvaient être tenues pour responsables. Comprendre les rouages du système qui a fait que ces personnes ont été exposées, pendant huit années, à l'oppression et à des vexations, souvent accompagnées de décisions arbitraires prenant la forme de sentences judiciaires. Comprendre grâce à quels arguments, grâce à quelles pressions, au prix de quelles ouvertures les responsables qui ont représenté la France dans le règlement de cette affaire ont pu obtenir la libération des détenus. Comprendre, enfin, et cette énumération n'est pas limitative, les implications européennes et internationales de l'événement.

C'est dans un esprit constructif et de rassemblement que le groupe Nouveau Centre conçoit sa participation aux travaux de la future commission d'enquête. Nous souhaitons comprendre ce qui s'est passé pour éclairer l'opinion et associer le Parlement à la préparation de l'avenir.

Patrie des droits de l'homme, la France tient de son histoire une sensibilité particulière au respect de la dignité humaine, de la liberté, et des garanties fondamentales procurées par le droit démocratique. Il ne fait malheureusement aucun doute que ces valeurs n'inspiraient pas les procédés dont les six prisonniers ont été victimes. Le Président de la République a raison de considérer que les violations des droits de l'homme constituent un obstacle au développement de relations convenables avec les pays où elles sont commises, et cela vaut pour la Libye. Il a également raison de souligner qu'il faut chercher, par tous les moyens efficaces, à dialoguer avec les autorités de ces pays, y compris la Libye, pour leur montrer que leur intérêt politique bien compris passe par une modification des pratiques condamnées par la tradition démocratique.

Plus largement, le développement de la politique méditerranéenne de la France, que notre groupe soutient pleinement, s'accommode mal d'une impasse sur les relations franco-libyennes, alors même qu'existe apparemment, à Tripoli, une certaine volonté de les réactiver. La commission d'enquête permettra d'apprécier dans quelles conditions cette volonté peut être accueillie et encouragée.

Je n'aurai garde d'oublier l'autre fruit du dénouement heureux de l'affaire des infirmières : le renforcement de l'amitié entre la France et la Bulgarie. Au-delà d'une information éventuelle sur les conditions dans lesquelles les autorités des deux pays ont coordonné leurs efforts, les travaux de la commission d'enquête peuvent donner l'occasion, comme le suggère notre rapporteur, de réfléchir aux données géopolitiques qui confèrent une grande importance au développement des relations bilatérales. N'oublions pas, au-delà des négociations diplomatiques, que la francophonie est en Bulgarie une réalité, hélas méconnue, depuis le XIXe siècle où les intellectuels, hérauts de la libération nationale, exprimaient en vers français leurs aspirations.

Si la commission d'enquête permet de dresser un bilan exact des conditions de la libération des infirmières et du médecin, de mettre en valeur les responsabilités assumées avec succès, d'éclairer le Parlement et l'opinion sur les développements que le dénouement de cette affaire laisse prévoir dans notre action diplomatique et humanitaire, alors, elle aura rempli son rôle. C'est dans cet espoir que le groupe Nouveau Centre apporte sans réserve son appui à la création de cette commission d'enquête. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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