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Intervention de Roland Blum

Réunion du 11 octobre 2007 à 15h00
Conditions de libération des infirmières bulgares — Discussion d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Blum, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, le pays des droits de l'homme ne peut que s'émouvoir lorsque des innocents sont détenus injustement et dans des conditions très difficiles par la justice d'un pays dont ils étaient venus aider les citoyens malades, alors même que l'un des fils du chef de l'État reconnaît qu'ils n'ont été que des boucs émissaires. L'engagement personnel du Président de la République pour obtenir leur libération et son succès doivent être salués.

Cette affaire a lourdement pesé sur les relations de la Libye avec les pays occidentaux, alors que celle-ci avait pourtant réalisé depuis quelques années des progrès dans la voie de la normalisation de ses relations avec eux : en particulier, les relations franco-libyennes étaient entrées dans une phase de relance depuis la conclusion, le 9 janvier 2004, d'un accord privé entre les familles des victimes de l'attentat contre le DC10 d'UTA et la Fondation Kadhafi. Mais ce que l'on a appelé « l'affaire des infirmières bulgares » empêchait d'avancer dans ce processus. La levée de cet obstacle devait donc permettre naturellement d'approfondir nos relations bilatérales, ainsi que les relations entre la Libye et l'Union européenne.

C'est justement la conclusion de mémorandums d'accord entre la France et la Libye au lendemain de la libération des soignants bulgares qui est à l'origine du dépôt des deux propositions de résolution que nous examinons aujourd'hui.

Je ne vais pas revenir en détail sur la chronologie de la détention du médecin et des cinq infirmières. Je rappelle seulement qu'ils ont été arrêtés, l'un, fin janvier 1999, les autres, début février de la même année, et accusés d'avoir sciemment transmis le virus du SIDA à 426 enfants traités à l'hôpital de Benghazi. Bien que plusieurs experts, parmi lesquels le professeur Luc Montagnier, aient conclu à une contamination des enfants causée par de mauvaises conditions sanitaires, et alors même que les accusés n'avaient jamais soigné certains des petits malades, ils ont tous les six été condamnés à mort le 6 mai 2004. Après un recours devant la Cour suprême libyenne, ils ont été rejugés et à nouveau condamnés en décembre 2006, peine confirmée définitivement par la Cour suprême le 11 juillet 2007.

Les mauvais traitements qu'ils ont subis pendant leur détention et le fait que leurs aveux aient été obtenus par la torture ont entraîné une mobilisation de l'opinion publique et de la communauté internationale. Mais ni les autorités bulgares, ni les États ayant successivement présidé l'Union européenne, ni la commissaire européenne chargée des relations extérieures n'étaient parvenus à obtenir leur libération.

Ce n'est qu'après la confirmation de la seconde condamnation à mort par la Cour suprême que le processus s'est accéléré : dès le lendemain, Mme Cécilia Sarkozy a effectué une visite en Libye pour rencontrer les six condamnés, les familles des enfants contaminés et le colonel Kadhafi ; trois jours plus tard, les familles ont accepté un dédommagement d'un million de dollars par enfant contaminé, ce qui représente 400 millions de dollars au total. L'extradition des cinq infirmières et du médecin ayant été accordée, ils ont finalement été transférés en Bulgarie le 24 juillet, dans l'avion de la présidence française par lequel Mme Ferrero-Waldner, Mme Sarkozy et le secrétaire général de l'Élysée, M. Claude Guéant, s'étaient rendus en Libye deux jours plus tôt. Les six condamnés ont été graciés et libérés dès leur arrivée à Sofia.

Les conditions dans lesquelles leur libération a été obtenue ont naturellement retenu l'attention des médias. Celle-ci s'est d'abord focalisée sur l'intervention de Mme Sarkozy et sur le rôle joué par le Qatar, qui aurait versé les 400 millions de dollars destinés aux familles. Puis elle s'est intéressée à la conclusion d'un mémorandum sur les relations entre la Libye et l'Union européenne, et aux contreparties que la France aurait accordées à la Libye. Selon certains, ces contreparties incluraient la signature d'un mémorandum d'accord sur le nucléaire civil portant sur la fourniture d'un réacteur nucléaire permettant de dessaler de l'eau de mer, ainsi que la signature d'un contrat d'armement. La prétendue existence de ce contrat a été annoncée par l'un des fils du colonel Kadhafi, qui a précisé, dans un second temps, que ce n'était pas une contrepartie à la libération des soignants bulgares.

Les deux propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête portent précisément sur les conditions de la libération des six Bulgares et sur les éventuelles contreparties accordées à la Libye par la France.

Selon l'exposé des motifs, la commission d'enquête demandée par la proposition de résolution no 150 du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et apparentés porterait « sur les conditions exactes de la libération des otages de Libye et sur les protocoles d'accord – mémorandum – entre la France et la Libye qu'a conclus le Président de la République à Tripoli au lendemain de cette libération ».

La proposition de résolution de M. Alain Bocquet vise à « savoir à quoi s'est en fait engagé notre pays » alors que règne « le flou autour de cette affaire ».

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