Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de François Bayrou

Réunion du 24 octobre 2007 à 9h30
Pluralisme et indépendance des partis politiques — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Bayrou :

…au Conseil constitutionnel pour censurer un texte qui altère la sincérité du scrutin législatif par son caractère rétroactif, ce que je vais aussi m'efforcer de prouver, qui rompt avec l'égalité des citoyens et des formations politiques devant la loi, ce que je vais m'efforcer de prouver, et qui, selon toute vraisemblance, aggrave les charges publiques en violation de l'article 40 de la Constitution ou porte atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la loi, ce que je vais encore m'efforcer de prouver.

Premier argument, cette loi va altérer la sincérité du scrutin législatif, pour reprendre les termes du juge de l'élection, et aura pour résultat que l'on manquera au principe élémentaire de transparence du scrutin, qui est le fondement de toute démocratie. En effet, depuis l'apparition du financement public des partis, il y a près de vingt ans, les Français savent que leur vote au premier tour d'une élection législative a en réalité deux conséquences, une conséquence électorale et une conséquence pour le financement de la vie publique du pays. Une conséquence électorale, puisque le premier droit qu'exercent les citoyens par leur vote, c'est celui d'élire un candidat au premier tour ou de sélectionner ceux qui se présenteront au second tour. L'autre conséquence tient au fait que les électeurs savent que chaque voix contribue à définir les critères en fonction desquels sera établi le financement des formations politiques. Ils savent que, s'ils donnent leur voix, il y aura financement et que, s'ils refusent leur voix, il n'y aura pas financement. On est donc en train, en changeant la règle du jeu après le jeu, de manquer à la sincérité du scrutin, et ainsi, rétroactivement, de troubler la transparence du scrutin qui a eu lieu en juin 2007.

Il se trouve que, lorsqu'on a voté la loi de 2003, on l'a fait précisément pour éviter qu'une utilisation frauduleuse du scrutin ne le détourne – c'est le mot qui a été utilisé à l'époque – dans un sens « alimentaire » par certains groupements. Ce mot prend ici tout son sens. Je veux relire ce que disait à cette tribune le ministre de l'intérieur de l'époque, qui était Nicolas Sarkozy : « Les groupements les plus divers se sont mis à présenter des candidats aux élections législatives dans le but non de concourir à l'expression du suffrage, mais de bénéficier d'un financement public. Cela n'est ni plus ni moins qu'un détournement de l'esprit des lois caricatural et choquant. Il faut limiter le versement de l'aide publique aux partis et groupements politiques qui concourent effectivement à l'expression du suffrage universel. Voilà pourquoi le Gouvernement vous propose d'exiger des partis souhaitant bénéficier de l'aide publique qu'ils aient présenté au moins cinquante candidats, comme auparavant, mais en y ajoutant une condition supplémentaire : que ces candidats aient obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés. » Et à ce moment, l'un des signataires de la proposition de loi que nous examinons ce matin, M. Maurice Leroy, s'est exclamé : « Très bien ! » Ce « Très bien ! » de l'époque est en effet encore valable aujourd'hui. Nicolas Sarkozy concluait son propos en précisant que le seuil de seulement 1 % des suffrages exprimés lui paraissait suffisant – je vous prie de goûter rétrospectivement le sel des déclarations du ministre de l'époque – « pour éliminer les candidatures farfelues ou alimentaires, sans porter si peu que ce soit atteinte au principe de la représentation des minorités ».

Voilà pourquoi, monsieur le rapporteur, vous vous trompez lorsque vous écrivez dans votre rapport que la loi interdit « sans raison valable » aux partis qui n'ont pas été capables d'obtenir 1 % des suffrages dans cinquante circonscriptions – soit moins de 10 % des circonscriptions du pays – de bénéficier de l'aide publique. La « raison valable » existe et elle est double : c'est parce que les électeurs ne l'ont pas voulu que ce financement n'a pas été accordé et parce que les candidatures étaient animées de motivations alimentaires, pour reprendre les termes du ministre de l'intérieur de l'époque. Cette proposition de loi brise rétroactivement le contrat qui a été passé avec les électeurs en leur retirant a posteriori le droit qu'ils ont exercé de ne pas accorder l'aide publique à des groupements politiques qui ne leur paraissaient pas mériter leurs suffrages. Nous n'avons pas le droit de leur enlever rétroactivement ce droit, le Conseil constitutionnel ne manquera pas de le relever.

Il ne manquera pas non plus de relever que ce texte rétroactif intervient dans un domaine – celui du droit électoral – où il est de tradition constante, par respect des règles élémentaires démocratiques, de ne modifier la loi que pour l'avenir. Chaque fois qu'un texte touchant aux élections ou, a fortiori, au financement a été adopté, il ne s'est appliqué que pour les élections suivantes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion