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Amendement N° 322 (Retiré)

Projet de loi de finances rectificative pour 2008

Déposé le 9 décembre 2008 par : M. Launay, M. Caresche, Mme Gaillard, M. Tourtelier, M. Plisson, les membres du groupe Socialiste, radical, citoyen, divers gauche.

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I. - Il est institué, à compter du 1er janvier 2009, une taxe sur les consommations d'énergie assise sur le contenu énergétique des consommations d'énergie.

II. - Le contenu énergétique des consommations d'énergie est le suivant :

Charbon

Pétrole

Gaz

Électricité

Contenu énergétique

(TEP/unité ou MWh)

1

1

0,7

0,7

III. - Le taux de la taxe est fixé à 500 euros la tonne de contenu énergétique pour l'année 2009.

IV. - Le taux de la taxe est fixé à :

- 550 euros la tonne de contenu énergétique en 2010 ;

- 610 euros la tonne de contenu énergétique en 2011 ;

- 680 euros la tonne de contenu énergétique en 2012 ;

- 760 euros la tonne de contenu énergétique en 2013.

V. - Les consommations d'énergie issues d'énergies primaires d'origine renouvelable sont exonérées de la présente taxe.

Exposé Sommaire :

Le passage au nouveau siècle et au nouveau millénaire est celui d'une double crise :

- La crise énergétique, qui témoigne d'un excès structurel de la demande d'énergie sur l'offre d'énergie. La montée des prix du baril de pétrole passant, en peu d'années, d'environ 30 dollars à plus de 100 dollars, en est la traduction la plus marquante, quelles que soient les variations dues aux comportements spéculatifs. Nous avons atteint -ou nous allons atteindre rapidement- un pic de production, au-delà duquel nos économies ne pourront plus fonctionner, comme elles le font depuis plus d'un siècle, sur la base de ressources énergétiques d'origine fossile, abondantes et bon marché.

- La crise climatique, qui témoigne, aussi, d'un excès de consommation des énergies d'origine fossile (pétrole, charbon, gaz) au regard de la capacité de la haute atmosphère à digérer cet excès de carbone qui lui est transmis : la concentration de CO2 dans l'atmosphère est la plus élevée depuis 400.000 ans et l'évolution de sa concentration, depuis deux siècles, est la plus rapide depuis 20.000 ans ; la température s'élève de 0,3° C par décennie au cours de ce siècle, soit le rythme d'élévation le plus rapide depuis 10.000 ans.

Préparer l'après-pétrole, lutter contre le changement climatique. Voilà un enjeu structurel majeur pour notre XXIème siècle. Il s'agit de modifier en profondeur notre mode de développement et, avec lui, nos modes de production et de consommation.

Cette double crise appelle un remède identique, celui d'apprendre à vivre, à produire, à consommer en étant plus sobre dans l'usage des énergies d'origine fossile : cette sobriété permettra de mieux maîtriser l'excès de la demande sur l'offre ; elle permettra de respecter l'objectif international d'éviter que la température moyenne sur la Terre ne s'élève de plus de 2° C d'ici 2050. Pour atteindre cet objectif, il faut diviser par 2 la consommation mondiale d'énergie d'origine fossile ; pour les pays développés -principaux consommateurs historiques et principaux consommateurs par habitant- cette réduction doit être de 4.

C'est ce que l'on appelle le facteur 4.

Il faut toujours rappeler que cette double crise touche d'abord, dans les pays en développement comme dans les pays développés, les couches les plus pauvres et les plus défavorisées de la population : ce sont eux qui sont, dans leur pouvoir d'achat, les premiers touchés par cette hausse des prix de l'énergie ; ce sont eux qui sont, dans leur capacité, tout simplement, à survivre, les premiers touchés par la crise climatique (réfugiés climatiques en raison de la montée des eaux, réduction des terres arables disponibles, raréfaction de la ressource en eau, etc.).

C'est pour cela que le traitement de l'urgence climatique et celui de l'urgence sociale vont de pair : si rien n'est fait, c'est un risque de 5 à 10% de perte moyenne du PIB mondial qui est probable au cours du siècle prochain (rapport Stern). En sens inverse, le coût de stabilisation de la concentration du CO2 dans l'atmosphère est sans doute de l'ordre de 1% du PIB mondial ; et il s'agit là, en réalité, d'un coût de redéploiement d'une partie de notre richesse, en faveur de technologies plus propres, souvent fortement créatrices d'emploi et particulièrement favorable au développement de la recherche et de la connaissance.

Les pistes pour stabiliser la concentration du CO2 dans l'atmosphère et pour réduire notre dépendance au carbone sont bien connues. Leur mise enoeuvre ne dépend que de décisions politiques :

1. Réduire la demande en biens et services qui rejettent beaucoup d'émissions. « L'énergie qui pollue le moins est celle que l'on ne consomme pas » : des investissements massifs dans le secteur de l'habitat et dans celui des transports, une meilleure conception de nos politiques d'urbanisme et d'aménagement du territoire, une autre politique agricole conduiraient à des économies massives de consommations de produits carbonés ;

2. Accroître l'efficacité énergétique. Le XXème siècle a été celui du gaspillage. Le XXIème siècle devra être celui de l'efficacité. Le rendement global du système énergétique français, c'est-à-dire le rapport entre l'énergie disponible pour le consommateur final et l'énergie primaire produite, est de 35% : les deux-tiers de l'énergie produite sont ainsi gaspillés et perdus, le plus souvent en chaleur. A cet égard, plus les systèmes énergétiques sont concentrés et étoilés -cas de la production électrique- et plus ils sont générateurs de pertes.

Et il s'agit là du taux de rendement calculé à l'arrivée chez le consommateur final : compte tenu des nouvelles pertes en chaleur (lampes à incandescence, par exemple), le rendement réel est sans doute proche de … 1% !

3. Favoriser le développement des énergies renouvelables. Il s'agit, dès 2020, de produire au moins 20% de notre énergie à partir de sources renouvelables.

4. Donner, aux agents économiques -entreprises, ménages- les signaux adéquats, pour qu'ils modifient, dans la durée et en profondeur, leurs comportements économiques.

Le plus précoce sera notre action, la moins douloureuse sera-t-elle ; la plus tardive sera notre action, et la plus brutale en sera la conséquence pour tous.

Faisons de la préparation de l'après-pétrole et de la lutte contre le changement climatique une chance pour un nouveau mode de développement et non un drame qu'il faudrait subir !

A cet effet, la fiscalité écologique est un instrument puissant, dès lors qu'elle est maniée de façon appropriée.

Une des difficultés de la lutte contre les pollutions d'origine humaine ou contre les émissions de gaz à effet de serre est que, dans la plupart des cas, le pollueur ou le gros émetteur de gaz à effet de serre ne paye ni le coût de la prévention, ni le coût de la réparation de la pollution ou du réchauffement qu'il provoque.

Il laisse cette charge à la société, pour laquelle le coût est d'ailleurs le plus souvent masqué et/ou différé. C'est particulièrement le cas en matière d'émission de gaz à effet de serre : les effets sur le changement climatique sont à la fois lointains dans le temps et diffus dans leurs conséquences. On ne peut, a posteriori, sanctionner l'origine de l'émission. Par ailleurs, le coût collectif de réparation est, dans bien des cas, plus élevé que la charge initiale, si celle-ci avait été supportée directement par l'émetteur : les dégâts du changement climatique seront incommensurablement plus élevés que le coût de l'évitement des émissions de gaz à effet de serre.

Le rapport Stern, du nom de cet économiste britannique auteur, en 2006, d'un rapport non contesté sur le coût du changement climatique, évalue à 5 à 10% du PIB mondial l'impact négatif d'un réchauffement moyen de l'ordre de 2° C et estime que le coût de prévention serait limité à 1% du PIB annuel. Et encore, le coût de cette prévention favoriserait à la fois la création de centaines de milliers d'emplois nouveaux (dans l'isolation thermique des bâtiments, par exemple) et le développement marqué de l'effort de recherche vers une meilleure efficacité énergétique et sur les énergies renouvelables.

A cet effet, la fiscalité écologique a pour objectif « d'internaliser » les coûts environnementaux d'un produit ou d'un service, c'est-à-dire d'établir un prix, pour ledit produit ou service, qui intègre la charge, présente ou différée, de la pollution ou de l'émission nocive jusqu'alors supportée par la collectivité. La fiscalité écologique conduit ainsi à faire supporter à l'émetteur à la fois le coût de la prévention et le coût de la réparation. La fiscalité écologique est l'expression du principe pollueur-payeur.

La fiscalité écologique a une double vertu : en augmentant le prix de la pollution, elle décourage l'émetteur de poursuivre ses activités polluantes ; par ailleurs, elle encourage la mise enoeuvre de techniques ou de procédés alternatifs et moins polluants, en en réduisant le prix relatif.

C'est ainsi que la taxe carbone, en fixant une tendance lourde au prix des produits carbonés, favorise la recherche pour améliorer notre efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables. La taxe carbone est un puissant signal adressé à tous.

Cette double vertu de la fiscalité écologique fonctionne dans les deux sens : elle peut pénaliser les usages néfastes à l'environnement ; mais elle peut aussi, par des baisses appropriées, favoriser l'usage de produits plus vertueux (baisse de la TVA sur le recyclage des déchets, sur les produits propres, sur les énergies renouvelables, sur les travaux d'isolation thermique, etc..).

La fiscalité écologique, ce n'est ainsi pas plus d'impôts, mais un impôt perçu différemment : taxer les pollutions et la consommation de ressources non renouvelables ; favoriser la consommation de produits propres.

Enfin, parce que le renchérissement du prix du pétrole ne pèse pas sur tous de la même façon (riches ou modestes, ruraux ou urbains disposant de transports collectifs), la fiscalité écologique doit être progressive et accompagnée de mesures ciblées au plan social.

C'est pourquoi, pour répondre à cette double crise -crise énergétique, crise climatique- et pour traiter cette double urgence -urgence sociale et urgence climatique-, il convient, désormais, de passer à l'acte.

Tel est le sens du projet d'amendement ci-joint qui vise à la fois à inciter les agents économiques à réduire leurs émissions de carbone et, aussi, pour ce faire, à mieux maîtriser leurs consommations d'énergie.

Il conviendra en effet de le répéter régulièrement : c'est avant tout dans les économies d'énergie, dans la sobriété, que nous serons le plus efficace pour répondre à l'après-pétrole et lutter contre le changement climatique. Comme le soulignait un grand quotidien du soir, une action déterminée fondée sur la sobriété est en outre la plus rentable sur le plan économique et, donc, pour l'emploi : 220 milliards d'Euros pourraient être économisés par l'Union européenne et donc être utilement redéployés en faveur de notre développement social.

Parce que le renchérissement du prix du pétrole ne pèse pas sur tous de la même façon (riches ou modestes, ruraux ou urbains disposant de transports collectifs), la fiscalité écologique doit être progressive et accompagnée de mesures ciblées au plan social.

C'est pourquoi il est proposé que 50% du produit de cette taxe soit affecté à un fonds d'accompagnement à la mutation énergétique, réparti en trois tiers :

- à un fonds de réduction des charges dans le logement social,

- à un fonds d'aide à la mobilité destiné à soutenir les ménages disposant d'un revenu inférieur à 1,5 fois le SMIC et habitant dans des agglomérations d'une population inférieure à 100.000 habitants, c'est-à-dire les agglomérations disposant d'un système de transports collectifs encore insuffisant ;

- à un fonds de développement des transports collectifs dans les agglomérations d'une population inférieure à 100.000 habitants.

Le rendement de la taxe est évalué à 1 milliards d'euros, la première année.

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