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Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Séance du 18 mars 2009 à 10h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • chance
  • discrimination
  • diversité
  • quartier
  • égalité

La séance

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES

Mercredi 18 mars 2009

La séance est ouverte à dix heures.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales procède à l'examen du rapport de M. Jacques Grosperrin en conclusion des travaux de la mission d'information sur les écoles de la deuxième chance et l'accès à l'emploi.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Nous examinons aujourd'hui un rapport qui traite d'un champ très vaste : il porte non seulement sur les écoles de la deuxième chance et l'accès à l'emploi des jeunes, mais aussi sur les mesures visant à favoriser la diversité.

PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

En préalable, je tiens à remercier tous mes collègues, de gauche et de droite, ayant participé à cette mission. Notre objectif était d'apporter un éclairage en appui des travaux conduits par le commissaire à la diversité et à l'égalité des chances, Yazid Sabeg, qui devait remettre un rapport au Président de la République le 20 mars. Comme vous le savez, la présentation de ce rapport a été reportée, le Président de la République devant être présent ce jour-là à Bruxelles pour un Conseil européen. Ayant calé nos investigations sur l'échéance initiale, nous avons été obligés de travailler dans une urgence efficace. Je tiens donc à renouveler mes remerciements aux membres de la mission, Marie-Renée Oget, Gérard Cherpion et Jean-Patrick Gille, pour leur implication. Par ailleurs, nous avons étendu notre champ d'étude pour couvrir non seulement les écoles de la deuxième chance mais aussi l'égalité des chances dans l'accès à l'emploi.

L'accès à l'emploi reste une difficulté majeure pour les jeunes en France et le sera d'autant plus dans le contexte économique très difficile que nous connaissons. Sans négliger cet aspect conjoncturel – qui ne rend que plus urgentes les réponses –, la mission d'information souhaite plutôt privilégier les réponses structurelles à quelques constats bien connus.

Ainsi, 120 000 jeunes au moins, peut-être 150 000, l'évaluation exacte de ce chiffre s'avérant difficile, soit plus de 15 % d'une classe d'âge, sortent tous les ans du système scolaire sans qualification reconnue et donc avec des chances minimes d'accéder à des emplois de qualité ; 80 000 jeunes quittent de même l'université en situation d'échec tous les ans ; 100 000 autres, selon des personnes entendues par la mission, quittent l'université avec des diplômes de niveau au moins « bac + 3 » inadaptés au marché du travail.

Par ailleurs, le taux de chômage est le double de la moyenne nationale dans les quartiers de la politique de la ville, 18 % contre 8 %. Pour les jeunes originaires de ces quartiers, l'obtention d'un diplôme universitaire n'accroît pas nécessairement les chances d'accès à l'emploi durable et qualifié, mais parfois en éloigne encore plus. Ceci dénote d'incontestables discriminations, car ces jeunes sont aussi, bien souvent, issus de l'immigration ; les ex-zones d'éducation prioritaire regroupent en effet moins de 8 % de la population, mais un tiers des jeunes dont les parents sont nés au Maghreb. Les discriminations sont également établies par les opérations de testing : on a en moyenne trois fois moins de chances d'être convoqué à un entretien d'embauche en réponse à des offres d'emploi quand on envoie un CV avec un nom et un prénom qui font « maghrébin », six fois moins de chances si c'est en réponse à une offre pour un emploi de cadre.

La mission a auditionné près d'une centaine de personnes. Ces auditions ont en premier lieu montré l'importance des enjeux de pilotage des politiques, en particulier en vue d'assurer sur le terrain un repérage exhaustif et un suivi en continu des jeunes en difficulté. Il y a de multiples politiques publiques et de multiples organismes qui se préoccupent de l'insertion des jeunes, de la lutte contre les discriminations, de l'égalité des chances en général, et ce sans compter les expérimentations, les initiatives des entreprises ou des grandes écoles – la mobilisation publique et privée est réelle –, mais tout cet ensemble apparaît éparpillé et manque manifestement de coordination. L'évaluation des résultats des actions engagées est souvent inexistante ; quand on a des éléments de bilan, ils font parfois apparaître des situations inattendues : par exemple, on s'aperçoit que les jeunes des quartiers de la politique de la ville accèdent plutôt moins que les autres aux contrats aidés de la politique générale de l'emploi, du moins à ceux qui offrent le plus de perspectives d'insertion ultérieure.

Les auditions ont également mis en lumière l'isolement social des jeunes issus de milieux défavorisés, a fortiori des enfants de travailleurs immigrés et leur manque de réseaux et de connaissance de ce que sont les parcours gagnants dans le système scolaire et universitaire, ceux qui conduisent aux emplois stables et rémunérateurs. Quant à l'éducation nationale, elle n'est manifestement pas encore en mesure de jouer un rôle suffisant pour leur insertion professionnelle, faute de liens suffisants avec les opérateurs des politiques de l'emploi et les employeurs.

Enfin, les écoles de la deuxième chance recueillent quant à elles un large consensus sur les résultats qu'elles obtiennent : avec des stagiaires issus pour moitié des quartiers de la politique de la ville et à 93 % dépourvus de toute qualification, même un CAP ou un brevet, on a un taux de sorties dites positives, vers des emplois durables ou des formations qualifiantes, de plus de 60 %. Mais les écoles de la deuxième chance et les autres dispositifs comparables ne concernent que quelques milliers de jeunes par an.

La mission d'information propose face à ces constats un ensemble de mesures.

Tout d'abord, pour renforcer les moyens de lutte contre les discriminations, on pourrait instaurer une sanction financière à l'entrave aux investigations de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), en particulier au refus de communication de documents, comme il en existe au profit de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) dans ce cas de figure. Dans la mesure où l'origine sociale et le lieu de résidence, quand il s'agit d'une cité à la réputation parfois difficile, sont de fait des facteurs de discrimination, on pourrait aussi insérer ces deux critères dans la liste des 18 critères légaux sur lesquels il est interdit de discriminer les personnes, à côté du sexe, de l'âge, de l'origine ethnique réelle ou supposée, de l'orientation sexuelle, etc.

Pour ce qui est des dispositifs de formation initiale, le premier enjeu est de les coordonner et de les piloter. S'agissant tout d'abord des élèves en décrochage, nous pensons qu'il est essentiel de réagir très vite, de pouvoir proposer une autre option, une formation en alternance, un accompagnement par une mission locale, une école de la deuxième chance, ou d'autres systèmes encore plus « cousus main », dans les plus brefs délais. Nous souhaitons que soit désignée, à un échelon territorial à déterminer, une autorité administrative responsable du décrochage ; comme il s'agit de coordonner différents services, la personne chargée de cette tâche pourrait se trouver sous l'autorité du préfet. En même temps et pour la même raison, il est légitime d'instaurer une obligation de repérage des élèves en décrochage par l'éducation nationale et de transmission de l'information aux acteurs publics positionnés en aval, comme les missions locales et Pôle emploi.

Dans le même objectif de coordination des dispositifs et de prise en charge continue des jeunes, nous sommes favorables à ce qu'on envisage l'ouverture aux 16-18 ans des écoles de la deuxième chance, qui sont actuellement réservées en principe aux jeunes majeurs. Il faut trouver une solution pour ces jeunes encore mineurs. La mission propose enfin d'autres mesures de coordination. On pourrait ainsi faire en sorte que systématiquement des personnes siègent à la fois aux conseils d'administration des établissements scolaires et de la mission locale d'un bassin d'emploi ; de même, dans le champ de la prévention de la délinquance, comme nous l'ont indiqué deux maires que nous avons auditionnés, François Pupponi et Pierre Cardo, il y a beaucoup à faire pour que travaillent mieux ensemble les maires, responsables de la prévention, et la justice des mineurs. Et naturellement, nous appelons de tous nos voeux la mise en place d'un grand service public de l'orientation coordonné, qui ne repose pas sur les seules compétences des personnels de l'éducation nationale, mais associe aussi le service public de l'emploi et le monde professionnel.

Favoriser les contacts des jeunes avec l'extérieur, et en particulier le monde du travail est un autre objectif. On a là tout un champ d'initiatives de tutorat, de coaching, d'organisation de carrefours des métiers, etc., qu'il faut soutenir. Ce type d'actions répond en effet, à peu de frais, à l'une des inégalités les plus grandes, celle qui existe dans l'accès à l'information, aux réseaux, aux chances de mise en relation avec des employeurs potentiels. Au-delà des initiatives diverses des uns et des autres, on peut imaginer quelques actions relevant des politiques publiques nationales. Par exemple, on pourrait introduire dans les cursus scolaires et universitaires des modules spécifiques tournés vers l'orientation, l'éducation au choix, puis la recherche d'emploi ; il faudrait évidemment que cela soit obligatoire et valorisé, avec des notes ou des points supplémentaires dans les examens. Il nous semble aussi que l'éducation nationale doit développer les « banques de stages » qu'elle expérimente et assumer la responsabilité de proposer à tous des stages quand ils sont obligatoires dans un cursus, car on sait que lorsque c'est aux jeunes de les trouver, ceux qui ont des parents ayant de nombreuses relations professionnelles sont très favorisés.

Par ailleurs, toujours dans cette optique de contact avec le monde du travail et d'ouverture, on pourrait envisager que le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), dans le cadre de la mission que lui donne la loi de favoriser la cohésion sociale dans les conventions qu'il passe avec les chaînes, leur demande de produire et diffuser des fictions qui montreraient des exemples de la réussite que peuvent connaître des jeunes manifestement issus de « minorités visibles » dans des professions « classiques » et offrant des débouchés, et pas seulement dans la police scientifique que valorisent de nombreuses séries. Les fictions sont en effet beaucoup plus efficaces que toutes les communications institutionnelles.

L'alternance est une superbe opportunité pour les jeunes issus de milieux défavorisés : elle offre un contact direct avec le monde de l'entreprise, parfois débouche sur l'emploi, en tout état de cause procure une rémunération. Pour la développer encore, un certain nombre d'obstacles, notamment juridiques, doivent être levés : ainsi 11 % des écoles d'ingénieur seulement semblent proposer des diplômes en alternance, contre la moitié des écoles de commerce, et ce notamment pour cause d'interprétations restrictives des règles en vigueur. On peut aussi s'interroger sur la pertinence de conserver une limite d'âge supérieure, soit 25 ans sauf cas particuliers, pour entrer en apprentissage. Dans la fonction publique, le dispositif PACTE d'intégration par la voie de l'alternance doit être élargi. Enfin, au motif qu'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation est un contrat de travail, des jeunes étrangers, même en situation régulière dans certains cas de figure, en sont écartés alors qu'ils ont été scolarisés en France ; cette réglementation devrait évoluer.

Pour ouvrir le système scolaire et universitaire à toutes les diversités, la mission approuve ce qu'a proposé le Président de la République, soit garantir que 5 % des élèves de terminale de tout lycée puissent s'inscrire dans une classe préparatoire aux grandes écoles et que 25 %, à la rentrée prochaine, puis 30 % de l'effectif de chaque classe préparatoire soit constitué de boursiers. Nous pensons aussi que les bourses pourraient utilement être attribuées sur une base pluriannuelle – pour la durée d'un cycle scolaire ou universitaire, sous réserve naturellement que ce cycle soit poursuivi – afin d'offrir un horizon financier plus sûr aux plus modestes. Par ailleurs, il faut poursuivre la réforme des épreuves des concours, qui doivent être moins discriminantes, obtenir des grandes écoles qu'elles se dotent systématiquement de concours destinés aux jeunes issus des formations et classes préparatoires technologiques et accroissent leurs quotas de places pour ces filières technologiques, plus ouvertes de fait aux jeunes issus de la diversité.

Pour ce qui est des dispositifs de deuxième chance, leur déploiement doit être poursuivi activement, mais sans nuire à leur efficacité, qui est liée à leur spécificité. Celle-ci tient au rôle des initiatives locales, aux liens avec le monde économique local, à une pédagogie individualisée et qui part des projets ou du moins des désirs professionnels des stagiaires. L'école de la deuxième chance ne doit pas être une éducation nationale bis concurrente de la première où les jeunes en rupture retrouveraient un mode de fonctionnement qu'ils ont rejeté. Le réseau doit continuer à se développer de manière souple, en procédant par appels d'offres, afin de mobiliser notamment les établissements existants. C'est pourquoi nous nous félicitons de la volonté du Gouvernement de parvenir à 12 000 places fin 2010 dans le réseau, mais ne croyons pas pouvoir fixer d'avance un objectif ultérieur supérieur par rapport aux 120 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification. Pour reconnaître l'apport des écoles de la deuxième chance, accroître leur visibilité et couvrir le territoire, le principe d'un site-école par département pourrait cependant utilement être consacré par la loi.

Pour ce qui est des mesures en direction des employeurs, notre première observation porte sur l'égalité de traitement entre entreprises et administrations : les règles et les progrès doivent être les mêmes pour les unes et les autres, à l'inverse de ce que cela a été pendant vingt ans s'agissant de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.

Dans le champ des mesures qualitatives, le développement du dialogue social sur les thèmes des discriminations, de l'égalité des chances et de la diversité des origines peut être recherché en introduisant ces notions dans la liste des domaines dont les partenaires sociaux doivent régulièrement discuter, ce qui ne signifie pas, naturellement, être obligé de conclure un accord. Quant au CV anonyme, il suscite des réactions partagées et nous paraît devoir relever du champ de l'expérimentation comme actuellement plutôt que de l'obligation. On pourrait sélectionner quelques bassins d'emploi où des expérimentations s'appuieraient sur Pôle emploi.

Nous pensons que les employeurs peuvent désormais accepter des mesures d'incitation sur des objectifs quantitatifs, à deux conditions : nous devons affirmer clairement qu'il ne saurait s'agir d'établir des « quotas » et que le point d'entrée dans ces mesures ne peut être l'identification d'un public bénéficiaire sur la base de critères d'origine « ethnique » au sens le plus large mais des ciblages objectifs et consensuels, comme les jeunes en alternance ou les jeunes issus des quartiers populaires.

Par ailleurs, nous devons être conscients des limites de ce type de politiques. Elles peuvent être lourdes à gérer pour les employeurs, voire inapplicables. Des responsables des ressources humaines auditionnés par la mission ont ainsi fait part de leurs craintes quant à la multiplication d'« emplois réservés » sur différents critères. De manière générale, si l'on prend le cas des processus d'embauche, se fixer des objectifs chiffrés peut avoir un sens lors de recrutements de masse, mais guère dans la gestion d'un flux continu d'embauches individuelles. S'agissant des résultats obtenus, la présence d'un grand nombre de représentants de tel ou tel groupe réputé discriminé dans une entreprise ou encore sa capacité à accueillir un grand nombre de jeunes en alternance ne prouvent pas que cette entreprise ne pratique pas la discrimination ou fait tout pour s'ouvrir aux jeunes, et vice-versa. Les choses dépendent en effet aussi de nombreux facteurs externes ou sur lesquels l'entreprise a peu de prise : la population du bassin d'emploi, l'existence ou non de centres de formation d'apprentis pouvant prendre en charge des jeunes dans tel ou tel métier, la pyramide des âges de l'entreprise, les stéréotypes externes qui orientent certains groupes de la population vers certains métiers… Enfin, les interrogations sur l'efficacité des dispositifs d'incitation financière à l'emploi privilégié de tel ou tel groupe de personnes sont légitimes au regard de la principale expérience de cette nature – la seule qui s'assimile à un « quota d'emploi » – menée dans notre pays, celle au bénéfice des personnes handicapées, dont le bilan est assez incertain même si l'emploi de ces personnes a progressé.

Sous ces observations, plusieurs types de mesures peuvent apparaître intéressantes. Tout d'abord, on sait que le taux de la taxe d'apprentissage due par les entreprises de 250 salariés et plus passe de 0,5 % à 0,6 % lorsque leur nombre moyen annuel de jeunes en alternance est inférieur à 3 % de l'effectif. On pourrait inciter à l'accueil de jeunes en jouant tout à la fois sur le niveau de jeunes à atteindre et sur le niveau, actuellement faible à 0,1 %, de surcotisation associé à cet objectif, mais en veillant, dans le contexte économique actuel, à ne pas augmenter globalement le prélèvement sur les entreprises ; celles qui accueillent beaucoup de jeunes doivent payer moins.

Par ailleurs, afin de relancer spécifiquement les contrats de professionnalisation, un dispositif d'incitation pourrait être envisagé au bénéfice des petites entreprises, comme il en existe un en matière d'apprentissage où il y a un crédit d'impôt de 1 600 euros par apprenti présent dans l'effectif.

Une autre piste à creuser est celles des clauses d'insertion dans les marchés publics. L'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) demande à ce que les entreprises qui obtiennent des marchés de travaux qu'elle subventionne réservent 5 % du volume horaire travaillé à des jeunes des quartiers concernés, et cela fonctionne.

Enfin, certains proposent d'inverser la logique des zones franches urbaines en mettant en place un allègement de charges spécifique non pour l'implantation des entreprises dans une zone déterminée, mais pour l'embauche, peu importe le lieu de l'emploi, d'habitants des quartiers de la politique de la ville. C'est l'idée du « salarié franc » : au lieu d'aider les entreprises d'une zone géographique, soit celles de la zone franche urbaine, il s'agit d'aider les jeunes issus des quartiers concernés qui trouvent un emploi, dans ce quartier ou non.

Reste une question que j'ai gardée pour la fin, car c'est la plus conflictuelle, celle des outils de connaissance de la diversité des origines et des discriminations. Sur ce thème, il y a des mesures pas trop problématiques, comme d'insérer l'obligation d'en rendre compte dans le bilan social des entreprises ou, pour ce qui est des politiques publiques, dans les indicateurs des documents budgétaires. Sauf que l'on tombe alors sur la question épineuse du « baromètre », de la mesure de la diversité des origines.

La mission a abordé – inévitablement – cette thématique. Avancer sur ce sujet particulièrement délicat implique de répondre à de multiples questions préalables et de prendre en compte les conséquences des choix que l'on propose.

Première question, qu'est-ce que l'on veut mesurer : la diversité des origines ou toutes les diversités – chacun porte en lui de multiples diversités –, ou encore les actes de discrimination, ou le nombre de personnes discriminées ? La mesure de la diversité ne se confond pas avec celle des discriminations ; le constat d'une diversité d'origines dans une entreprise, une administration, un groupe humain donnés n'y prouve pas l'absence de discriminations, et réciproquement.

Deuxième question, si l'on se centre sur la diversité des origines, comment la qualifie-t-on ? À travers les « données objectives » que sont le lieu de naissance ou le patronyme des personnes et de leurs ascendants, au risque de les enfermer dans une identité imposée ? Ou à travers un « ressenti d'appartenance » subjectif au risque d'une validité scientifique discutable et de la valorisation des sentiments communautaires ? C'est le débat d'aujourd'hui.

Enfin, pourquoi cette mesure ? L'enjeu est bien de quantifier des inégalités de traitement injustifiées, des injustices ; c'est du débat entre une égalité « formelle » et une égalité « réelle » qu'il est question. Cela débouche nécessairement sur des revendications, sur la demande de mesures correctives, pour passer de l'égalité devant la loi à l'égalité par la loi. Cela, du point de vue de la mission d'information, ne doit en aucun cas signifier des « quotas » de quoi que ce soit, mais ce refus légitime implique aussi que l'on explique clairement ce à quoi peut servir une meilleure connaissance des diversités.

La mission d'information est cependant convaincue qu'une modification de la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 est inévitable pour plusieurs raisons. D'abord, le cadre juridique actuel est peu satisfaisant d'après la CNIL elle-même, qui en a fait ressortir le caractère inadapté, parfois vague, dans ses avis. Ensuite, vous savez qu'il y a eu en 2007 une tentative de légiférer que le conseil constitutionnel a censuré pour vice de procédure législative ; mais à cette occasion, le Conseil a incidemment posé des principes de fond en marquant le caractère inconstitutionnel de toute catégorisation ethno-raciale, ce qui est une invitation au Parlement à préciser les choses. Enfin, il n'existe pas dans la loi actuelle de disposition spécifique sur la mesure de la diversité des origines, et la licéité des statistiques produites jusqu'à présent a donc dû être appréciée par rapport à un cadre général laissant une large place à l'interprétation de la CNIL ; il est légitime que le législateur, en fixant un cadre légal ad hoc, assume sa mission dans un débat qui intéresse les libertés publiques et questionne même, selon certains, les principes de la République.

La mission n'a pas voulu se prononcer entre les différentes options envisagées, à savoir les « données objectives » et le « ressenti d'appartenance ». Elle relève seulement quelques éléments des garanties qui devront de toute façon être apportées :

– la finalité des travaux portant sur la mesure de la diversité des origines doit être claire : cela ne peut être que la lutte contre les discriminations et la promotion de l'égalité des chances et cela devra être affirmé dans la loi ;

– les enquêtes menées pour recueillir les données en vue de ces travaux devront être facultatives et auto-déclaratives ;

– les résultats publiés devront être strictement anonymisés et la conduite des enquêtes être externalisée.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Je remercie le rapporteur pour ce travail qui aborde deux sujets complexes : la mesure de la diversité, qui doit permettre d'apprécier les progrès réalisés dans le domaine de la lutte contre les discrimination, et l'insertion des jeunes dans l'emploi. Sur ce dernier sujet, on constate qu'en dépit des aides multiples existantes, détaillées par de non moins nombreuses directives des préfets, peu de collectivités et d'associations s'engagent dans cette politique ; les enveloppes de contrats aidés disponibles ne sont pas utilisées ; je me demande donc s'il ne serait pas plus utile de s'en tenir plutôt à une ou deux mesures simples.

PermalienPhoto de Gérard Cherpion

La mission était difficile en raison des deux problèmes que vient d'énoncer M. le président, mais aussi du fait de l'existence d'une zone médiane, celle qui correspond à la période se situant entre le moment où des jeunes décrochent du système scolaire et celui où ils réintègrent la société. Ce moment de vide au cours duquel la rue peut devenir la famille de certains jeunes âgés de 12 à 18 ans constitue une préoccupation commune des maires des villes de banlieue qui y sont confrontés et qui, quelle que soit leur étiquette politique, partagent des méthodologies semblables.

Cette errance dans la société pose la question de l'orientation. Cette dernière ne doit pas être uniquement scolaire et ressortir de la seule compétence de l'éducation nationale mais doit être organisée en partenariat avec les entreprises et le service public de l'emploi. Pour ce qui est des jeunes qui décrochent du système, il faut mettre en place un dispositif qui assure leur signalement et dont la responsabilité incombe à une personne nommément désignée, sans doute dans les services de l'État. Des solutions adaptées doivent être trouvées. Il est vrai que les jeunes décrocheurs peuvent être « rattrapés » par le biais de l'école de la deuxième chance ; cependant, on considère qu'une rupture est souvent nécessaire avant d'accepter un retour à l'école. De la même façon, l'apprentissage peut être une solution, mais il faut sans doute réfléchir aux règles d'âge qui continuent à en freiner le développement.

Quoi qu'il en soit, les écoles de la deuxième chance apportent une réponse satisfaisante à un problème difficile et il est nécessaire de les développer, mais de manière maîtrisée et en liaison avec les territoires, en rapport avec les besoins identifiés localement. La démarche de labellisation est également nécessaire afin d'amoindrir les grandes diversités existant entre écoles selon les territoires. En outre, ce déploiement doit se faire sans opposition des écoles avec les centres de l'Établissement public d'insertion de la défense (EPIDE), dont le coût plus important s'explique par l'accueil en internat d'un public différent, qui a le plus souvent rencontré des problèmes avec la justice.

Enfin, il est essentiel que, quelles qu'elles soient, les mesures qui seront adoptées impliquent le secteur public aussi bien que les entreprises privées. Nous avons dû attendre la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées pour que les règles d'emploi des travailleurs handicapés soient les mêmes pour toutes les structures ; il ne faut pas qu'il en soit de même. Il convient d'intégrer les jeunes dans les entreprises privées comme dans le secteur public, lequel devrait offrir de nombreuses possibilités d'emploi dans les prochaines années.

PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

En dépit de l'excellent climat régnant entre ses membres, cette mission a posé un problème de méthode tant en raison de la densité de ses travaux et du nombres d'auditions menées en un mois que du glissement de son champ sur trois thèmes différents : les écoles de la deuxième chance, la diversité et l'accès à l'emploi des jeunes.

Au sujet des écoles de la deuxième chance, une belle unanimité, dont je me félicite, semble s'être aujourd'hui constituée pour vanter leur action, rendant inutile toute confrontation. Cette dernière semaine, plusieurs membres du Gouvernement ont annoncé vouloir prendre des mesures en leur faveur et Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi, nous a même fait des promesses « sonnantes et trébuchantes », qui auraient été négociées avec les régions, ce qui n'est pas certain. En outre, il ne faudrait pas que chaque ministre réinvente une institution qui a été créée et jusqu'à présent gérée de façon autonome par les collectivités territoriales, pas par un État qui se montre parfois un peu « impérial ». Ainsi, un débat légitime s'est-il ouvert avec Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville, qui souhaite ouvrir les écoles de la deuxième chance aux jeunes âgés de 16 à 18 ans et les spécialiser par métiers. Pour ma part, je suis opposé à ces deux propositions. L'école de la deuxième chance n'a pas à être dans la continuité de l'éducation nationale ; sa pédagogie repose sur le fait de dégager le « projet » de chaque jeune, ce qui est contradictoire avec une spécialisation sur un type de métiers.

Le traitement du deuxième sujet abordé par la mission, la mesure de la diversité, a agréablement surpris le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (SRC), puisqu'il a permis d'aboutir à la reprise de dispositions de la proposition de loi (n° 1305) déposée par Mme Pau-Langevin et visant à lutter contre les discriminations liées à l'origine, réelle ou supposée.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Elle reprenait elle-même des propositions antérieures.

PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

La mission a ainsi repris les idées de création d'un délit d'entrave à l'action de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), d'institution de délégués régionaux de celle-ci et d'insertion du thème de la lutte contre les discriminations dans les négociations obligatoires d'entreprise. Un accord unanime s'est forgé sur un refus des quotas et de la mise en place de référentiels religieux ou raciaux alors qu'une interrogation demeure sur la notion de « ressenti d'appartenance » sur lequel existait d'ailleurs une forte opposition lors de la présentation de la proposition de loi. Je reste toutefois très déçu que la question soit renvoyée à la réflexion d'une autre commission, celle qui est présidée par M. Héran.

Le dernier thème, celui de l'entrée des jeunes dans l'emploi, examiné trop rapidement, a débouché sur des conclusions décevantes. Il me paraît nécessaire d'aller plus loin. J'approuve toutefois l'idée d'exonérer de charges sociales les employeurs recrutant des jeunes ou des adultes habitant des zones urbaines sensibles (ZUS). Une telle politique d'exonération serait nettement préférable à celle menée en matière d'heures supplémentaires dont l'abandon permettrait de la financer. Le régime d'exonération des heures supplémentaires a en effet un impact très néfaste sur l'emploi des jeunes : il assèche l'offre d'emplois temporaires et de contrats d'intérim, qui sont les principaux emplois offerts aux jeunes.

En tout état de cause, il est important de distinguer deux problématiques :

– celle de la sortie prématurée du système scolaire qui doit être traitée par l'éducation nationale – et notamment par la mission générale d'insertion (MGI) dont on semble redécouvrir soudainement les mérites après avoir sabré dans ses crédits – mais qui doit également être portée par d'autres intervenants sur le territoire car l'éducation nationale n'est sans doute pas le meilleur interlocuteur du jeune qui l'a quittée ;

– celle de la construction d'un vrai système de deuxième chance à travers l'affirmation d'un droit différé à la formation initiale, dans laquelle les régions ont un rôle prépondérant à jouer.

Je conclurai par un proverbe : « qui trop embrasse, mal étreint ». Outre un manque de temps certain entraînant une certaine précipitation, je regrette l'étendue même des sujets abordés qui auraient pu faire l'objet de deux ou trois missions d'information. Je constate que, de ce fait, nous avons parfois énoncé des propositions sans avoir réellement eu le temps d'en examiner toutes les implications, notamment sur l'accès des jeunes à l'emploi. C'est pourquoi, tout en saluant la qualité du travail effectué, le groupe SRC s'abstiendra lors du vote sur le présent rapport.

PermalienPhoto de Bernard Perrut

Je tiens tout d'abord à saluer la qualité du travail du rapporteur. Il s'agit d'un document intense eu égard au nombre d'informations apportées. Je me permettrai quelques réflexions. Depuis plusieurs semaines, secrétaires d'État, ministres, personnalités qualifiées travaillent intensément sur ce sujet. On peut supposer qu'en sortiront différentes propositions, mais on peut surtout espérer que ces propositions seront communes et non pas divergentes. Cette réflexion commune s'impose à l'heure où le chômage des jeunes a bondi de 23 % en 2008. C'est une préoccupation constante dans chacun de nos départements, dans nos villes comme à la campagne.

Aujourd'hui, un jeune sorti de l'éducation nationale en relève encore pendant un an. Les centres d'information et d'orientation (CIO) doivent assurer son suivi durant ce laps de temps. Or chacun s'accorde à reconnaître que cela ne fonctionne pas puisque six jeunes sur dix ne trouvent aucun accueil auprès de l'éducation nationale et se retournent donc vers les missions locales, dont ce n'est pourtant pas le rôle… Il faut effectivement à l'avenir privilégier un système d'accueil unique, la diversité des lieux d'accueil étant nuisible à la lisibilité de l'action. Les chiffres sont là.

S'agissant de l'égalité des chances, je mets en garde contre tout clivage entre les jeunes fondé sur leur quartier d'habitation ou leur origine. Les difficultés des jeunes sont aussi très grandes à la campagne. L'égalité des chances doit donc aller bien au-delà de ces oppositions simplistes.

S'agissant de la connaissance des jeunes sur le terrain, les jeunes des zones urbaines sensibles (ZUS) doivent déjà être répertoriés, à la demande de l'État, par les missions locales. Par ailleurs, le dispositif « Parcours 3 » géré par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et l'assurance chômage est destiné aux jeunes les plus en difficulté. La connaissance de ces jeunes en décrochage existe donc, mais pas les solutions pour les sortir de là.

La semaine prochaine, le Conseil national des missions locales fera des propositions à Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Il convient de développer les conventions avec les entreprises, afin de les aider et de les accompagner dans l'accueil de ces jeunes. Il convient également de développer les contrats de professionnalisation ou de formation en alternance. Enfin, le succès de cette politique passe aussi par un renforcement des aides aux employeurs.

Je souhaite donc que l'ensemble des intervenants qui réfléchissent sur ce sujet puisse arriver à se fixer quelques objectifs clairs et précis.

PermalienPhoto de Dominique Dord

Je salue également le travail réalisé. Je tiens plus particulièrement à insister sur deux points. En premier lieu, une préoccupation générale : on est au coeur du sujet le plus explosif pour notre pays. En effet, sortir ces jeunes, vivant déjà dans des familles très en difficulté, de cette situation de rupture d'égalité, de ce sentiment de discrimination est le principal défi auquel est confronté notre pays. Il serait donc nécessaire de créer encore deux ou trois missions d'information pour approfondir cette question, d'autant plus que la crise actuelle aggrave la situation.

En second lieu, un point frappant n'est peut-être pas suffisamment développé dans le rapport de la mission : il s'agit de la représentation qu'ont les jeunes des possibilités de débouchés professionnels dans chacune de nos villes. Ainsi, à Aix-les-Bains, ils ont le sentiment que si la mairie ou AREVA ne les embauchent pas, ils sont l'objet de discriminations, alors même que les processus de recrutement sont transparents ! Tout le monde veut travailler dans ces deux organismes, bien que d'autres débouchés très intéressants existent. C'est un sentiment qui est d'ailleurs partagé dans toute la population ; il n'est pas propre à certains groupes. C'est un vrai sujet qui nécessite une meilleure communication du monde de l'entreprise et des collectivités. Cela permettrait de traiter de manière plus globale cette question de la discrimination. Je ne sais pas si c'est à l'éducation nationale, aux CIO, aux missions locales ou au volet local de la mission de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) d'effectuer ce travail, mais quelqu'un doit absolument le faire.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Ce phénomène joue à la puissance dix dans les Antilles, où les sur-rémunérations dans la fonction publique tuent l'emploi privé.

PermalienPhoto de Marie-Renée Oget

Je n'interviendrai qu'en complément de ce qu'a dit notre collègue Jean-Patrick Gille. Je salue, moi aussi, le climat très positif dans lequel se sont déroulés notre mission, nos auditions et nos échanges. On ne peut plus rester dans cette impasse du chômage des jeunes qui, plus que d'autres, ont des emplois précaires et sont donc les plus touchés par la crise. Même les plus diplômés se rendent aujourd'hui dans les missions locales.

La mission s'est retrouvée sur des témoignages, des expérimentations. Les retours d'expérience positifs devraient servir de base à la réflexion et à l'action des politiques, des institutions et des entreprises. Lorsque des expériences fonctionnent bien, il conviendrait de pouvoir les évaluer, les approfondir et en tirer parti plus qu'on ne le fait aujourd'hui.

Les dispositifs de formation initiale et continue doivent évoluer en vue d'une personnalisation accrue et d'une meilleure adaptation des parcours des jeunes. Mais cela ne sera possible que si l'on débloque des moyens. C'est par exemple le cas du repérage de ces jeunes décrocheurs : s'ils étaient mieux repérés, ils auraient plus de chance de se réinsérer.

PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Mes trois remarques concerneront principalement les entreprises et plus largement les employeurs. En premier lieu, j'approuve l'idée d'appliquer aux administrations les mêmes obligations qu'aux entreprises privées. C'est une question de justice.

En deuxième lieu, le rapport proposant d'y insérer les thèmes de la diversité et de l'égalité des chances, je m'interroge sur la notion même de « négociation obligatoire ». Je comprends bien que, devant le peu d'enthousiasme des entreprises à aborder certains sujets qui font pourtant partie de ce que l'on appelle la « responsabilité sociale de l'entreprise », le législateur entende contraindre la négociation, mais je suis gêné par l'antinomie, qui est dans les termes mêmes, entre la négociation et l'obligation. C'est un concept un peu baroque. Le débat est, me semble-t-il, pollué : a-t-on obligation de conclure ou seulement de négocier ? Il s'agit par ailleurs d'une obligation sympathique mais obligeant peu les entreprises dans les faits : que se passe-t-il si la négociation n'a pas lieu ? Si aucune conséquence n'est prévue en cas de non-respect de cette obligation légale, la loi n'est plus la loi et il ne s'agit plus d'une obligation ! Le débat sur ce sujet sensible est fondamental mais il me semble que la négociation obligatoire, comme sur d'autres sujets du même ordre – handicap, discrimination hommesfemmes, etc. – n'est pas le bon format. En effet, le succès des négociations sur les discriminations hommesfemmes, que vous évoquez dans votre rapport, est tout relatif. Très peu d'entreprises ont signé un accord. Par ailleurs, est-ce l'obligation de négocier ou la menace de sanctions pécuniaires qui ont permis la signature d'accords ? L'interrogation est la même s'agissant de l'intégration des handicapés dans l'entreprise. C'est un problème général de conception du dialogue social : le dispositif des négociations obligatoires ne fonctionne pas. On peut « se faire plaisir » en élargissant leur champ, mais on n'est pas efficace.

En troisième lieu, je pense qu'il conviendrait de se focaliser davantage sur la politique de gestion des ressources humaines, qui est effectivement une des clés pour résoudre les problèmes d'égalité des chances, même si je partage les observations du rapport sur les limites opératives des actions qu'on peut mener. La non-discrimination est aussi un enjeu culturel et je suis d'avis que la formation initiale de tous devrait comporter aussi des enseignements obligatoires, des « unités de valeur » concernant les relations sociales et l'éthique du travail et de la gestion.

PermalienPhoto de Christian Eckert

En premier lieu, je ne comprends pas la position de Jean-Frédéric Poisson, qui semble regretter que les obligations de négociation du code du travail soient dépourvues de sanctions alors qu'il s'est à plusieurs reprises, lors de l'examen de textes antérieurs, opposé au durcissement de sanctions contre ceux qui ne respectent pas ces obligations.

Deuxièmement, je suis surpris de la méthode retenue par la mission d'information. Qui trop embrasse mal étreint : en abordant autant de questions dans un délai aussi court, la mission ne dégage que trop peu de lignes d'action concrètes au regard de l'ampleur des problèmes. En tout état de cause, il y avait d'autres occasions de traiter la question des discriminations qu'au détour de ce rapport.

Ensuite, je souhaite exprimer mon ressenti, à partir de l'observation des écoles de la deuxième chance en Lorraine – où ces dernières couvrent l'ensemble des bassins d'emploi –, sur les raisons de leur réussite et les voies d'amélioration de leur dispositif. Il me semble que la réussite des écoles de la deuxième chance tient à quatre raisons principales. La première est qu'elles fonctionnent sur la base du volontariat des jeunes. Deuxièmement, le système est déconnecté de l'éducation nationale, pour laquelle j'ai au demeurant le plus grand respect, mais qui n'est pas adaptée pour les jeunes qui ont « décroché » ou ont développé un refus du système scolaire et ont par conséquent besoin d'être accueillis dans un système qui soit bien distinct des structures de l'éducation nationale, avec des locaux et des acteurs différents. Troisièmement, les écoles de la deuxième chance associent les organismes consulaires ; les professionnels ont donc un pied dans l'école. Ainsi des liens se créent plus facilement avec les entreprises, ce qui est positif tant que la vocation « généraliste » des écoles n'est pas remise en cause. Quatrièmement, le succès des écoles de la deuxième chance tient à leur ancrage local.

S'agissant de l'amélioration du dispositif, elle va se heurter à un problème budgétaire. La question du financement est donc essentielle. Par ailleurs, il faudrait mettre en place des mesures incitatives pour encourager les entreprises à jouer pleinement leur rôle en aval des écoles de la deuxième chance en multipliant les stages et en développant l'accueil des jeunes en difficulté. Ces mesures incitatives pourraient prendre la forme d'exonérations de cotisations sociales et de contrats particuliers. Enfin, il conviendrait de maintenir et de développer le maillage territorial des écoles de la deuxième chance. En conclusion, je regrette que l'élargissement de son champ d'investigation à trop de sujets, et ce en quelques semaines, ait fait dériver la mission loin de ces questions qui me paraissent essentielles.

PermalienPhoto de Dominique Tian

Ce rapport est très intéressant, notamment dans le constat qu'il dresse du bon fonctionnement des écoles de la deuxième chance dont je rappelle que la première a été créée à Marseille sur décision d'Édith Cresson.

PermalienPhoto de Dominique Tian

Par l'Union européenne et les entreprises.

PermalienPhoto de Dominique Tian

Oui, les collectivités territoriales participent au financement. Nous sommes fiers de cette école qui ne manque pas d'être visitée lors des déplacements ministériels. Je tiens à souligner l'importance du lien entre cette école et les entreprises qui sont particulièrement impliquées. En revanche, j'ai relevé le bilan critique que dresse le rapport sur l'Établissement public d'insertion de la défense (EPIDE) en ce qui concerne ses résultats et ses coûts. Comme l'indique le rapport, le coût par jeune et par an est d'environ 45 000 euros, contre 8 000 euros pour les écoles de la deuxième chance, et ce avec un taux d'abandon en cours de stage qui est très élevé (41 % en 2007) alors même que les jeunes perçoivent une allocation de 300 euros par mois. Il y a donc là un problème de gestion de l'argent public et des réformes à envisager.

S'agissant du problème de la discrimination, j'observe en premier lieu qu'il y a souvent un sentiment fort en la matière, sentiment qui n'est pas toujours fondé sur des faits. C'est un sentiment que peuvent éprouver tous les jeunes, qu'ils soient ou non issus de l'immigration, lorsqu'ils n'ont pas la possibilité de travailler pour la ville, le port autonome, l'entreprise Eurocopter ou d'autres entreprises qui jouissent d'une très grande renommée. On entend souvent dire que les entreprises sont responsables des discriminations. Or, aujourd'hui, faute de statistiques ethniques, il ne nous est pas possible de mesurer la diversité au sein des entreprises ; je le regrette car je visite beaucoup d'entreprises qui emploient des personnes d'origines diverses, et de nombreux secteurs de notre économie, je pense par exemple au bâtiment, ne pourraient pas fonctionner sans la main d'oeuvre issue de l'immigration. Il me semble aussi que le rapport devrait comporter une analyse des emplois non pourvus qui indique leur répartition par bassin d'emploi et explicite les problèmes d'appariement entre l'offre et la demande.

Je souhaite par ailleurs souligner les difficultés que rencontrent les entreprises à recruter des travailleurs handicapés afin de respecter le quota légal, notamment du fait de la modification récente des critères. Selon les entreprises, Pôle emploi et les autres organismes ne sont pas en mesure de leur proposer des travailleurs handicapés. Certaines entreprises envoient des lettres recommandées sans retour. La loi apparaît donc inadaptée et les entreprises s'exposent à une sanction financière injuste dont l'État s'exonère.

PermalienPhoto de Monique Iborra

Ce rapport doit être replacé dans le contexte de la politique générale qui est actuellement menée et de la situation économique et sociale. Il évoque le problème de l'orientation, qui est selon moi le problème essentiel, sans aller suffisamment loin dans ses préconisations. Sur le seul sujet de l'orientation, on pourrait faire une mission d'information. Le rapport propose la désignation sur chaque territoire d'une autorité administrative issue des services de l'État comme responsable des élèves en décrochage. Cependant, les services de l'État sur le terrain étant totalement dépecés, désigner en leur sein une autorité chargée de l'orientation me paraît irréaliste.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

On pourrait certainement mobiliser davantage certains services.

PermalienPhoto de Monique Iborra

Les services de l'État ne répondent pas aux exigences qui devraient être les leurs. Nous le savons, le décrochage est très lié à la situation économique et sociale des parents. C'est l'éducation nationale qui devrait être responsable du suivi de ces jeunes. Or elle n'est plus en mesure d'assurer cette mission car on supprime les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficultés (RASED), les subventions aux associations et des postes un peu partout. Contrairement à ce qui a été dit, ce ne sont pas les CIO qui assurent l'orientation de ces jeunes, mais la mission générale d'insertion (MGI), laquelle manque de moyens. S'agissant des missions locales, on les réhabilite aujourd'hui alors qu'avec le contrat d'autonomie, le suivi des jeunes en difficulté a été transféré au secteur privé.

Quant aux écoles de la deuxième chance, je constate que le Gouvernement reprend à son compte un dispositif qui a été mis en place à l'initiative des collectivités locales. Je rappelle que les régions, au titre de leur compétence en matière de formation professionnelle, sont le premier financeur de ces écoles. Dans ces dernières, les jeunes sont stagiaires de la formation professionnelle et ce sont les régions qui financent leur salaire. En annonçant lors de son audition par la mission que les régions ont accepté, à l'issue d'une consultation, de financer les écoles de la deuxième chance à hauteur de 9 millions d'euros en 2010, le secrétaire d'État chargé de l'emploi a menti. Les régions n'ont jamais été consultées. Seuls les directeurs d'école l'ont été, alors qu'ils n'ont aucun mandat pour décider du financement apporté par les régions. Je considère donc que le secrétaire d'État a fait preuve de malhonnêteté intellectuelle.

PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

L'État mettra sur la table 9 millions d'euros en 2009, soit autant que les régions, auxquels s'ajouteront 6 millions du Fonds social européen (FSE). En 2010, l'État versera 16 millions d'euros, les régions 9 millions et le FSE 6,5 millions ; en 2011, ce seront respectivement 24, 13 et 7 millions. Je constate que lorsque le Gouvernement décide de développer une politique en accroissant son financement, on l'accuse de récupération et que lorsqu'il met fin à une politique mise en place, on l'accuse de désengagement. Je rappelle que c'est Édith Cresson qui est à l'origine des écoles de la deuxième chance. On ne peut tout de même pas reprocher à l'État de « récupérer » une politique parce qu'il met en place des financements supplémentaires. Il ne s'agit pas de récupération : on souhaite simplement aller plus loin.

PermalienPhoto de Monique Iborra

Ce que je reproche à Laurent Wauquiez, c'est d'avoir évoqué la participation financière des régions sans aucune concertation préalable avec ces dernières et sans être habilité à le faire. Il n'y a eu aucune négociation, le secrétaire d'État n'est donc pas en mesure d'avancer des montants pour les années à venir. En outre, il n'est pas question que le Gouvernement décide des formations que financeront les régions, qui relèvent exclusivement de leur compétence. Au lieu de faire des collectivités territoriales des boucs émissaires, le Gouvernement serait bien avisé de s'inspirer de leur action, aussi bien dans les maisons de l'emploi que dans les écoles de la deuxième chance.

PermalienPhoto de Michel Heinrich

Je serai bref. Bien que ce ne soit pas l'objet du rapport, je souhaite revenir sur la question du décrochage des jeunes que l'on présente souvent comme une fatalité. Il faut se saisir de ce problème et réfléchir à la manière de diminuer considérablement le décrochage voire de le supprimer. Il existe des dispositifs qui peuvent être mis en place, comme les programmes de réussite éducative, et évalués. Par ailleurs, j'ai été surpris, ces derniers temps, de l'acharnement à réformer le lycée, alors qu'il aurait peut-être été plus judicieux de se poser la question de la réforme du collège. Concernant les écoles de la deuxième chance, ce dispositif donne globalement satisfaction et je n'ajouterai rien à ce qui a déjà été dit.

Le rapport aborde des problèmes plus larges, comme celui de l'emploi dans les quartiers. Sur ce point, je partage l'observation de Dominique Dord : souvent les jeunes veulent absolument être employés à la mairie ou dans une ou deux entreprises emblématiques, ce qui démontre l'insuffisance de l'information qui leur est donnée et des perspectives qui leur sont offertes. Par ailleurs, le concept du « salarié franc » me semble excellent et beaucoup plus pertinent que le dispositif actuel des zones franches, qui est souvent détourné de son objectif. Il est aussi très important que des agences d'intérim et des antennes de Pôle emploi et des maisons de l'emploi s'installent dans les « quartiers ». En effet, on constate souvent que lorsqu'une agence d'intérim, par exemple, déménage – ne serait-ce que d'un kilomètre –, elle cesse de recruter dans le secteur où elle était. J'en ai fait l'expérience.

J'ai par ailleurs été surpris de lire dans le rapport que la généralisation des clauses d'insertion, initiées dans le cadre de l'ANRU, serait difficile pour les collectivités. Je ne le pense pas. Cette généralisation me semble utile et possible au-delà des chantiers ANRU, par exemple aux marchés des offices HLM, et de manière plus générale aux secteurs public et parapublic. En effet, l'objectif de 5 % d'heures travaillées réservées aux habitants des quartiers, prévu dans le cadre des travaux de l'ANRU, est souvent dépassé et on atteint parfois 8 % à 9 %.

Enfin, la discrimination à l'embauche est une réalité. Il reste beaucoup à faire au niveau des entreprises, mais l'État aussi doit être exemplaire. Or j'ai pu constater, dans ma préfecture, que l'État ne semble pas jouer le jeu. Quant aux emplois aidés, notamment dans l'éducation nationale, l'État doit là aussi en prendre sa part, particulièrement dans le domaine de la formation. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

PermalienPhoto de Michel Heinrich

C'est vrai mais ça n'est pas le cas dans l'éducation nationale.

PermalienPhoto de Frédéric Reiss

En lisant le rapport, que je trouve très bien documenté, je suis tombé sur un chiffre troublant : 10,5 % seulement des personnes trouvent leur emploi par l'intermédiaire de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) ou d'un autre organisme de placement. Je m'étonne de ce chiffre très faible qui pose la question de l'efficacité de l'ANPE. Concernant l'orientation, j'avais commis un avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2008 qui traitait spécifiquement de cette question. À cet égard, je pense qu'il faut créer un grand service public de l'orientation. Aujourd'hui celle-ci est revêtue d'une connotation négative alors qu'elle est essentielle. Il faut faire des efforts dans ce domaine. Nous avons raté l'étape de la décentralisation lorsque Luc Ferry était ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, car nous avons accepté que les conseillers d'orientation psychologues demeurent du ressort de l'éducation nationale, alors qu'il faut absolument les transférer aux régions. Avec les centres d'information et d'orientation (CIO) et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO), il faut mettre en place un accueil dans des locaux uniques qui soit tourné à la fois vers les scolaires et le grand public. Aujourd'hui, en province, il est difficile de trouver les locaux des CIO qui parfois, une fois qu'on les a trouvés, ne semblent pas dignes de la mission impartie à ces organismes. Je suis très favorable à un grand service public de l'orientation en France.

PermalienPhoto de Gérard Cherpion

L'un des points importants du rapport est la question du partenariat qui doit être créé entre tous les acteurs, que ce soit l'éducation nationale, les missions locales ou le service public de l'emploi. L'objectif n'est pas d'opposer l'État aux régions. Lorsque Laurent Wauquiez se prononce pour le développement des écoles de la deuxième chance, il ne s'approprie pas cet outil et il ne cherche pas la confrontation avec les régions. Au contraire, les sommes qu'il a annoncées démontrent l'engagement de l'État car le développement de ce dispositif va entraîner des coûts supplémentaires.

PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Je vais tâcher de répondre à tous. Je souhaite d'abord revenir sur la critique « sereine » qui a été adressée à la méthode suivie par la mission, notamment par Jean-Patrick Gille. Comme Bernard Perrut l'a rappelé, dès lors qu'il existait une urgence fondamentale, celle du traitement de l'augmentation du chômage des jeunes, il était légitime d'établir un lien entre la diversité, le chômage des jeunes et les écoles de la deuxième chance, et d'aller vite. La proposition de loi présentée par Mme Pau-Langevin nous avait déjà tous interpellés sur la question des discriminations et de la diversité et montrait que le groupe SRC aussi souhaitait avancer rapidement.

Le président Pierre Méhaignerie disait tout à l'heure que les collectivités locales, à ce jour, interviennent peu. Pour cette raison, le secrétaire d'État Laurent Wauquiez nous a présenté un plan pour développer les écoles de la deuxième chance. Le travail de la mission d'information a pu contribuer à orienter le secrétaire d'État dans cette direction.

Gérard Cherpion a évoqué la question du décrochage des jeunes. Il existe des dispositifs de prise en charge hors éducation nationale à partir de 16 ans, voire de 14 ou 15 ans avec des clauses dérogatoires. Mais on constate maintenant que le décrochage peut survenir à partir de l'âge de 12 ans, comme l'ont souligné les deux maires que la mission a auditionnés. C'est très inquiétant car que fait-on alors pour ces jeunes de 12 ans ?

Comme l'ont dit Frédéric Reiss, Jean-Patrick Gille, Gérard Cherpion ou Bernard Perrut, la création d'un accueil unique et d'un service public de l'orientation est nécessaire. Il faut aussi prendre en charge spécifiquement les décrocheurs. Mais se pose le problème du choix de la personne qui doit en avoir la responsabilité, car une personne doit être désignée. Il faut trouver la personne adéquate qui pourrait être un délégué du préfet plutôt qu'un membre du rectorat. L'éducation nationale ne peut pas gérer cela toute seule. Il existe des personnels compétents dans ce domaine dans les préfectures, qui pourraient en être chargés.

La question de l'« apprentissage senior », c'est-à-dire au-delà de 25 ans, a été mise en avant, à raison, par Gérard Cherpion. Il faut réfléchir à la question des limites d'âge.

Les centres de l'Établissement public d'insertion de la défense (EPIDE) ont également été évoqués. Dominique Tian s'interrogeait sur l'opportunité de les conserver. De mon point de vue, les différents dispositifs en place aujourd'hui apportent des solutions différentes à des publics spécifiques. Certes le coût moyen de l'EPIDE, de l'ordre de 45 000 euros par stagiaire, est élevé, mais une diminution est annoncée et vivement souhaitée par la mission. Par ailleurs, ce coût élevé est principalement dû à la pratique de l'internat et à la difficulté du public pris en charge, ce qui explique aussi les résultats moins positifs à la sortie du dispositif. Un effort financier doit donc être accompli mais les centres EPIDE doivent être maintenus car ils répondent à un problème de société.

Jean-Patrick Gille s'est déclaré opposé à l'ouverture des écoles de la deuxième chance aux jeunes de 16 à 18 ans, car il considère qu'une vraie rupture doit précéder l'accès à la deuxième chance. J'ai visité l'école de la deuxième chance de Marseille. Sur la question de l'élargissement de la prise en charge aux jeunes de 16 ans, son directeur a préconisé de conserver un caractère exceptionnel à cette prise en charge. La mission ne souhaite pas que les écoles de la deuxième chance se transforment en une éducation nationale bis qui se placerait dans son prolongement immédiat. Il nous faut aussi rappeler que l'éducation nationale est la « première chance ». Elle fonctionne plutôt bien en France.

Au sujet du concept de « salarié franc », tout le monde reconnaît qu'il s'agit d'une bonne idée qui peut offrir une solution au problème de l'emploi des jeunes.

Marie-Renée Oget a raison de souhaiter que l'on n'oublie pas les jeunes issus du monde rural. Tous les jeunes peuvent subir des discriminations. De même, Fadela Amara a souligné lors de son audition par la mission que le jeune « Benoît » d'un quartier populaire a tout autant de difficultés que les jeunes « Mamadou » ou « Mohammed », d'autant qu'il se comporte et s'exprime comme eux ; il ne faudrait pas qu'une politique favorisant la diversité conduise à l'écarter du bénéfice des mesures dites d'action positive.

Dominique Dord a insisté sur la gravité du problème de la crise et les risques que nous encourons. Comme l'ont signalé les maires que nous avons entendus, il existe un phénomène latent d'agitation dans les villes. Le chômage frappe d'abord les jeunes, avec le recul fort de l'intérim. L'explosion est possible.

Comme Marie-Renée Oget l'a fait valoir, une évaluation des expérimentations doit être menée pour remédier aux problèmes d'empilement et de pérennisation des dispositifs existants.

Jean-Frédéric Poisson a souhaité que l'on développe l'enseignement sur la responsabilité sociale et la gestion éthique. La mission s'est plutôt orientée vers l'idée qu'il faudrait imposer dans les cursus des modules de formation sur l'orientation, le contact avec les employeurs, la construction d'un projet professionnel.

Christian Eckert a évoqué le rôle des chambres de commerce et d'industrie dans le succès des écoles de la deuxième chance ; il a raison. Un ancrage local est nécessaire pour le bon fonctionnement et la réussite du dispositif.

Monique Iborra a évoqué le débat qu'elle a eu avec Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Je tiens à réaffirmer que lorsque des politiques sont prolongées, il faut s'en féliciter et non pas parler de récupération. L'engagement de l'État dans le financement des écoles de la deuxième chance est un signe fort qui poussera les régions à s'engager aussi.

L'action menée par Michel Heinrich à Épinal constitue une expérience positive. Il a raison lorsqu'il constate que le collège est le maillon faible du système, ce qui rend sa réforme plus urgente que celle du lycée. Il a également raison quand il affirme que la délocalisation d'une agence locale de l'emploi ou d'une agence d'intérim a des répercussions sur tout le tissu social et économique d'un quartier. Cette question a été posée au président et au directeur général de Pôle emploi, Dominique-Jean Chertier et Christian Charpy, lors de leur audition, car avec la restructuration de Pôle emploi, certains craignent que les agences ne quittent les quartiers.

Frédéric Reiss a enfin parlé justement du problème de l'orientation. Il faut un vrai service public de l'orientation.

Pour ce qui est de la mesure de la diversité, je suis convaincu qu'au niveau des entreprises, il faut envisager des sortes de « photographies », à intervalle régulier, pour mesurer les progrès. Ces travaux ne doivent pas être effectués en interne, mais confiés à des tiers de confiance, en particulier des équipes des centres de recherche publics.

Je souhaite conclure en rappelant trois de nos pistes de réflexion qui me semblent particulièrement intéressantes. Il s'agit, tout d'abord, de la nécessité de repérer systématiquement les jeunes en décrochage et de désigner une personne ressource adéquate chargée de leur suivi : ce pourrait être un délégué du préfet. Il s'agit ensuite de l'opportunité de mettre en place un vrai service public de l'orientation qui regroupe tous les acteurs, que ce soit les missions locales ou Pôle emploi. Enfin, je souhaite insister sur la notion intéressante de salarié franc, qui permettrait une mobilité accrue pour les jeunes et pourrait peut-être - pourquoi pas ? – être développée aussi au bénéfice de territoires ruraux.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Je suis admiratif du travail abattu par la mission d'information et cependant sensible aux critiques qui ont été émises concernant le calendrier retenu, ainsi que sur la concomitance de ses travaux avec ceux de la mission sur la réforme du lycée. Il faudra voir, à la fin du mois de mars, s'il y a lieu de décider de donner un prolongement aux travaux de l'une de ces missions.

Les questions très sensibles et importantes relatives à la condition des jeunes, particulièrement dans le contexte actuel, méritent une grande attention de notre part et devront être traitées dans les mois qui viennent. Il faut, à cet égard, souligner l'intérêt de l'idée de créer un fonds d'investissement social ; nous pourrons nous inscrire dans ce cadre.

PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

En tout état de cause, compte tenu de ce que nous avons dit précédemment, le groupe SRC s'abstient sur le rapport.

Puis la Commission autorise, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

La séance est levée à onze heures quarante-cinq.