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Commission des affaires économiques

Séance du 1er avril 2009 à 10h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • clients
  • courrier
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  • postale
  • présence

La séance

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La commission a entendu M. Jean-Paul Bailly, président du groupe La Poste.

PermalienPhoto de Patrick Ollier

Les membres de la Commission des affaires économiques et moi-même sommes heureux d'accueillir le président du groupe La Poste.

Le nombre important des députés présents ce matin montre à quel point l'avenir de cette grande entreprise publique nous intéresse. Notre Commission a déjà abordé ce sujet au début de l'année puisqu'elle a procédé à l'audition de M. François Ailleret, président de la commission sur le développement de La Poste, à laquelle j'avais participé avec nos collègues François Brottes, Jean Dionis du Séjour, Daniel Paul, avant de céder ma place à Jean Proriol.

À la suite de ces travaux, le Gouvernement déposera un projet de loi portant sur l'évolution du statut de La Poste et la transposition de la dernière directive postale. Ce texte devrait être discuté avant l'été, si l'ordre du jour le permet.

Compte tenu de vos responsabilités à la tête de La Poste, monsieur le président, nous avons souhaité vous entendre évoquer les principales problématiques de ce texte : l'actionnariat 100 % public, sur lequel le Gouvernement et vous-même avez trouvé un accord avec les partenaires sociaux, le service universel et l'aménagement du territoire, qui préoccupe particulièrement notre Commission, le montant minimum de la participation publique, les institutions susceptibles d'entrer au capital de l'entreprise et ses évolutions stratégiques.

Avant de vous donner la parole, je souhaite vous poser quelques questions essentielles : concernant la banque postale, ne faut-il pas revoir les compétences de La Poste pour lui permettre de prêter aux entreprises et aux collectivités territoriales, lui donnant ainsi les moyens de faire face à la concurrence de manière plus équitable ? En outre, ne faut-il pas revoir sa gouvernance afin d'en unifier la direction et éviter que le groupe soit tiraillé entre deux logiques de développement distinctes ? Concernant la régulation du secteur global, comment envisagez-vous l'évolution des pouvoirs de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes instaurée en 2005 ?

Enfin, les partenaires sociaux et les personnels vous semblent-ils adhérer aux transformations envisagées et reste-t-il, selon vous, des points sur lesquels les négociations doivent se poursuivre ?

PermalienJean-Paul Bailly

J'évoquerai tout d'abord la situation de La Poste, ses enjeux et ses opportunités, mais également les risques auxquels elle devra faire face pour assurer son avenir et celui de ses missions de service public.

Actuellement, La Poste remplit parfaitement ses missions, et pour cela elle est très appréciée des Français. Depuis des lois de 2005 et 2008, qui les ont parfaitement définies, ces missions sont au nombre de quatre : le service universel du courrier, la présence territoriale, la distribution de la presse et l'accessibilité bancaire, conformément aux principes de financement dictés par la loi. La Poste respecte les préconisations de la loi comme s'il s'agissait d'un cahier des charges, quelles que soient les orientations du Parlement. Le plus important sera, à l'avenir, de préserver le socle de ces missions de service public.

Ces missions étant inscrites dans la loi, le seul risque de les voir disparaître tient au manque de moyens. Si nous voulons que La Poste les assure pleinement, nous devons veiller à la maintenir en bonne santé et encourager son développement. Pour cela, il faut lui permettre de faire des investissements et de développer la qualité de ses services et ses performances économiques. Il n'y a pas de contradiction entre la bonne santé d'une entreprise et ses exigences de service public, et j'irai jusqu'à dire que ces deux éléments se renforcent mutuellement.

Pour autant, la Poste doit assurer ses missions dans un milieu concurrentiel, qui le sera encore plus en 2011, et c'est dans un contexte de crise et confrontée à la concurrence qu'elle doit faire face à d'importantes mutations technologiques.

Quelques chiffres : avec un effectif de 300 000 personnes, dont 20 000 à l'extérieur de notre territoire, un chiffre d'affaires de 21 milliards d'euros, dont la moitié provient du courrier, le quart des colis et exprès et le quart de la Banque, La Poste a fait le choix stratégique de rester un groupe uni et de conserver des activités diversifiées. En période de crise, ce choix est un véritable atout. Certains concurrents n'ont pas suivi la même voie : les Allemands, par exemple, ont choisi de devenir des leaders dans le domaine de la logistique et d'abandonner le savoir-faire et les valeurs postales.

La Poste représente 1 % du PIB français et elle est présente sur tout le territoire : son poids dans notre économie est donc considérable. Elle est très liée à l'activité économique dans la mesure où, grâce à l'activité courrier et colis express, 90 % de son chiffre d'affaires provient des acteurs économiques, dont 40 % de ses cinquante plus gros clients. C'est sur ceux-là que portera la concurrence, et l'avenir de La Poste dépend de leur bonne santé. Ainsi, les difficultés des entreprises de vente à distance ont un impact direct sur l'économie de La Poste, et ce d'autant que ces entreprises sont des clients à double titre : lors de la phase de marketing, avec l'envoi du courrier ou du catalogue, et lors de la livraison aux clients.

La Poste ne vit donc pas des contribuables, mais uniquement de la vente de produits et de services, à l'exception toutefois de l'aide à la presse et à la distribution, mais les sommes concernées n'ont fait que transiter par les comptes de La Poste.

La Poste est une grande entreprise de logistique et de services, qui doit faire face à d'importantes mutations technologiques concernant le traitement du courrier, car la fréquentation des bureaux de poste est en constante diminution du fait de l'extension du réseau de postes automates et surtout de la consultation des sites Internet. La crise économique, qui amène les entreprises à délaisser le courrier, afin de réduire leurs dépenses, nous oblige à redoubler nos efforts. Entre 2007 et 2008, le volume du courrier a diminué de 3 % ; il semble que dès le premier trimestre 2009, cette baisse se situe entre 4 et 5 %.

Dans ce contexte en pleine mutation, il faut à La Poste un vrai projet industriel de développement, que la commission réunie autour de François Ailleret était chargée d'étudier et de valider. Ce projet entend poursuivre la modernisation du secteur du courrier – en proposant de nouveaux services et en renforçant notre engagement auprès des clients – et lui garantir des perspectives de développement suffisantes pour compenser les effets de la décroissance des volumes et des flux, en développant le service aux entreprises et sa dimension européenne.

Dans le domaine du courrier, l'avenir de l'entreprise ne sera pas assuré si elle poursuit ses activités traditionnelles, l'affranchissement et la distribution, sur le seul territoire national, puisqu'elles sont en constante diminution. L'avenir du courrier et du colis passe par la mise en place d'un véritable service aux entreprises à l'échelle européenne. Pour La Poste, la crise a ceci de positif qu'elle amène les entreprises à externaliser leur fonction courrier. Cela représente une opportunité pour l'entreprise, à condition qu'elle dispose des ressources et de la flexibilité nécessaires.

Que recouvre le service aux entreprises ? Demain, La Poste ne se contentera plus d'affranchir et de distribuer le courrier, elle prendra en charge l'ensemble du cycle en y ajoutant de la valeur, car les nouvelles technologies permettront de fabriquer, voire de trier le courrier à partir des bases de données des clients et de le distribuer, pour ensuite assurer la gestion de l'information et son archivage au sein même de l'entreprise. Mais ces nouvelles technologies nécessitent d'importants investissements. C'est un pan entier de développement qui s'offre à La Poste, si elle en saisit l'opportunité.

Le marché du colis est plus porteur, à condition que le groupe soit en mesure d'assurer un service de plus en plus personnalisé, ce qui nous obligera à investir dans les systèmes d'information. Jusqu'à présent, les caractéristiques d'un colis sont déterminées par les expéditeurs ; demain, elles le seront par les destinataires, qui choisiront le lieu et la date de la livraison. Cela nous amène à reconsidérer les chaînes de l'information, en prenant naturellement en compte l'importance d'Internet. Toutes ces évolutions exigent, elles aussi, des investissements importants.

Dans le domaine du colis express, d'une entreprise vers d'autres entreprises, La Poste devra conforter la place qu'elle occupe en Europe. Le choix que nous avons fait de placer nos produits en milieu de gamme – notamment en utilisant peu le transport aérien – devrait nous y aider, surtout en période de crise. Sur ce plan, La Poste occupe la meilleure position stratégique au sein de l'Europe, mais face à des phénomènes de concentration, il lui faudra conserver son rang – le deuxième en Europe – et élargir son réseau au niveau mondial. Pour cela, elle aura également besoin de ressources.

L'enseigne des bureaux de poste fait l'objet d'un important programme de modernisation. Plus de 2 000 bureaux ont été restaurés au cours des trois dernières années, et nous avons accompli des efforts considérables pour améliorer la qualité des services – accueil des clients, réduction des temps d'attente. Nous avons engagé pour cela quelque 5 800 partenariats. Bien que la fréquentation des bureaux de poste en milieu rural ne cesse de diminuer, nous réalisons environ cinquante transformations par mois. À La Poste, nous sommes très attachés au maintien, voire au développement des services publics, c'est pourquoi nous devons lui donner les moyens de développer les activités à forte valeur ajoutée, comme le conseil ou les activités de services.

Pour cela, il faut accélérer la modernisation des équipements et des systèmes d'information, et améliorer la relation de service. Dans les zones urbaines, dont le poids économique est considérable, nous nous efforçons de répondre aux attentes des clients. C'est ainsi que nous avons étendu les horaires d'ouverture des bureaux. À Paris, avant la fin de cette année, les bureaux de poste seront ouverts jusqu'à vingt heures du lundi au vendredi, jusqu'à 13 heures le samedi, et le samedi après-midi pour certains d'entre eux ; à Grenoble, tous nos bureaux seront ouverts le samedi après-midi. Cette dynamique nécessite, encore une fois, des ressources et des investissements.

Quant à la Banque postale, elle a montré en 2008 la qualité et la rigueur de sa gestion, qui justifient pleinement la confiance que les Français lui accordent. N'ayant ni subprime ni actif toxique, elle a pu contribuer de façon significative au refinancement des banques, et elle a remporté un vrai succès commercial en 2008 en enregistrant un nombre jamais atteint de collectes, de livrets A et de contrats d'assurances vie, et en voyant progresser son produit net bancaire.

Si nous avons craint que les transferts de livrets A se multiplient, nous ne déplorions, à la fin du mois de février, que 40 000 transferts – sur 23 millions de livrets A. Si la décollecte s'accélère, il est évident qu'elle n'est pas due à l'ouverture du capital, mais au fait que le taux du livret A ne cesse de baisser. Là encore, des ressources complémentaires sont nécessaires pour nous permettre d'élargir la gamme des produits que nous offrons aux particuliers – crédits à la consommation, offres d'assurances – et aux PME, et faire de la banque postale une banque domestique, ouverte à tous.

La Poste jouit d'une image excellente, tant pour la qualité de ses conseils que pour la modération de ses tarifs et le sérieux de ses produits. Le projet industriel que nous préparons, et qui a été validé par la commission Ailleret, est vital pour son avenir. Nous sommes à la croisée des chemins, et l'avenir de la Poste est assuré pour peu que nous sachions saisir certaines opportunités. Toutefois, les risques existent. Si nous restons recroquevillés sur une position nationale, nous ne pourrons mener à bien la modernisation de l'entreprise, que la crise a rendue encore plus indispensable.

Le rapport Ailleret indique dans ses conclusions que La Poste souffre d'un déficit de financement de 2,7 milliards. En l'absence de toute possibilité d'endettement supplémentaire – son endettement actuel étant deux fois plus élevé que ses fonds propres – cette entreprise est sous-capitalisée, et l'augmentation de 2,7 milliards de son capital est indispensable. Or, les communiqués de l'Élysée, à la fin de l'année 2008, mentionnent une dotation de l'État de 1,2 milliard et une souscription de la Caisse des dépôts de 1,5 milliard, pour une société anonyme à capitaux 100 % publics, si j'en crois les termes du projet de loi. Ce financement est nécessaire pour permettre à des acteurs publics autres que l'État d'augmenter son capital. Cette évolution des statuts permettra à l'entreprise de nouer des partenariats et des alliances dans toute l'Europe, sans lesquels elle devra se contenter du territoire national. Les missions de service public, prévues par la loi, seront intégralement maintenues, et seuls les parlementaires pourraient les remettre en cause.

Le financement du service universel est assuré, grâce à la mise en place du fonds de compensation, tout comme celui de l'accessibilité bancaire, puisque la loi de 2008 précise la manière dont sont financées les obligations liées aux spécificités du livret A de la Banque postale. Quant au financement de la presse, l'État, la presse et La Poste ont décidé ensemble d'annuler le déficit de 400 millions d'euros jusqu'à l'année 2015.

La présence postale sur tout le territoire est en partie financée par une exonération de taxe professionnelle. Or, cette compensation doit à l'évidence être reconfigurée. Pour mener à bien cette mission, nous disposons de 140 millions d'euros, mais nous estimons à 260 millions d'euros la ressource nécessaire à l'horizon 2010. Reste donc à trouver 120 millions d'euros pour mettre en place une présence pérenne et garantie, c'est-à-dire indépendante de la fiscalité, et qui couvre la totalité des surcoûts, étant entendu que ceux-ci seront vérifiés par d'autres instances que La Poste – ingénieurs des Mines ou inspecteurs des finances. En liaison avec l'Association des maires de France et l'Association des maires ruraux, nous veillerons à mettre en place des mécanismes propres à garantir la présence pérenne de La Poste sur l'ensemble du territoire.

Les droits et statuts des personnels de La Poste seront intégralement maintenus, conformément aux dispositions du projet de loi. Sur ce point, l'exemple de France Télécom devrait vous rassurer. Pour autant, messieurs les députés, je vous invite à inscrire dans la loi l'obligation de mettre en place une convention collective, car il est indispensable de vérifier que la concurrence, dans un contexte d'ouverture des marchés, ne s'exerce pas au détriment des salariés.

Le recours à l'actionnariat salarié qui sera proposé aux postiers est inédit dans une entreprise de cette taille, mais la formule est intéressante en ce qu'elle permettra aux personnels d'être partie prenante des performances et de la création de valeur au sein de l'entreprise, renforçant leur motivation. Si La Poste parvient à résoudre les problèmes complexes qui en résulteront, du fait du nombre très élevé de salariés, elle jouera en la matière un rôle de pionnier.

Le projet de loi a deux objets : la transposition de la troisième directive, qui porte exclusivement sur le service universel du courrier, et l'évolution du statut de l'entreprise dans le respect de ses missions de service public. A La Poste, nous souhaitons que les dispositions législatives et réglementaires interviennent de façon à permettre à notre groupe de changer de statut avant le 1er janvier 2010.

PermalienPhoto de François Brottes

Monsieur le président, nous combattrons avec force le changement de statut de La Poste, dont nous débattrons au mois de juillet.

Vous avez dit des choses inexactes. Comparer les ratios d'endettement de La Poste avec les ratios classiques alors que l'entreprise appartient à l'État est une vue de l'esprit, car ce n'est pas une entreprise comme les autres. Cela dit, je me réjouis que son propriétaire ait pris ses responsabilités et qu'il accepte de la recapitaliser.

Si la banque postale se porte bien, c'est certes qu'elle est bien gérée, mais aussi parce que c'est une banque publique, qui bénéficie de la confiance de nos concitoyens. Pourquoi, dans ces conditions, en changer le statut ?

Par ailleurs, le rapport Ailleret n'étant signé que par François Ailleret et lui seul, il ne saurait refléter la position de l'ensemble des membres de la commission !

PermalienPhoto de François Brottes

Il est également inexact d'évoquer le fonds de compensation comme s'il était mis en place. Ce n'est pas le cas, car si le projet de loi prévoit que La Poste peut l'actionner, il appartient au régulateur d'en trouver les modalités. Or, à ma connaissance, La Poste n'a pas encore demandé qu'il soit actionné. Il me semble que nos collègues confondent fonds de compensation et fonds de péréquation.

Il est tout aussi inexact de prétendre que les agents et le président de France Télécom ont trouvé un accord. En réalité, celui-ci a bénéficié du fait que lorsque la loi a été votée, nous n'avons pas engagé de recours devant le Conseil constitutionnel, pour la simple raison que cela risquait de priver les personnels de leur statut de fonctionnaires. M. Xavier Breton m'avait d'ailleurs remercié de l'avoir aidé à privatiser France Télécom… Sachez que nous ne sommes plus dans le même état d'esprit.

Que l'avenir de La Poste passe par le service public, j'en suis convaincu. En revanche, l'avenir du service public passera-t-il par La Poste ? Rien n'est moins sûr. Souvenez-vous que le service universel était assuré par France Télécom, jusqu'au jour où un amendement l'a banalisé en l'ouvrant à tous les opérateurs, supprimant ainsi une protection constitutionnelle. Le Gouvernement avait déjà agi de la sorte pour Gaz de France : le changement de statut a précédé l'ouverture du capital et la privatisation. Nous n'avons donc aucune raison de faire confiance au Gouvernement. D'ailleurs, aucun syndicat n'est demandeur de l'actionnariat salarié !

PermalienPhoto de François Brottes

Quant aux fonds de pension et aux retraites par capitalisation, on voit bien à quelles catastrophes ils peuvent mener.

Vous avez raison de dire que la banalisation du livret A constitue un danger, mais le fait qu'il n'y ait pas de fuite de capitaux me semble plus relever du contexte économique et à la confiance que les Français accordent à la Banque postale qu'à la banalisation du livret A. Cela représente néanmoins un danger réel pour les ressources de La Poste.

En acceptant d'assumer le fonds de péréquation avec pour contrepartie de ne plus payer la taxe professionnelle, vous commettez une erreur puisque depuis quelques mois, plus personne ne la paie. Cela n'a plus rien d'un cadeau ! En réalité, si l'on demande à La Poste d'assurer le fonds de péréquation, c'est qu'il faudra bien trouver une compensation le jour où personne ne paiera la taxe professionnelle !

Lors des états généraux de la presse, des accords ont été conclus pour aider la presse, mais il semble que le Président de la République ait pris d'autres engagements, obligeant La Poste à compenser le déficit de la presse. C'est pourtant à l'État, non à La Poste, qu'il appartient de garantir le pluralisme de la presse !

Pour toutes ces raisons, l'avenir du service public pourrait fort bien ne pas passer par La Poste… Qui assurera demain la présence postale territoriale ? Qui maintiendra le réseau de distribution du courrier dans les vingt kilomètres ? Qui assumera ces missions de service public ? Nous en discuterons au mois de juillet en séance publique.

PermalienPhoto de Daniel Paul

Je n'étais pas, moi non plus, signataire du rapport de M. Ailleret, mais je reconnais qu'il a effectué un travail intéressant, qui nous a permis de mieux comprendre le fonctionnement d'une grande entreprise publique qui a marqué, marque et marquera longtemps le paysage industriel de notre pays.

La Poste doit changer de statut : nous pourrions en attribuer la faute aux directives européennes, qui mettent en concurrence les entreprises publiques et auxquelles doivent se plier les gouvernements nationaux. Cette conception européenne de l'économie n'est pas la nôtre. Avant la commission Ailleret, il s'agissait d'ouvrir le capital de La Poste au secteur privé. Mais la crise est venue, et elle a fait le lit d'un projet de loi qui va ouvrir le capital de La Poste à des institutions financières publiques et aux salariés.

Notre groupe est opposé à cette évolution. On sait très bien qu'après avoir été ouvert à des institutions financières publiques, le capital de La Poste le sera à des institutions financières privées, avec les risques de dérive que l'on connaît. Si encore il sanctuarisait l'entreprise publique postale, nous accepterions d'en discuter, mais ce n'est pas le cas.

Nous sommes très attachés au développement de La Poste, c'est pourquoi nous pensons que seul l'État doit pouvoir contribuer à son capital, et nous préférons les coopérations avec les postes de pays étrangers à des opérations que nous jugeons contestables.

Nous souhaitons que soit développé un pôle financier public, qui engloberait la Banque postale. Celle-ci doit naturellement développer un certain nombre d'activités, et nous sommes aussi préoccupés par l'évolution du secteur du courrier nous préoccupe, dont l'avenir dépend étroitement des évolutions technologiques.

Pensez-vous qu'il faille sanctionner les détenteurs de deux livrets A ? Pourquoi ne pas en augmenter le plafond ou permettre l'ouverture d'un second livret ?

Quant à l'actionnariat salarié, la façon dont il a évolué dans certaines entreprises privées nous en montre les limites.

PermalienPhoto de Jean Proriol

Je voudrais en mon nom personnel, monsieur le président, vous créditer d'avoir réussi, depuis 2002, à faire de La Poste un service public moderne.

La commission Ailleret m'a permis d'approfondir ma connaissance de La Poste et d'assister à des débats fournis et intéressants avec les organismes syndicaux au sein d'une commission présidée par un grand serviteur de l'État.

Certes, M. Ailleret est le seul signataire du rapport, mais celui-ci mentionne les points sur lesquels les membres de la commission sont parvenus à un consensus, qui sont plus nombreux que les divergences. Nous étions tous d'accord pour donner à La Poste les moyens financiers nécessaires pour entreprendre sa modernisation et faire face à la concurrence étrangère, et le Gouvernement semble en avoir décidé ainsi : la Poste restera donc une entreprise publique à 100 %. Pourtant, nous recevons tous, dans nos mairies, des courriers de nos concitoyens qui protestent contre la privatisation de La Poste. Je le répète : La Poste ne sera pas privatisée !

L'un des orateurs précédents assure que les salariés ne sont pas intéressés par l'actionnariat. Pourtant, lorsque le capital d'EDF a été ouvert à hauteur de 20 %, les électriciens ont été les premiers à souscrire des actions !

La baisse des résultats de La Poste pour 2008 est-elle due à la crise ? Selon vous, la qualité du service a atteint 83 %, mais votre objectif est de porter ce chiffre à 90 %. Est-ce un pari tenable ?

S'agissant du livret A, La Poste a bien résisté, mais un certain nombre d'établissements bancaires concurrents embouchent les trompettes de la renommée en faisant de la publicité pour le livret A, dont je rappelle qu'il permet de financer le logement social.

Nous sommes tous d'accord pour reconnaître le rôle primordial du personnel de La Poste. Certains reprochent à celle-ci d'avoir embauché des salariés en contrat à durée déterminée. Quelle entreprise, quelle municipalité peut se targuer de n'avoir jamais souscrit de CDD ? Il faut le reconnaître et, lorsque c'est possible, les titulariser.

Que pouvez-vous nous dire de l'évolution des effectifs ?

Que sont devenus les projets d'implantation de plateformes industrielles et de centres de préparation du courrier ?

Le prix du timbre restera-t-il identique sur tout le territoire, bien que certaines rumeurs laissent entendre le contraire ?

Enfin, que deviendront les crédits immobiliers ouverts par le livret A, qui permettent aux jeunes ménages d'accéder à la propriété, et les crédits destinés à financer les petites et moyennes entreprises ?

Quant au fonds de péréquation, il n'est pas éternel. Comment, selon vous, risque-t-il d'évoluer ?

PermalienJean-Paul Bailly

À quoi bon discuter des critères à employer pour évaluer la capacité d'endettement de La Poste, dès lors qu'il est évident que l'entreprise ne doit pas s'endetter davantage ? Par ailleurs, les résultats de la Banque postale ont été satisfaisants en 2008. Si elle est la banque la plus appréciée des Français, tant pour la qualité des conseils qu'elle dispense, les tarifs modestes qu'elle pratique que pour sa présence sur tout le territoire et la rigueur dont elle a fait preuve dans sa gestion, c'est en partie parce que c'est une banque publique : elle restera donc une banque à majorité publique comme le prévoit la loi !

La Poste a été en mesure de refinancer les banques du secteur privé. En tant qu'entreprise publique, elle aurait pu commettre des erreurs de placement. Or, il n'en a rien été. Il faut créditer la Banque postale et son management d'avoir fait preuve de prudence et de rigueur, d'autant que les liquidités dont elle dispose atteignent 70 milliards d'euros, soit de cinq à sept milliards par an.

Il ne faut pas confondre le fonds de péréquation et le fonds de compensation. Celui-ci a été instauré par la loi de 2005, qui laisse à La Poste le soin de l'activer, uniquement si elle constate que le financement du service universel n'est pas correctement assuré.

Vous m'interrogez, monsieur le député, sur le statut des agents, mais je vous rappelle qu'il est de la responsabilité des parlementaires, non de la mienne.

Les obligations de service public de France Télécom ne sauraient être comparées à celles de La Poste, dont l'activité relève en grande partie du service public. Et le projet de loi qui vous sera présenté lui confie le service public universel.

Quant à l'intérêt de l'actionnariat salarié, ce sont les salariés eux-mêmes qui en décideront, mais pourquoi les priver d'une opportunité qui est offerte à tous les autres salariés de notre pays ?

Concernant l'aide à la presse, monsieur Brottes, ce que vous avez dit est inexact : elle ne sera pas remise en cause. Les états généraux de la presse ont repoussé d'un an la date de l'adaptation des tarifs. En attendant, les effets de ce décalage sont intégralement compensés par l'État.

J'en arrive à M. Paul, qui souhaite développer la coopération avec les autres postes : mais ce sont toutes des sociétés anonymes ! Si nous voulons des accords commerciaux solides, nous devons avoir un statut qui permette une véritable coopération. Quant à la question du pôle financier public, elle appelle une réflexion approfondie. Pour ma part, je suis partisan d'un pôle postal public, incluant tous les métiers de la poste. Le pôle financier, lui, reviendra forcément à démanteler la Poste puisque l'activité de courrier n'aura rien à y faire. En tout état de cause, il faudra choisir entre ces deux options.

Pour ce qui est des sanctions en cas de détention de deux livrets A, je n'ai pas à me prononcer : le décision appartient à la puissance publique. En revanche, il me semble évident que le phénomène se développe puisque les banques ont ouvert des millions de livrets A alors que nous n'en avons pas perdu beaucoup ! Le problème ne tardera pas à se poser, mais ce n'est pas à nous de le régler. Enfin, j'ai déjà dit, à propos de l'actionnariat salarié, que le dispositif restait entièrement au choix des salariés et qu'il s'inscrivait dans le cadre d'une entreprise à 100 % publique. Il faut innover, il ne s'agit pas du tout du même dispositif que pour les sociétés cotées.

Je partage avec M. Proriol le souci de développer un service public moderne, ainsi qu'une certaine surprise lorsque j'entends encore parler d'une privatisation de la Poste : annoncer clairement qu'une entreprise reste à 100 % publique et qu'elle va recevoir 2,7 milliards d'argent public, ce n'est pas le début de la privatisation !

Les résultats de 2008, surtout du second semestre, commencent à être affectés par la crise, à la fois en termes de volume et de résultats. Certes, la Poste et la CNP, qui représente une part significative de nos résultats, ont maintenu de bons résultats opérationnels. Nous avons su notamment compenser la réduction du volume par une diminution des charges. Mais les effets de la crise économique sur le plan de l'activité et ceux de la crise financière sur la valorisation des actifs et sur le résultat net, à cause des règles comptables, ont dégradé les résultats de la Poste.

Sur la qualité de service, nous en sommes à 83 % et nous poursuivons nos efforts. Mais faut-il se fonder sur un objectif de 90 % ? La véritable question qui se profile, mais à très long terme, est la diminution du courrier urgent – d'où des avions à moitié vides par exemple, ce qui soulève des questions économiques et écologiques auxquelles il faudra réfléchir très sérieusement.

Je ne reviens pas sur le livret A, sauf pour préciser que 99 % de ceux qui ont été ouverts par le Crédit agricole par exemple viennent de clients internes. Ce qui n'empêche pas bien sûr que ces clients en aient déjà possédé un chez nous… Pour ce qui est des contrats à durée déterminée, j'insiste sur les efforts de la Poste en matière de qualité de l'emploi. C'était le sujet principal des accords de 2003 – il s'agissait notamment de diminuer le nombre de CDD et le temps partiel imposé. La Poste ne compte plus que 3 % de CDD au lieu de 6 % en 2006, et ces contrats répondent rigoureusement aux besoins d'une entreprise qui connaît de très fortes fluctuations d'activité. La Poste a titularisé 17 000 personnes et les condamnations dont elle a fait l'objet sur ce sujet sont de l'histoire ancienne – elles portent sur des CDD datant d'avant 2005.

PermalienPhoto de François Brottes

Nous prenons acte du travail qui a été effectué sur ce sujet.

PermalienJean-Paul Bailly

Si vous en trouvez de plus récents, venez me le dire !

Pour ce qui est des plateformes industrielles, le dispositif est fixé pour l'ensemble du territoire, et connu de tous les élus. Nous en sommes environ à la moitié de la mise en oeuvre, qui devrait être terminée courant 2011. Quant au prix du timbre, la loi prévoit qu'il reste uniforme. Enfin, en matière de crédit immobilier, 2008 a été une très bonne année pour la Poste. Nous avons augmenté notre part de marché et largement dépassé nos objectifs. Depuis le début de l'année, on constate un tassement mais pas d'effondrement.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Pérol-Dumont

Vous avez beaucoup insisté sur le fait que les missions de service public de la Poste étaient garanties par la loi, mais force est de constater que certaines sont largement écornées, à commencer par la présence territoriale. La transformation des bureaux de poste de plein exercice en agences postales ou en relais poste peut difficilement passer pour une avancée ! Ce n'est qu'un pis-aller, dont les élus et la population sont bien obligés de se contenter. Dans mon département, la présence postale est assurée pour moitié dans le cadre de partenariats et de conventions. Sans parler de la rupture d'égalité que cela cause dans l'accès au service public, puisque les collectivités locales sont mises à contribution, ni même de la diminution du service rendu aux usagers, une question reste pendante : celle des contrats de neuf ans, renouvelables une fois, qui ont déjà été signés, et de l'argent public qui a été utilisé dans ce cadre. Pouvez-vous nous assurer que le nouveau statut ne remettra pas en cause cette contractualisation ?

PermalienPhoto de Michel Havard

J'imagine que vous travaillez sur le bilan carbone du transport du courrier. Quels sont les modes utilisés, et comment envisagez-vous de diminuer votre empreinte carbone ?

PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Pour ce qui est du personnel de la Poste, on a bien compris votre logique de nouveaux métiers. Quelles conséquences cela a-t-il en matière de nouvelles orientations professionnelles ? Et où en êtes-vous dans la démarche d'égalité professionnelle hommes-femmes ?

Par ailleurs, le secteur du colis souffre certes de la baisse de la vente à distance, mais qu'en est-il exactement d'internet ? Disposez-vous de chiffres sur l'impact du développement d'internet – négatif sur le courrier, positif sur les colis ?

En ce qui concerne la présence locale, il existe un problème interne d'organisation à la Poste entre le directeur régional de l'enseigne et de la personne chargée des relations avec les élus. Le message est parfois différent et il devient difficile de travailler.

Enfin, bravo pour vos efforts en matière d'horaires dans les grandes villes ; mais en milieu rural, où il y a beaucoup de rurbains, il devient vraiment très compliqué d'aller chercher un recommandé lorsqu'il n'y a pas de présence postale le samedi. Un effort doit vraiment être accompli dans ce domaine.

PermalienPhoto de André Chassaigne

La réorganisation territoriale de la Poste se fait de façon mécanique, suivant un plan – un rouleau compresseur ! – qui ne prend en compte aucune considération locale. Ainsi un bureau de poste de plein exercice peut-il être transformé en bureau annexe par décision interne malgré le fait que son activité et son encours financier progressent et quelles que soient les spécificités territoriales. Les élus n'ont aucune prise sur cette décision malgré la baisse d'activité qu'elle entraîne inéluctablement – les usagers qui se déplacent vers le bureau central où ils peuvent rencontrer les conseillers financiers, le personnel réduit, la disponibilité et la fréquentation en baisse. C'est l'engrenage vers l'agence postale communale ou le relais poste, avec au final un service réduit, moins professionnel. Aucun dialogue n'est possible au moment de la transformation en bureau annexe, alors qu'un conventionnement pourrait être envisageable. Puisque cette évolution est définitivement engagée, un changement de méthode est-il concevable ?

PermalienPhoto de Frédérique Massat

Vous avez dit que la fréquentation des bureaux de poste avait tendance à se tasser : compte tenu de la baisse à la fois du nombre des guichetiers et des heures d'ouverture, on peut comprendre que les usagers aient du mal à trouver un créneau ! La relève du courrier est de plus en plus contrainte et la distribution de plus en plus tardive. Vous avez dit aussi que le taux de distribution à J+1 atteignait 83,8 %. Mais en Ariège, la distribution se fait généralement à J+3 et dépasse parfois J+10. Sans compter que, les facteurs n'étant pas remplacés, il n'y a carrément pas de distribution lorsqu'ils sont malades… Et je ne parle pas des coins les plus reculés mais de la ville de Foix – la préfecture !

Par ailleurs, concernant l'ouverture des livrets A, la Poste refuse-t-elle des clients qui en posséderaient un ailleurs ? Enfin, vous vous félicitez de la démarche de diversification de la Poste mais ne vaudrait-il pas mieux recentrer toute l'énergie dépensée dans ce but sur le service public ?

PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Votre activité a été divisée par métiers, mais quelle est la coordination de la stratégie au sein du groupe ? Sur le terrain, les plateformes logistiques GéoPost et courrier, par exemple, sont plus en plus dissociées – ainsi, à Lille, où se rencontrent autoroute, aéroport et TGV, GeoPost et le courrier sont l'un à l'ouest et l'autre à l'est de la plateforme. On ne voit pas très bien les avantages en termes de mutualisation. Par ailleurs, avez-vous mesuré l'impact environnemental de vos choix stratégiques – puisque vos investissements sont très importants ? Prennent-ils en compte la loi Grenelle ? Enfin, je comprends que Daniel Paul hésite à ouvrir le capital de l'entreprise aux salariés si cela revient à ce que M. Besancenot ait des stock-options de la Poste !

PermalienPhoto de Philippe Plisson

Voilà qui mettrait de l'ambiance dans les conseils d'administration…

La mise en concurrence de la Poste en 2011 implique la prééminence de la rentabilité au détriment du service public – on l'a vu avec France Télécom. De même que le Président de la République évoque au G20 des règles pour encadrer les excès du libéralisme financier, ne pensez-vous pas que cette ouverture du marché doive s'accompagner d'un cahier des charges avec un minimum d'obligations concernant le service rendu non rentable, en particulier la distribution du courrier au plus près des citoyens ?

PermalienPhoto de Pascale Got

Le retrait de la Poste des zones rurales est quasi général, malgré un accroissement de la population dans certains cas. Il n'y a pas de concertation avec les élus. Pourtant, vous savez les trouver pour financer les bureaux, notamment du point de vue immobilier ! Ce retrait des territoires ruraux va-t-il se poursuivre ? Connaît-on les conséquences prévisibles de la transformation de la Poste en société anonyme ? Par ailleurs, avec d'autres grandes entreprises françaises, la Poste s'est engagée à acquérir cent mille voitures électriques. Selon quel échéancier ?

PermalienPhoto de Louis Cosyns

Vous préconisez que la Poste devienne un acteur majeur auprès des entreprises, notamment par le biais des colis express. En France, elle est leader dans ce domaine mais en Europe, le réseau a des lacunes. Quelles sont les alliances internationales envisageables ?

Par ailleurs, en zone rurale, il arrive que le courrier parte vers un centre de tri avant de revenir au même endroit. Ne pourrait-il être maintenu sur le lieu de distribution ? On y gagnerait au moins en carbone !

PermalienPhoto de Olivier Dussopt

A propos de la privatisation interne, vous ne nous avez pas rassurés : l'augmentation de capital ressemble plus à la dot d'un père à sa fille à marier qu'à une garantie contre l'ouverture du capital au privé ! Ensuite, vous considérez que le service universel est suffisamment bien financé pour que le fonds de compensation ne soit pas activé. Quand le sera-t-il, compte tenu de l'ouverture totale à la concurrence ?

Par ailleurs, il faut faire davantage pour le personnel, notamment en matière de lutte contre la précarité – même si des efforts ont déjà été faits dans ce domaine. L'idée d'ouvrir le capital aux salariés ne sera pertinente que s'ils bénéficient d'une véritable stabilité et d'un niveau de revenu suffisant.

Enfin, dans le cadre de la banalisation du livret A et de l'ouverture totale à la concurrence, ne craignez-vous pas des recours de la part d'autres établissements bancaires au motif que votre réseau fait l'objet d'un cofinancement par les collectivités, à travers les agences postales communales, et pas le leur ?

PermalienPhoto de Yves Albarello

Vous avez dit, Monsieur le président, que quarante de vos clients représentaient 60 % de votre chiffre d'affaires. On est loin de la règle des 80-20 ! Vos grands clients industriels sont des sociétés de vente par correspondance, laquelle va se développer de plus en plus sur internet. Vous allez donc être placé en concurrence directe. Quelle est votre stratégie pour remédier à ce déficit de chiffre d'affaires ? Et le projet industriel que vous avez développé de service aux entreprises vous placera aussi en concurrence très forte avec des sociétés privées. Comment allez-vous dégager des parts de marché nouvelles ?

PermalienPhoto de Jean-Paul Chanteguet

Je voudrais attirer votre attention sur les difficultés que rencontre le parc naturel régional dont je suis le président. La levée du courrier, chez nous, est passée pour cause de réorganisation du tri de seize heures à neuf heures trente. Mais le bureau de poste a été remplacé par une agence postale communale qui n'ouvre qu'à dix heures ! Le courrier que nous déposons ne peut donc partir que le lendemain. Nous avons essayé avec la Poste de trouver des solutions – que le facteur puisse récupérer le courrier, ce qui nous coûterait 600 euros par mois, ou qu'une boîte aux lettres soit installée, ce qui n'est pas possible parce que nous utilisons une machine à affranchir… En désespoir de cause, nous prenons un véhicule pour porter notre courrier à trente kilomètres. Tout cela alors que notre budget d'affranchissement se monte à 20 000 euros par an !

PermalienPhoto de Patrick Ollier

De telles situations méritent d'être exposées par écrit et transmises à la Poste !

PermalienPhoto de Daniel Fidelin

Vous avez évoqué l'assurance dommages : avez-vous un calendrier de présentation ? De quel type sera-t-elle – particuliers, entreprises, ou agricoles puisque vous êtes très bien implanté en milieu rural ? D'autre part, ne craignez-vous pas que les fonds collectés dans le cadre du livret A, compte tenu de la baisse des taux, se reportent sur l'assurance vie ?

PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

La présence territoriale est une mission de service public de la Poste qui est loin d'être remplie. Les territoires ruraux constatent une diminution du service, imposée sans aucune concertation avec les élus. Dans ma circonscription, une entrevue avait eu lieu entre le directeur de la Poste et les élus et il avait été décidé que toute modification des horaires donnerait lieu à une réunion de concertation. Or, une réduction a eu lieu sans concertation ! La charte sur les services publics, signée en 2006, prévoyait pourtant que toute modification du service public serait précédée d'une concertation et d'un état des besoins et des moyens, et devait entraîner une amélioration du service rendu. Quelle est la déclinaison territoriale de cette concertation ? Par ailleurs, je confirme que l'amplitude horaire de la Poste ne correspond pas aux besoins des utilisateurs, particulièrement les entreprises en territoire rural.

PermalienPhoto de Michel Raison

Pour ma part, en tant qu'élu rural, je me félicite de la qualité de la concertation qui a lieu à chaque modification et réorganisation et je ne souffre d'aucun problème de présence postale !

Vous avez beaucoup parlé de modernisation et de création de nouveaux services. Mais ce qui compte, lorsqu'on veut assurer un J+1, c'est l'heure du départ. Or, c'est une question compliquée, qui dépend entre autres du fonctionnement des transports. Avez-vous pris le chantier à bras-le-corps ? Par ailleurs, vous avez considérablement réduit vos transports par voie ferroviaire. Or, certaines lignes en difficulté pourraient peut-être mieux fonctionner grâce à la Poste, tout en lui permettant d'améliorer l'heure de départ.

Enfin, on a beaucoup parlé de l'activation du financement du service universel, mais le calcul de son coût est-il indiscutable ? Avez-vous des critères précis, ou seulement des estimations ?

PermalienJean-Paul Bailly

Plusieurs orateurs ont parlé des agences postales et des relais poste. Pour commencer par la question de la concertation, les règles sont claires : dans les cas de transformation d'un bureau de poste en agence postale ou en relais poste, rien ne peut se faire sans l'accord du maire. Je ne pense pas qu'il soit arrivé que cette règle n'ait pas été respectée – ou alors je demande à en être informé. Dans les cas de modification des horaires en revanche, un dispositif de diagnostic partagé doit être mis en oeuvre, qui dure plusieurs mois et porte sur l'évolution de l'activité et les horaires, mais la décision peut être prise malgré un désaccord – je précise que les cas sont rares où les maires campent sur le statu quo.

Par ailleurs, nous avons fait des enquêtes auprès de la population. Les résultats sont très clairs : les gens sont très satisfaits des agences postales communales et des relais poste commerçants ! Pour la raison simple qu'ils bénéficient à 95 % des mêmes services, mais avec des horaires beaucoup plus étendus… C'est pourquoi il ne me semble pas opportun de parler de « pis-aller ». On assimile souvent la Poste, du point de vue de la présence territoriale, à d'autres services publics comme la gendarmerie, les tribunaux ou les trésoreries mais ces services se regroupent dans les grandes agglomérations et les gros bourgs. Ils s'écartent des villes de 5 000 à 15 000 habitants qui sont justement celles où la Poste se porte le mieux – dans les zones rurales, elle manque d'activité et dans les zones urbaines, elle est parfois débordée. La présence postale n'a donc rien à voir avec ces autres services publics. Or, à part les écoles, qui est présent à un tel niveau ? La mairie, le commerce et la Poste. Ce n'est pas en séparant les trois que vous assurerez leur avenir. La Poste permet de préserver à la fois la présence du service public et la présence commerciale. Elle assure 300 ou 400 euros par mois de chiffre d'affaires au commerce, ce qui est parfois vital, et permet aux mairies, grâce à la mutualisation, d'être ouvertes davantage. Si d'autres apportaient aussi un peu d'activité dans les mairies, celles-ci deviendraient les vraies maisons de service public que tout le monde attend. Cette évolution n'est donc pas un pis-aller mais l'avenir du service public et de l'activité commerçante.

Le nouveau statut remet-il en cause les contrats déjà signés? Nous avons fait des analyses et nos experts ont répondu que non. Si d'aucuns aboutissaient à la conclusion inverse, qu'ils nous le fassent savoir ! S'il existe un vrai risque, nous serons les premiers à vouloir y remédier au niveau de la loi. Enfin, les agences postales communales ne sont pas prises en charge par les collectivités. La Poste leur affecte l'équivalent de 900 euros.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Pérol-Dumont

Mais ce sont les collectivités qui financent les locaux ! Elles pourraient les affecter à un autre usage !

PermalienJean-Paul Bailly

Si l'activité de l'agence a lieu dans les locaux de la mairie, la totalité des frais sont couverts. Il n'y a problème que dans quelques cas où l'activité est restée dans l'ancien bureau de poste.

Pour ce qui concerne les aspects environnementaux, la Poste s'est engagée à réduire son empreinte carbone de 12 % d'ici 2012 – 15 % pour les transports et 9 % pour les bâtiments. La politique qu'elle a mise en place dans le secteur des transports passe par l'optimisation du kilométrage, le bon dimensionnement des camions, le renouvellement de la flotte ou l'achat de véhicules électriques. A ce propos, je suis chargé du groupe de travail qui doit élaborer le cahier des charges d'un véhicule utilitaire léger électrique, utilisable par l'ensemble des flottes captives des grandes entreprises, mais aussi l'État et les collectivités territoriales. Nous devrions remettre notre travail avant l'été. L'objectif est de 100 000 véhicules dans les trois à cinq ans, car c'est le seuil à partir duquel les industriels peuvent réellement s'engager dans le projet. L'appel d'offres devrait avoir lieu à la fin de cette année ou au début de la suivante et nous pourrions atteindre un rythme de croisière en 2011. La Poste s'est déjà engagée pour 10 000 véhicules – sous réserve bien entendu que le cahier des charges et les prix conviennent. Elle possède une des flottes captives les plus importantes, dont l'utilisation correspond en outre assez bien aux caractéristiques des véhicules électriques. Elle donne donc l'exemple. Nous faisons en outre apprendre la conduite écologique à nos facteurs. L'impact sur la réduction de la consommation est de 5 à 7 %, sans compter les gains pour leur voiture individuelle. Nous avons enfin engagé toute une réflexion pour optimiser les transports longue distance et utiliser moins l'avion et mieux le train.

Pour ce qui est de la méthodologie à respecter lors de la transformation d'un bureau de plein exercice en bureau annexe, aucune concertation n'est prévue. Nous estimons que cela relève de l'organisation interne de l'entreprise et ne change rien à la qualité du service.

Monsieur Paternotte, il est normal qu'il n'y ait que très peu de coordination entre un pôle GeoPost et un pôle courrier. Le seul point commun est qu'ils fassent partie de la Poste mais pour le reste, ils n'utilisent pas du tout les mêmes techniques et n'ont pas la même clientèle. Il n'y a aucune synergie entre leurs systèmes de collecte, de traitement ou de distribution. Ils sont totalement distincts.

Dernier ensemble de questions : les heures de levée du courrier. L'obligation de J+1 implique de se connecter avant une heure déterminée à un réseau national – autoroutes ou avions. Pour ce qui est des autoroutes, les limitations de vitesse nous ont fait perdre jusqu'à une heure et demie. Quant aux avions, nous avons perdu autant à cause des règles de sécurité, sans compter les avions supprimés du fait de la législation sur le bruit. Le réseau national est donc moins performant, indépendamment de notre volonté.

PermalienPhoto de François Brottes

Pour ma part, je préfère un bon J+2 à un faux J+1 !

PermalienPhoto de Patrick Ollier

Mais puisque vous ne concurrencerez jamais le mail, le J+1 doit-il rester une obligation existentielle ?

PermalienJean-Paul Bailly

C'est un vrai débat. D'après nos enquêtes, ce qui intéresse nos clients est le J+1 en proximité et le J+2 au niveau national. Partir dans ce sens nous permettrait de réduire le recours à l'avion, d'utiliser les machines de façon plus complète et de reculer les heures de levée.

PermalienPhoto de François Brottes

Mais lorsque je l'ai proposé, j'ai été mis en minorité…

PermalienJean-Paul Bailly

Pour ce qui est de l'assurance dommages, il a fallu, pour faire vite et bien, et comme d'ailleurs dans le domaine du crédit à la consommation, choisir un partenaire. Nous avons donc créé deux joint ventures dans lesquelles nous sommes majoritaires à 65 %, pour le crédit à la consommation avec la Société générale et pour l'assurance dommages avec Groupama. La décision a été prise il y a quelques jours. Nous en sommes à la mise au point de l'ensemble des procédures. Suivront celle des produits et leur mise sur le marché, avec la formation des conseillers. Il faudra à peu près un an pour cela.

PermalienPhoto de Yves Albarello

Et qu'en est-il des quarante clients qui représentent 60 % de votre chiffre d'affaires ? C'est une situation très dangereuse. L'essentiel de leur activité étant la vente par correspondance, vous allez être placés en concurrence directe avec la vente par internet. Quelle est votre stratégie ?

PermalienJean-Paul Bailly

C'est la fidélisation. Nous devons offrir aux grands groupes plus que le transport du courrier. Nos concurrents pourront être aussi bien la poste allemande qu'une entreprise comme Xerox ! Mais nous avons des atouts : certaines de nos filiales sont déjà capables de rendre un véritable service global. L'externalisation de ces tâches par les grandes entreprises pose des problèmes compliqués, d'organisation bien sûr mais aussi sociaux. Quant au développement d'internet, il est clair qu'il a un effet négatif sur le courrier et positif sur le colis. Aujourd'hui, la mauvaise santé des sociétés de vente à distance et par correspondance pèse sur les volumes classiques : la Camif disparaît, les 3 Suisses se portent mal… Mais le développement de l'e-commerce équilibre à peu près cette évolution. Dans le contexte de la crise actuelle, les volumes colis semblent à peu près se maintenir – en France en tout cas.

PermalienPhoto de Patrick Ollier

Nous veillerons à ce que la loi arrive le plus vite possible en discussion – le cabinet du ministre, que nous avons vu ce matin, a parlé d'avant l'été – et nous diffuserons tous les éléments que nous recevrons pour que chacun puisse travailler en amont. Mais considérant l'ordre du jour de l'Assemblée, j'ai quelques doutes sur un aboutissement rapide… Il me reste, Monsieur le président, à vous remercier pour votre disponibilité et pour vos très intéressantes réponses.