Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 9 juin 2009 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du groupe d'amitié Croatie-France du Parlement de la République de Croatie, conduite par son président, M. Petar Sellem. (Mmes et MM. les députés ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

Photo de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, préalable au Conseil européen et le débat sur cette déclaration.

La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous sortons d'une élection européenne dont il revient à chacune de nos formations politiques de tirer les enseignements. Pour ma part, j'en distinguerai deux.

Premier enseignement : la majorité des électeurs qui a participé à ce scrutin s'est prononcée sur l'Europe et pour l'Europe. En effet, 58 % de nos concitoyens affirment que leur vote ne fut pas commandé par des enjeux de politique intérieure, ce qui est un signe encourageant pour la démocratie européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Ceux qui ont cherché ouvertement à utiliser ce scrutin pour nous sanctionner, ont été eux-mêmes sanctionnés. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) A contrario, ceux qui ont parlé de l'Europe ; ceux qui ont avancé des propositions constructives ou alternatives ont été récompensés.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Ce fut notamment le cas pour Europe-Écologie, dont la percée confirme l'importance grandissante de la question environnementale.

Ce fut évidemment le cas pour la majorité présidentielle qui est arrivée largement en tête de cette élection, ce qui constitue une première depuis 1979. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Je dis à la majorité qu'elle peut être fière de ce résultat. C'est d'abord la reconnaissance du travail accompli par la présidence française de l'Union européenne, sous l'autorité du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) C'est, ensuite, le résultat de l'unité de la majorité, et de la clarté de son projet pour une Europe politique. (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Mesdames, messieurs les députés, nous assumons ce succès avec gravité car les fortes attentes des Français à l'égard de l'Europe nous confèrent beaucoup plus de devoirs que de droits. Ce succès nous engage, en particulier, à agir pour relever deux grands défis.

Le premier de ces défis est celui de la crise économique. L'Europe tout entière doit se mobiliser davantage pour sortir le plus vite possible de la récession. Elle doit peser de tout son poids pour réguler le système financier international.

Le second défi est celui du réchauffement climatique. Sous l'impulsion de la France, l'Europe a adopté la législation la plus ambitieuse au monde en ce domaine. Mais il faut maintenant convaincre la communauté internationale de nous suivre.

Le second enseignement de cette élection est le fort taux d'abstention qui n'a cessé d'augmenter depuis le scrutin de 1999, chez nous comme ailleurs. Que l'une des plus grandes aventures politiques de tous les temps soit ainsi l'objet d'une si large indifférence des opinions publiques doit sérieusement nous alerter.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Plus nous avons besoin de l'Europe, plus l'indifférence des citoyens s'accroît. Cette contradiction, nous avons collectivement le devoir de la surmonter en donnant à l'Union européenne l'efficacité et la flamme qui lui font trop souvent défaut. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Permettez-moi de vous livrer mon analyse sur cette abstention. Pendant les vingt premières années de la construction européenne, l'instauration d'une paix durable fut le tremplin de tous nos efforts et de nos idéaux. Elle ne joue plus aujourd'hui – et c'est tant mieux – le rôle mobilisateur qui fut le sien auparavant.

Durant les vingt années suivantes, la construction européenne fut l'oeuvre d'une élite éclairée qui travailla dans l'ombre pour surmonter les résistances ou les hésitations des États membres. Cette approche a eu ses mérites en termes d'efficacité, mais elle a eu aussi ses travers technocratiques et bureaucratiques.

Enfin, durant les dix dernières années, la stratégie légitime de l'élargissement a dilué l'image, le contenu et l'action de l'Europe. Elle nous a, de plus, condamnés à des débats institutionnels incessants.

Le résultat est là : pour beaucoup de nos concitoyens, l'aventure européenne demeure une affaire de spécialistes ; elle est désincarnée, et elle ne parle pas au coeur des peuples.

L'abstention, ce n'est pas le rejet de l'Europe. C'est un appel à une Europe qui agit, à une Europe qui protège, à une Europe qui incarne un idéal. Nous rejoignons ainsi l'ambition de la France, l'ambition du Président de la République : l'Europe a besoin de politique ; l'Europe doit être politique. À l'occasion de notre présidence de l'Union, nous avons démontré que cette Europe politique était possible.

Mais il faut bien reconnaître que, depuis quelques mois, l'Union européenne est revenue à une démarche plus classique, marquée par la lente recherche d'un consensus a minima. Or, au regard de la crise exceptionnelle que nous traversons et des grands défis que nous devons relever, cette Europe des petits pas et des petits compromis est devenue totalement inacceptable. Elle ne recueille d'ailleurs pas l'adhésion des citoyens.

C'est l'un des messages de cette élection. Il nous renvoie à la question centrale de notre génération : l'Europe veut-elle, oui ou non, écrire l'histoire ? Veut-elle, oui ou non, se donner les moyens de peser face aux puissances américaine, chinoise, indienne, et demain brésilienne ou russe ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Si tel est le cas, alors il faut relancer l'Europe. Il faut repenser son fonctionnement, et lui assigner des objectifs prioritaires.

Le Conseil européen des 18 et 19 juin 2009 sera la première réponse des chefs d'État et de Gouvernement après le vote des citoyens européens. Il doit être l'occasion de démontrer que l'Union européenne est de nouveau dans la voie de l'action,

Trois sujets majeurs sont à l'ordre du jour : celui de la crise économique et financière, celui de la lutte contre le changement climatique et celui relatif à la mise en oeuvre du traité de Lisbonne.

La réponse à la crise est naturellement la priorité absolue. Le Conseil devra trancher une question essentielle sur laquelle la France est très en pointe : comment remettre de l'ordre dans la surveillance des banques et des établissements financiers ?

Les services bancaires et financiers circulent librement dans toute l'Europe, mais pour contrôler l'ensemble il existe encore vingt-sept superviseurs indépendants et vingt-sept cadres nationaux de régulation financière. Si, à l'avenir, nous voulons éviter un nouveau risque d'effondrement du système financier européen, il faut mettre un terme à ce système baroque.

Sur la base du rapport de M. de Larosière, la Commission vient de faire des propositions qui, dans l'ensemble, répondent à nos attentes. Il s'agit de mettre en place un comité européen chargé d'analyser le risque financier systémique. Nous pensons que la banque centrale européenne, dont le rôle s'est révélé vital pendant la crise, doit présider ce comité. Il faut un système efficace pour la supervision financière européenne, qui soit capable de prendre des décisions contraignantes lorsque c'est nécessaire.

Cette autorité européenne doit également assurer la supervision directe des entités paneuropéennes, comme les agences de notation financière ou les chambres centrales de compensation, entités qui échappent aujourd'hui à toute supervision efficace.

Plusieurs États membres, dont le Royaume-Uni, ont encore de très fortes réserves sur ces points. Notre devoir est de leur démontrer que l'heure n'est plus aux hésitations en ce qui concerne un système qui a failli. La désorganisation européenne en matière de supervision et de régulation financière constitue une faiblesse d'autant plus inacceptable que, pendant que les Européens en débattent, les Américains semblent décidés à agir pour remédier aux défauts de leur propre système, avec un plan ambitieux de rationalisation de la supervision américaine et une volonté de régulation du marché des produits financiers dérivés.

Économiquement, politiquement, moralement, l'Europe ne peut rester à la traîne de ce mouvement de régulation financière ; elle doit même en prendre la tête. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Il s'agit de l'un des grands enjeux du Conseil européen. Jeudi prochain, il sera également à l'ordre du jour de la rencontre entre le Président de la République et la Chancelière Angela Merkel.

La supervision financière n'est qu'un des éléments de la réponse européenne à la crise. La gravité de la situation impose en effet un réexamen rapide de l'ensemble des politiques européennes. Certains efforts sont en cours : la Banque européenne d'investissement a ainsi augmenté de façon considérable ses capacités de prêts au sein de l'Union européenne, ses prêts annuels passant de 45 à 60 et bientôt 70 milliards d'euros ; avec un effort particulier en faveur des PME et de la recherche.

De même, la Commission a rapidement adapté sa politique de contrôle des aides d'État pour nous permettre de secourir de nombreuses entreprises menacées par la crise.

Mais nous pensons qu'il faut aller beaucoup plus loin dans le réexamen des politiques européennes.

Alors que notre secteur automobile européen connaît une crise historique, il manque encore, malgré les demandes réitérées de la France depuis plusieurs mois, un plan européen global pour ce secteur et, en particulier, un plan en faveur de la voiture électrique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Il manque également un plan global en faveur de la croissance verte, alors que ce sera l'un des grands secteurs de croissance de demain.

Il faut aussi prendre rapidement une initiative européenne pour aider les entreprises à investir davantage dans la recherche et l'innovation. Il faut continuer à simplifier les obligations réglementaires et bureaucratiques qui pèsent sur les plus petites entreprises. À ce sujet, nous proposons que soient suspendues toutes les propositions qui pourraient créer des coûts supplémentaires pour ces dernières (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC), tout en continuant à agir résolument en faveur de l'environnement.

Il faut aider les États membres, notamment à travers le Fonds social européen, afin qu'ils soient en mesure de mieux former les salariés les plus menacés par la crise.

L'Europe n'a pas vocation à être le ventre mou de la mondialisation. Il faut un réexamen sérieux de la politique commerciale européenne,…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…pour répliquer aux mesures protectionnistes adoptées chez certains de nos grands concurrents et développer une réciprocité efficace. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Au-delà du contrôle des aides d'État, l'Union européenne doit réexaminer sa politique de la concurrence, car nous ne pouvons pas continuer à imposer à nos entreprises des obstacles qui conduisent à les désavantager par rapport à leurs concurrents des pays tiers. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Par ailleurs, il faut, d'urgence, étudier avec nos partenaires un plan pour les finances publiques, afin de permettre aux budgets nationaux de continuer à jouer leur rôle pendant la crise, tout en organisant, pour la fin de celle-ci, le retour à des niveaux acceptables de déficit et de dette publique. Sans retour à l'équilibre, il n'y aura jamais de reprise solide et durable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Le second sujet à l'ordre du jour est la lutte contre le réchauffement climatique. Grâce à l'action conjuguée des présidences allemande et française, l'Union européenne s'est dotée d'une législation extrêmement exigeante pour lutter contre le changement climatique. Cette législation assure une diminution des émissions de C02 en Europe de 20 % en 2020 par rapport à ce qu'elles étaient en 1990, ce chiffre pouvant passer à 30 % en cas d'accord international satisfaisant à Copenhague en décembre prochain.

Maintenant, l'essentiel est de convaincre le reste du monde de nous suivre. Pour le moment – il faut être très clair –, les projets américains ne correspondent absolument pas à l'objectif que nous nous sommes assigné. Toute l'Europe doit donc avoir à coeur de peser sur les États-Unis pour qu'ils s'engagent sur des réductions comparables aux nôtres. Sinon, il n'y aura aucune chance d'obtenir notamment de la Chine des efforts conséquents.

La France attend du Conseil européen un signal clair adressé à tous nos partenaires étrangers. Elle veut également que des mesures soient prévues pour protéger la compétitivité de l'industrie européenne si certains de ces partenaires ne s'engageaient pas sur des réductions suffisantes de leurs émissions de CO2. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.) Il est, en effet, hors de question que l'Europe assume seule le combat contre le réchauffement climatique en restant, de surcroît, passive face au moins-disant environnemental de ses concurrents.

Le troisième sujet du Conseil européen est celui de la réforme institutionnelle. Vingt-six parlements ont ratifié le traité de Lisbonne. Reste le cas de l'Irlande, dont le gouvernement paraît décidé à organiser, pour l'automne, un nouveau référendum sur ce traité.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Il a besoin, pour cela, d'expliciter certaines garanties promises lors du Conseil européen de décembre dernier. Ces garanties ne nous posent aucune difficulté sérieuse. Elles s'inscrivent dans la ligne du traité de Lisbonne, qui est à la fois un moyen de renforcer les institutions communes et une affirmation, comme jamais auparavant, de la nécessité de mieux tenir compte des spécificités nationales et du rôle des parlements nationaux.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Une rapide ratification du traité de Lisbonne est clairement souhaitée par les États membres. Nous avons en effet plus que jamais besoin d'une présidence stable du Conseil européen, d'une politique européenne extérieure cohérente et d'un usage étendu de la majorité qualifiée.

Lors de ce même Conseil européen, la procédure de choix du nouveau président de la Commission sera initiée. Il faudra bien entendu prendre en compte non seulement le résultat des élections européennes, mais aussi la complexité de la situation juridique, puisque nous sommes dans une transition entre deux traités.

Ce qui importe à la France, c'est le programme que portera la nouvelle Commission et son président : ce programme doit être plus audacieux et plus volontariste s'agissant, en particulier, de la réponse européenne à la crise.

Mesdames, messieurs les députés, après les élections européennes, qui virent légitimement nos formations politiques s'affronter, nous devons nous rassembler pour servir l'Europe.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

En dépit de nos différences, il existe une continuité française vis-à-vis de la construction européenne. De Charles de Gaulle à Georges Pompidou, de Valéry Giscard d'Estaing à François Mitterrand, de Jacques Chirac à Nicolas Sarkozy, la France n'a jamais cessé de militer pour une Europe soudée et respectée.

Pour nous, l'Europe n'a jamais été seulement un marché économique, une monnaie, des institutions. L'Europe est une culture, une histoire, une rencontre entre des nations millénaires. L'Europe ce doit être une politique ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Avec vous, je ne peux concevoir une Europe hésitante, ballottée par les événements extérieurs, une Europe qui ne serait pas souveraine et maîtresse d'elle-même. Je ne peux concevoir une Europe désincarnée, qui renonce à se battre pour ses valeurs.

Le monde s'est trop habitué à une Europe faible, que l'on peut traiter avec condescendance. Nous devons, nous Européens, relever le défi et montrer que nous avons décidé d'être debout et nous-mêmes.

La France a un rôle singulier à jouer, et notre pays l'assumera d'autant plus puissamment qu'il continuera à se moderniser. Ceux qui escomptaient, avec cette élection, nous détourner de notre route en sont pour leur frais : depuis deux ans, nous respectons tous nos engagements et nous continuerons. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Nous avons réformé, même lorsque les oppositions étaient fortes. Ce fut notamment le cas pour la réforme des régimes spéciaux de retraite. Au nom de la parole donnée, de l'équité, nous n'avons pas cédé. Ce faisant, nous donnons à l'Europe une image rénovée du modèle social français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.- Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Ce fut aussi le cas avec l'autonomie des universités, dont le statut n'avait pas évolué depuis vingt-cinq ans. Malgré les jusqu'au-boutistes, qui ont pris en otage l'avenir de milliers d'étudiants, la réforme de l'autonomie des universités ira à son terme, car le rayonnement culturel et scientifique de nos universités en Europe en dépend. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Lemasle

Quel rapport avec le sujet ? C'est un discours d'investiture !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Dix-huit de nos universités ont déjà choisi le statut de l'autonomie ; dix-neuf le feront le 1er janvier 2010. En 2012, les quatre-vingt-trois universités françaises vivront sous le régime de cette autonomie que l'on disait autrefois impossible.

Mesdames, messieurs les députés, sous l'impulsion du Président de la République, nous continuerons de moderniser la France. Nous continuerons d'adapter notre pacte économique et social. Nous continuerons d'agir en dialoguant en permanence avec les partenaires sociaux, sans jamais renoncer à nos convictions et sans jamais perdre de vue l'intérêt général. Notre ambition pour l'Europe prolonge notre volontarisme national ; ce volontarisme est et restera la marque de la majorité présidentielle. (Mmes et MM. les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent vivement.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Pour le groupe SRC, la parole est à Mme Élisabeth Guigou.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, les citoyens européens viennent d'élire un nouveau Parlement européen qui va siéger pendant cinq ans. Celui-ci aura la responsabilité de désigner le président de la Commission. Il devra exercer son contrôle sur l'exécutif de l'Union européenne, la Commission et le Conseil, avec deux principaux objectifs : sortir l'Europe de la crise et permettre à l'Union européenne de faire entendre sa voix dans le monde multipolaire que Barack Obama nous propose d'organiser.

Je vous demande donc, monsieur le Premier ministre, de nous apporter des réponses sur trois sujets : votre position sur la présidence de la Commission européenne, l'action de l'Union européenne contre la crise et la lutte contre les paradis fiscaux.

Tout d'abord, il est inacceptable que le Conseil européen se prononce jeudi prochain sur la nomination du président de la Commission, alors que le Parlement européen ne sera pas encore installé et qu'il n'aura pas constitué ses groupes. Il faut absolument prendre le temps nécessaire pour permettre au Parlement d'examiner les candidatures alternatives à celles de M. Barroso, car la reconduction de celui-ci signifierait que la France s'accommode d'un affaiblissement définitif de la Commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

En effet, rappelons-nous que M. Barroso est le principal responsable du sommet des Açores, qui a réuni les États membres de l'Union européenne partisans du président Bush et de la guerre d'Irak.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Rappelons-nous que M. Barroso n'a cessé de théoriser l'impuissance de la Commission qui, sous sa présidence, s'est transformée en un simple secrétariat des États membres, au lieu de jouer le rôle que lui ont conféré les traités : un rôle majeur d'initiative politique.

L'idéologie du laisser-faire, revendiquée et assumée par M. Barroso, est directement responsable de l'absence d'initiative de la Commission dans la crise qui ébranle l'économie mondiale et le système financier international.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

On imagine ce qu'un président de la Commission qui se serait inspiré de l'action de Jacques Delors aurait fait face à cette crise. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.- Murmures sur les bancs du groupe UMP.) D'abord, il aurait réagi dès l'été 2007, au moment de la première crise de surendettement américain, et il aurait proposé un plan de relance européen qui ne soit pas la simple juxtaposition de plans nationaux, eux-mêmes très insuffisants au regard de la gravité de la crise.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Nous voulons un autre président de la Commission, qui ne soit pas le complice d'une Europe devenue purement intergouvernementale, mais qui redevienne le moteur de l'Union européenne et l'aiguillon des gouvernements des États membres.

Pour cela, il faut refuser que le Conseil européen se prononce dès jeudi prochain sur la nomination du président de la Commission et exiger que cette nomination n'intervienne que lorsque le nouveau Parlement européen aura installé ses groupes et présenté d'autres candidats émanant de ces derniers.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Il convient, du reste, de demander que la nouvelle Commission et son président soient désignés lorsque le traité de Lisbonne aura été ratifié, afin que le Parlement européen ait un pouvoir formel sur la nomination de ce président. Il faut également que sa désignation intervienne en même temps que celle du président du Conseil européen et du Haut représentant pour la PESC, car ce trio, qui dirigera l'Union européenne, doit être cohérent et faire place à la diversité politique.

Allez-vous, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, demander au nom de la France, le report de la décision sur la nomination du président de la Commission ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

J'en viens à l'action de l'Union européenne contre la crise. L'explosion du chômage va toucher 27 millions d'Européens à la fin de l'année, soit 10 millions de plus qu'il y a un an et 7 millions de plus qu'au début des années 2000. Cette situation exige un vrai plan de relance européen, qui ait une action immédiate et rapide sur la croissance et sur ses deux moteurs principaux : l'investissement et la consommation.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Les plans de relance nationaux actuels totalisent 200 milliards d'euros, c'est-à-dire beaucoup moins que le plan de relance américain : 1,5 % du produit intérieur brut pour l'Europe contre 6,5 % pour les États-Unis d'Amérique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le président de la Banque européenne d'investissement, M. Maystadt, a proposé à la Commission un emprunt pour financer un plan massif d'économies d'énergie dans l'Union européenne. Un tel plan aurait un effet immédiat sur la croissance et des effets durables sur la lutte contre le réchauffement climatique. Or, la Commission et le Conseil européen ont refusé cette proposition. Pouvez-vous me dire pourquoi, alors que nous savons très bien que l'économie verte représente un gisement d'emplois considérable – vous l'avez vous-même indiqué à cette tribune – et qu'elle doit être développée dans l'urgence, dans les dix ans qui viennent, si l'on veut enrayer, dans les faits et pas seulement en paroles, les effets du changement climatique ?

Une telle initiative aurait aussi valeur d'exemple avant la négociation mondiale de Copenhague et nous permettrait sans doute, comme vous l'avez souhaité tout à l'heure, monsieur le Premier ministre, de peser davantage sur la position des États-Unis ou de la Chine. Allez-vous demander, au nom de la France, l'approbation de ce plan européen d'économies d'énergie et le financer par un grand emprunt européen ? Allez-vous demander que l'on décide enfin d'un plan de relance à la hauteur de la crise et du défi climatique ?

Ma troisième question porte sur les paradis fiscaux. La lutte contre ces paradis fiscaux exige des mesures radicales. Nous savons que l'économie mondiale ne sortira de la crise que lorsque la confiance reviendra, c'est-à-dire lorsque le système financier international aura été assaini et lorsque de nouvelles règles auront été imposées pour que cela ne recommence pas, pour que plus jamais l'économie de casino ne tue l'économie réelle, avec les conséquences sociales dramatiques que nous connaissons.

L'Union européenne doit montrer l'exemple dans la lutte contre la folie spéculative qui a déclenché la plus grave crise mondiale à ce jour, précipité nos économies dans la récession et provoqué l'explosion du chômage et de la pauvreté.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Or, que constate-t-on ? Jusqu'ici, la Commission n'a pris aucune initiative d'envergure contre la concurrence fiscale et sociale entre les États membres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Fourgous

Et vous, quelles sont vos initiatives ? Pour quoi êtes-vous payée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

De surcroît, elle a élaboré un projet de directive sur les fonds spéculatifs – les fameux hedge funds – qui est proprement scandaleux. Ce projet de directive comporte des trous énormes dans le système de contrôle des fonds spéculatifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Pis encore, il organise la pénétration de l'Union européenne par les hedge funds localisés dans les paradis fiscaux lointains qui organisent non seulement la fraude fiscale, mais aussi le blanchiment de l'argent sale finançant toutes les formes de criminalité internationale, de la traite des êtres humains au terrorisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Ce projet de directive, le président de la Commission l'a confié au commissaire chargé du marché intérieur. Pourquoi n'a-t-il pas désigné le commissaire chargé de l'économie et de la monnaie, M. Almunia, ou le commissaire chargé de la coopération pénale, M. Barrot, qui sont plus compétents sur la fraude fiscale, le blanchiment d'argent et la surveillance du système financier ? Ce commissaire au marché intérieur est, de surcroît, un ultra-libéral anglo-saxon qui refuse, par idéologie, toute régulation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

De plus, aucun travail transversal n'a été organisé par M. Barroso. J'affirme que c'est un sabotage caractérisé des décisions du G20 ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Nous refusons que les ultra-libéraux, qui organisent ce système par l'inertie et le sabotage, en attendant de pouvoir recommencer comme avant, demeurent en charge de l'application des décisions du G20. Allez-vous, monsieur le Premier ministre, exiger du futur président de la Commission qu'il s'engage à appliquer ces décisions et qu'il organise une véritable action contre les paradis fiscaux ?

Pour conclure (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), je dirai que nous avons besoin d'une Union européenne forte pour reconstruire le monde multipolaire auquel Barack Obama nous invite. Une Europe dont la voix serait respectée dans le monde est d'abord une Europe qui respecte ses engagements. Allez-vous, monsieur le Premier ministre, respecter les engagements pris par la France à l'égard de la Turquie ? Allez-vous poursuivre les négociations d'adhésion de la Turquie, comme vous l'avez fait sous la présidence française de l'Union européenne, ou allez-vous demander la suspension de celles-ci, dans la continuité de ce que vous avez dit lors de la campagne électorale ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Sur l'Iran, la divergence est patente entre les positions exprimées par notre diplomatie et celle du président Obama. Allez-vous infléchir votre position pour donner une nouvelle chance à la paix après les élections présidentielles du 12 juin en Iran ? Enfin, quelles initiatives comptez-vous prendre pour surmonter le blocage que subit l'Union européenne ? Monsieur le Premier ministre, nous attendons des réponses précises à ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

De ces réponses dépendront l'adhésion des citoyens à l'Europe ainsi que la capacité de l'Union européenne à se faire entendre dans le monde du xxie siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Pour le groupe GDR, la parole est à M. François de Rugy.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le Premier ministre, je ne pensais pas évoquer le résultat des élections européennes en France, mais puisque vous l'avez fait vous-même, je voudrais à mon tour saluer le choix des Français, au nom de toutes des composantes du groupe de la gauche démocrate et républicaine. Mais je veux surtout vous dire que si vous en tirez la conclusion que vous pouvez continuer comme avant et ne rien changer à votre politique, il ne faut pas vous étonner de l'abstention massive de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Comment s'étonner que nos concitoyens n'aient plus envie d'aller voter si rien ne change quand ils votent ? Ce n'est pas le discours d'autosatisfaction de M. Sarkozy – un de plus – que nous avons entendu ce matin qui changera quoi que ce soit à la donne. Il faut changer de politique européenne et, pour cela, il faut changer ceux qui la conduisent à la Commission européenne.

Le prochain sommet des chefs d'État et de gouvernement pourrait être une réunion comme une autre, une grand-messe de plus, qui viendrait clore une présidence médiocre, comme l'Europe en a malheureusement tant connu, caractérisée par une absence de volonté politique et une relative passivité devant la crise que nous vivons.

Mais à Bruxelles, les 18 et 19 juin prochains, il sera question d'autre chose : c'est de l'essence même de l'Europe qu'il sera question, et de sa capacité à écouter les Européens. D'abord parce que la situation économique et sociale, fruit de la crise, impose un sursaut. Près de 21 millions d'Européens sont désormais touchés par le chômage, soit 4,6 millions de personnes de plus qu'un an auparavant. L'activité économique de l'Union européenne est d'ailleurs, ce trimestre, en baisse de 4,5 % par rapport à l'année dernière – une contre-performance deux fois plus importante qu'aux États-Unis sur la même période.

Au-delà de ce contexte économique dramatique, susceptible de remettre en cause la cohésion sociale de notre Union, et qui pose la question de la mondialisation non maîtrisée, la réalité politique est là. Elle doit nous conduire à une révision profonde de nos politiques. Celle-ci doit, selon nous, reposer sur trois piliers : la régulation du marché, la cohésion sociale et la transformation écologique de notre économie.

La semaine dernière, 375 millions d'Européens étaient appelés à élire leurs représentants au Parlement européen. Ce qui aurait dû être un exercice démocratique de grande ampleur s'est malheureusement mué en une manifestation d'indifférence et de désappointement : au rendez-vous de l'Europe, il a manqué 214 millions d'Européens, soit 57 % des électeurs de nos 27 pays ! Que le président en titre de la commission européenne, José Manuel Barroso, ait osé déclarer, par la voix de son porte-parole, que ce vote avait fait émerger « un large soutien à l'orientation générale de l'Europe » en dit long sur la déconnexion de la réalité qui caractérise la Commission sortante, sur laquelle le gouvernement français aura à se prononcer pour la reconduire ou non.

À la veille d'une décision aussi essentielle, il n'est sans doute pas inutile de tirer quelques leçons de l'expérience récente car, à la lumière des événements de ces derniers mois, et notamment depuis que la crise financière a éclaté, les qualités attendues d'une Commission européenne et de son président se sont singulièrement précisées. Chacun conçoit aisément que l'alternance des présidences du Conseil puisse conduire à une certaine confusion, voire à une certaine incohérence dans le pilotage politique de l'Union européenne. Ce qui était peut-être nécessaire au commencement de l'aventure qu'est la construction politique de l'Europe n'est sans doute plus adapté au monde d'aujourd'hui.

Chacun a pu mesurer à quel point il serait illusoire de vouloir créer une sorte de directoire permanent de l'Union, à quel point il serait présomptueux de laisser quelques individus – a fortiori un seul – incarner l'Union, fussent-ils chefs d'État ou de gouvernement. Chacun a également pu mesurer à quel point il est faux de prétendre que ce que l'on veut, on le peut, dès lors que ne sont pas réunies les conditions minimales de collégialité dans les décisions et de respect de nos partenaires européens. Ce n'est pas parce que Nicolas Sarkozy veut que l'Europe peut. Cette prétention et cette arrogance desservent la France. Cette prétention et cette arrogance desservent l'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Qu'on le regrette au nom de l'efficacité, ou qu'on s'en félicite au nom du respect de la volonté démocratique exprimée dans le cadre des Nations, le fait est là : si le pouvoir exécutif de l'Union européenne est encore très largement – quoiqu'en disent les traités – du ressort du Conseil, le rôle de la Commission est essentiel et l'Europe a besoin d'une Commission légitime aux yeux des Européens. L'Europe a besoin d'une Commission qui soit non seulement forte et indépendante dans sa capacité de préparation des décisions, mais aussi, et c'est le corollaire de cette responsabilité, à l'écoute des Européens. C'était le cas lorsque Jacques Delors était président de la Commission et c'est ce qui a permis à l'Europe de faire de grands pas en avant.

Cela suppose que le président de la Commission soit en mesure de faire jouer à son institution le rôle d'arbitre qui lui est dévolu. Bref, ce doit être un président qui impulse et qui s'engage, tenant compte du message que les Européens ont adressé avant-hier, tenant bon y compris vis-à-vis de commissaires parfois trop prompts à faire prévaloir des intérêts nationaux ou certaines orientations idéologiques – je pense notamment au triste épisode du plan climat européen, marqué par trop de petites concessions et de compromis au profit de tel ou tel État.

Le président de la Commission ne doit pas laisser passer des propositions aussi ahurissantes, aussi provocatrices, que celle récemment formulée par le commissaire au marché intérieur. À peine le G20 avait-il tenté de contenir les paradis fiscaux qu'il proposait un statut simplifié visant justement à réintroduire les hedge funds ! Cela suppose que le président de la Commission soit pleinement en adéquation avec son époque, et non qu'il incarne la survivance quelque peu incongrue d'une histoire triste et heureusement révolue. Souvenez-vous de cette photographie du sommet des Açores à la veille du déclenchement de l'invasion de l'Irak par les États-Unis ! Tous les acteurs politiques qui y figuraient ont aujourd'hui été balayés par le vent de l'histoire – plus prosaïquement, par les électeurs – et franchement, qui pourrait aujourd'hui le regretter ?

Tous ont été balayés, sauf un : José Manuel Barroso. Croyez-vous vraiment que c'est en maintenant dans ses fonctions un personnage qui s'est – dans une autre fonction, certes, mais c'est bien le même homme avec les mêmes idées – aussi lourdement trompé dans le passé, qui a participé et collaboré à une aventure géopolitique dramatique qui a profondément divisé l'Europe, que l'on bâtira un avenir à l'Europe ?

Croyez-vous vraiment que c'est en reconduisant M. Barroso que vous donnerez le signal d'une Europe de plain-pied dans la réalité du nouvel ordre politique mondial ? Alors que les États-Unis ont fait le choix du changement et que le président Obama tient ses promesses de changement, croyez-vous que c'est ainsi que l'Europe fera valoir sa place sur la scène internationale ?

Il est des symboles qui valent tous les discours. L'homme de la soumission ne peut prétendre incarner l'indépendance et la souveraineté de l'Europe. L'homme de cette politique du passé ne peut incarner une politique d'avenir. Vous avez, à l'instar du Président de la République, affirmé à de nombreuses reprises que l'Europe devait retrouver une direction et un pilotage politiques. Cela suppose que les différents acteurs du jeu européen gagnent en force et en présence.

Le Conseil doit faire preuve, sur les questions sociales et de relance économique, sur les négociations en cours pour le sommet de Copenhague sur le changement du climat, de la même volonté que celle qu'il a déployée pour sauver les banques. Mais il y a aussi le Parlement, où la clarté des alliances et des positionnements doit progresser. Pour notre part, nous avons clairement affiché notre choix en faveur d'une vraie majorité politique au Parlement européen. Il y a encore la Commission. Il est de votre responsabilité qu'il en soit ainsi lors du prochain sommet de Bruxelles.

Monsieur le Premier ministre, avant ce sommet, relisez les déclarations de votre ancien ministre, M. Jean-Pierre Jouyet : de son aveu même, sous le mandat de M. Barroso, la Commission est devenue le « secrétariat général du conseil européen ». Les questions auxquelles le conseil européen devra répondre la semaine prochaine sont assez claires. Croyez-vous vraiment que notre Union puisse se satisfaire d'une présidence de commission erratique, indigente, parfois même inexistante, alors que tant de sujets aussi vitaux – régulation financière, transformation écologique de l'économie – sont sur la table ? Croyez-vous que le sommet de Copenhague sur le changement climatique en décembre prochain puisse être un succès avec un président de Commission aussi faible que changeant ? Voulez-vous vraiment que l'Europe, face à des États-Unis qui changent, face à des pays émergents aux normes sociales et environnementales insuffisantes, joue véritablement son rôle ? Voulez-vous que, face à la crise, la Commission soit en mesure de faire des propositions fortes de relance verte, vertueuse et durable ?

Quand l'Europe veut, l'Europe peut, nous disiez-vous il y a quelques jours. Alors pour le prochain conseil européen, je n'aurai qu'un seul mot : prouvez-le ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Pour le groupe Nouveau Centre, la parole est à M. François Sauvadet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est le centre satellisé ! Il n'arrive plus à atterrir !

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, les élections européennes qui viennent de se dérouler ont été importantes pour notre avenir collectif, comme sera important le conseil européen qui va prochainement se tenir puisque ce sera le premier après ces élections. Au nom du groupe Nouveau Centre, je tiens à réaffirmer notre attachement à ce que le débat qui s'est engagé dans le pays se poursuive et, monsieur le président, à ce que chaque groupe politique puisse, avant chaque conseil, exposer les enjeux et exprimer, à l'Assemblée nationale, ses positions.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

C'est en effet par le débat et en reprécisant le rôle de l'Europe, y compris au Parlement français, que nous permettrons à nos compatriotes de mieux se saisir des enjeux européens.

Dimanche, les Français et les Européens ont donné un cap pour les cinq prochaines années. Ce que veulent les Français, c'est une Europe avec des frontières, une Europe politique qui sache réguler, une Europe qui protège dans la crise, une Europe qui permette de se voir un avenir plus construit dans la globalisation. Voilà le message qu'ils ont adressé. C'est précisément le message qu'ont porté le Président de la République et le Gouvernement pendant la présidence française et que nous-mêmes avons porté pendant cette campagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Les Français ont apporté leur suffrage à ceux qui avaient fait le choix de placer véritablement l'Europe au coeur de leur message. Et ils ont sanctionné ceux qui avaient tenté de confisquer ce scrutin au profit d'un simple plébiscite national, pour ou contre l'action du Président de la République et de sa majorité.

Plusieurs députés du groupe Nouveau Centre. Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Passé le temps des élections, l'heure est à l'action. Très vite va se poser la question de la présidence de la Commission européenne. À cet égard, et je m'adresse surtout à la gauche, l'enjeu n'est pas la désignation ou non de M. Barroso, c'est de savoir quel projet la Commission va porter avec le Parlement européen, avec les chefs d'État et de gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.) Les Français attendent précisément, en effet, que nous soyons au rendez-vous des engagements que nous avons pris de faire bouger les choses et de les changer.

Nous avons bien sûr de grands défis devant nous. La crise mondiale ne peut se satisfaire de réponses exclusivement nationales, chacun le sait. Nous avons devant nous le défi de nos futures politiques communes. La réforme de la PAC inquiète nos agriculteurs – les manifestations dans le secteur laitier en témoignent. Nous avons besoin de refixer des objectifs pour cette politique.

Le défi de la recherche, du développement solidaire, le défi écologique, le défi de notre défense commune dans un monde qui est bousculé, le défi de la protection de notre économie, sur tous ces sujets nous devrons être volontaires et engagés. Alors oui nous attendons beaucoup de ce premier conseil européen d'après élections. Nous en attendons d'abord un signal. Il doit être l'occasion pour l'Europe d'aller plus loin dans la réglementation et la surveillance du secteur financier, d'aller plus loin dans les réponses apportées aux racines du mal auquel nous sommes confrontés, d'aller plus loin dans la régulation face au laisser-faire, dans la formation de nos jeunes pour faire face à cet avenir que nous avons à construire.

Dans le prolongement de cette dynamique qui avait permis à l'Europe de se présenter unie au sommet du G20, il faut engager une réforme en profondeur de la supervision du secteur bancaire et financier.

Le défi qui est posé au conseil européen sera, sur la base des propositions formulées par le groupe d'experts mandatés par la Commission, de répondre aux questions que se posent les Français. Comment empêcher à l'avenir de nouvelles déflagrations financières telles que celles auxquelles nous avons assisté à l'automne dernier ? Comment prévenir désormais la reconstitution artificielle de bulles spéculatives vouées à l'éclatement, avec leurs conséquences sur l'emploi et sur les économies réelles ?

Pour répondre aux attentes des citoyens, l'Europe doit jouer un rôle plus déterminant dans le soutien à l'économie réelle ainsi qu'à l'emploi. Elle dispose d'outils, tel le fonds d'ajustement à la mondialisation qui doit être désormais plus amplement mobilisé. Sans doute faudra-t-il en inventer d'autres pour encourager la relance. Au groupe Nouveau Centre, nous avions fait la proposition d'un grand emprunt européen pour participer à cet effort de relance.

Je l'ai déjà indiqué, à plus long terme, c'est par des politiques volontaristes telles qu'un soutien accru à la recherche et à l'innovation que nous construirons l'Europe de l'emploi, l'Europe qui sortira de la crise.

À ce titre, la stratégie de Lisbonne, qui ambitionne de bâtir en Europe la première économie mondiale de la connaissance, contient la plupart des éléments permettant à nos économies d'être au rendez-vous de la reprise économique. Je le dis aujourd'hui : la nouvelle Europe à laquelle nous aspirons doit être au rendez-vous de cette espérance nouvelle et de la reprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Les questions énergétiques et environnementales sont également un défi auquel les Européens ont réaffirmé avec force leur attachement. Ce sera un des sujets du prochain conseil européen. C'est un enjeu planétaire, mais c'est aussi pour nous tous un engagement. L'adoption, en décembre dernier sous présidence française, du paquet Énergie-Climat est un engagement fort, notamment la réduction d'ici à 2020 de 20 % des émissions de gaz à effet de serre.

L'Europe et la France ont ainsi fait le choix de l'exemplarité. La conférence de Copenhague permettra de s'accorder, je l'espère, sur les modalités de l'après Kyoto. L'Europe devra y jouer un rôle essentiel.

Le défi climatique constitue une question majeure de notre siècle, et l'Europe a une responsabilité particulière dans la tenue de ces négociations. L'Europe ne peut pas et ne doit pas céder aux visions de court terme. Elle ne peut pas renoncer à adopter un nouvel accord ambitieux.

La France a montré l'exemple avec la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement qui reviendra très prochainement devant le Parlement. Le Grenelle c'est une méthode, mais c'est aussi une ambition que nous devons partager avec d'autres. Ce sera un des enjeux de ce conseil européen, et notamment en ce qui concerne le financement des mesures qui seront adoptées.

Au groupe Nouveau Centre, nous avons eu l'occasion de le dire lors d'un débat sur l'énergie que nous avions initié : le succès de la conférence de Copenhague est essentiel. Cette conférence constituera aussi pour l'Europe un test déterminant sur sa capacité à peser dans les grandes négociations internationales. Il faudra que nous y allions groupés.

Pour réussir, vous l'avez dit vous-même, monsieur le Premier ministre, nous devrons aussi avancer sur les questions institutionnelles : l'Europe ne pourra relever ces défis, le Parlement européen ne pourra prendre toute sa place, que si le Traité de Lisbonne est adopté. C'est la possibilité d'étendre la procédure législative de codécision, entre le Parlement et la Commission et de renforcer les prérogatives du Parlement européen dans la procédure budgétaire, notamment. Le Traité de Lisbonne c'est en fait une étape qui permettra au Parlement européen de s'affirmer comme une enceinte pleinement politique, au sens noble du terme. Nous avons besoin de nouvelles institutions pour faire avancer l'idée européenne. Nous avons besoin de renouer avec le rêve des pères fondateurs de l'Europe, pour constituer un espace politique cohérent, un acteur global.

Le Traité de Lisbonne ne réglera pas tout, mais c'est une étape indispensable pour avancer sur le chemin de l'Europe politique que nous appelons tous de nos voeux.

Oui, ce premier conseil européen d'après élection sera un rendez-vous important. Les peuples attendent que les messages adressés soient portés par nos parlementaires européens ainsi que par les chefs d'État et de Gouvernement et ici même, dans notre Parlement.

Monsieur le Premier ministre, nous avons confiance en notre avenir collectif parce que, dans la globalisation que nous connaissons, nous savons qu'il sera européen ou qu'il ne sera pas. Nous savons l'engagement du chef de l'État et nous saluons son volontarisme pour réussir l'Europe et moderniser la France. Vous pouvez être assuré de notre soutien dans cet engagement. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire, la parole est à M. Jean-François Copé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, au lendemain des élections au Parlement européen et pour préparer au mieux le prochain conseil européen, je voudrais livrer à titre d'introduction quelques réflexions sur les enseignements du scrutin de dimanche dernier. J'en vois trois.

Excusez-moi de commencer par là, mais le premier enseignement de cette élection en France, c'est le succès de la majorité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Au cours de la campagne, j'avais dit qu'il fallait se fixer pour objectif de dépasser les 25 % des voix. Or notre mouvement et ses alliés sont allés bien au-delà, avec près de 28 % des voix. Nous avions 17 eurodéputés UMP : nous en avons désormais 29 ! Avec tous les députés du groupe UMP et sans doute avec nos amis centristes, je veux dire combien nous sommes heureux de ce succès. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

C'est le résultat d'une majorité rassemblée derrière le Président de la République, d'une campagne bien conduite et d'un discours clair sur l'Europe que nous voulons.

Le deuxième enseignement de ce scrutin, c'est l'échec de l'opposition ou, plus exactement, des oppositions. Miné par ses divisions et rabâchant toujours les mêmes discours dépassés, le parti socialiste, je crois pouvoir le dire aujourd'hui, n'intéresse plus en ce moment les Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Et pour cause ! Je ne suis d'ailleurs pas spécialement en position – mes amis non plus – pour donner des leçons : après tout, il y a dix ans, la droite était dans le même état En cette période, nous n'avions pas crevé nos abcès idéologiques, nous n'osions parler de rien et nous étions systématiquement sanctionnés dans tous les scrutins. La nouvelle génération socialiste pourrait se poser quelques mauvaises questions sur ce qui se passe dans son camp.

N'est-il pas temps de sortir des procès d'intention et des caricatures grossières que la gauche rabâche sans arrêt, et qui ne servent strictement à rien pour convaincre les Français qu'elle incarne un choix alternatif ? N'est-il pas temps d'abandonner ces formules toutes faites que vos aînés répètent à longueur d'émissions mais qui ne correspondent plus à rien ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Par exemple, les Français ne peuvent pas croire vos menaces sur « le tour de vis social » : plus de trois millions d'entre eux vont bénéficier du RSA que nous venons de mettre en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Les Français ne peuvent accorder aucun crédit à vos critiques sur « l'ultralibéralisme de l'abominable droite capitaliste », sur « l'économie-casino » dont a parlé Mme Guigou, alors qu'ils voient tous nos efforts pour faire avancer la régulation financière internationale. Et, M. le Premier Ministre l'a dit, nous allons encore l'évoquer lors du prochain conseil européen !

Les Français n'ont plus envie d'entendre parler de la supposée « casse systématique des services publics » : jamais on n'a autant privatisé que sous la gauche ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Ils sont sourds à vos outrances sur le thème rebattu des prétendues « libertés publiques oppressées » : ils constatent chaque jour la vivacité de notre démocratie. Mais c'est vrai, nous l'assumons : il y a dans ce pays une attente forte en matière de sécurité ; il est de notre responsabilité de la concilier avec les libertés fondamentales !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Vos discours sont d'un autre âge. Je pense que ce scrutin en a une nouvelle fois fait la démonstration : avec de vieux mots, avec de vieilles idées, on n'est pas capable de rentrer de plain-pied dans le XXIe siècle ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR. — Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Arrêtez ! Vous n'avez pas le droit ! L'accusé n'est pas là !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

…le moins que l'on puisse dire est que la stratégie du procès personnel et la théorie du complot ont fait long feu. Et à l'invective, au pamphlet, beaucoup de Français préfèrent les projets et le courage politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Je pense, comme beaucoup de mes amis, que le combat politique est aussi une partie d'échec. Mais ce n'est pas une partie de poker. Et nous avons tous en tête que François Bayrou a d'abord été un homme de droite et un homme d'appareil ; n'ayant réussi ni à droite ni dans son appareil, il a voulu tenter une OPA sur la gauche !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Arrêtez la politique politicienne, parlez d'Europe !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Nous avons, les uns et les autres, démontré qu'en étant fermes sur ses convictions, solides sur ses idées, qu'en parlant d'Europe de façon engagée, on peut faire la différence et convaincre les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Scandaleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Le troisième enseignement de ce scrutin (Protestations sur les bancs du groupe GDR)…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Monsieur Gremetz, détendez-vous, tout va bien se passer !

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Non, ça va très mal se passer ! Vous n'avez aucun savoir-vivre ! On ne s'attaque pas à un absent ! Vous ne respectez rien, même pas les règles élémentaires de cette assemblée !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Le troisième enseignement de ce scrutin, c'est évidemment le niveau record de l'abstention. Je voudrais dire qu'il ne peut y avoir un seul député ici, quelle que soit sa sensibilité, qui ne doive s'en inquiéter.

En juin 2008, le « non » triomphait en Irlande : une fois de plus, après les Français, après les Néerlandais, un peuple européen consulté par référendum exprimait sa défiance à l'égard de l'Europe. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Un an après, dans l'ensemble de l'Union, plus d'un électeur européen sur deux a boudé l'élection.

Et ça vous étonne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Il me semble, monsieur le Premier Ministre, que le message de l'abstention, envoyé par des millions d'Européens, doit être aussi à l'ordre du jour du prochain conseil européen.

Toutes les décisions des chefs d'État et de gouvernement qui se réuniront les 18 et 19 juin à Bruxelles devront passer au filtre de cette question : est-ce que, oui ou non, les choix que nous faisons contribuent à réduire le décalage abyssal entre ce qui se dit à Bruxelles et ce qu'attendent de l'Europe les citoyens ? (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Ce sujet-là nous engage tous ; j'ose même dire qu'il engage plus ceux qui sont pour l'Europe que ceux qui sont contre. Ceux qui sont pour l'Europe ont pour objectif premier de construire pour demain une Europe qui se rapproche des citoyens, qui soit ainsi en situation d'incarner l'Europe que nous voulons, par opposition à celle que nous ne voulons pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

60 % des Français ne veulent pas de cette Europe !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

L'une des raisons qui peut expliquer le succès des listes de l'UMP et de la majorité, et l'échec des autres, c'est que nous avons clairement montré l'Europe incarnée politiquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

La présidence française de l'Union européenne – vous l'avez rappelé, monsieur le Premier Ministre – nous a permis de montrer une Europe incarnée. Lors de la crise en Géorgie, une voix forte parlait au nom de l'Europe : celle du président de la République française. Lorsqu'il a fallu apporter une réponse à la crise économique et financière, c'est à chaque fois la France, au nom de l'Europe, qui a montré une Europe qui protège et une Europe qui agit.

Sur la question environnementale, croyez, monsieur le Premier Ministre, que nous vous rejoignons totalement. L'inscription à l'ordre du jour de la deuxième lecture du Grenelle doit aussi être l'occasion d'assumer que l'Europe doit être une terre de croissance verte.

Nous avons dans ce domaine bien compris que l'écologie n'est plus le monopole de certains partis de gauche ! La grande leçon de ce scrutin, c'est qu'il y a d'un côté ceux qui, à gauche, militent pour l'écologie, et de l'autre côté ceux qui, dans la majorité, portent les réformes du développement durable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Qu'il s'agisse de la charte de l'environnement ou du Grenelle de l'environnement, c'est à chaque fois notre majorité qui fait bouger les choses en ce domaine ! C'est aussi cela que les Français ont salué dimanche dernier (« Oui ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP)…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

…et d'autant qu'après tout, on peut se dire que ceux qui ont voté pour les listes de M. Cohn-Bendit sont peut-être aussi des électeurs de gauche qui n'avaient vraiment pas envie de voter pour le parti socialiste ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Aujourd'hui, avec cette élection, s'ouvre une deuxième étape du quinquennat du Président de la République. Nous sommes dans une période de crise : cela signifie beaucoup d'angoisses, beaucoup d'inquiétudes, beaucoup de désespérance même pour nos concitoyens, et bien sûr beaucoup d'efforts.

Parce que nous sommes au coeur de la crise, il nous faut commencer à parler avec les Français de ce vers quoi nous voulons aller dans les années qui viennent. Nous pourrons un jour sortir de cette crise, et c'est dès aujourd'hui qu'il faut préparer ce moment.

Le premier des grands défis que nous devrons relever, c'est celui de la dette. Pour cela, il faudra chercher la croissance là où nous sommes les meilleurs.

La terre européenne, comme la terre de France, est une des terres où l'on se nourrit le mieux, où l'on se soigne le mieux, où les enfants sont le mieux éduqués, où les services publics sont les meilleurs, où l'eau et l'air sont les meilleurs. Ce sont autant de réserves de croissance que d'autres continents n'ont pas ! C'est là que nous trouverons demain la clé de notre redressement. C'est notre engagement.

À cela, il y a une condition forte : il faut réfléchir ensemble à notre identité. Nous n'arriverons à rien si nous continuons à nous opposer les uns aux autres, si nous continuons à chercher des boucs émissaires et à vouloir sans cesse couper des têtes ! La réflexion sur notre identité, c'est la réflexion sur une France rassemblée. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe GDR.)

Ça alors !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

De ce point de vue, ce que nous avons montré dimanche, c'est qu'une majorité rassemblée a la capacité de proposer aux Français un projet fort, car nous n'avons qu'une idée en tête : continuer à servir l'intérêt général ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Lequiller, président de la commission chargée des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Le conseil européen des 18 et 19 juin prochains doit traiter des grands enjeux européens à l'issue des élections, ainsi que des garanties à apporter à l'Irlande en vue de la ratification finale du traité de Lisbonne.

De ces élections en Europe, je tirerai les conclusions suivantes.

D'abord, ceux qui ont parlé de l'Europe dans cette campagne l'ont nettement emporté sur ceux qui ont voulu en faire un sujet de politique intérieure, et qui étaient tout simplement hors sujet. Ensuite, l'abstention, forte dans toute l'Europe, prouve s'il en était besoin qu'il faut, partout, en permanence, parler de l'Europe sur le terrain, et pas seulement au moment des échéances européennes. Un sondage montre aujourd'hui que les Français le réclament.

Je salue, pour ce qui concerne la France, la réforme constitutionnelle et le nouveau règlement de l'Assemblée nationale, qui permettront de renforcer la dimension européenne de nos débats, en commission comme dans l'hémicycle.

Des progrès notables ont été réalisés, notamment par un travail régulier avec les commissions permanentes, et nous avons maintenant les outils pour intervenir en amont sur les textes en préparation de la Commission européenne. Il faut aussi accentuer le travail avec les parlementaires européens.

J'observe ensuite que le PPE devance le PSE, à la suite de la victoire du PPE dans la très grande majorité des pays européens. J'y vois notamment la marque de la présidence française de l'Union qui, par sa réactivité, par son volontarisme, a montré que l'Europe politique était possible.

Cela nous impose des devoirs. Face à la crise mondiale, il faut, dans le prolongement de la présidence française de l'Union, renforcer la coordination des politiques économiques, construire une véritable politique industrielle pour protéger nos emplois et nos produits, affirmer avec force la préférence communautaire. Pouvez-vous nous dire si vous croyez à des avancées dans ces domaines auprès de nos partenaires ?

Ce succès, comme la percée des mouvements écologistes, doit amener à continuer avec détermination la lutte contre le réchauffement climatique, après les résultats obtenus sous présidence française. Il s'agit de faire de Copenhague, à la fin de l'année, un succès prolongeant le paquet Énergie-Climat adopté à l'unanimité par les chefs d'État et de gouvernement, et par le Parlement européen, pour que l'Europe entraîne non seulement ses partenaires américains qui restent à convaincre, mais aussi d'autres puissances telles que la Chine.

Il faudra aussi adopter une taxe carbone pour défendre la préférence communautaire à laquelle nous sommes attachés.

La troisième leçon que je tire, c'est que les citoyens attendent plus d'Europe, et pas moins d'Europe. Ainsi, sur la crise financière, il faudra de nouvelles réunions des chefs d'État et de gouvernement ; il faudra approfondir la concertation en liaison avec la Commission et avec le président de la Banque centrale européenne, comme cela avait été fait sous présidence française.

Il faudra également qu'en septembre 2009, le prochain G20 – création de l'Union européenne – adopte des mesures concrètes pour la lutte contre les paradis fiscaux et pour la régulation et la moralisation du capitalisme – je pense notamment aux hedge funds.

L'Europe politique n'existera que si l'on réforme son fonctionnement. Le traité de Lisbonne, imaginé par Nicolas Sarkozy et négocié par le couple franco-allemand – plus que jamais indispensable, vous avez raison, monsieur Lemaire – permettra de faire avancer l'Europe politique.

Mes contacts avec mes homologues irlandais me donnent à penser que l'Irlande – la crise étant passée par là – ratifiera sans doute ce traité et nous donnera un président stable de l'Europe, un Parlement européen aux pouvoirs renforcés et un contrôle effectif par les parlements nationaux du principe de subsidiarité.

Tous, quelle que soit notre appartenance politique, nous aspirons à une Europe qui, sur la scène internationale, défende nos intérêts et nos valeurs européennes, ainsi que notre modèle social européen.

Tous, nous aspirons à une Europe qui, comme dans le conflit entre la Géorgie et la Russie, soit capable d'intervenir, seule et unie, pour y mettre fin.

L'Europe a comme devise « unie dans la diversité » : unie, parce que nous sommes la première puissance économique et commerciale, et que nous aspirons à être la première grande puissance monétaire ; diverse, parce que nous sommes aussi attachés à nos identités nationales, à nos cultures, à nos langues.

Bref, il faut que le futur Parlement européen se donne tout entier pour ambition celle du poète portugais, donc européen, Fernando Pessoa, qui écrivait : « Je rêve d'une Europe forte qui parle dans le monde d'une seule voix dans toutes ses langues ». (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, même si presque tout a été dit sur les élections de dimanche dernier, je souhaite, à mon tour, tirer quelques leçons de ce scrutin et vous faire part des quelques messages que j'ai relevés.

Ces messages, en fait, ont un dénominateur commun, à savoir qu'il nous faut une Europe plus politique et moins technique, c'est-à-dire une Europe qui aborde les enjeux de société essentiels et fixe les grandes orientations au lieu de se perdre dans le superfétatoire, comme ce fut le cas avec ce malheureux vin rosé, qui n'avait rien demandé à personne mais que l'on voulait malheureusement couper, ou encore avec ces normes de pasteurisation alimentaire, qui auraient comme conséquence première de rendre le fromage particulièrement indigeste.

Le premier message que je retire de ce scrutin, c'est le niveau de l'abstention : 60 % en France et proche de 57 % dans l'ensemble de l'Union européenne. Les proportions étaient exactement inverses il y a trente ans. En 1979, la participation atteignait 60 %, dans une Communauté en pleine construction, composée de proches voisins prêts à se rapprocher beaucoup plus encore. Aujourd'hui, cette abstention record pose une question politique : que voulons-nous construire et avec quels voisins ?

La réponse à ce besoin d'une direction claire, d'un cap, d'une ligne politique pour l'Europe, nous la trouvons dans le traité de Lisbonne, notamment avec l'instauration d'une présidence stable et efficace, dont Nicolas Sarkozy a démontré le caractère indispensable lors de sa présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Le prochain conseil européen doit définir les garanties juridiques nécessaires à une nouvelle consultation du peuple irlandais. Cette étape est cruciale.

Quant à la question de nos voisins, il me semble qu'il est de notre responsabilité d'apporter une réponse sans ambiguïté : oui, l'Europe a des frontières.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Ce n'est pas en éludant régulièrement ce sujet que nous renforcerons chez les citoyens européens le sentiment d'une appartenance identitaire à l'Union européenne, sentiment qui tend à faire défaut aujourd'hui. Les citoyens européens ont bien conscience que l'Union européenne est une nécessité et un progrès.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Ils considèrent cependant aujourd'hui que leur destinée n'est plus très bien maîtrisée. Ils ont des doutes, à bon escient.

De ce point de vue, le nouvel élan donné à la politique européenne de voisinage dans sa double dimension, vers le Sud et vers l'Est, va dans le bon sens. L'Union pour la Méditerranée comme le Partenariat oriental sont des initiatives destinées à jeter des ponts, à créer des liens étroits entre l'Union européenne et ses voisins, tout en se situant clairement en dehors d'une perspective d'adhésion.

L'Union européenne, une fois installée dans ses frontières, pourra mener cette politique étrangère ambitieuse qui fera d'elle un acteur de poids sur la scène internationale. Ce sera le rôle du vice-président de la Commission européenne prévu par le traité de Lisbonne.

Le deuxième message que je retire du scrutin de dimanche, c'est le soutien à la politique européenne menée par le Président de la République, le soutien à une Europe politique en actes, telle que l'a incarnée la présidence française, une Union forte dans les crises, réactive, présente sur la scène internationale, bref, une Union à la hauteur de ses légitimes ambitions.

Le conseil européen des 18 et 19 juin aura-t-il les moyens de se hisser à un tel niveau ? Il faut espérer que la présidence tchèque, qui a dû se réorganiser à mi-parcours, parvienne enfin à obtenir un accord sur les points importants figurant à l'ordre du jour. Je pense en particulier à l'accord politique qu'il faut trouver sur la désignation du prochain président de la Commission européenne. Je pense également aux décisions qui doivent être prises en matière de régulation et de supervision des marchés financiers, à la suite du rapport Larosière, comme vous l'avez dit, monsieur le Premier ministre. Je pense enfin aux négociations sur la lutte contre le changement climatique, dans la perspective de la conférence de Copenhague, en décembre prochain, sous l'égide de l'ONU. Sans direction politique, le risque est fort de ne trouver, à vingt-sept, qu'un bien petit dénominateur commun.

Le troisième et dernier message que nous pouvons retenir des élections européennes est lié au point que je viens de mentionner puisqu'il s'agit du souhait fortement exprimé par nos concitoyens que notre planète et notre environnement soient mieux protégés.

Là encore, l'Europe doit poursuivre sur la lancée de la présidence française, qui a permis l'adoption du paquet Climat-Énergie, au conseil européen comme au Parlement européen, grâce à un compromis éminemment politique. Qui peut croire que les États-Unis, pour ne parler que d'eux, sauront se laisser convaincre d'aller plus loin dans les moyens à déployer pour lutter contre le réchauffement de la planète si la voix de l'Europe n'est pas suffisamment puissante et unie ? Qui peut croire que l'Union obtiendra des résultats à l'échelle du monde si de grands pays tels que la Chine, l'Inde et le Brésil ne nous prennent pas au sérieux dans notre volonté d'agir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

L'année 2009 est un nouveau départ, l'Europe a besoin de plus de politique, de plus de détermination dans la définition de ces grands enjeux. Pour cette raison, le conseil européen de juin est un rendez-vous à ne pas manquer. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Les orateurs qui ont parlé d'avenir de l'Europe n'étant pas tous là, je ne pourrai que les féliciter.

Monsieur Poniatowski, je vous remercie d'avoir parlé du traité de Lisbonne et du travail de M. de Larosière, c'est en effet ce qui nous attend demain.

Je voudrais simplement dire quelques mots à propos de M. Barroso et de la désignation du président de la Commission. On peut toujours rêver, il reste que l'Europe a un fonctionnement. Les 18 et 19 juin, le conseil européen devra proposer un nom au Parlement européen. Le Parlement pourra le refuser, mais le conseil devra proposer un nom. J'imagine mal que le conseil, dans sa composition actuelle, puisse se prononcer pour une personne autre que le seul candidat pour le moment, c'est-à-dire M. Barroso.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est comme en Union soviétique, il n'y a qu'un candidat !

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Je vous laisse votre appréciation ; je pense pour ma part que M. Barroso a été, pendant la présidence française, un président de la Commission extrêmement efficace parce que la présidence était efficace. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.) Sous une présidence moins efficace, et je regrette l'interruption parlementaire de la présidence tchèque, M. Barroso a été moins efficace. Pourquoi accuser M. Barroso d'avoir été si bon sous la présidence française ?

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

La règle veut que le candidat qui sera présenté par le conseil sera approuvé ou rejeté par le Parlement européen. Si, par hasard, la candidature est rejetée, nous retournerons vers le conseil européen. Mais il n'y a pas d'autre façon de faire. Et ce n'est pas avec le vote qui a eu lieu dimanche, qui a instauré une majorité allant plutôt dans le sens de M. Barroso que dans celui de la gauche, qu'on peut espérer autre chose.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Donc, je ne comprends pas votre demande. N'accablons pas M. Barroso : quand la présidence française a été efficace, il a été décisif pour être efficace avec nous.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Ensuite, vous avez parlé de l'insuffisance du plan de relance, madame Guigou. Sur les 5 milliards d'euros décidés, 2 milliards ont été débloqués, le reste devrait suivre. Nous avons tous à l'esprit ces gazoducs qui devraient relier des pays. Des efforts ont été faits à propos de l'énergie. Ce n'est peut-être pas grand-chose par rapport aux 300 milliards que les plans nationaux ont proposés, mais cette harmonisation représente déjà un début – peut-être faut-il faire plus en effet.

Enfin, vous avez parlé, et les autres orateurs également, du problème de la croissance verte. Mais qui a proposé le paquet Énergie-Climat ?

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Qui a permis alors à l'écologie politique de se déployer ?

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

C'est la France !

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Si vous oubliez que nous avons proposé le paquet Énergie-Climat et que M. Barroso a tout fait pour l'accepter, c'est que vous avez la mémoire courte. C'est sous la présidence française que tous ces élans ont été proposés et suivis d'effets. Voilà ce que je voulais rappeler. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Je voudrais juste apporter quelques précisions aux questions qui ont été posées, en complément de ce que vient de dire Bernard Kouchner.

Sur la désignation du président de la Commission, cela a été très bien rappelé par Pierre Lequiller et Axel Poniatowski, l'exigence de la France, les 18 et 19 juin prochains au conseil européen, est très simple : nous voulons savoir sur quel programme politique s'engagera le prochain président de la Commission.

Pour le moment, comme l'a rappelé Bernard Kouchner, il n'y a qu'un seul candidat, madame Guigou. Si les partis socialistes européens arrivent à se mettre d'accord sur un nom, il y aura plusieurs candidatures, et donc un choix, mais pour le moment, il n'y a qu'un seul candidat et, je le répète, ce qui nous importe avant tout, c'est de savoir quel est le programme politique que défendra le président de la Commission européenne.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Est-ce qu'il défendra une politique industrielle européenne ? Est-ce qu'il sera favorable à une taxe CO2 comme l'a proposée le Président de la République ? Est-ce qu'il sera favorable à une révision en profondeur de la stratégie de Lisbonne pour l'innovation et la recherche ? Ce sont les questions que nous poserons au conseil européen des 18 et 19 juin.

Je voudrais reprendre ensuite un peu plus dans le détail les questions qui ont été posées, notamment par Mme Guigou pour le parti socialiste.

Sur le plan européen d'économies d'énergie et de relance, Bernard Kouchner l'a déjà dit, nous avons soutenu un pacte pour l'environnement et un pacte pour le développement durable. C'est à partir de là que nous aurons une croissance durable. Des éléments ont déjà été lancés, aussi bien par la Commission que par les États, pour le plan de relance européen.

Je rappelle qu'en plus des 5 milliards d'euros qui vont être consacrés aux différentes infrastructures européennes, plus de 7 milliards d'euros ont été engagés par la Banque européenne d'investissement en faveur de l'industrie automobile européenne. S'il existe encore aujourd'hui une industrie automobile européenne, c'est parce que la Banque européenne d'investissement a pris cette décision d'accorder des prêts relais aux industries automobiles pour leur permettre de vivre les mois difficiles qu'elles sont en train de traverser.

Beaucoup d'autres décisions ont été prises, dont on a peu parlé : le Fonds d'ajustement à la mondialisation a été abondé à hauteur de 500 millions d'euros, d'autres plans de soutien à l'économie ont été votés, les aides d'État ont été facilitées. Toutes ces décisions vont dans le sens d'un plan de relance. Je ne vous dis pas que c'est parfait. Je ne vous dis pas que nous n'espérons pas encore davantage de la part des États européens, je dis simplement que des efforts ont déjà été faits.

S'agissant de la directive sur les services financiers, je voudrais juste rappeler ce qui s'est passé depuis quelques mois.

D'abord, c'est le Président de la République qui a demandé, en octobre dernier, une réunion exceptionnelle de l'Eurogroupe au niveau des chefs d'État pour faire face à la crise financière et apporter une nouvelle régulation financière au monde contemporain. C'est le premier à l'avoir fait.

Ensuite, la réunion du G20 à Washington correspondait également à la volonté du Président de la République de mettre en place une nouvelle régulation financière. Après le G20 de Washington, nous avons défini une position commune franco-allemande qui nous a permis ensuite d'arriver au nouveau G20 de Londres avec une position forte, européenne, sur la base de la position de Mme Merkel et de M. Sarkozy, pour avoir une nouvelle régulation financière qui supposait la suppression des paradis fiscaux, l'encadrement des fonds spéculatifs et toutes les mesures d'organisation financière nécessaires.

Des décisions ont donc bien été prises. Sur la base de ces décisions politiques – et sur ce point je vous rejoins, madame Guigou – une directive financière est sortie des services de la Commission et du commissaire responsable de la régulation financière, M. McCreevy. Cette directive ne répond pas aux attentes de la France ; elle n'est pas satisfaisante en l'état.

Elle n'est pas satisfaisante au moins pour deux raisons. D'une part, parce qu'elle prévoit un passeport pour tous ces produits financiers non pas à l'échelle européenne, ce qui nous permettrait de bien les contrôler, mais à l'échelle mondiale, ce qui laissera passer des produits financiers ne répondant pas à nos attentes. D'autre part, cette directive impose un contrôle sur les responsables des fonds spéculatifs, mais pas sur les produits spéculatifs eux-mêmes. Si nous avons l'assurance que le conducteur n'aura pas bu avant de prendre la voiture, nous ne sommes pas sûrs que la voiture est sans défaut. Nous ne sommes donc pas satisfaits de la directive telle qu'elle existe aujourd'hui. Mme Lagarde en discute en ce moment au conseil ECOFIN. Nous en reparlerons au conseil européen des 18 et 19 juin, mais nous ne laisserons pas la directive en l'état.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce n'est pas prudent de s'en remettre à Mme Lagarde !

Debut de section - PermalienBruno le Maire, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Sur la question de la Turquie, je dois dire que je suis plus surpris par la position du parti socialiste.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

J'ai le sentiment, à vous entendre, madame Guigou, que la position du parti socialiste dépend de la position du Président américain, M. Obama, telle qu'il l'a exprimée en se rendant à Ankara. Quant à nous, notre position dépend des intérêts de la France et des intérêts européens, c'est notre seule motivation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Je vais vous répondre clairement : oui, nous sommes favorables à la poursuite des négociations avec la Turquie, car cela permettra à ce pays ami, partenaire économique majeur et allié essentiel dans la région du Moyen-Orient, d'avoir le même niveau de développement économique que le nôtre et de respecter les valeurs et les règles auxquelles nous sommes attachés en matière de droits de l'homme et de démocratie. Il entre donc dans l'intérêt de la Turquie et de l'Union européenne de poursuivre les négociations. Mais celles-ci ne doivent pas ouvrir des chapitres qui susciteraient l'adhésion de la Turquie à l'Union. Nous n'ouvrirons que les chapitres qui n'entraîneront pas l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienBruno le Maire, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Notre position de fond est très claire : la Turquie n'a pas vocation à entrer dans l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Je ne suis pas sûr que la position des autres groupes de l'Assemblée soit aussi claire. La nôtre est dictée par le seul objectif politique de construire une Europe forte entre les deux grands ensemble que sont les États-Unis et la Chine. Nous n'arriverons pas à intégrer davantage l'Europe, à renforcer les politiques communautaires, à mener une vraie politique industrielle, à avoir une meilleure coordination fiscale pour éviter le dumping fiscal,…

Debut de section - PermalienBruno le Maire, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…à favoriser l'emploi et à prendre davantage de mesures sociales, si nous faisons entrer dans l'Union un pays de plus de 70 millions d'habitants. De ce point de vue, la position de la majorité est claire : c'est l'Europe politique et pas la Turquie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienBruno le Maire, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Je tiens également à répondre à la remarque de M. de Rugy sur le paquet Climat-Énergie. Dans ce domaine, nous assumons pleinement nos choix. Comme vous, nous voulons que notre développement durable soit le plus ambitieux possible et que, dans les années à venir, l'Union européenne soit un exemple en matière d'économie verte. Mais, quand on siège au Conseil et quand on écoute les positions des uns et des autres, il faut faire des choix.

On peut estimer que l'Europe doit avancer sur la base d'un noyau dur, c'est-à-dire d'un petit groupe d'États qui ne se soucient ni des compromis, ni de l'unité européenne, ni du sort de ceux qui ne parviennent pas à suivre, les laissant derrière eux en espérant qu'ils les rejoindront un jour. Mais cette vision n'est pas la nôtre. Quand il s'est rendu en Pologne, en décembre dernier, le Président de la République a clairement choisi de trouver un consensus et d'inclure tout le monde dans le paquet Climat-Énergie, quitte à renoncer à certaines avancées.

Nous estimons que cette position est conforme aux intérêts de l'Union européenne et qu'elle est juste. Depuis quelques années, la grande réalisation de l'Union européenne est en effet d'avoir retrouvé son unité historique. On doit tenir compte de l'histoire. Le régime communiste a imposé à la Pologne un développement énergétique fondé sur le charbon.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce ne sont quand même pas les communistes qui ont donné le charbon à la Pologne : c'est Dieu !

Debut de section - PermalienBruno le Maire, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Il faut à présent lui permettre de rejoindre les autres pays, au lieu de lui imposer un modèle de développement qu'elle ne sera pas capable de suivre. C'est non seulement juste, mais conforme à nos intérêts, car, pour négocier avec les États-Unis ou la Chine, mieux vaut être vingt-sept États unis comptant en tout 500 millions d'habitants que deux groupes d'États divisés. C'est un choix que nous assumons pleinement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur Sauvadet, la révision de la stratégie de Lisbonne est aujourd'hui une priorité absolue de la France pour le Conseil européen des 18 et 19 juin. Pour la prochaine présidence suédoise, M. Kouchner et moi en avons débattu longuement. Quant à la prochaine présidence espagnole, elle en fera probablement l'un de ses thèmes majeurs. Nous voulons avancer dans deux directions.

D'une part, il faut fixer des objectifs plus contraignants en matière de dépense publique pour l'innovation et la recherche. On voit le résultat de la stratégie de Lisbonne, qui fixait un objectif de 3 % de dépense publique de l'Europe pour la recherche : nous sommes à moins de 2 %. C'est un échec dont il faut tirer les conséquences.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

D'autre part – c'est un objectif prioritaire auquel je suis personnellement très attaché –, il faut permettre à un nombre important d'étudiants français et européens d'étudier à l'étranger. Aujourd'hui, seuls 4 % des étudiants français bénéficient des programmes Erasmus ou Leonardo pour les apprentis, ce qui est très insuffisant. À terme, notre objectif doit être que la moitié d'une classe d'âge d'étudiants fasse ses études ou son apprentissage dans un autre pays d'Europe. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Pour finir, je m'adresserai à M. Copé et à tout le groupe UMP. Nous voulons cette Europe politique qui a été au centre de notre campagne. Pour cela, il faut que l'Europe ait des institutions claires. Nous pouvons tous nous retrouver sur la nécessité de faire ratifier le traité de Lisbonne dans les semaines à venir. Les derniers obstacles étant difficiles à franchir, nous aurons besoin de la mobilisation de tous les parlementaires français.

Il faut aussi que l'Europe prenne toutes ses responsabilités. Face à la crise économique et financière, elle doit répondre aux attentes de nos concitoyens sur l'emploi, le développement, l'industrie et l'économie, au lieu de répondre à je ne sais quel dogme, sans prendre en compte les nouvelles considérations imposées par la situation actuelle.

Il faut enfin que l'Europe tienne ses engagements. Pour cela, comme l'ont rappelé le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères, nous proposons des liens plus étroits entre le Parlement européen et le parlement national, un vrai programme politique imposé par la Commission et des liens plus étroits entre les parlementaires nouvellement élus et le peuple français qui les a désignés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La conférence des présidents, réunie ce mardi 9 juin, propose de modifier comme suit l'ordre du jour de la semaine du 22 juin.

Le mardi 23 juin, après-midi et soir : texte de la commission mixte paritaire sur la réforme de l'hôpital ; proposition sur la lutte contre les violences de groupes.

Le jeudi 25 juin, ordre du jour proposé par le groupe Nouveau Centre : proposition sur la rémunération des salariés reclassés ; projet sur la réparation des conséquences des essais nucléaires ; proposition sur les rémunérations des mandataires sociaux.

Par ailleurs, le mardi 30 juin, après-midi et soir, après le projet de loi de règlement, aura lieu le débat d'orientation des finances publiques pour 2010.

Il n'y a pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur la proposition de loi de M. Jean-Frédéric Poisson et de plusieurs de ses collègues pour faciliter le maintien et la création d'emplois (nos 1610, 1664).

Pour le groupe GDR, la parole est à M. Roland Muzeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, mes chers collègues, les initiatives parlementaires se multiplient sur la question cruciale de l'emploi – et pour cause : depuis janvier 2009, 90 000 nouveaux chômeurs s'inscrivent à Pôle emploi tous les mois. En un an, le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté de 24,6 % et les licenciements économiques ont fait un bond, augmentant de 46,8 %. Et ne parlons pas des licenciements dits pour « motifs personnels » ni du franc succès des ruptures conventionnelles, qui sont autant de moyens de déguiser les licenciements économiques pour les accélérer et les rendre moins coûteux pour les employeurs.

Nous mesurons tous sur nos territoires l'ampleur inégalée des destructions d'emplois et les drames humains qui en résultent. Nous recevons tous dans nos permanences des salariés précaires, lessivés, sous pression, abîmés par des horaires décalés, par le travail de nuit ou du dimanche, contraints d'accepter de travailler en pointillés, avec des horaires longs et flexibles, devant désormais s'accommoder non plus seulement de la rigueur salariale, mais bel et bien de baisses de salaires. Nous savons également à quoi ressemble le parcours d'insertion des 18-25 ans, et ce qu'est la vie morcelée et sans perspective des femmes trop souvent contraintes au temps partiel.

Inégaux devant l'emploi, nos concitoyens le sont également devant le licenciement, selon qu'ils travaillent dans un grand groupe ou dans une PME, où nombre de licenciements secs passent inaperçus. C'est ce que rappelle l'enquête publiée ce mois-ci dans le magazine Liaisons sociales : « À côté des plans sociaux anticipés, étalés, des grandes entreprises, quantité de licenciements économiques de PME restent expéditifs et invisibles » et « grandes et petites entreprises n'ont pas les mêmes moyens de verser des surprimes, et certains ont droit à la cellule d'appui, là où les autres se contentent de Pôle emploi. » Ce sont autant de réalités que vous ne pouvez ignorer.

Pourtant, au mépris de la violence de la situation faite aux salariés, aux demandeurs d'emploi, à ces millions d'hommes et de femmes qui paient durement les conséquences d'une crise dont ils ne sont pas responsables, vous persévérez à vouloir garder le cap libéral de la flexibilisation du marché du travail, au moment même où les organisations syndicales réaffirment qu'il faut plus de régulation sociale.

Au lieu de défendre ce que commande la situation, à savoir l'établissement d'un véritable bouclier social, avec des mesures en faveur de l'emploi, des salaires, au service d'un autre modèle de développement, des dispositions véritablement innovantes de sécurisation des parcours professionnels, les députés de la majorité proposent une nouvelle vague de dérégulation au détriment des salariés du privé mais aussi, désormais, de ceux du public ; ils proposent d'énièmes assouplissements du code du travail en libéralisant les règles de constitution et d'appartenance aux groupements d'employeurs, la sécurisation du prêt de main-d'oeuvre pour les seuls employeurs, la banalisation de formes atypiques d'emploi, de modalités particulières d'exécution du contrat de travail via le télétravail...

La modernité voudrait que les employeurs ne soient plus empêchés de s'échanger les salariés, qu'ils soient libres de négocier de gré à gré leur rémunération, leur relation de travail. Comme ce fut le cas avec des textes précédents – celui sur les heures supplémentaires « choisies », celui sur la monétisation du compte épargne temps, ou celui portant « modernisation » du marché du travail ou d'autres à venir tel celui sur le travail dominical –, le leurre du volontariat ou de l'exercice d'une supposée liberté individuelle sert en fait de prétexte à la banalisation des atteintes au code du travail pour l'ensemble des salariés.

La proposition de loi de notre collègue Poisson, avec ses deux dispositions majeures que sont le prêt de main-d'oeuvre et la promotion du télétravail, participe de ce mouvement de libéralisation des règles de droit social.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Au nom de l'emploi, cette initiative contestable contribue également à atomiser le statut du salarié et à affaiblir les collectifs de travail.

Au cours de ce débat, vous n'avez nullement fait la preuve de votre intention de garantir, voire de renforcer les droits des salariés, bien au contraire.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

À propos du prêt de main-d'oeuvre, le dispositif proposé sécurise la situation des employeurs en les mettant à l'abri du délit de marchandage. Les contreparties protectrices pour les salariés, en revanche, restent cosmétiques. Il n'y a ainsi aucune définition claire et précise des conditions d'emploi des salariés prêtés, de la durée de leur mission, de son objet, de la responsabilité de chacun en cas d'accident du travail, de la convention collective dont les salariés relèvent.

Plus fondamentalement, la banalisation du prêt de main-d'oeuvre est dangereuse car elle fait de l'être humain une marchandise et l'objet d'un contrat commercial.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Il s'agit, là encore, d'une objection que vous n'êtes pas parvenus à démentir.

L'initiative des députés UMP, en particulier l'incitation à la « télédisponibilité généralisée », est à notre sens d'autant plus malheureuse qu'elle a servi de véhicule à des propositions inadmissibles remettant frontalement en cause les protections dont bénéficient les salariés. C'était le cas de l'amendement Lefebvre,…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

…cela demeure le cas de l'amendement n° 42 de M. Morel-A-L'Huissier, permettant d'imposer le télétravail à des salariés valides – ou non d'ailleurs –, pour cause de circonstances jugées « exceptionnelles » – parmi lesquelles le risque de pandémie –, mais qui pourront couvrir bien d'autres situations.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Pour toutes ces raisons, les députés communistes, verts, ultra-marins et du parti de gauche voteront résolument contre la présente proposition de loi UMP. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe NC.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, mes chers collègues, avec cette proposition de loi, vous affichiez l'ambition, monsieur le rapporteur, d'encourager le développement de formes d'emplois nouvelles qui facilitent, dans un contexte de crise, l'accès à l'emploi ou le maintien des salariés dans leur emploi.

Il s'agit d'apporter à la législation du travail un peu de souplesse pour permettre à l'entreprise de trouver les ressources humaines et les compétences susceptibles de renforcer son projet. Il s'agit également de favoriser la mobilité professionnelle dans l'intérêt de l'emploi et donc du salarié. Nous veillons à ce que cette souplesse soit également assortie de garanties suffisantes permettant aux salariés d'être protégés dans leurs droits.

Le débat parlementaire a permis de lever un certain nombre d'interrogations sur ce point et de préciser les garanties dont le salarié doit bénéficier. Ainsi, les mesures envisagées pour développer les groupements d'employeurs permettent d'encourager le temps partagé et de favoriser l'emploi d'un salarié pour un temps adapté à aux besoins de l'entreprise.

Les groupements d'employeurs sont une des dispositions qui permettent aussi de lutter contre le temps partiel en favorisant une mutualisation des emplois entre plusieurs entreprises, en particulier au niveau des bassins d'emplois. Confier à la négociation collective interprofessionnelle ou de branche le statut des salariés des groupements d'employeurs est, par ailleurs, le moyen le plus adapté pour assurer aux salariés de ces structures les garanties nécessaires à l'exercice de leur profession.

Dans le même ordre d'idées, les dispositions de ce texte permettent de sécuriser le prêt de main-d'oeuvre, en particulier en prévoyant une convention entre les entreprises ayant recours à cette formule et le salarié.

Par ailleurs, la proposition prévoit que le salarié qui refuse une telle mise à disposition ne peut être licencié, sanctionné ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, moyen pour lui de préserver son libre choix.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Il reste cependant deux limites au développement du prêt de main-d'oeuvre, que le texte ne permet pas de résoudre : la première est liée à l'accompagnement du salarié à l'occasion du changement d'entreprise et la seconde à la capacité de ce dernier à exercer un métier, sinon toujours nouveau, du moins différent de celui qu'il exerçait initialement. Cela suppose qu'on soit capable de répondre aux besoins en matière de formation.

Nous accueillons avec satisfaction la réduction de trois à deux mois de la durée permettant à un stagiaire d'être rémunéré.

Les dispositions sur le télétravail, enfin, permettront peut-être d'encourager une forme d'organisation du travail qui prenne davantage en compte la limitation des déplacements, le développement de l'emploi dans les zones rurales ou la conciliation de la vie professionnelle et personnelle. Toutefois, les expériences menées par certaines entreprises montrent que le maintien d'un lien physique avec le lieu de travail reste indispensable. Nous sommes donc loin, tant pour des raisons culturelles que pour des raisons plus juridiques, d'une relation de travail totalement dématérialisée. Développer le télétravail, c'est aussi remettre en question le management au sein de l'entreprise, adopter de nouvelles méthodes, ce qui demande du temps.

En ce qui concerne l'allocation équivalent retraite, qu'elle soit rétablie, même temporairement, en raison de la crise, constitue une bonne décision. Nous étions plusieurs députés, au sein de la majorité, à réclamer cette mesure. L'attente des personnes concernées est très forte : il y a quelques jours encore, certaines agences de pôle emploi affirmaient aux demandeurs d'emplois souhaitant faire valoir leurs droits à l'AER, ne pas être au courant de la mesure. Je souhaite donc que cette disposition soit appliquée le plus rapidement possible afin d'apporter une sécurité supplémentaire à des personnes fragilisées sur le plan social. Nous avons, en effet, le plus souvent affaire à des hommes ou des femmes qui sont demandeurs d'emplois de longue durée, et très éloignés de l'emploi de par leur parcours professionnel.

Dans le domaine du retour à l'emploi, la question des seniors est certes spécifique, mais celle des salariés qui entrent aujourd'hui dans le champ de l'AER et qui pourraient ne plus avoir cette solution demain, est encore plus singulière et exige une attention de l'État et du service public de l'emploi encore plus soutenue.

Nous souhaitons donc qu'au-delà de 2009, soient définies et mises en place des solutions d'accompagnement à long terme adaptées si l'on veut éviter de mettre ces personnes dans des situations sociales difficiles.

Compte tenu de l'ensemble de ces remarques, c'est satisfait de l'équilibre entre dispositions simplifiant notre législation du travail, et garanties apportées aux salariés,…

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

…que le groupe du Nouveau Centre votera en faveur de cette proposition de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bernard Gérard, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Monsieur le président, madame et monsieur les secrétaires d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la mise à l'ordre du jour de cette proposition de loi, dont la discussion a été remarquablement orchestrée par notre collègue Jean-Frédéric Poisson (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP),…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

…témoigne de la volonté de la majorité d'agir aux côtés du Gouvernement en faveur du maintien et du retour à l'emploi de nos concitoyens en cette période difficile sur le plan économique.

La majorité, par ce texte, affirme haut et fort que tout doit être mis en oeuvre dans le cadre de la politique de l'emploi pour éviter les licenciements et permettre aux Français de travailler en toute sécurité. À cette fin, le texte que nous vous invitons à voter insiste sur l'utilité de différents dispositifs qui, s'ils sont plus clairs, plus fluides, plus visibles, sont à même de créer de l'emploi ou de le maintenir : c'est le cas des groupements d'employeurs et des opérations de prêt de main-d'oeuvre, des contrats de professionnalisation, du télétravail.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Ce texte, proposé par le groupe UMP, souhaite, par des mesures simples, faciliter la création d'emplois, laquelle ne se décrète pas. On n'a rien inventé de mieux que l'entreprise pour créer des emplois.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

En période de crise, il faut s'adapter par la formation plutôt qu'en utilisant le chômage partiel, recourir à des mesures qui favorisent la préservation des compétences par le partage d'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Vous l'aurez compris, il faut aider les entreprises et les salariés à traverser la crise par des mesures simples, de bon sens grâce auxquelles ces mêmes entreprises seront prêtes au moment de la sortie de la crise. Tel est l'objet de ce texte qui s'adresse tant aux employeurs, dans une logique de fluidité et d'innovation, qu'aux salariés, qu'ils soient employés non-cadres, cadres, apprentis, stagiaires ou encore seniors.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Les salariés vont avoir plus de mal que les patrons à sortir de la crise !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Au cours du débat, le texte a notamment été enrichi par des mesures renforçant le dispositif prévu en faveur de l'emploi : rémunération des stages dès deux mois ou possibilité pour un salarié à temps partiel de passer temporairement à un temps plein par le biais des heures supplémentaires.

Les débats sur ce texte entre majorité, opposition et Gouvernement ont été riches, parfois animés, souvent constructifs et affirment le rôle du Parlement à la suite de la réforme constitutionnelle de juillet 2008 sur des thématiques d'importance comme l'emploi.

Le fait que la majorité ait pris l'initiative de ce texte a également conduit le Gouvernement à se saisir de plusieurs sujets importants tels que la prime pour l'aide aux contrats de professionnalisation, qui vise à soutenir l'emploi des jeunes, premiers touchés par la crise,…

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

…ou le rétablissement de l'allocation équivalent retraite…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Que vous aviez supprimée ! Vous êtes des pompiers-pyromanes !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

…qui permettra aux demandeurs d'emploi les plus âgés de traverser la situation économique difficile actuelle.

Je soulignerai également le rôle important de cette proposition de loi dans la mise en avant de formes innovantes d'organisation du travail comme le télétravail désormais inscrit dans le code du travail. L'engagement a été pris de mener une réflexion sur son optimisation par des mesures appropriées au cours de la discussion de la prochaine loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Certains députés de l'opposition ont avancé des contrevérités auxquelles je souhaite répondre afin d'éclairer nos concitoyens qui suivent attentivement le débat.

Ainsi, quand, sur les bancs de l'opposition, on voit dans ce texte une banalisation du contrat de travail et un détricotage du code du travail,…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

…nous, députés de la majorité, y voyons un outil au service de l'emploi, respectueux du code du travail et des garanties des salariés.

Quand, sur les bancs de l'opposition, on voit dans ce texte la négation de la démocratie sociale, nous y voyons au contraire une volonté légitime du législateur de trancher…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Sur des sujets sociaux d'importance, de mettre fin à une instabilité jurisprudentielle dans le respect des négociations sociales en cours et dans l'attente de leur aboutissement.

Quand, sur les bancs de l'opposition, on continue de se contenter de grands discours incantatoires en guise de réponse aux besoins d'emploi et à la crise économique, la majorité, elle, est à la manoeuvre, sans prétention mais avec conviction, à l'écoute des préoccupations des Français qui, craignant pour leur emploi, attendent des réponses concrètes et rapides, parce qu'aucune piste ne doit être délaissée ; et, parce que l'heure est à la mobilisation, la majorité reste convaincue qu'agir en faveur de l'emploi, c'est agir en faveur de tous nos concitoyens. C'est donc avec détermination que nous voterons en faveur d'un texte de terrain, utile, clair et attendu. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Le scrutin a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Ce texte n'est manifestement pas à la hauteur de l'enjeu. Alors que, chaque mois, on craint que le nombre de demandeurs d'emplois ne continue d'augmenter de 100 000 personnes, vous nous proposez un texte sans saveur. Avec le texte de M. Vidalies, nous vous proposions de supprimer le bouclier fiscal, de supprimer les exonérations de cotisations sociales pour les heures supplémentaires qui coûtent 4 milliards d'euros – en effet, permettant à ceux qui ont déjà un emploi de travailler un peu plus, elles ne créent aucun emploi.

Vous ne nous avez pas entendus, refusant toute relance par la demande, par la consommation. Cette proposition Poisson est sans doute sympathique grâce à la personnalité de ses auteurs, mais elle ne fait que régulariser quelques situations juridiques incertaines pour les entreprises. Elle va fragiliser le salarié.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

En fait, que proposez-vous ? Multiplier à foison les groupements d'employeurs alors qu'il n'y a aujourd'hui ni emploi ni activité. On sait très bien qu'on n'y arrivera pas.

En revanche, on distord le lien entre le salarié et l'entreprise, on réduit la responsabilité financière de l'employeur, on créé des dérogations au statut de la fonction publique dans les collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

En ce qui concerne la mobilité professionnelle que vous préconisez, malgré l'adoption de quelques amendements, on ne pourra que déplorer l'accroissement de l'externalisation des salariés de l'entreprise et craindre à bon droit qu'une entreprise rémunère moins un salarié prêté que ses propres salariés.

Pour ce qui est du télétravail, le texte ne reprend pas, comme nous le souhaitions – nous avions déposé moult amendements sur le sujet – les principales dispositions de l'accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 qui pourtant était satisfaisant.

La discussion nous a éclairés sur vos réelles intentions. Ainsi, M. Lefebvre, plutôt que de se préoccuper de l'extension du télétravail, comme dans d'autres pays européens, voulait simplement contourner les arrêts de travail pour maladie, maternité, accidents du travail voire pour raison de pandémie. (Scandaleux ! sur les bancs du groupe SRC.)

Nous avons également constaté que vous n'aviez même pas consulté au préalable les partenaires sociaux ! C'était la moindre des choses pourtant même sur une proposition de loi. Vous allez les rencontrer bientôt, c'est-à-dire après nous avoir demandé de voter la loi ! Or c'est avant et non après le vote d'un tel texte que l'on consulte les partenaires sociaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Quant à l'allocation équivalent retraite, nous l'avions créée, vous l'avez supprimée pour la rétablir aujourd'hui pour des raisons conjoncturelles. Nous ne pouvons qu'approuver ce rétablissement mais pourquoi l'interrompre le 31 décembre prochain ? Ceux qui ont travaillé pendant quarante ans n'ont-ils pas le droit de bénéficier de cette allocation bien au-delà du 31 décembre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

N'est-il pas scandaleux de limiter ainsi l'application de cette disposition, et alors qu'il ne s'agit que de 1 000 euros ? Dans le dispositif que vous aviez, vous, adopté, cette allocation était de 448 euros. C'était une misère. Là, c'est un tout petit plus qu'une misère, et vous n'allez pas au-delà du 31 décembre 2009.

S'agissant du contrat de professionnalisation, nous avons compris que c'était une commande du Président de la République. Celui-ci n'a d'ailleurs pas suivi votre proposition, chers collègues de la majorité. Ce ne sera pas un crédit d'impôt, mais simplement une prime, parce que le Président en a décidé ainsi.

Les auteurs de ce texte ont peut-être quelques bonnes intentions. En réalité, son impact sur l'emploi sera absolument dérisoire, sans aucune commune mesure avec la gravité de la situation. Plus grave encore, sur le long terme, au-delà de la crise conjoncturelle que nous traversons, cette proposition de loi est de nature à fragiliser le salarié tout en renforçant, par contre, le pouvoir totalement discrétionnaire de l'entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 452

Nombre de suffrages exprimés 451

Majorité absolue 226

Pour l'adoption 305

Contre 146

(La proposition de loi est adoptée.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense (nos 1216, 1615, 1558, 1720, 1552).

Hier soir, notre assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 6.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n°70 .

La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Madame la présidente, monsieur le ministre de la défense, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'article 6 est relatif à l'indemnité de mobilité liée aux restructurations. Or, comme vous le savez, cette indemnité n'est pas soumise à imposition pour les militaires et les ouvriers d'État. Par contre, elle est soumise à l'impôt sur le revenu lorsqu'elle est versée à des fonctionnaires ou à des agents contractuels de la défense.

Non seulement cette inégalité est moralement condamnable, mais elle est aussi probablement contestable sur le plan juridique. Vous allez certainement m'objecter que ces deux catégories de personnel ont des statuts différents. Certes, mais elles sont soumises aux mêmes sujétions et aux mêmes contraintes. J'ai bien peur que le recours qu'un fonctionnaire pourrait faire devant le juge ait de bonnes chances d'aboutir.

Les personnels civils de la défense attendent un signe de votre part. Nous venons d'apprendre que 443 postes d'agents civils sont appelés à disparaître, sur la façade atlantique, d'ici à 2015. Dans le bassin lorientais, trente personnels de Lann-Bihoué devront être reclassés, ainsi que plus de cinquante autres, liés à la DGA. Il nous semble qu'il ne faut surtout pas ajouter une injustice de plus à leurs difficultés.

Et parce que nous sommes des gens sérieux, nous avons prévu que les pertes de recettes pour l'État résultant de la disposition proposée par cet amendement seraient compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Patrick Beaudouin, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Beaudouin

L'article 6 pérennise certaines dispositions pour les ouvriers d'État qui ont été exposés à des risques particuliers d'insalubrité et qui ont, antérieurement, fait l'objet d'une mesure de restructuration ou de réorganisation.

L'indemnisation des personnels civils qui ne sont pas ouvriers d'État relève d'un dispositif commun à l'ensemble de la fonction publique de l'État. L'adoption d'un tel amendement introduirait une différenciation de traitement entre les fonctionnaires et agents contractuels de l'État.

En outre, si les indemnités des personnels civils du ministère de la défense – autres que les ouvriers d'État – incités à partir sont fiscalisées, elles sont cependant calculées sur l'ensemble des rémunérations perçues. Ce n'est pas le cas pour les militaires, la base de calcul de leur indemnité étant constituée par le traitement indiciaire hors primes, soit environ 60 % du montant total des rémunérations. La défiscalisation de leurs indemnités de départ compense donc cet écart et permet d'obtenir une parité entre personnels civils et militaires.

Enfin, le ministère a pu obtenir l'établissement de dispositions complémentaires en cas de restructuration. Ainsi, un décret et un arrêté publiés au Journal officiel instaurent un complément spécifique de restructuration pour les fonctionnaires et agents publics non titulaires bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée.

S'agissant de la question de l'égalité de traitement, la jurisprudence administrative – on pense notamment à l'arrêt du Conseil d'État Denoyez et Chorques de 1974 – est constante et sans ambiguïté : s'il convient bien de réserver le même traitement aux personnes se trouvant dans la même situation, il est tout à fait possible que des personnes se trouvant dans des situations différentes soient soumises à des traitements différents.

Le texte qui nous est proposé respecte parfaitement cet objectif, puisque, par définition, les militaires, les civils et les ouvriers d'État ne sont pas dans des situations identiques.

J'ajoute enfin que, justement, le principe d'égalité – au sens général, cette fois – justifie que les personnels les plus fragilisés reçoivent le traitement le plus favorable, de façon à ne pas aggraver les écarts qui peuvent exister entre les catégories de population.

La commission a donc émis un avis défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Hervé Morin, ministre de la défense, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Je veux dire à Mme Olivier-Coupeau qu'elle se trompe, puisque toutes les indemnités de mobilité sont fiscalisées, que ce soit pour les fonctionnaires, les militaires ou les ouvriers d'État. Cet amendement est donc sans objet.

(L'amendement n° 70 n'est pas adopté.)

(L'article 6 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 93 portant article additionnel avant l'article 7.

La parole est à Mme Patricia Adam.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Adam

Je voudrais que vous précisiez ce que vous venez de dire, monsieur le ministre. Nous n'avons pas compris, et nous aimerions comprendre, tout simplement. Cela a été un peu vite.

Et puisque l'amendement n° 93 que je défends est du même registre, je voudrais comprendre.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

J'ai beaucoup d'indulgence pour expliquer une nouvelle fois au groupe socialiste que les indemnités de mobilité sont fiscalisées pour la totalité du personnel de la défense.

Ce sont les aides au départ et les pécules qui ont un régime différent. Les aides au départ sont soumises au régime de la fonction publique d'État, parce que les fonctionnaires de la défense sont des fonctionnaires de l'État comme tous les autres. Les pécules versés aux militaires, eux, ne font pas l'objet de fiscalisation, comme c'était d'ailleurs le cas dans les dispositifs précédents.

Mais pour les indemnités de mobilité, le régime est le même pour les trois catégories de personnel, ouvriers d'État, fonctionnaires et militaires. Je maintiens donc que l'amendement n° 70 était sans objet.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Et pour ce qui est de l'amendement n° 93 , l'avis du Gouvernement est défavorable ?

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Oui.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 45 .

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Cet amendement tend à supprimer l'article 7. Dans le cadre du nouvel élan que nous voulons donner à la SOFRED, deux dispositifs étaient possibles. Il s'avère que nous ne sommes pas obligés de passer par la loi. Le ministère de l'économie et des finances nous ayant donné des précisions juridiques indiquant que l'opération pouvait se faire par le biais du transfert du capital, il est inutile de procéder comme nous l'avions prévu lors du dépôt du projet de loi.

(L'amendement n° 45 , accepté par la commission, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 110 rectifié .

La parole est à M. Philippe Folliot.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

L'article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit d'ores et déjà que l'État peut, lors de la vente de ses immeubles, faire prendre en charge la dépollution et l'élimination des déchets pyrotechniques du site par l'acquéreur, moyennant réduction du prix de vente. Les installations classées pour la protection de l'environnement sont cependant exclues de ce régime et, sur ces sites, une telle disposition n'est pas applicable. Cet amendement vise à réparer cet oubli.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

L'avis de la commission est plutôt favorable, mais, sur ce dossier précis, qui relève véritablement du pouvoir d'appréciation de M. le ministre, elle attend de pouvoir se nourrir des paroles précieuses qu'il voudra bien prononcer pour nous faire connaître son point de vue. (Sourires.)

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

En dépit de toute l'amitié que j'ai pour M. Folliot, je dois lui opposer qu'une telle modification du code général de la propriété des personnes publiques interfère avec le code de l'environnement, en particulier avec les articles relatifs au principe de pollueur-payeur.

Vous voulez étendre le dispositif que nous avons prévu pour l'immobilier de la défense aux terrains militaires. Les pollutions chimiques et pyrotechniques ne sont pas de même nature, et le Gouvernement a volontairement limité le dispositif à la pollution pyrotechnique, dont le traitement ne relève pas du code de l'environnement. La question ne manque pas d'intérêt, mais je vous propose de la renvoyer à un texte concernant mon collègue ministre de l'environnement et traitant de ces sujets.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

En ma qualité de rapporteur pour avis du budget de la défense, je voulais appeler l'attention sur des terrains qui appartiennent au service des essences des armées, pour lesquels les problématiques de pollution sont relativement lourdes. La solution que je propose aurait permis de prendre en compte cette spécificité.

J'ai bien saisi votre proposition, monsieur le ministre. Je vais donc retirer mon amendement, quitte à en reparler ensemble afin de trouver une solution satisfaisante pour la dépollution de ces terrains, dont certains constituent des emprises foncières très importantes en région Île-de-France.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Je suis tout à fait prêt à ouvrir une discussion sur ce sujet dans un cadre interministériel. La navette parlementaire pourrait nous fournir l'occasion de revoir ce dispositif, qui doit être, en tout état de cause, examiné avec le ministère de l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Viollet

Nous avons longuement évoqué ces questions en commission. Pour être tout à fait clair, monsieur le ministre, il s'agit bien de subordonner la cession à l'exécution par l'acquéreur, sous le contrôle du vendeur, des travaux de dépollution. Cette dépollution vise-t-elle à permettre la réutilisation du site à l'identique ou toute autre utilisation décidée par l'acquéreur ? Dans un cas ou dans l'autre, le niveau de dépollution, donc son coût, n'est pas identique. C'est pourquoi je voudrais vous entendre préciser que la dépollution est bien fonction du projet de l'acquéreur.

Par ailleurs, si en dépit de l'étude préalable, on s'aperçoit en cours de travaux de dépollution qu'ils seront supérieurs à ceux initialement envisagés, que fait-on ? J'en parle en connaissance de cause pour suivre la dépollution d'un site de 220 hectares de la SNPE, et l'affaire n'est pas simple. Y a-t-il une clause de revoyure entre le vendeur et l'acquéreur pour que la dépollution du site soit réellement effectuée, conformément à l'engagement initial du vendeur, devenu celui de l'acquéreur dans votre dispositif ?

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Le président Teissier a largement expliqué le sujet en commission : le coût des travaux est déduit du prix de cession ; ceux-ci sont effectués sous le contrôle de l'État ; le niveau de dépollution est fonction de l'utilisation envisagée. S'il s'agit d'une reconversion totale, il appartient aux services de l'État de fixer le niveau de dépollution, qui ne sera, bien entendu, pas le même pour une installation classée Seveso ou pour un immeuble d'habitation. Si le coût de la dépollution est plus élevé que le prix de cession, la vente ne se fait pas.

Tous, sur tous les bancs de cet hémicycle, êtes les premiers à demander que l'État dépollue des sites pour permettre leur reconversion. Les budgets nécessaires étant colossaux, j'ai obtenu un accord interministériel sur un dispositif permettant de confier la dépollution à l'acquéreur pour que la dépollution des sites soit la plus rapide possible. Bien entendu, tout cela se fait sous le contrôle de l'État.

Si d'aventure la dépollution devenait si coûteuse qu'elle compromettrait l'équilibre économique de l'acquéreur futur, un autre problème se poserait. Ce serait à l'État de reprendre ses responsabilités et de dépolluer le site.

En tout cas, je souhaite que l'on puisse reconvertir ces trop nombreux sites sur le territoire, qui, depuis cinq ans, dix ans, quinze ans, vingt ans, sont laissés en l'état faute de moyens de l'État.

(L'amendement n° 110 rectifié est retiré.)

(L'article 9 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 10.

La parole est àM. Philippe Vitel.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

En 1631, le cardinal de Richelieu créait les premiers arsenaux à Brest et à Toulon. Puis, à Ruelle en 1751, à Nantes en 1771, à Lorient en 1778, à Cherbourg en 1813, d'autres grands chantiers navals voient le jour, qui existent encore aujourd'hui. D'ailleurs, depuis 1926, la DCN est dotée de toutes les implantations dont le groupe, désormais DCNS, dispose aujourd'hui dans l'hexagone.

DCNS aujourd'hui, c'est 13 000 collaborateurs, plus de 2,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 8,3 milliards de commandes fermes, dont 23 % à l'international. L'objectif de l'article 10 de la loi de programmation militaire 2009-2014 consiste à donner à DCNS les moyens de se développer afin de diminuer sa dépendance vis-à-vis du client France, qui représente encore 75 % de son chiffre d'affaires,

Le plan stratégique à dix ans du groupe a identifié trois domaines de développement :

D'abord, dans le coeur de métier naval militaire, l'export, en s'implantant à l'étranger au travers de sociétés locales pour assurer l'accompagnement des programmes gagnés sur place et engranger d'autres commandes. Je me plais à citer l'inauguration de DCNS India, le 25 mars, qui va permettre de fournir à ce pays six sous-marins de type Scorpène.

L'énergie, ensuite, avec le nucléaire civil, en tant que sous-traitant qualifié des grands maîtres d'oeuvre du secteur, EDF et Areva. Là aussi, je me plais à citer le contrat signé avec la société chinoise CNPEC pour la fourniture de quatorze échangeurs de chaleur destinés à équiper deux centrales nucléaires chinoises de nouvelle génération de type EPR. Par ailleurs, DCNS étudie plusieurs projets liés aux énergies marines renouvelables.

Enfin, les services, par la valorisation des compétences du groupe en matière de maintenance d'infrastructures complexes.

Le développement de DCNS dans de nouveaux secteurs d'activité est une nécessité pour assurer la pérennité des emplois sur le long terme. Le succès de ce développement passe par la recherche de partenariats et la création de sociétés communes dans lesquelles les partenaires apportent leur savoir-faire et compétences respectives. Dans certains secteurs en effet – nucléaire civil et services, par exemple –, DCNS n'est pas en mesure de se développer seul, car il n'en a ni la crédibilité ni les capacités suffisantes.

Aujourd'hui, la législation permet à DCNS de créer de telles sociétés s'il en détient la majorité du capital. L'article 10 lui permettra de le faire avec seulement une minorité. Cette disposition est nécessaire lorsqu'un partenaire, aux apports plus importants que ceux de DCNS, souhaite la majorité des parts. De la sorte, l'article 10 fait certes entrer l'entreprise dans le droit commun des sociétés détenues par l'État non privatisables, mais il ne permettra pas de procéder à une privatisation « rampante ». Il faut l'affirmer ici fortement. Le cas échéant, il s'agirait d'un contournement flagrant de cet article, qui n'autorise en aucun cas la privatisation de DCNS.

En outre, le Conseil d'État a établi une jurisprudence qui précise que les activités « essentielles » d'une société détenue par l'État ne pouvaient pas être transférées au secteur privé si cette société n'était pas privatisable. Le cas échéant, une formulation appropriée de la jurisprudence du Conseil d'État pourrait être reprise dans cet article, qui garantit l'unicité de DCNS.

Il convient aussi de protéger le statut des ouvriers d'État, qui représentent aujourd'hui plus de 45 % des salariés. L'article 10 ne le modifie en rien, non plus que les droits qui lui sont rattachés. Ces ouvriers continueront à être gérés par DCNS selon les règles définies par l'État. Ainsi, les ouvriers d'État étant recrutés sur un site donné, tout changement de site de travail ne pourra intervenir que sur la base du volontariat, comme le prévoit leur statut.

Pour autant, il est indispensable que DCNS puisse apporter ses compétences et savoir-faire aux sociétés qui vont être créées. C'est pourquoi l'entreprise doit pouvoir mettre à la disposition de ces sociétés les personnels détenteurs de ces compétences et savoir-faire, qu'ils soient ouvriers d'État ou soumis à un autre statut. Cette mise à disposition doit pouvoir être réalisée aussi bien à la création de ces sociétés qu'au cours de leur existence.

La législation en vigueur permet à DCNS de mettre les ouvriers d'État à la disposition des sociétés dont il détient la majorité du capital. L'article 10 le lui permettra désormais dans les sociétés où DCNS sera minoritaire, sous réserve de détenir au moins 33 % du capital.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

Il en est de même pour les fonctionnaires et militaires détachés, et cela ne pose pas de problème non plus pour les personnels sous convention collective.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

En décembre 2001, le législateur a transformé DCN en société nationale. Des garanties avaient alors été données pour que le Parlement puisse garder le contrôle d'un certain nombre d'informations. Parmi celles-ci, le Gouvernement devait transmettre chaque année un rapport sur les perspectives d'activité et les fonds propres de DCNS aux commissions de la défense et des finances. Cela n'a pas été fait. Déjà, on refusait au Parlement les moyens d'exercer sa mission de contrôle.

Aujourd'hui, on nous demande de faire un nouveau chèque en blanc. On nous explique que la filialisation dont on ferait sauter les verrous serait indispensable à de nouvelles alliances industrielles, donc à l'avenir de l'entreprise. Or rien ne démontre que des accords capitalistiques d'un nouveau type soient essentiels.

En effet, DCNS dispose déjà de filiales où elle est minoritaire, en Inde, à Singapour ou en Italie, par exemple. Ces filiales ont été montées dans le cadre de la loi actuelle – cela a donc été possible –, loi qui a aussi permis à DCNS de racheter Sirena ou de créer avec Veolia une société commune dans laquelle DCNS est minoritaire. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous citer un projet concret à court terme qui ne pourrait aboutir sans faire entrer DCNS dans le régime commun de privatisation ? Pour notre part, nous n'en voyons pas.

Autant nous considérons qu'il peut être utile de créer des filiales par projet, autant nous nous méfions des filialisations qui permettraient à DCNS de céder des branches de son activité à des sociétés extérieures au groupe. Elles pourraient être dangereuses, et nous devons être vigilants sur toutes nos coopérations, notamment dans le cas d'accords avec des industriels qui n'ont pas le savoir-faire et souhaitent l'acquérir à notre détriment.

À ce propos, monsieur le ministre, pourriez-vous nous confirmer que DCNS envisage de faire réaliser une partie des études de FREMM et de Barracuda en Inde, selon les informations qui nous ont été rapportées ?

L'unité de DCNS, nous le répétons, constitue sa force. À la différence de notre collègue Vitel, nous pensons que l'article 10, dont nous demandons la suppression, porte en germe la privatisation de DCNS et le délitement du fleuron de notre industrie navale de défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Je voulais apporter quelques éléments complémentaires aux arguments développés parMme Françoise Olivier-Coupeau sur l'article 10, dont le groupe SRC demande la suppression.

Premièrement, notre collègue a eu raison de développer l'idée que la réforme de DCN avançait à l'aveugle. Hier, l'intervention de Jean-Claude Viollet a montré, monsieur le ministre, combien il était nécessaire que vous précisiez les objectifs de politique industrielle des entreprises dont vous souhaitez que le statut évolue rapidement, qu'il s'agisse de DCNS – c'est l'objet de l'article 10 – mais aussi de la SNPE.

En 2001, l'article 36 portant réforme du statut de DCNS inséré dans la loi de finances rectificative prévoyait deux mesures. D'abord une neutralisation de l'effet de la réforme pour la fiscalité des collectivités territoriales. Depuis, ceux qui administrent des collectivités sur le territoire desquels se trouvent les établissements exceptionnels industriels de DCNS ont constaté que les bases de taxe professionnelle de ces établissements n'ont cessé de se réduire, obérant les finances de ces collectivités locales de façon très préjudiciable à leur équilibre budgétaire.

Ensuite, il était prévu que nous bénéficions d'informations concernant le plan de charges, la politique industrielle, le niveau des effectifs. Jamais le Gouvernement n'a, sous le ministère de Mme Alliot-Marie, rendu le moindre rapport à la représentation nationale, qui aurait pu l'éclairer utilement sur les orientations que le Gouvernement souhaite voir prévaloir en matière de politique industrielle pour les CNS.

Deuxièmement, vous indiquez que l'article 10 est nécessaire pour développer l'activité industrielle de DCNS, en lui permettant de créer des filiales. Vous justifiez la création de celles-ci, d'une part, par la nécessité d'accompagner l'activité à l'exportation de DCNS et, d'autre part, par la nécessité de transférer des compétences de DCNS vers ces filiales, et notamment celles des ouvriers d'État.

Cette argumentation appelle plusieurs remarques.

Première remarque – Mme Olivier-Coupeau l'a expliqué très précisément –, il n'est pas nécessaire de faire adopter cet article pour créer des filiales lorsque c'est nécessaire. Elle vous a cité un exemple de filiale déjà existante. Pourriez-vous donc nous indiquer ce que cet article apporte de plus ou ce qu'il justifie, compte tenu de ce qui existe déjà ?

Deuxième remarque, il faudrait, monsieur le ministre, que nous débattions quand même un jour de la politique industrielle de DCNS, notamment à l'exportation. Non qu'il ne faille pas exporter, mais les conditions dans lesquelles nous exportons parfois ou les conditions dans lesquelles sont engagées des coopérations mériteraient que nous nous interrogions sur l'opportunité de tout cela. Je prends deux exemples.

Jusqu'où irons-nous en matière de coopération en transfert de technologies ? Il faut savoir que la technologie que l'on transfère peut parfois être utilisée par ceux qui en bénéficient pour s'ériger en concurrent de notre propre industrie. Cela a été parfaitement souligné dans plusieurs rapports parlementaires, notamment celui de la mission d'évaluation et de contrôle sur les programmes « Marine ».

Deuxièmement, la coopération est généralement considérée comme justifiant toutes les évolutions de statuts. Je prendrais deux exemples. Le dernier programme de porte-avions qui devait faire l'objet d'une coopération exemplaire entre la France et la Grande-Bretagne nous a coûté 250 millions d'euros de plus que prévu…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

… et le porte-avions n'est construit ni par la Grande-Bretagne, ni par la France.

Deuxièmement, nous avons conclu une coopération qui devait être absolument exemplaire et porteuse d'espoirs pour le développement industriel de DCNS. Elle concernait les sous-marins à l'exportation. Nous l'avons faite, à l'époque, avec Bazan devenu Navantia. C'est une telle réussite que vous êtes obligés de dénoncer les conditions de cette coopération parce que les Espagnols vendent, aux États-Unis, mais sans nous, un sous-marin pour lequel nous avons coopéré, en utilisant notre propre design et notre propre savoir-faire.

Pour terminer, monsieur le ministre, je voudrais insister sur un point. Si vous vous entêtiez, malgré tous les arguments avancés, à maintenir cet article, il faudrait que vous parveniez – ce sera l'objet d'autres amendements – à créer les conditions pour que le cadrage social de ce transfert se fasse de telle sorte que les ouvriers d'État et les salariés de DCNS n'en subissent aucun préjudice.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Adam

Je voudrais apporter quelques éléments en complément des arguments développés par les deux collègues précédents.

J'aborderai deux points qui ne l'ont pas été. M. Cazeneuve a évoqué l'avenir industriel. Nous posons cette question depuis huit ans et nous n'avons jamais obtenu de réponse. Il nous est indiqué parfois que c'est trop secret pour être dévoilé. Cependant, les salariés de cette entreprise ont besoin de se projeter dans l'avenir. Ils croient à leur entreprise et ils ont raison d'y croire, puisqu'à l'intérieur de celles-ci, il y a des savoir-faire et des compétences reconnus par tous au-delà de nos frontières. Il est nécessaire de travailler pour faire demain des projections et donner un sens à cette entreprise pour son avenir et développer pour cela des capacités de recherche et d'innovation. À chaque fois que ces questions sont posées, aucune réponse n'est apportée.

DCNS travaille sur plusieurs sites : Brest, Toulon, qui ont un pôle mer sur lequel la région Bretagne et la région PACA travaillent main dans la main pour développer un certain nombre d'innovations dans le domaine maritime, Lorient aussi. De plus, nous travaillons actuellement sur le Grenelle de la mer. Quelle est la position de l'État sur ces questions ? Beaucoup de projets sont désormais déposés, mais aucune réponse n'est donnée. Cela concerne entre autres l'avenir de DCNS mais pas seulement.

Quelle est la position de la France par rapport à cet avenir au sein de l'Europe et notamment par rapport à la construction de l'Europe de la défense ? Je pense bien sûr – tout le monde l'imagine – aux relations et aux discussions qui doivent s'élaborer avec nos amis allemands. Nous n'avons pas de réponse sur ce point. Je ne suis pas naïve, je comprends bien qu'il y ait des négociations. Mais il est tout de même nécessaire de savoir si l'on veut garder en France une industrie navale digne de ce nom. La France est un grand pays maritime, l'un des plus grands en Europe avec l'Angleterre. Nous devons donc défendre les capacités du naval dans les domaines de la recherche, de l'innovation, de la construction et dans les aspects écologiques qui concernent la mer. DCNS fait partie de ces grands groupes industriels qui doivent prendre part à ces développements. Monsieur le ministre, nous aimerions avoir une vision d'ensemble sur ce point. Je ne vous demande pas d'entrer dans les détails, je peux comprendre qu'il y ait des discussions quelquefois difficiles. Il est néanmoins nécessaire de fixer un objectif pour permettre aux salariés de ces entreprises, où qu'ils soient, de se projeter dans l'avenir et de faire confiance à leurs dirigeants. Nous attendons vos réponses.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 6 et 71 , tendant à supprimer l'article 10.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour défendre l'amendement n° 6 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

DCNS est une société anonyme au coeur de notre industrie de défense nationale. Or l'article 10 veut faire entrer DCNS dans le droit commun des privatisations, ce qui serait le prélude d'une liquidation programmée, et permettrait l'éclatement de l'entreprise en filiales détenues minoritairement par l'État, avec la possibilité d'y détacher les personnels ouvriers de l'État et fonctionnaires mis à disposition.

Aucun des arguments avancés ne tient pour justifier un tel projet. Personne ne comprendrait que l'on dénationalise à ce point des actifs aussi stratégiques, surtout au moment où le Président de la République proclame son attachement à la dissuasion nucléaire et à l'indépendance nationale.

La dimension hautement stratégique de DCNS justifie pleinement le maintien des dispositions dérogatoires au droit commun des sociétés. Les dispositions dérogatoires introduites par la loi du 30 décembre 2004 doivent par conséquent être maintenues pour le bon développement de cette société.

Premièrement, la « dépendance à l'égard du marché domestique » n'a strictement rien à voir avec la question du statut de cette société.

Deuxièmement, des partenariats stratégiques entre sociétés différentes peuvent tout à fait être noués sans que leurs capitaux convergent. Il existe énormément de partenariats et de coopérations industriels qui prennent la forme de conventions et, que je sache, les expériences en question ne sont pas toutes des échecs.

Enfin, les déboires de l'affaire EADS militent pour la plus grande précaution. Les coûts d'une Europe faite pour nous absorber peuvent s'avérer bien supérieurs aux bénéfices escomptés. Il faudrait donc bien réfléchir avant de liquider DCNS, comme le permet l'article 10.

Les fédérations syndicales FO, CFDT, CGT, UNSA, CGC et CFTC ne s'y sont pas trompées. Elles dénoncent toutes le désengagement de l'État sur ses missions régaliennes. Toutes réclament l'abrogation de cet article de la LPM. Chacun doit prendre ses responsabilités.

Je demande par conséquent la suppression de l'article 10.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est àM. Jean-Claude Viollet, pour défendre l'amendement n° 71 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Viollet

Madame la présidente, mes collègues sont déjà largement intervenus sur l'article 10, que nous proposons de supprimer.

L'état actuel de la législation permet à l'entreprise d'assumer son développement. Si tel n'était pas le cas, quels exemples concrets et précis démontrent à la fois la nécessité et l'urgence de procéder ainsi à la modification des règles en vigueur jusqu'à ce jour ?

DCNS – j'ai eu l'occasion de le dire lors de l'audition de son président Patrick Boissier et lorsque nous avons rencontré les organisations syndicales dans le cadre de la commission – est un ensemblier intégrateur travaillant sur des ensembles complexes. Cela signifie qu'il s'agit d'un architecte naval, un constructeur, un gestionnaire de maintenance. C'est aujourd'hui un prestataire de services avec un certain nombre d'activités essentielles, qui reposent sur des métiers, des compétences, des savoir-faire particuliers, comme l'a reconnu le président de DCNS. On peut dès lors penser que la nouvelle organisation que vous proposez pourrait conduire à des transferts de blocs de compétences et de savoir-faire d'un certain nombre d'activités qui pourraient être essentielles. La difficulté réside dans le fait qu'une activité essentielle aujourd'hui ne l'est pas forcément demain et qu'une activité non essentielle aujourd'hui peut demain le devenir.

La représentation nationale sera laissée pour compte, puisque dépossédée de sa capacité à suivre l'évolution de DNCS. Nous sommes d'autant plus inquiets que la représentation nationale a d'ores et déjà été privée de ses possibilités de contrôle, puisque les rapports prévus par la loi ne lui jamais été transmis. Vous pouvez comprendre nos inquiétudes. Je ne suis pas un adversaire de l'évolution, je l'ai déjà dit et je pense l'avoir montré. Je pense simplement utile de manifester notre inquiétude, évidemment pour les personnels, mais aussi pour l'entreprise elle-même, pour la place particulière qu'elle occupe dans l'industrie navale de défense en Europe et dans le monde. Il nous faut préserver ce joyau. Nous devons favoriser son développement, y compris grâce aux alliances nécessaires.

Nous vous demandons de bien vouloir apaiser nos inquiétudes en répondant à nos questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 6 et 71 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Notre collègue Philippe Vitel a pu développer – grâce à votre bienveillance, madame la présidente, puisqu'il a un peu dépassé son temps de parole – une argumentation extrêmement précise. Il a ainsi pu faire le tour des choses et poser la problématique.

Lors des réunions de commission, nous avons évoqué cette problématique. Lorsque nous avons entendu l'ancien, puis le nouveau PDG de DCNS, toutes ces questions leur ont été posées à juste titre.

d'autant plus que c'est votre groupe qui, en 2001, fut à l'origine de l'évolution de DCNS – DCN à l'époque. Nous ne pouvons que saluer cette initiative et vous rendre hommage sur ce point. Les salariés, du reste, ne s'y sont pas trompés : ils sont reconnaissants parce que vous avez su éviter à l'entreprise de sombrer dans l'immobilisme ; immobilisme qui a été la cause du désastre que Giat a connu.

Vous avez fait état de l'excellente situation de DCNS : or si tel est le cas aujourd'hui, c'est parce que l'on a su faire évoluer cette entreprise au moment où il le fallait. Maintenant, il faut accompagner cette évolution avec prudence, en se posant les vraies questions – vous l'avez dit. Chaque fois que l'on fait un pas en avant, il faut savoir si c'est légitime. Les PDG de DCNS qui se sont succédé ont fait valoir que dans un certain nombre de domaines, il était important de nouer des partenariats pour permettre une évolution au plan européen. Vous nous avez fait part de vos inquiétudes à cet égard car vous craignez que de tels partenariats risquent de dépouiller DCNS de ses savoir-faire et de toucher le coeur même de son activité. Nous avons répété à plusieurs reprises – et M. le ministre ne manquera pas de vous rassurer à nouveau – que rien de ce qui touche au coeur du métier, au coeur des activités de l'entreprise – le Conseil d'État l'a rappelé – ne sera concerné par cet article.

En 2001, vous avez su prendre des initiatives au moment où il le fallait. Il ne faudrait pas aujourd'hui que vous vous recroquevilliez, mais, au contraire, que vous poursuiviez dans cette voie d'autant que vous n'avez rien à craindre. De quoi s'agit-il ? De filiales dans lesquelles DCNS sera minoritaire. Or vous savez bien qu'il est des domaines où il faut accepter que dans certains partenariats, des pays qui veulent monter des joint-ventures…

M. Yves Fromion.

Erreur ! Signe, rapporteur. non défini., rapporteur. Non, car certains pays veulent être majoritaires. Or pour le moment, c'est impossible avec le dispositif actuel, nous vous l'avons répété à plusieurs reprises. C'est donc pour faciliter la mise en oeuvre de tels arrangements, indispensables, au demeurant, que nous avons prévu de faire évoluer le statut de l'entreprise.

En proposant de supprimer l'article 10, vous allez à l'encontre du mouvement que vous aviez, vous-mêmes, amorcé et vous défendez aujourd'hui une vision rétrograde de l'entreprise, ce qui n'est pas positif.

M. Candelier a indiqué que les syndicats étaient inquiets. Permettez-moi de vous rappeler que nous les avons reçus et que nous leur avons apporté toutes les assurances nécessaires ; la direction de DCNS, quant à elle, a une attitude positive et le dialogue a été des plus ouverts.

En commission, nous avons émis un avis défavorable à ces deux amendements de suppression de l'article 10 ; je ne peux que le confirmer et vous inviter à rester constants dans l'appréciation de cette question.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Je partage évidemment les arguments d'Yves Fromion, qui fut mon maître ! (Sourires.) Et je ne peux que vous rappeler que c'est vous qui êtes à l'origine de ce mouvement et, Dieu sait que vous avez eu raison !

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Permettez-moi de rendre hommage à Alain Richard qui, à l'époque, contre une partie de votre majorité, a décidé d'engager l'évolution du statut de DCNS qui permet à cette entreprise d'être aujourd'hui un fleuron industriel. À chaque fois que je m'y suis rendu, j'ai été heureux de rencontrer des hommes et des femmes, fiers de ce qu'ils accomplissent et faisant preuve d'un professionnalisme et de compétences exceptionnels. Je souhaite que cette entreprise demeure l'un des grands fleurons industriels de l'État. Aussi, nous accuser de vouloir privatiser DCNS n'est en rien justifié. Vous devriez, au contraire, approuver l'évolution que nous préconisons car elle ne fait que poursuivre celle que vous aviez engagée d'autant que, madame Adam, monsieur Viollet, vous appelez à l'Europe de la défense et à la construction d'une Europe industrielle de la défense, comme tout comme M. Garrigue, du reste !

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

C'est pourquoi nous devons donner à DCNS la souplesse nécessaire afin qu'elle soit en mesure de conclure des accords minoritaires. L'un d'entre vous a fait remarquer que tel était déjà le cas. À cela, je réponds que les règles actuelles ne permettent les transferts d'actifs que si le chiffre d'affaires est inférieur à 375 millions d'euros et si les effectifs sont inférieurs à 250 personnes.

Par exemple, pour avancer, comme nous le souhaitons, dans la création d'une entreprise semblable à MBDA pour les torpilles, avec Finmeccanica, faire évoluer le statut est une étape indispensable. À mesure que l'industrie européenne de la défense, dont DCNS sera le pivot, progresse, nous avons besoin d'un dispositif d'une grande souplesse, lors de la constitution des sociétés ou lorsqu'elles existent déjà – et c'est l'amendement n° 11 du Gouvernement – il nous faut compléter ces transferts.

Je veux – et c'est du reste le mandat de M. Boissier – que DCNS soit le pivot de la construction de l'industrie européenne navale de défense. DCNS affiche un chiffre d'affaires de 2,35 milliards d'euros et son carnet de commandes s'établit à 9,2 milliards d'euros. Des entreprises qui peuvent revendiquer quatre ans de commandes, je n'en connais pas beaucoup !

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Je ne doute pas un instant que vous voterez la loi de programmation militaire car vous aurez à coeur de conforter le carnet de commande de DCNS avec onze FREMM – 7,6 milliards d'euros ; six Barracuda – 8,5 milliards d'euros ; la poursuite du programme de dissuasion.

DCNS, fleuron industriel exceptionnel, doit pouvoir devenir le pivot industriel de la recomposition du paysage européen et le leader européen en matière d'industrie navale : nous nous y employons par le biais des évolutions que nous vous proposons d'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

J'ai bien noté, monsieur le ministre, que vous aviez donné un avis négatif aux deux amendements de suppression et que vous venez, par anticipation, de présenter votre amendement n° 11 .

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Adam

Je me réjouis, monsieur le ministre, que vous souhaitiez que DCNS soit le pivot dans l'Europe de la défense dans le domaine naval, car ce n'est pas ce que nous avions entendu jusqu'à présent et ce n'est pas faute d'avoir posé la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Adam

Si tel est le cas, il est évident que nous vous suivrons dans cette voie, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Adam

Mais nous souhaitons avoir des assurances, tout comme les salariés. Changer d'employeur pour rejoindre des filiales représente un risque pour eux. Quelles garanties auront-ils lorsqu'ils retourneront dans leur entreprise d'origine ? Nous aborderons cet aspect du problème dans les amendements que nous serons amenés à défendre au cours du débat.

DCNS est un bel enjeu, c'est indéniable, monsieur le ministre, mais nous souhaitons obtenir des réponses et des éclaircissements sur ce que vous entendez par « le coeur du métier ». M. Fromion a assuré qu'on n'y toucherait pas, mais je lui rappellerai ce qui s'est passé à Brest qui a assuré la construction de deux BPC, mais à qui on a enlevé la construction du troisième qui a été confiée à Saint-Nazaire : pas de « boulot » pour Brest ! Alors si cela, ce n'est pas le coeur de métier de DCNS, expliquez-moi !

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Adam

Cela a tout à voir !

Le message qui a été envoyé aux salariés de cette entreprise est clair et revient à leur dire qu'ils ont bien travaillé pour les deux premiers BPC, mais que, pour autant, ils ne construiront pas le troisième !

Certes, le coeur de métier évolue, car le secteur naval et la mer évoluent et représentent un grand projet pour la France et l'Europe.

On parle toujours de DCNS comme s'il s'agissait d'une entreprise française européenne. Mais où est-elle basée ? N'oubliez pas les bassins industriels : Brest, Toulon, Lorient, Cherbourg, Ruelle. Quel est l'avenir de ces sites ? Pour l'instant, nous n'avons pas de réponse et c'est pourquoi nous vous interpellons. Les salariés également s'interrogent ; ils constatent que l'on touche à leur statut et à l'organisation des filiales, mais ils n'ont aucune vision de l'avenir. Vous avez, en partie, répondu, ce dont je vous remercie, mais vous devez apporter des réponses pour ce qui concerne les sites.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

J'ai bien entendu l'argumentation du rapporteur, Yves Fromion, et celle de M. le ministre. Si j'en comprends l'efficacité rhétorique, je veux en dénoncer le fondement absolument pernicieux.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Vous avez eu recours aux mêmes arguments, monsieur le ministre. Je ne peux donc dire que votre argumentation fut amicale ! (Sourires.)

Vous nous avez dit que nous avons été dans le mouvement, la modernité en modifiant le statut de DCNS en 2001, mais vous avez ajouté que soit parce que nous sommes dans l'opposition ou que nous serions devenus phobiques ou psychorigides face aux évolutions du monde, nous renoncerions à suivre le bon chemin.

Permettez-moi de corriger cette interprétation afin que les lecteurs de nos débats comprennent qu'il n'en est pas ainsi. Nous avons voté l'article 36 de la loi de finances rectificative pour 2002 parce que DCNS était une administration centrale de l'État, relevant de votre ministère.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

DCNS ne bénéficiait d'aucune souplesse pour faire de l'industrie. Nous souhaitions faire figurer dans la loi la volonté de ne jamais la voir évoluer vers la privatisation et vers la remise en cause de son unicité d'ensemblier intégrateur, comme le disait Jean-Claude Viollet. Nous avions voulu protéger DCNS de ce que vous voulez faire aujourd'hui avec l'article 10.

Je veux donc souligner la dimension pernicieuse de votre interprétation. Nous avons permis la souplesse, mais sans aller vers la privatisation et les prises de participation capitalistique.

Quelle est, monsieur le ministre, votre politique industrielle pour DCNS ? Nous n'avons aucune raison de mettre en cause la sincérité de votre propos ni de douter que vous ayez une vision d'une politique industrielle. Vous affirmez vouloir faire de DCNS le pivot de la restructuration de la construction navale en Europe. Soit, mais dans ces conditions dites-nous ce que vous allez faire avec TKMS car, pour ma part, j'entends dire, au sein de DCNS, que l'on initierait des coopérations en vue de faire un design commun afin d'exporter des sous-marins ensemble, mais que l'on pourrait aller au-delà pour la construction de sous-marins relevant de nos prérogatives souveraines. On vient de divorcer de façon « conflagrationnelle » avec Navantia. Qu'allez-vous faire avec les Espagnols ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Qu'allez-vous faire avec les Italiens pour la flotte de surface ? Quelle garantie avons-nous que la construction de l'Europe de la défense et de la construction navale telles que vous le proposez, ne se fera pas par des prises de participation capitalistiques sans vision de politique industrielle ? C'est sur ces questions que nous voulons des réponses. Car c'est de la réponse à ces questions que dépendent le développement de nos savoir-faire, le renforcement de nos coeurs de métier et le maintien !

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

L'un d'entre vous a évoqué l'intervention d'un bureau d'études chinois ou indien : de grâce, évitez de dire des choses inexactes !

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Par ailleurs, s'agissant de STX, fallait-il que l'État reste inerte alors que l'entreprise subit un effondrement de ses commandes et que ses 5 000 ouvriers s'interrogent sur ce qui va advenir d'eux dans les six mois qui viennent ? DCNS, rappelons-le, a pour sa part enregistré des commandes d'une valeur 9,5 milliards d'euros. Nous avons donc fait le choix d'avancer la date de la commande d'un troisième bâtiment de projection et de commandement afin d'assurer à STX 30 % des commandes nécessaires pour le maintien de l'emploi à Saint-Nazaire.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

J'estime qu'il faut prêter la même attention à ses salariés qu'à ceux de DCNS : les ouvriers du secteur privé méritent le même respect que ceux de l'État. Du reste, je suis certain que les syndicats de DCNS sont solidaires de leurs camarades de STX, entreprise qui a déjà construit des bâtiments pour la marine française sans soulever des protestations aussi vives qu'aujourd'hui.

L'État, à travers le plan de relance, se devait de sauver ce fleuron industriel de notre pays. C'est pourquoi nous avons tout mis en oeuvre pour maintenir cette entreprise, sans pour autant affaiblir DCNS, qui a un carnet de commandes bien garni. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(Les amendements identiques nos 6 et 71 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 73 .

La parole est à Mme Patricia Adam.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Adam

Cet amendement vise à accorder certaines garanties aux salariés de DCNS employés dans le cadre d'un contrat de travail de droit privé. Il s'agit pour nous de leur assurer la possibilité d'exercer trois droits.

Le premier est le droit de refuser la substitution automatique d'employeur. En effet, en l'état actuel du texte, ils pourraient voir leur contrat de travail modifié de façon substantielle puisqu'ils sont susceptibles de changer d'employeur et de devenir salariés de l'une des hypothétiques filiales à venir à leur corps défendant.

Le deuxième est la possibilité de revenir au sein de DCNS dans les deux années qui suivent la substitution d'employeur, garantie minimale, de simple bon sens, qui est mise en oeuvre dans de nombreuses entreprises.

Le troisième est l'assurance que le retour au sein de DCNS ne se fasse pas dans des conditions défavorables au salarié qui aurait accepté de travailler un temps dans l'une des filiales.

Ces garanties auraient l'immense avantage de démontrer aux salariés que la stratégie industrielle suivie par l'entreprise ne va pas à l'encontre de leurs intérêts.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Tout à l'heure, l'un de vous a souligné que la possibilité pour DCNS de créer des filiales minoritaires était de nature à remettre en cause le statut des personnels. C'est un faux procès : au cours des auditions, les syndicats eux-mêmes ne sont pas allés jusque-là. De surcroît, la direction du groupe a apporté toutes les assurances nécessaires en répondant aux questions légitimes qui se posaient à cet égard – je comprends que les personnels et vous-mêmes vous inquiétiez de cette future gestion.

Disons clairement qu'il n'est en rien question de modifier le statut des personnels.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

La représentation nationale est attentive à ce problème qui nous concerne tous, que ce soit à Toulon ou la façade atlantique.

Quant à votre amendement relatif au droit d'option des personnels transférés lors de la constitution d'une filiale et au droit au retour, il a fait l'objet d'un avis défavorable en commission pour les raisons suivantes.

Son premier alinéa offre aux ouvriers de l'État la possibilité de décider de l'identité de leur employeur en cas de mise à disposition, autrement dit, même en travaillant dans une filiale, ils pourraient continuer de relever directement de DCNS. Cette solution est totalement inenvisageable dans un groupe moderne adapté au monde de l'entreprise où une filiale doit gérer ses personnels en toute autonomie.

Les deux autres alinéas visent à créer un droit au retour. On pourrait accepter un tel principe, mais certes pas le mécanisme proposé car il impose à DCNS de réintégrer l'ouvrier qui souhaiterait ne plus travailler dans une filiale dans un emploi de qualification équivalente. Or quand une entreprise de sous-traitance est créée, c'est l'une des activités du groupe qui lui est transférée. Le retour dans un emploi de qualification équivalente impliquerait donc de ramener l'activité même au sein du groupe, ce qui ne répondrait à aucune logique industrielle.

J'ajoute que le décret de 2002 portant application de l'article 78 de la loi de 2001 est en cours de modification afin de prévoir des conditions de retour plus précises, dans le sens indiqué par M. Boissier, PDG de DCNS, lors de son audition devant la commission.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

J'ajoute simplement que les ouvriers de l'État travaillant dans une filiale auront toujours la possibilité de faire une demande de mutation pour retourner dans la société mère lorsqu'un poste se libérera.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Monsieur le rapporteur, j'aimerais avoir un éclaircissement. À Lorient, douze personnes ont été mises à disposition de DCNS par la société STX et seront bientôt rejointes par vingt-huit autres salariés. Si des transferts sont possibles dans ce sens, pourquoi ne le seraient-ils pas de DCNS vers l'une de ses filiales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Voilà qui montre l'importance d'appliquer un même statut à tous afin d'éviter des situations erratiques. Cela ne me semble pas aller à l'encontre des arguments que j'ai avancés.

(L'amendement n° 73 n'est pas adopté.)

(L'article 10, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n°74 .

La parole est à M. Gilbert Le Bris.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Le Bris

Cet amendement vise à permettre aux personnels de l'État mis à la disposition de DCNS ou de ses filiales de bénéficier de l'intéressement comme les autres personnels du groupe, en tenant compte de la nouvelle architecture du code du travail.

Alors que la direction de DCNS et le Gouvernement plaident en faveur d'une plus grande flexibilité des personnels de l'État, il serait paradoxal que ceux-ci ne puissent bénéficier de la participation.

Nous proposons là une simple mesure de justice sociale et d'équité.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Mon cher collègue, vous n'allez tout de même pas nous demander de faire jouer ici la force injuste de la loi, qui vous rappelle sans doute quelque chose.

Votre amendement, s'il était adopté, créerait une situation inéquitable au sein des personnels de DCNS. Comme vous le savez, les ouvriers de l'État ont un statut très particulier qui apparaît à certains égards très favorable et nettement plus avantageux que celui des autres ouvriers. Leur rémunération est supérieure en moyenne et augmente chaque année de l'ordre de 4 % contre 2 % à 3 % pour les salariés ne bénéficiant pas du même statut – en masse salariale, cela va de soi –. En outre, ils sont soumis à des règles plus favorables en ce qui concerne la date de départ à la retraite ou le montant de la pension, laquelle est calculée à partir des six derniers mois d'activité alors que, pour les autres salariés, ce sont les vingt-cinq meilleures années qui sont retenues, situation dont on peut penser, sans porter de jugement, qu'elle n'est pas forcément tout à fait équitable.

Cette différence de rémunération justifie donc que seuls les salariés bénéficient de la participation. Il s'agit d'établir un rééquilibrage entre des situations qui pourraient apparaître excessivement disparates.

De surcroît, les ouvriers de l'État sont protégés statutairement du risque de licenciement, auquel les autres salariés sont malheureusement exposés.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable à cet amendement dont vous ne semblez pas vous-même convaincu qu'il est pertinent.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Avis défavorable également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Vous entendez engager DCNS dans la voie de la réforme et, dans le même temps, vous vous privez d'un moyen de motiver ceux que vous devez convaincre du bien-fondé de cette évolution.

Vous considérez que les ouvriers de l'État bénéficient d'avantages exorbitants du droit commun mais vous oubliez de dire que ces derniers ont été davantage exposés à l'amiante, davantage victimes de maladies professionnelles, davantage atteints de mesothéliome. Au terme d'une longue carrière à DCNS, certains sont victimes de pathologies extrêmement graves. Plusieurs d'entre nous ont d'ailleurs interpellé de manière renouvelée le ministre de la santé sur la nécessité de mieux prendre en charge les affections liées à l'amiante dont souffrent ces salariés.

Ces conditions de travail, en particulier le risque qu'ils encourent de développer certaines pathologies professionnelles, justifieraient que vous leur donniez des éléments de motivation afin de leur montrer que, pour vous, la réforme n'est pas synonyme de régression.

(L'amendement n° 74 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour intervenir sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

L'article 11 prévoit la privatisation de la société nationale des poudres et explosifs – la SNPE – et de ses filiales.

La privatisation est souvent un événement positif dans la vie d'une entreprise, lorsqu'elle ouvre des perspectives de développement ou d'alliances. Dans le cas présent, pourtant, elle présente deux anomalies sérieuses.

De deux choses l'une, tout d'abord : soit une privatisation concerne l'ensemble d'un groupe, soit elle n'est que partielle – par le biais de prises de participation extérieures dans une entreprise publique. Or, en l'occurrence, cette privatisation s'apparente davantage à un véritable démantèlement du groupe SNPE. En effet, l'une de ses entités, la SME, sera rattachée au groupe Safran – conformément à l'ancien projet Héraclès, qui a suscité d'importantes controverses, non sans raison. Quant aux activités de munitions d'Eurenco à Bergerac et à Sorgues, on ignore encore quelles en sont les perspectives ; Nexter est envisagé, mais rien n'est encore clair. Enfin, dans le secteur chimique – je pense à Bergerac NC, à Isochem et à plusieurs filiales –, on ne sait pas du tout où l'on va.

Là est la seconde anomalie : j'entendais M. le ministre souligner les perspectives de développement pour les différents établissements de la DCNS. S'agissant de filiales et d'unités de la SNPE, vous êtes dans l'incapacité de nous dire quelles en sont les perspectives ! J'ai évoqué Eurenco, qui suscite peu d'inquiétudes car la DGA et l'état-major de l'armée de terre considèrent aujourd'hui – mais cela n'a pas toujours été le cas – que l'activité de munitions a un caractère stratégique, et qu'un éventuel regroupement dans le cadre européen lui ouvrirait des perspectives. Pour ce qui est de l'activité chimique, en revanche, vous n'êtes pas en mesure de nous donner la moindre information sur les perspectives de développement ou les projets industriels dont pourraient faire l'objet les établissements et filiales concernés. Une succession de versions bien différentes nous a même été donnée, de la reprise de l'ensemble par le groupe Safran à la reprise de certaines de ses filiales par l'Agence des participations de l'État, qui est désormais partie prenante dans le Fonds spécial d'investissement, ou encore au maintien de ces filiales au sein du groupe SNPE. Mais dans ce cas, avec quelles perspectives d'alliances et de développement ? À ce jour, nous n'avons pas eu la moindre information sur ce sujet.

Dès lors, engager une privatisation dans ces conditions est très aléatoire et ne va pas dans le sens du développement de l'entreprise. C'est pourquoi, à moins que vous ne complétiez mon information, monsieur le ministre, je suis, pour ma part, tout à fait opposé à l'adoption de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de 3 amendements de suppression, nos 7, 13 et 75.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour défendre l'amendement n° 7 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

L'État est actionnaire à hauteur de 99,9 % de la SNPE. L'article 11 vise, tout d'abord, à permettre le transfert au secteur privé de la société SNPE, de ses actifs et de sa filiale SME, qui produit des matériaux énergétiques nécessaires à la fabrication des propergols, utilisés comme carburant pour les moteurs à propulsion solide des missiles balistiques de la force stratégique nucléaire comme pour ceux des lanceurs spatiaux civils du programme Ariane 5. Les actifs de la SNPE et de la SME nécessaires à la recherche dans le domaine des poudres, explosifs et propergols à usage civil ou militaire sont également inclus dans ce périmètre. La fabrication du propergol serait assurée par une entreprise privée – le groupe aéronautique Safran. Sous couvert de créer un pôle français dans le secteur de la propulsion nucléaire et spatiale, on s'apprête donc à céder la propulsion de missiles et la dissuasion nucléaire à un groupe coté en bourse, dont l'un des actionnaires est le groupe américain General Electric. C'est inquiétant.

Comme pour DCNS, aucun des arguments avancés pour justifier le démantèlement de la SNPE ne tient debout. La prétendue « dépendance à l'égard du marché domestique » n'a strictement rien à voir avec la question du statut de cette société. Nous estimons que la protection des intérêts nationaux impose le maintien de son statut actuel, ainsi que le regroupement, au sein d'un pôle public à 100 %, de toutes les industries nationales de défense. Des conventions et des partenariats industriels pourraient être noués dans ce cadre public et régalien.

À l'inverse, si l'on cède davantage nos entreprises de défense au secteur privé, n'oublions pas que celui-ci ne vise que le seul profit, quelles qu'en soient les conséquences. Or, en matière d'armements, les conséquences sont connues : c'est la guerre, ni plus ni moins. Ne jouons pas avec le feu : je demande la suppression de l'article 11.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour soutenir l'amendement n° 13 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Je souhaiterais que M. le ministre réponde à mes questions. Le fait que nous n'ayons pas ici affaire à une véritable privatisation, mais bien plutôt à une opération de démantèlement, justifie le rejet de l'article 11. En outre, aucun projet n'est proposé. L'opération envisagée n'est pas destinée à assurer le développement des unités de la SNPE ; au fond, c'est une opération de défaisance !

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Ah !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Claude Viollet, pour défendre l'amendement n° 75 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Viollet

M. le ministre rappelait tout à l'heure le bon geste que nous avions fait en 2001 pour DCNS, et nous appelait à ne pas le regretter, mais plutôt à le poursuivre. Certes, en 2001, nous avons fait un geste et émis un vote pour permettre à DCNS de sortir du carcan étatique et de devenir une société industrielle – ce qu'elle est devenue. Je vous ferai une confidence : des organisations syndicales de DCNS à Ruelle me disaient il y a peu que je devais regretter ce choix ; je leur ai répondu que je ne le regrettais pas, car il a permis le développement ultérieur.

À titre personnel, néanmoins, je préfère voir avant de payer, plutôt que le contraire. C'est ce qui m'a guidé en 2004, et qui me guide encore aujourd'hui, pour DCNS comme pour la SNPE. Je ne suis pas opposé à de nouvelles évolutions – je l'ai dit lors de la discussion générale et je le répète ; que l'on ne me fasse donc pas ce procès ici. Je ne suis pas hostile aux évolutions mais, avec ma modeste intelligence, je voudrais comprendre. Or, je vous le dis : je ne comprends pas. De deux choses l'une : soit je ne suis pas assez intelligent, soit je ne dispose pas des éléments nécessaires.

J'ai évoqué DCNS : des évolutions sont possibles, à condition d'identifier un objectif et une méthode pour préserver la spécificité de l'entreprise, c'est-à-dire l'ensemblier intégrateur travaillant sur des systèmes complexes, et pour en faire – vous l'avez dit – le leader de la construction de défense navale européenne, qui prendra toute sa place au niveau mondial.

La SNPE a des activités tout aussi stratégiques, comme viennent de le rappeler MM. Garrigue et Candelier. De quoi s'agit-il ? Je rappelle que SME traite des propergols, des carburants pour moteurs à propulsion solide utilisés dans nos missiles balistiques, le M-51 ; sont aussi concernés les lanceurs spatiaux civils Ariane 5 – tout aussi stratégiques, je le répète.

De même, j'ai, à de nombreuses reprises, rappelé ici comme en commission l'intérêt stratégique de l'activité de munitions. Dans le cadre de la mission d'information qui nous a été confiée sur le projet GIAT 2006, nous ne nous occupions que du volet social – mais nous devions forcément nous intéresser aussi à l'industriel, qui sous-tend les questions sociales. Le munitionnaire, Eurenco, était essentiel, et il fallait s'en préoccuper.

Il faut aussi évoquer le secteur chimique, avec Bergerac NC, Isochem et le centre du Bouchet. On nous parle de Safran pour le système de matériaux énergétiques. Je l'ai dit hier, et je le répète : il s'agit certainement d'un rapprochement intéressant. Encore faut-il en connaître les contours précis, et le projet à moyen et à long terme !

S'agissant d'Eurenco, nous n'avons pas de réponse. Les plus belles armes du monde resteront inutiles si l'on ne dispose pas des munitions nécessaires pour les charger. La sécurité de l'approvisionnement en munitions de notre pays m'inquiète. Faut-il vous rappeler ce qui est arrivé à nos amis anglais pendant la première guerre du Golfe ?

Ces questions sont sérieuses et stratégiques. Je répète que je ne suis pas opposé à une évolution, mais les mêmes questions demeurent : où va-t-on, et avec qui ? Quels sont les délais, les objectifs et les contours du projet ? Je sais que l'on n'écrit pas l'histoire par avance, mais préciser vos intentions, vos objectifs et vos engagements est une exigence politique. Que les choses soient claires ! La représentation nationale a le droit de savoir.

Enfin, s'agissant des salariés de ces entreprises, je l'ai déjà dit : la réforme ne peut pas être subie, ni même consentie ; elle doit être partagée. Cela signifie qu'il faut se donner le temps de la discussion, car ce sont les salariés qui feront la réussite des évolutions engagées. C'est vrai pour DCNS, mais aussi pour la SNPE. Nous devons disposer du temps de la maturation de ces projets, non seulement pour les salariés de la SNPE, mais aussi pour ceux des entreprises – je pense à Safran, à Nexter ou à d'autres encore – qui ont besoin de savoir où nous voulons aller ensemble.

(M. Marc Laffineur remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Nous avons eu ce débat en commission. Comme vous tous ici, je suis très sensible à la difficulté de ces questions et, en tant qu'élu d'une circonscription où certaines entreprises souffrent, je comprends l'engagement de M. Garrigue, directement concerné par une partie du dossier.

Ne nous trompons ni de combat ni d'objectif : nous savons aujourd'hui – même si je suis sensible aux propos des orateurs qui viennent d'intervenir – que le groupe SNPE n'est pas viable, ni au plan économique, ni au plan industriel. Dès lors, quelles options s'offrent à nous ? Devons-nous laisser dépérir cette entreprise en observant les déficits qui s'accumulent, comme nous l'avons fait pour GIAT Industries – un groupe pour lequel nous avons beaucoup trop tardé à prendre des mesures courageuses, plaisanterie qui a tout de même coûté quatre milliards d'euros à l'État ? Non : on ne peut continuer aujourd'hui à attendre que les temps soient meilleurs pour agir. Certes, la situation actuelle n'est peut-être pas la plus propice à une opération, compte tenu du contexte économique général. Cela ne justifie pas pour autant l'inaction ! Au contraire : nous sommes obligés d'agir.

Vous reprochez à l'opération telle qu'elle est montée de ne pas nous donner une visibilité suffisante. Pourtant, l'État s'engage dans une opération qui vise à redresser la situation industrielle du groupe SNPE : c'est un signe positif qui offre une certaine visibilité, nul ne saurait le nier. À cet égard, le ministre, comme vous, a dit – en d'autres temps – que la situation des salariés serait examinée avec la plus grande attention. Il va de soi que cette opération ne se réalisera pas sur le dos des salariés : personne ici ne l'accepterait. Vous le voyez : la situation sociale a été prise en compte.

Reste à savoir si l'opération, telle que nous proposons de la mener, est de nature à remettre en cause les intérêts majeurs de l'État que vous avez soulignés. C'est tout le contraire : chacun sait qu'adosser SME à Safran semble être l'hypothèse la plus plausible – à moins que M. le ministre ne l'infirme dans un instant – et que Safran a clairement manifesté son intérêt pour cette opération – la vieille opération Héraclès, qui a bu le bouillon depuis toutes ces années, et que nous arriverons peut-être enfin à faire émerger.

Nous avons là au contraire une disposition qui vise à consolider une partie essentielle de notre industrie de la défense.

Je rappelle par ailleurs qu'EURENCO n'est pas totalement franco-française et que nous devons tenir compte des inquiétudes de nos partenaires, Patria – Finlande – et Saab, au sujet des pertes que l'entreprise accumule depuis des années.

La proposition du ministre est, à cet égard, d'autant plus intéressante qu'elle présente plusieurs options. Nexter est une option franco-française mais des opérations combinées plus importantes pourraient également être envisagées. Nous n'avons pas les moyens de faire du mécano-industriel mais les perspectives n'en sont pas moins favorables.

Je reconnais, monsieur Garrigue, que le Gouvernement ne nous a pas encore donné d'assurance sur les entreprises de chimie fine, notamment celle de Bergerac. Cela étant, si le courrier que le Premier ministre a adressé en réponse au président Teissier n'apporte pas de précision technique, il en ressort clairement que l'Etat suivra l'évolution de ce dossier et veillera à ce que les salariés ne soient pas laissés au bord de la route. De surcroît, la représentation nationale, à défaut d'un pouvoir de décision, dispose d'un droit de regard sur le sujet et notre commission ne manquera pas d'en user.

Bien sûr, l'avenir n'est pas certain mais ne rien faire reviendrait à signer l'arrêt de mort de l'entreprise. Nous sommes condamnés à bouger. Faisons confiance au Gouvernement, même si le montage n'est pas encore finalisé.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

M. Yves Fromion ayant été excellent, je serai bref.

Outre que l'entreprise perd 10% de son chiffre d'affaire, je rappelle que l'initiative de cette opération revient au gouvernement Jospin avec le projet Héraklès porté par Alain Richard, tout comme le passage en société nationale de DCN.

En agissant ainsi, nous nous situons dans la droite ligne d'un pays qui veut maintenir des secteurs industriels stratégiques majeurs. À ceux qui craignent que la privatisation ne remette en cause les activités stratégiques de l'entreprise, je rappelle que des sociétés privées, en France, peuvent conserver des activités stratégiques dans le domaine de la défense, comme l'industrie missiliaire ou EADS.

S'agissant des activités de propulsion de SNPE, M. Fromion vous a présenté cette vieille idée de la fin des années quatre-vingt-dixdébut des années deux mille, d'un rapprochement avec SAFRAN auquel M. Gendry travaille.

Concernant les poudres et les explosifs, nous nous dirigerons vers une solution nationale, avec Nexter, ou européenne. Les travaux sont en cours mais, quelle que soit la solution retenue, elle permettra de constituer un pôle majeur pour nous comme pour les Européens.

Quant à la chimie civile, je rappelle que SNPE ayant échoué dans sa tentative de diversification au travers d'Isochem, nous devons retrouver des partenaires industriels, mais je ne doute pas qu'ils seront nombreux, en France ou en Europe, à s'intéresser à ces activités.

Bergerac reste un dossier difficile mais nous avons une première piste pour préserver cette activité.

Cette loi de programmation permet d'initier une démarche salutaire pour SNPE.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

La situation de la SNPE n'est tout de même pas si catastrophique !

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Trente millions de perte !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

M. Zyss, son ancien président, l'a considérablement améliorée en recentrant un certain nombre d'activités. N'oublions pas que cette entreprise a subi l'impact de la catastrophe de Toulouse et de la fermeture de son établissement dans cette ville. Elle a d'ailleurs été indemnisée par Total.

Certaines entités du groupe dégagent de très bons résultats, comme l'activité de propulsion solide de Saint-Médard en Jalles – j'en profite pour relayer certaines inquiétudes sur l'activité air bag, également basée à Saint-Médard en Jalles et dont on ne sait pas si le groupe SAFRAN la poursuivra.

D'autres activités ne sont pas au même niveau comme le secteur des munitions, mais tous les programmes en matière de défense ont-ils vocation à dégager des bénéfices ? La question peut se poser du fait des enjeux stratégiques. De nombreux pays, comme les Etats-Unis, maintiennent une activité de munitions alors qu'elle n'est pas rentable.

Pour ce qui est de la chimie, si la situation de Bergerac NC est aujourd'hui beaucoup moins florissante, elle a tout de même fait vivre très largement l'ensemble du groupe dans les années quatre-vingt-dix. Vous parlez d'un contact avec un groupe industriel mais si la piste n'est pas concrète, pourquoi précipiter la privatisation ? Tout comme M. Viollet, je ne prône pas l'immobilisme, mais je souhaite que les réformes aillent dans le bon sens. Or vos propos d'aujourd'hui ne sont pas de nature à me rassurer.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

M. Garrigue a oublié de préciser que l'amélioration des résultats de SNPE étaient dû aux plus-values de cessions et à l'indemnisation de Total.

(Les amendements identiques nos 7 ,13 et 75 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements nos 14 et 15 sont retirés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Daniel Garrigue pour défendre l'amendement n°16 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Mon collègue Franck Marlin s'associe à cet amendement et aurait souhaité vous exprimer ses inquiétudes sur le centre de recherche du Bouchet qui appartient également au groupe SNPE.

L'amendement n° 16 tend à ce que l'existence d'un projet industriel conditionne la privatisation de ces filiales.

(L'amendement n°16 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Claude Viollet pour soutenir l'amendement n°76 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Viollet

Si cette réforme doit être engagée, autant lui donner toutes les chances de réussir. L'amendement n° 76 tend donc à faire en sorte que la disposition de l'article 11 entre en vigueur le 1er janvier 2011.

Ce délai doit permettre à la direction de la SNPE et aux acteurs sociaux de l'entreprise de mener à bien les mesures de reclassement, y compris interne, des personnels des filiales SNPE aujourd'hui en difficulté. Le personnel doit s'approprier la réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Fromion, rapporteur. Avis défavorable. Le schéma de l'évolution de la SNPE n'étant pas encore arrêté, comment savoir, même si nous votons sa privatisation, où nous en serons le 1er janvier 2011 ?

Nous avons bien compris votre intention et nous partageons tous votre souci, mais fixer une date butoir irait à l'encontre de votre objectif.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Même avis. Si nous sommes tenus de faire profiter le personnel de toutes les mesures de reclassement, de formation, de reconversion, d'accompagnement personnalisé, fixer une date butoir serait la dernière des solutions.

(L'amendement n°76 n'est pas adopté.)

(L'article 11 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Sur l'article 12, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. le président de la commission de la défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Teissier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment d'aborder les articles relatifs au secret de la défense nationale, je tiens à vous faire part de ma satisfaction d'avoir pu aboutir avec M. Warsmann, président de la commission des lois, à des solutions de compromis qui, je crois, confortent l'esprit du texte auquel la commission de la défense a abouti.

La commission de la défense et la commission des lois ont tout intérêt, sur des sujets aussi sensibles et aussi importants pour l'intérêt national, à débattre et à s'écouter. Il s'agit, je le répète, de trouver un bon équilibre entre la liberté d'action des magistrats leur permettant d'accomplir leur fonction et la nécessité de protéger le secret défense.

Deux points d'achoppement demeuraient.

Le premier concernait la communication préalable de la décision de perquisition au président de la CCSDN : sur ce point, nous avons accepté la solution à laquelle initialement, je le reconnais, la commission de la défense n'était pas favorable car elle était, à ses yeux, loin d'être parfaite. Toutefois, l'amendement que nous proposons convient parfaitement puisqu'il permet de préciser les informations dont le président de CCSDN doit avoir connaissance pour l'accomplissement de ses missions et les caractéristiques de la perquisition.

Le second point d'achoppement avait trait aux modalités de classification des lieux tenus secret défense. La commission de la défense n'avait pas retenu l'avis conforme de la CCSDN proposé par M. le rapporteur pour avis de la commission des lois. La nouvelle proposition, qui prévoit la classification pour cinq ans et sa publication au Journal officiel, me paraît apporter toutes les garanties nécessaires.

Enfin, deux autres amendements permettront au président de la commission consultative du secret de la défense nationale de disposer des moyens nécessaires à l'accomplissement de ses nouvelles missions et de nous prémunir d'un détournement de la procédure visant à dissimuler des éléments qui ne seraient pas classifiés.

Je vous le répète : je suis satisfait d'avoir pu aboutir à des aménagements acceptables par tous. Si le règlement ne nous permet pas de soutenir ensemble les quatre amendements à l'article 12 que nous avons déposés, je tiens toutefois à souligner qu'ils marquent la volonté de nos deux commissions d'avancer du même pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

L'ensemble du dispositif ayant pour premier objectif de protéger tous les documents couverts par le secret de la défense nationale, nous avons pris certaines dispositions techniques que je résumerai brièvement.

Lorsqu'un magistrat voudra effectuer une perquisition dans un lieu identifié et déclaré comme susceptible d'abriter des documents marqués « secret défense », il devra s'assurer, avant de commencer la perquisition, de la présence d'un représentant de la commission consultative du secret de la défense nationale qui aura, seul, le droit de lire tout document classifié que le juge pourra découvrir au cours de la perquisition. Le représentant de la commission demandera alors au magistrat si l'élément classifié est relatif aux infractions sur lesquelles portent les investigations. Si tel n'est pas le cas, le document sera remis à sa place ; si le document a un rapport avec l'enquête, le document pourra être saisi et le magistrat demander à ce que la procédure de déclassification soit engagée. La commission émettra un avis et le ministre prendra la décision finale.

Lorsqu'un magistrat ou un policier tombera sur un élément classifié dans un lieu non susceptible d'en abriter un, le document, sans que le magistrat ait eu le droit de le lire, sera placé sous scellé et transmis à la commission, avant que, le cas échéant, la procédure de déclassification ne soit engagée.

Quatre points, hier, posaient encore problème. Sans constituer autant d'Anapurna à escalader, ils exigeaient toutefois que nous avancions dans la voie de leur résolution. Je crois pouvoir affirmer que les amendements qui vous seront présentés répondent précisément à ces quatre difficultés.

Il s'agit premièrement de conserver à la perquisition l'effet de surprise. C'est pourquoi, lorsqu'un magistrat s'apprêtera à effectuer une perquisition, il ne devra fournir au représentant de la commission consultative que les informations nécessaires au rendez-vous. En revanche, le lieu exact de la perquisition et les détails relatifs aux infractions sur lesquelles portent les investigations ne seront donnés qu'au commencement de la perquisition. L'amendement que nous avons déposé en ce sens permet de trouver un bon équilibre en la matière.

Il convient deuxièmement d'éviter les détournements, l'objectif du Gouvernement étant de protéger uniquement ce qui est couvert par le secret défense. Le risque évident, en raison de la publication d'une liste de lieux classifiés au titre du secret de la défense nationale – cela pourra être un coffre-fort placé dans le bureau d'un directeur de cabinet d'un préfet, voire d'un responsable d'une entreprise privée dont les activités sont en relation avec le secret de la défense nationale –, c'est que la loi soit utilisée pour détourner les procédures de droit commun. Si un juge, par exemple, recherche, au cours d'une perquisition, les contrats de nettoyage du sol d'une entreprise, ceux-ci ne doivent pas pouvoir être rangés dans un coffre classifié secret défense !

Un accord a été trouvé, instaurant une incrimination pénale avec, à la clef, trois ans de prison pour toute personne qui utiliserait les lieux classifiés en vue de rendre plus difficile la communication à un magistrat de documents n'ayant aucun rapport avec le secret de la défense nationale.

Troisièmement, des perquisitions doivent pouvoir avoir lieu simultanément dans des lieux abritant des éléments classifiés. Or la commission n'est composée que de cinq membres : trois représentent le Conseil d'État, la Cour des comptes et la Cour de cassation – ils sont traditionnellement choisis pour leur sagesse, leurs connaissances et leur pondération – et deux, le Parlement. À mes yeux, ce n'est pas la mission des parlementaires que d'accompagner un magistrat au cours d'une perquisition. Afin de faire face à toutes les situations possibles, il est proposé de permettre au président de la commission de désigner des délégués habilités au secret défense, qui soient en nombre suffisant et couvrent l'ensemble du territoire national ; j'ai déjà donné l'exemple d'une perquisition possible à Papeete, mais toute autre partie du territoire national peut être concernée.

Le quatrième et dernier point a trait à la question de l'automaticité : si une perquisition doit avoir lieu un lundi matin à six heures, le président de la commission ne doit pas pouvoir s'y opposer pour une question d'organisation. L'amendement qui vous sera présenté sur le sujet prévoit que le président ou son représentant, qui peut être un délégué habilité, « se transporte sans délai » sur le lieu de la perquisition, ce qui est très clair puisque l'objectif n'est pas d'entraver une procédure ouverte par un magistrat mais de garantir son automaticité.

En ce qui concerne la classification de lieux entiers, chacun a déjà pu s'exprimer hier et les choix sont faits. Ils offrent, à mes yeux, le maximum de garanties, grâce à deux avancées notables.

La première, qui avait été suggérée hier par M. le ministre, fait aujourd'hui l'objet d'un amendement : il s'agit du caractère public de la liste, disposition qui permettrait, s'il y avait lieu, de susciter un débat républicain.

La seconde est une novation puisque la classification ne sera valable que pour cinq ans, délai après lequel il faudra rouvrir la procédure pour prolonger la classification d'un lieu ; la commission devra rendre un nouvel avis et la décision sera de nouveau rendue publique.

Je tiens, après le président de la commission de la défense, à souligner, moi aussi, le fait que le travail de ces dernières heures a permis de réaliser des avancées importantes sur tous ces sujets. En matière de procédure de droit commun, nous avons rempli les conditions qui avaient été soulevées et donné les garanties exigées. En matière de classification, nos amendements permettront de faire figurer dans le texte des garanties supplémentaires.

Je tiens à remercier les différents acteurs de ces avancées, notamment M. le Premier ministre et M. le ministre de la défense : grâce aux efforts de chacun, nous sommes parvenus à concilier le mieux possible la nécessaire protection du secret de la défense nationale avec l'efficacité des procédures pénales et leur équilibre, indispensables dans la lutte contre la délinquance et la recherche des auteurs d'infractions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

(M. Marc Le Fur remplace M. Marc Laffineur au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Je tiens à remercier le président de la commission de la défense et le président de la commission des lois, notamment ce dernier d'avoir levé les réserves que M. le rapporteur pour avis Émile Blessig avait pu émettre en commission.

Le débat que nous avons eu dans le cadre de la nouvelle procédure au sein de la commission de la défense fut d'autant plus long et technique que le législateur, mes chers collègues, est obligé d'intervenir en ces matières du fait que, si la loi de juillet 1998 a effectivement défini une procédure de déclassification de documents et, demain, de lieux classifiés au titre du secret de la défense nationale, et créé la commission consultative du secret de la défense nationale, il n'en reste pas moins qu'un trou juridique subsiste en cas de perquisition décidée par un magistrat instructeur. De fait, tout le débat a tourné autour des conditions dans lesquelles un magistrat peut, ou non, avoir accès à des documents ou, demain, à des lieux classifiés au titre du secret de la défense nationale.

Comme mes collègues de la commission de la défense, je souhaite le maintien du secret défense. Je le dis à l'Assemblée : je suis hanté par la possible irruption d'une crise, demain, dans notre pays, et par l'incapacité dans laquelle nous serions d'y répondre. Je considère que le maintien d'un secret défense, avec toutes les garanties qu'il apporte au pouvoir exécutif, notamment au Premier ministre et au ministre de la défense, est essentiel à l'avenir de notre pays. C'est la raison pour laquelle je ne comprendrais pas qu'on puisse limiter le secret défense.

J'ai noté les réserves du président de la commission des lois, qui souhaiterait que l'exercice de cette prérogative se rapproche le plus possible du droit commun de la perquisition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Tel fut en tout cas le sens des propos de M. Blessig.

Debut de section - PermalienPhoto de Émile Blessig

Quand ce n'est pas le président de la commission des lois, c'est son rapporteur pour avis : il faut toujours un fusible !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Si la commission des lois lève ses réserves et que nous parvenions à un accord, je voterai le texte.

M. Fromion avait évoqué, à l'aide de schémas, toutes les possibilités qu'a rappelées en partie M. Warsmann. Il avait même souligné qu'on ne pouvait pas convoquer le président de la commission consultative un lundi matin sur le quai de la gare de Carpentras !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Si on ne peut pas convoquer un lundi matin le président lui-même, il est en revanche possible de notifier à un délégué du président qu'il serait souhaitable qu'il se rendît un lundi matin sur le quai de la gare de Carpentras. Si cet aménagement suffit à faire le bonheur du président de la commission des lois, vive le quai de la gare de Carpentras ! Personnellement, je vais à Carpentras pour y trouver des truffes et non pour chercher les lieux pouvant abriter des documents couverts par le secret défense.

Si le secret défense est maintenu et même étendu et si les objectifs du projet de loi sont garantis, je voterai les articles 12, 13 et 14. Mais de grâce, ne reculons pas trop sur l'objectif essentiel, qui est de préserver le secret de la défense nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

La situation que nous venons de vivre est un peu particulière. En effet, des divergences sont apparues entre la commission des lois et la commission de la défense, qui partageaient toutefois la volonté de trouver un équilibre.

Elles cherchaient à concilier deux objectifs qui sont, à mon sens, complémentaires plutôt que contradictoires, car il faut, d'une part, que, dans un État de droit, la justice puisse mener des investigations le plus librement possible, et qu'elle ait accès aux documents qui lui semblent utiles au déroulement des enquêtes ; d'autre part, comme l'a excellemment souligné Jean-Pierre Soisson, que nous puissions nous protéger dans le cadre du secret-défense. Dans ce domaine, en 1998, des évolutions législatives ont permis, sous certaines conditions, la levée de ce secret par les autorités.

Il n'en demeure pas moins que la situation actuelle n'est pas satisfaisante.

Monsieur le ministre, nous vous remercions de profiter de ce projet de loi de programmation pour la faire évoluer. Pour autant, dans un monde complexe, il est essentiel de ne pas faire preuve d'excès d'angélisme. Nous continuons cependant à avoir ce travers hexagonal qui consiste à vouloir laver « plus blanc que blanc », avec toutes les conséquences que cela entraîne.

À cet égard je veux établir un parallèle avec la lutte contre la corruption.

Un certain nombre de conventions internationales – celle de l'OCDE en 1997, celle du Conseil de l'Europe en 1999, ou celle de l'ONU en 2003 – nous ont amenés à légiférer fort légitimement pour adapter notre droit aux exigences internationales en la matière. Toutefois, force est de constater que nombre de pays, y compris des pays européens, n'ont pas adapté leur législation, ou l'ont fait de manière formelle, sans application réelle. En conséquence, pour prendre l'exemple du secteur des exportations de matériels militaires, qui n'est malheureusement pas aussi vertueux que nous le souhaiterions, les entreprises françaises du secteur de la défense travaillent aujourd'hui dans des conditions qui ne correspondent pas, loin s'en faut, à celles de la concurrence loyale. Cela pose évidemment de nombreux problèmes en termes d'emplois et de résultats à l'exportation.

En ce qui concerne les articles 12 à 14 du projet de loi de programmation, la solution de compromis qui a été dégagée permet d'assurer un équilibre. Je m'en félicite, et le groupe Nouveau Centre ne pourra que s'y associer.

J'ajoute que je croyais, jusqu'à présent, que le centre du monde était la gare de Perpignan ; nous venons d'apprendre qu'il s'agit en fait de celle de Carpentras. Soit ! Dimanche dernier, la gare de Perpignan a tout de même vu passer le bouclier de Brennus, mais nous prenons acte de cette évolution. Cela dit, puisque nous comparons les mérites des gares, je précise que celle de Castres n'est pas mal non plus. (Sourires.)

(M. Rudy Salles remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Je rappelle que les articles 12 à 14 du projet de loi de programmation militaire avaient pour vocation de répondre à des préconisations du Conseil d'État.

En effet, l'avis rendu par la plus haute juridiction administrative française, le 5 avril 2007, constatait l'existence d'un vide juridique en ce qui concerne les procédures de perquisition des lieux où pouvaient se trouver des documents classés « confidentiel défense » ou « secret défense ». L'initiative en la matière ne revient donc pas au Gouvernement. Le Conseil d'État qui soulevait le problème incitait ce dernier à concilier deux principes majeurs : celui de la protection du secret de la défense national et celui, auquel nous sommes tout autant attachés, de la recherche de la vérité, auquel se rattache la lutte contre la délinquance et la poursuite des auteurs des infractions pénales.

Je ne veux pas que l'on puisse penser que ce projet de loi vise le travail des magistrats. Il assure au contraire leur protection dans l'exercice de leur profession. Je rappelle que, selon l'article L. 413-10 du code pénal, : « Est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende le fait, par toute personne dépositaire, soit par état ou profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire ou permanente, d'un renseignement, procédé, objet, document, donnée informatisée ou fichier qui a un caractère de secret de la défense nationale, soit de le détruire, détourner, soustraire ou de le reproduire, soit de le porter à la connaissance du public ou d'une personne non qualifiée ». Le projet de loi permet donc d'éviter que le magistrat ne courre un risque pénal, en même temps qu'il écarte un risque de nullité de la procédure.

J'ai toujours indiqué que le projet de loi de programmation déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale méritait d'être amélioré. Je suis donc heureux que, grâce aux réflexions conjointes de la commission de la défense et de la commission des lois, nous soyons parvenus à élaborer un dispositif équilibré.

Je remercie à la fois la commission de la défense et la commission des lois, et je précise, d'ores et déjà, que le Gouvernement est favorable à l'ensemble des amendements présentés conjointement par les deux commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Pour notre part nous avons assisté en spectateurs à un débat qui ne s'est pas tenu au sein de la commission de la défense. Lors de la réunion de celle-ci, nous avons en effet bataillé pour amender le projet de loi de programmation militaire, mais M. le ministre nous a expliqué longuement que tous nos amendements étaient inacceptables. Il portait à l'époque le même jugement sur les amendements de la commission des lois, saisie pour avis, que défendait M. Émile Blessig.

Hier soir, nous avons bien senti que quelque chose se passait.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Les acteurs entraient dans l'hémicycle et en sortaient. Ils râlaient, ils demandaient à allonger les débats afin de ne pas aborder l'article 12 dans la soirée, ils exigeaient du temps…

Monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, nous constatons que le nouveau règlement nous permet parfois d'assister dans la nuit à des échanges internes à la majorité qui sont assez cocasses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Il est vrai qu'au PS, vous ne vous parlez pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Je viens d'entendre que les commissions auraient apporté une réponse à ce que nous avons toujours considéré comme une anomalie : le sort fait au juge au I et au II de l'article 12. Ce dernier devait en effet se soumettre à des règles acceptées par la commission de la défense qui rendaient, selon nous, les conditions de perquisitions parfaitement anormales.

Il était ainsi imposé au juge de fournir un document écrit sur l'objet et les motifs de sa perquisition. Cela ne correspondait aucunement à la pratique de notre République, ce que nous avons dénoncé lors des débats en commission de la défense. La perquisition perdait tout son sens.

Si nous pouvons admettre que des mesures spécifiques concernent des lieux qui abritent les informations les plus confidentielles relatives à notre stratégie de défense et à notre dissuasion – nous pouvons rejoindre M. Soisson sur ce point –, il nous est impossible de le faire pour ce qui peut, par extension, s'appliquer aux autres administrations, voire à des entreprises. Nous avions donc souhaité, à plusieurs reprises, revenir à une conception plus équilibrée pour ce qui concerne les lieux susceptibles d'accueillir des secrets de la défense.

Il semble que les commissions aient également trouvé une solution pour mettre fin à une deuxième anomalie, beaucoup plus grave que la première. En effet, les articles 12 à 14 créent des zones hors droit où le juge ne pourra plus pénétrer. Quand bien même il le souhaiterait, ou en ferait la demande, il ne pourrait connaître ce que contiennent ces lieux qu'en produisant une demande motivée devant la CCSDN. Nous vérifierons que cette anomalie est rectifiée.

Par ailleurs, le juge ne pouvant avoir accès aux éléments conservés dans les lieux secret défense, il se serait rendu coupable du délit de facilité d'accès à un secret de la défense.

L'accroissement des peines prévues à l'article 13 était assez choquant, et je ne sais pas si les commissions sont revenues sur ce point. S'agissait-il de faire peur ? Sûrement pas, cela ne ressemble pas à la logique qui est la vôtre. (Sourires.) Sans doute s'agissait-il plutôt de solenniser le secret défense pour qu'aucun juge ne puisse accéder aux lieux en question.

J'ai l'impression que nous sommes revenus à la raison. Peut-être éviterons-nous toutes dérives de suspicion généralisée et toute tentation d'entraver la justice.

Monsieur Folliot, jamais nous ne pourrions admettre que la corruption ne soit pas traquée chez nous, sous prétexte qu'elle ne l'est pas ailleurs. Nous n'obtiendrons jamais que l'Europe, le Conseil de l'Europe ou d'autres structures fassent des progrès si nous ne sommes pas exemplaires nous-même. Je ne suis ni naïve, ni angélique, ni laxiste.

Dans le passé, dans cet hémicycle, l'actuelle majorité, alors dans l'opposition, a déjà pointé du doigt le secret défense parce qu'il ralentissait des procédures judiciaires. J'aimerais que, tous ensemble, nous considérions que, même si les règles ne facilitent pas l'exportation des armes ou certaines négociations, elles permettent, au sein de nos institutions républicaines, que ces opérations soient claires, transparentes et vérifiables.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

J'ai simplement constaté que ce que nous faisions, d'autres ne le faisaient pas avec autant de volonté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

La transparence des procédures et la possibilité de recours évitent parfois d'être montré du doigt.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Monsieur le président, les amendements des commissions viennent seulement de nous être distribués. Nous avons le sentiment que nous progressons, mais nous voudrions prendre un instant pour pouvoir les lire.

Je demande une suspension de séance de cinq minutes.

Article 12

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La séance est reprise.

La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Même si j'apprécie la présence du secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants, je déplore que le ministre de la défense ne soit plus présent à ce moment extrêmement important de notre débat.

Compte tenu des circonstances dans lesquelles nous avons découvert les amendements des commissions, permettez-moi, monsieur le président, d'apporter quelques précisions quant à la position de mon groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Il semble, car nous n'avons pu le vérifier en détail, que ces amendements répondent à la plupart de nos inquiétudes. Toutefois, deux points continuent de susciter des interrogations.

Le premier concerne la classification : nous restons extrêmement réservés sur le rôle central qu'est appelée à jouer la commission, quelle que soit la confiance que l'on peut lui accorder. En effet, les décisions de ce type de commissions ne peuvent pas faire l'objet d'un recours. C'est pourquoi nous aurions préféré que la liste des lieux classifiés soit soumise au Conseil d'État, ce qui aurait permis, en outre, à tout un chacun d'obtenir davantage de précisions.

Par ailleurs – et je m'adresse plus particulièrement au président et au rapporteur de la commission des lois –, l'article 12 dispose que le magistrat doit préciser l'objet de la perquisition. Or, ainsi que nous l'avons expliqué en commission, il est impossible, pour le magistrat de savoir par avance ce qui se trouve dans le lieu qu'il va perquisitionner. Puisque les membres de la commission semblaient d'accord sur ce point, je souhaiterais que son président nous dise s'il compte déposer un amendement visant à supprimer cette partie du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Nous en venons aux amendements à l'article 12.

Je suis d'abord saisi de l'amendement n° 8 , qui tend à supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Je retire mes amendements de suppression des articles, 12, 13 et 14. Toutefois, dans le doute – puisque nous n'avons pas eu le temps d'étudier dans le détail les amendements des commissions –, je voterai contre ces articles.

(L'amendement n° 8 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 111 et 112 .

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois, pour soutenir l'amendement n° 111 .

Debut de section - PermalienPhoto de Émile Blessig

Cet amendement vise à permettre la désignation de délégués de la commission consultative du secret de la défense nationale, qui pourraient, si nécessaire, venir suppléer les membres de cette commission pour accompagner les magistrats au cours d'une perquisition.

Nous avons vu que la nouvelle procédure modifiait les conditions d'intervention de la commission. Or celle-ci est composée de cinq membres, dont deux parlementaires. Il était donc nécessaire de faciliter leur réactivité sur le territoire de la France métropolitaine et, ne l'oublions pas, de l'outre-mer, en prévoyant la possibilité de désigner des délégués, ce qui peut également être utile en cas de perquisitions multiples.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. le rapporteur pour défendre l'amendement n° 112 .

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Deux options étaient possibles, pour permettre à la commission de faire face à cet éventuel surcroît de charges : soit augmenter le nombre des membres de la commission…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

…soit prévoir la nomination de délégués. C'est la seconde option qui a été retenue.

L'Assemblée devrait, dans sa sagesse, approuver cette proposition, qui a suscité la concorde parlementaire que nous avons pu apprécier tout à l'heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la défense et aux anciens combattants

Je souhaite apporter quelques éléments de réponse, afin d'apaiser les ultimes inquiétudes de Mme Lebranchu.

S'agissant de la classification des lieux, celle-ci est tout de même encadrée. Bien entendu, tout ne peut pas être mis sur la place publique. Néanmoins, la publicité est assurée par le Journal officiel et la commission rend un avis préalable. J'ajoute que la classification vaut pour une durée limitée à cinq ans. Certes, la décision de classification ne peut pas faire l'objet d'un recours, mais nous prévoyons suffisamment de précautions.

Sur le deuxième point, avant la perquisition, le juge doit rendre un avis au président de la commission et lui donner les seuls éléments pratiques nécessaires pour lui permettre d'accomplir sa mission. Il ne communique les autres éléments – motifs, justification, faits poursuivis et lieux visés – qu'au début de la perquisition.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je suis tout à fait d'accord avec ce que vient de dire M. le ministre.

Je souligne, pour répondre à Mme Lebranchu, que nous avons repris le mot « objet » en nous inspirant des dispositions encadrant les perquisitions réalisées dans les cabinets d'avocat, figurant à l'article 56-1 du code de procédure pénale, lequel dispose que les perquisitions dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par un magistrat, « à la suite d'une décision écrite et motivée prise par ce magistrat, qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci. »

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

L'article que vous citez, monsieur Warsmann, a justement toujours été critiqué en raison de l'emploi du mot « objet » qui y figure. Qu'est-ce que « l'objet » d'une perquisition ? Si ce mot n'est pas qu'une redondance dans la phrase concernée, il ne peut désigner que ce que l'on vient chercher. Il n'y a pas de jurisprudence pour le moment à ce sujet, et ce qui pose problème pour les perquisitions dans les cabinets d'avocat est tout aussi gênant pour les lieux classifiés.

Je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, mais ce qui nous inquiète est surtout l'extension des lieux classifiés. Il nous semble en effet que la définition de ces lieux manque de précision. C'est pourquoi nous nous étions ralliés à l'amendement de suppression de l'article 12, et c'est également la raison pour laquelle il nous semble utile de connaître l'avis du Conseil d'État sur ce point.

Il existe, à l'intérieur du palais de l'Élysée, un certain nombre de secrets défense extrêmement fragiles mais très importants. Imaginez que l'on classe l'ensemble des lieux : cela ne serait pas sans poser certaines difficultés. Or nous avons l'impression que le texte permet de classifier beaucoup. C'est pourquoi nous avons l'intention de voter pour l'amendement de M. Warsmann : il est important qu'en cas de perquisitions simultanées dans plusieurs lieux classifiés, il y ait suffisamment de membres de la commission habilités à y procéder.

Nous aurions également préféré que le nombre de membres de la commission soit augmenté, d'une part parce que la mise en oeuvre de délégations est toujours plus difficile, d'autre part parce que le rôle de la commission devient essentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

J'ai bien entendu la référence à la perquisition faite dans un cabinet d'avocat. Cependant, les deux opérations ne sont pas tout à fait semblables, car le juge qui perquisitionne dans un cabinet d'avocat n'a pas à demander l'autorisation au bâtonnier : après avoir convoqué celui-ci à un jour et une heure donnés, il entre sans autre formalité.

Pour ce qui est des lieux classifiés, il faut passer par une déclassification et une demande d'autorisation. J'attire votre attention sur le caractère général du terme « objet ». Il ne faudrait pas qu'il soit interprété comme l'exigence pour le magistrat de justifier de manière détaillée les raisons de sa perquisition.

J'ai bien conscience que nous sommes en train de construire quelque chose et qu'il s'agit là d'une entreprise délicate, mais il est important que les débats parlementaires qui serviront de base à la jurisprudence appelée à s'élaborer sur le sujet précisent que le mot « objet » ne peut être qu'un terme général et qu'il n'y a aucune obligation pour le magistrat de donner le détail de ce qu'il a l'intention de trouver. J'ajoute que s'il le faisait, il se trouverait pris dans une contradiction complexe, car cela signifierait qu'il sait ce qui se trouve à l'intérieur et ferait de lui le receleur d'une violation du secret de la défense.

Je caricature un peu, mais je veux avant tout vous faire comprendre que le terme « objet » peut être dangereux si l'on ne prend pas soin d'en préciser le sens.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la défense et aux anciens combattants

J'ai, moi aussi, été avocat, et je comprends fort bien les arguments qui ont été avancés à ce sujet. Toutefois, pour en revenir à ce qui est vraiment l'objet de notre débat, je rappelle qu'il y aura moins de vingt lieux classifiés dont l'existence est fondée sur l'idée que, par sa seule présence en ces lieux, un individu est susceptible d'y découvrir des secrets.

Par ailleurs, les lieux ne sont classifiés que pour cinq ans. Si, au terme de ce délai, nous avons l'impression que la procédure risque d'être étendue ou détournée, ce sera l'occasion de resserrer les boulons si nécessaire ; mais je ne pense pas que ce sera le cas.

(Les amendements identiques nos 112 et 111 sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. le rapporteur pour avis pour défendre l'amendement n° 80 .

Debut de section - PermalienPhoto de Émile Blessig

Cet amendement est rédactionnel. Il vise simplement à supprimer la précision figurant dans le texte du service procédant à la classification. Cette précision n'est pas nécessaire, la liste des lieux classifiés ayant vocation à être établie par arrêté du Premier ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

S'agissant d'un amendement qui touche au domaine de compétence du ministre de la défense, je préfère m'en remettre à l'avis de M. le ministre en la matière.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la défense et aux anciens combattants

Favorable.

(L'amendement n° 80 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 113 et 114 .

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 113 .

Debut de section - PermalienPhoto de Émile Blessig

Nous sommes tous attachés à la notion de secret de la défense nationale. Toutefois, compte tenu des nouvelles modalités d'extension de cette notion à certains lieux, il me semble que nous devons prévoir l'interdiction de profiter des protections spécifiques attachées au secret de la défense nationale pour dissimuler des éléments non classifiés. Je pense au document qui, n'ayant rien à voir avec un objectif de protection de la défense nationale, se retrouverait dissimulé à l'abri d'un coffre afin d'échapper à d'éventuelles poursuites.

Nous proposons donc d'insérer, après l'alinéa 4 de l'article 12, l'alinéa suivant : « Le fait de dissimuler dans les lieux visés à l'alinéa précédent des procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers non classifiés, en tentant de les faire bénéficier de la protection attachée au secret de la défense nationale, expose son auteur aux sanctions prévues à l'article 434-4 du code pénal », lequel vise l'obstruction à la manifestation de la vérité.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. le rapporteur pour défendre l'amendement n° 114 .

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Le président Teissier et moi-même avons déposé un amendement identique, dans le cadre de l'opération « concorde » qui n'aura échappé à personne.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la défense et aux anciens combattants

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Nous étions, au départ, très méfiants à l'égard de ces nouveaux articles sur le secret défense : si la personne est prévenue à l'avance, rien ne l'empêche de procéder à l'acte que vous décrivez, un acte tout à fait détestable. Il est bien rare qu'un amendement ait pour objet de s'opposer à la réalisation d'une horreur, mais puisque tel est le cas en l'occurrence, nous le voterons volontiers.

(Les amendements identiques nos 113 et 114 sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 116 et 115 .

La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement n° 116 .

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Cet amendement, cosigné par M. Teissier et moi-même afin de conclure de façon élégante une divergence de vues, décrit le contenu de la décision écrite que le magistrat adresse au président de la CCSDN.

D'une part, il lui communique les informations utiles. C'est sur ce point que nous avons dû nous entendre, car il fallait éviter que les informations transmises ne contiennent des éléments superflus, tout en veillant à ce que le magistrat puisse effectuer son enquête dans les meilleures conditions.

D'autre part, il lui indique les éléments du dossier justifiant la perquisition, car on ne peut se contenter de convoquer un magistrat sans plus d'explications. Par ailleurs, le moment venu, il faut que le magistrat puisse extraire des pièces relevant du secret de la défense nationale qu'il aura découvertes, celles qui pourraient avoir un lien direct avec l'enquête menée par le magistrat.

Il nous semble qu'ainsi les objectifs de chacun sont satisfaits : le président de la CCSDN est correctement informé et traité sans désinvolture, tandis que le secret de l'instruction et l'effet de surprise sont préservés, ce qui doit remplir d'aise notre collègue Jean-Pierre Soisson. J'invite donc l'ensemble de nos collègues à voter cet amendement.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la défense et aux anciens combattants

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Nous souhaiterions qu'il soit précisé officiellement que les informations utiles sont le jour, le lieu et l'heure, l'objet, quant à lui, n'étant précisé qu'à l'entrée dans les lieux.

Par ailleurs, nous avions déposé un amendement n° 77 qui nous paraissait répondre à la même préoccupation tout en offrant une meilleure rédaction et évitant, entre autres, de faire référence au fameux « objet ». Nous proposions de préciser : « Le contenu de cette décision est porté, dès le début de la perquisition, à la connaissance du président de la commission consultative du secret de la défense nationale ou de son représentant et à celle du chef d'établissement ou de son délégué. » Cela nous paraissait suffisant, et j'aimerais que vous m'expliquiez en quoi la dernière partie de l'amendement n° 116 est indispensable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Messieurs les rapporteurs, pouvez-vous nous expliquer ce que signifie, dans un texte de loi, l'expression « sans délai » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Le président de la commission doit-il prendre, dans l'heure, son billet pour Carpentras ?

Debut de section - PermalienPhoto de Émile Blessig

En ce qui concerne la procédure de perquisition, il me semble qu'il faut distinguer trois étapes.

La première est la décision écrite du magistrat informant de sa volonté de procéder à une perquisition et donnant un certain nombre d'éléments d'information au président de la commission consultative du secret de la défense nationale sur l'organisation de cette perquisition, notamment le lieu de rendez-vous.

Deuxièmement, le président de la commission prend acte et se transporte sur les lieux. Il s'agit d'éviter un conflit – ce point n'était pas résolu précédemment – dans le cas où le président, pour une raison ou une autre, refuserait de se déplacer. Il importait donc de rappeler que le président de la commission n'a aucun pouvoir d'appréciation sur l'opportunité de la perquisition.

Troisièmement, les opérations commencent. Il s'agit de notifier à la fois au président et au responsable de l'établissement où se déroule la perquisition le lieu précis de cette dernière. Par parallélisme des formes, nous avons voulu que la teneur de l'information soit comparable à celle dispensée dans d'autres types de perquisitions, dans des intérêts légitimement protégés.

Telle est la démarche que nous avons suivie. Nous avons construit ensemble un dispositif clair et cohérent.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Monsieur Soisson, nous avions même envisagé d'écrire « dans les meilleurs délais possible », ce qui n'était pas beaucoup mieux. Nous avons repris en fait une disposition qui figure dans un texte réglementaire que je vous communiquerai.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

L'interprétation donnée par M. Blessig nous convient. Il y aura donc trois temps dans la perquisition : un rendez-vous est fixé, le président se transporte sur les lieux, et le magistrat dévoile alors les raisons de sa perquisition au président et à l'autorité qui est perquisitionnée.

La mention « informations utiles » recouvre donc le lieu, la date et l'heure. Aucune appréciation sur l'opportunité de la perquisition n'est demandée au président de la commission. Certes, les formules de politesse d'usage sont employées pour ne pas heurter les sensibilités, mais il s'agit quasiment d'une convocation. C'est précisément à cette condition qu'une perquisition peut être efficace car une bonne perquisition doit toujours bénéficier d'un effet de surprise. À défaut, les éléments qu'on espère appréhender risquent de s'envoler.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Je le dis aux rapporteurs des deux commissions : comme ils veulent toutes les garanties, ils sont trop précis. Le texte sera inapplicable car trop précis, messieurs. Simplifiez donc ! J'espère que le Conseil constitutionnel le fera.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Je demande la parole !

(Les amendements identiques nos 115 et 116 sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

On est censé pouvoir s'exprimer dans cet hémicycle ! J'avais demandé la parole, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Tout le monde a pu largement s'exprimer. C'est au président de décider s'il donne la parole ou pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

On passe suffisamment de temps ici pour pouvoir s'exprimer !

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Michel Grall pour défendre l'amendement n° 1 .

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Grall

Cet amendement porte sur l'alinéa 12, qui concerne les perquisitions dans un lieu classifié.

Afin que le président de la CCSDN, saisi par la décision du magistrat, puisse donner son avis sur la déclassification temporaire, totale ou partielle du lieu, il convient de faire préciser le lieu dans la décision écrite du magistrat.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Avis favorable. Cette précision est tout à fait utile.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la défense et aux anciens combattants

Sagesse.

(L'amendement n° 1 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Abstention du groupe SRC.

(L'article 12, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Je n'ai pas cru entendre de réponse à l'interpellation de Mme Lebranchu, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Le débat est intéressant et porte sur un sujet majeur pour le pays : la programmation militaire pour les années 2009 à 2014. L'article 12 concernait un point éminemment important : le secret défense. J'ai pu constater qu'il avait donné lieu à un véritable travail parlementaire même si cela a été un peu précipité. Le président nous a accordé cependant le temps d'examiner les amendements et c'était très intéressant.

Comme Mme Lebranchu l'a souligné, chacun a toutefois pu constater l'absence du principal ministre concerné. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Certes, le Gouvernement est représenté mais ce texte intéresse en premier lieu le ministre de la défense.

Je me réjouissais personnellement de passer quelques instants avec lui. J'espère que ce n'est pas ma présence qui l'a fait fuir. (Rires.)

Plusieurs députés du groupe UMP. C'est possible !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Y a-t-il une raison majeure à cette fuite ? Celle-ci est-elle couverte par le secret défense ? Si tel était le cas, je n'en demanderais pas plus. En revanche si rien ne met en jeu l'avenir du pays, nous aimerions savoir pourquoi, durant l'examen d'un texte aussi important, le ministre est parti.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Vous savez l'estime que je vous porte, monsieur Roy, mais je regrette que vous ayez fait un tel rappel au règlement. Le Gouvernement est un et unique. Le ministre de la défense avait une obligation impérieuse au regard de certains intérêts nationaux. Il reviendra ce soir.

En attendant, Jean-Marie Bockel est parfaitement habilité à porter ce texte. Je demande donc au groupe socialiste de faire en sorte que le débat se déroule normalement.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Sur l'article 13, je suis d'abord saisi de deux amendements identiques, nos 117 et 118 .

La parole est à M. le rapporteur pour avis pour défendre l'amendement n° 117 .

Debut de section - PermalienPhoto de Émile Blessig

Cet amendement est important car il introduit une véritable innovation.

Au début de notre discussion, la liste des lieux classifiés par nature secret défense, c'est-à-dire ceux où il suffit d'entrer pour prendre connaissance d'un élément classifié, était secrète. Or nous craignions la multiplication de ce nombre de lieux, sachant qu'ils bénéficient d'une protection maximale.

Le présent amendement apporte à cet égard deux modifications importantes.

Premièrement, la décision de classification est limitée dans le temps : elle durera cinq ans. Au terme de cette période, la procédure devra être reprise avec un avis de la commission consultative dans l'hypothèse où le Premier ministre déciderait de proroger cette classification.

Deuxièmement, la décision de classification sera publiée au Journal officiel. Dans la mesure où elle sera ainsi rendue publique, la connaissance de ces lieux sera relativement large et pourra faire l'objet d'une forme de contrôle démocratique.

Nous considérons que cet amendement répond aux objections de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. le rapporteur pour présenter l'amendement n° 118 .

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Ces amendements identiques répondent à un problème que le texte initial n'avait pas totalement pris en compte. Les lieux abritant des secrets de la défense nationale figureront sur une liste qui sera en permanence révisée. La procédure proposée est symétrique à celle de l'article 12. Elle vaudra pour les lieux qui abritent des secrets et pour ceux qui sont classifiés.

J'invite mes collègues à adopter ces amendements.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la défense et aux anciens combattants

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

J'ai écouté avec beaucoup d'attention cette longue discussion sur les articles 12 et 13 et je tiens à saluer l'immense travail accompli par les présidents des commissions de la défense et des lois. L'opposition a d'ailleurs voté un certain nombre d'amendements. Nous souhaitions tous que le secret défense ne soit pas un moyen d'entraver l'action des magistrats et que certains lieux ne deviennent pas ainsi des lieux de non droit.

Pour avoir eu l'honneur d'être rapporteur de nombreux textes, notamment sur la transposition de textes européens sur la corruption, je veux souligner que, dans ces domaines, au coeur d'intérêts financiers mais aussi d'intérêts supérieurs de la nation, chacun d'entre nous doit faire preuve d'une très grande vigilance.

Ces amendements témoignent précisément de cette volonté de faire en sorte que la classification même des lieux secret défense soit remise en cause au bout de cinq ans. La liste ne sera pas établie pour une durée supérieure. Dans les amendements précédents, les rapporteurs ont par ailleurs donné toutes les garanties quant au contenu même du secret défense pour permettre aux magistrats d'exercer leurs fonctions.

Tous ces amendements témoignent d'une réelle volonté tant de l'exécutif que de l'ensemble de la représentation nationale de trouver le bon équilibre. Certes, le secret est parfois nécessaire mais l'action des magistrats ne doit jamais être entravée.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Mes chers collègues, vous êtes nombreux à vouloir intervenir. Je vous rappelle donc qu'aux termes du règlement, après la présentation d'un amendement, la commission et le Gouvernement donnent leur avis puis deux orateurs peuvent s'exprimer, sauf s'il y a un orateur contre.

Monsieur Soisson, êtes-vous pour ou contre l'amendement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Alors, je suis contre !

Les amendements nos 117 et 118 se substituent-ils à l'amendement n° 82 , qui, lui, prévoyait un avis conforme de la CCSDN ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Donc l'amendement n° 82 tombera. Il s'agira ainsi d'un avis purement consultatif.

Nous avons eu un débat sur ce point en commission. Monsieur Blessig, je vous rappelle que je ne souhaitais pas qu'une commission administrative oblige le Gouvernement à prendre telle ou telle décision.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Il y aura donc un avis, mais il ne devra pas être obligatoirement conforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Il faut en effet éclairer nos collègues, car il subsiste peut-être une sorte d'imprécision sur le sujet.

Il n'est pas question d'un avis conforme de la CCSDN,…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

…qui lierait le Gouvernement. Nous sommes tout à fait clairs sur ce point. La CCSDN émettra un avis puisqu'elle sera saisie sur l'établissement de la liste et sur l'opportunité d'y faire figurer des établissements classifiés, mais il n'est pas question d'un avis conforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Je veux également apporter une autre précision sur un point qui peut interpeller certains d'entre nous.

S'agissant de lieux classifiés, on pourrait considérer que publier cette liste au Journal officiel n'est pas d'une prudence extraordinaire. Je veux dire ici que ce point a été abordé dans les discussions que nous avons eues en commission des lois et avec le ministre : il est entendu que la liste publiée n'entrera pas dans des détails excessifs, ce qui irait à l'encontre de l'intérêt même du secret de la défense nationale et des intérêts supérieurs de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

J'ai eu l'occasion de souligner hier la révolution que constituait, dans le droit français, le fait de passer de la protection du contenu à la protection du contenant.

J'ai eu l'occasion de souligner hier combien ce type de procédure, entrant dans notre droit, pouvait entraîner des dérapages. Nous avons tout fait pour essayer de les limiter. C'est le sens de l'amendement.

Il n'en reste pas moins que j'espère que nous n'aurons jamais à connaître cela dans notre pays. Je l'espère vraiment.

Pour limiter ce risque, la première solution est de rendre la liste publique. Parce qu'il n'y aura pas que la première liste : tout gouvernement, à l'avenir, pourra l'allonger, pourra classifier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Ou déclassifier, évidemment.

Le fait que cette liste soit publiée permettra l'exercice d'un contrôle démocratique contre l'abus de classification. Imaginez qu'un jour, il y ait un abus manifeste. Du fait que la liste sera rendue publique, les représentants de la nation pourront, ici, dans cet hémicycle, interroger le Gouvernement et exercer leur pouvoir de contrôle.

Il peut également y avoir un abus d'utilisation. Les militaires, contre leur gré, pourraient se voir dans l'obligation de laisser faire dans des lieux classifiés des actions contraires à la loi. Cela est arrivé, à certaines époques, en certains lieux, à l'initiative de certains pouvoirs exécutifs. Il ne faudrait pas qu'un jour, on utilise ces dispositions, car aucun juge ne pourra pénétrer dans ces lieux classifiés sans l'autorisation personnelle du ministre.

Nous avons voté un amendement, qui a d'ailleurs été repris par la commission de la défense, et qui tend à insérer à l'article L. 2312-5 du code de la défense une disposition permettant notamment au président de la commission d'entrer dans ces lieux classifiés. Cela évitera un abus d'utilisation de ces lieux.

Cependant, nous sommes bien conscients – je l'ai dit à la tribune hier – que c'est de la nitroglycérine que d'utiliser ce type de protection de certains lieux en en interdisant l'accès aux juges. Je suis persuadé que nous avons fait de grands pas en avant. Que la liste des lieux classifiés soit rendue publique, que la classification d'un lieu ne soit pas valable ad vitam aeternam mais seulement pour cinq ans, cela permet un contrôle démocratique, et cela évite que les choses s'enkystent. À cela s'ajoute la possibilité pour le président de la commission d'aller voir sur place.

J'espère que cette garantie permettra d'éviter les abus d'utilisation des lieux classifiés. Chacun a bien compris ce à quoi je voulais faire allusion, par rapport à l'histoire parfois triste des dernières décennies.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Grall

Je vais être très bref. Je ne peux pas concevoir, au nom de la sécurité nationale, que des cibles potentielles pour d'éventuels terroristes soient publiées tous les cinq ans au Journal officiel de la République française. Personnellement, je voterai contre cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Imaginez, monsieur Grall, que la liste ne soit pas publiée et qu'un jour vous poussiez la porte d'un lieu classifié : j'irai vous voir en prison. Je ne vois pas du tout comment vous pourrez savoir que ce lieu est classé « secret défense », puisque vous n'aurez aucun moyen de consulter la liste. Il faudra donc inscrire partout sur les portes : « Attention, lieu classifié, secret défense ». Les terroristes pourront voir ces inscriptions avec des jumelles : ce sera encore pire. Je pense que la sagesse veut effectivement que la liste soit publiée. C'est la moindre des choses.

Cela étant c'est un peu difficile pour nous, monsieur le président, parce qu'il y a eu un débat auquel nous n'avons pas assisté. Les uns et les autres apportent des éléments, pas forcément dans l'ordre. Il faudrait qu'on s'y retrouve, ce qui n'est pas simple.

Nous ne voterons pas l'article 13, d'abord parce que nous partageons complètement le doute exprimé par le président de la commission des lois. Je suis ravie qu'il l'exprime ici, parce que, quand nous l'évoquions en commission de la défense, nous passions pour des gens à la limite de la normalité républicaine, pour ne pas dire autre chose. Je lui sais donc gré d'avoir tenus ces propos.

Qui plus est, cet article n'est pas conforme à l'ordre des choses, au sens premier de cette expression. L'alinéa 9 de l'article 13 dispose en effet que « seuls peuvent faire l'objet d'une classification au titre du secret de la défense nationale les lieux auxquels il ne peut être accédé sans que, à raison des installations ou des activités qu'ils abritent, cet accès donne par lui-même connaissance d'un secret de la défense nationale ». Cette disposition aurait dû au moins figurer avant l'article 12. Figure en effet dans l'article 13 la définition de ce qui aurait dû conduire aux alinéas de l'article 12. La rédaction de ce texte pose donc problème.

En outre, vous définissez, dans l'article 13, les conditions de la classification de ces fameux lieux classifiés sur lesquels tout le monde a un doute. Je rappelle qu'en commission, nous avons obtenu, s'agissant des garanties juridiques, que l'on impose un décret en Conseil d'État. Nous en sommes tous d'accord. Le ministre lui-même l'a souligné en commission.

Ce que nous avons écrit dans nos notes n'a pas été rappelé par les uns ou par les autres. Il suffit que cela soit dit sur le banc des ministres pour que nous soyons rassurés.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la défense et aux anciens combattants

Je rappelle des éléments qui ont peut-être déjà été évoqués à différents moments dans le débat.

La liste publiée sera très générale, le lieu sera connu de tous, mais sans précisions. L'arrêté sera doublé d'une annexe non publiée, elle-même classifiée, qui comportera, sous le contrôle du Conseil d'État, les précisions utiles.

(Les amendements identiques nos 118 et 117 sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

En conséquence, l'amendement n° 82 tombe.

(L'article 13, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :

Suite de la discussion du projet de loi de programmation militaire 2009-2014.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma