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La séance

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES

Mercredi 8 avril 2009

La séance est ouverte à dix heures.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)

Le président Pierre Méhaignerie fait part à la Commission des candidatures reçues pour la constitution de la mission d'information sur la pénibilité au travail dans les petites entreprises.

PermalienPhoto de Jean Mallot

Quelle est la pertinence de cette mission d'information, alors que la pénibilité au travail a déjà fait l'objet d'une mission d'information il y a quelques mois. Y a-t-il une spécificité des PME au regard de la pénibilité ? Je m'interroge d'autant plus que le rapport que M. Jean-Frédéric Poisson a rédigé à l'issue de cette mission n'a été suivi d'aucun effet. Faut-il accumuler ainsi les missions d'information ? L'enjeu, c'est d'appliquer les engagements de prise en compte de la pénibilité dans les retraites inscrits dans la réforme de 2003.

PermalienPhoto de Patrick Roy

Il est vrai qu'on peut s'interroger sur l'accumulation de missions dont on ne voit pas toujours les effets pratiques ; des rapports intéressants ne devraient pas rester au fond des placards. On peut aussi penser au cas de l'amiante : une nouvelle mission est constituée alors que le rapport de la précédente a été enterré.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

La création de cette mission a été décidée à l'unanimité du bureau, Marcel Rogemont et Marisol Touraine étant présents. Deuxièmement, je demanderai au rapporteur de cette mission de nous indiquer des objectifs et des échéances. Enfin, j'ai été le premier à dénoncer les missions d'information qui n'étaient suivies d'aucun effet ; et nous insistons actuellement auprès du Gouvernement pour savoir quelles suites aura celle qui portait sur les maisons de l'emploi. Mais les missions sont aussi un moyen de permettre aux parlementaires de travailler sur les sujets qui leur tiennent à coeur et de donner un écho médiatique à ce travail.

PermalienPhoto de Pierre Morange

La problématique de la pénibilité au travail dans les PME est d'autant plus pertinente que les partenaires sociaux n'ont pas trouvé d'accord sur ce sujet. Le rapport de M. Jean-Frédéric Poisson mettait en exergue la dimension spécifique du problème dans les petites entreprises.

PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Si nous ne nous sommes pas opposés, au bureau de la Commission, au principe d'une telle mission, nous avions quand même formulé des réserves sur l'accumulation des missions consacrées à des thématiques proches.

La Commission désigne les membres de la mission d'information sur la pénibilité au travail dans les petites entreprises : M. Jean-Frédéric Poisson (UMP), M. Régis Juanico (SRC).

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales examine ensuite, sur le rapport de M. Alain Vidalies, la proposition de loi pour l'augmentation des salaires et la protection des salariés et des chômeurs (n° 1541).

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Mes chers collègues, ce que je vais vous dire maintenant ne fera sans doute pas plaisir à tout le monde.

Afin de garantir un contrôle du respect de l'article 40 de la Constitution, préalablement à la discussion en séance de la proposition de loi dont nous sommes saisis, M. le président de l'Assemblée nationale a demandé à M. le président de la commission des finances de bien vouloir consulter le bureau de la commission des finances sur sa recevabilité financière.

En effet, lors de la dernière Conférence des présidents, le président Bernard Accoyer a fait valoir qu'en cas de doute sur la recevabilité financière d'une proposition de loi, et à l'image de la procédure suivie pour les amendements, il pourra être conduit à saisir le bureau de la commission des finances dès leur inscription à l'ordre du jour et, le cas échéant, à nouveau après l'adoption du texte par la commission. Cette précaution vise à éviter que la question de la recevabilité, soulevée en séance, oblige à interrompre le déroulement du débat pour permettre au bureau de la commission des finances de se réunir et, par ailleurs, contribuera à prévenir les risques de censure par le Conseil Constitutionnel.

Lors de sa séance du 7 avril 2009, le bureau de la commission des finances a considéré que les dispositions de l'article 40 sont opposables aux articles 3 et 4 de la proposition de loi que nous allons examiner ce matin.

En conséquence, ces articles ne seront pas discutés.

PermalienPhoto de Jean Mallot

Comme par hasard, cette décision tombe sur notre proposition de loi, alors qu'il y a quelques jours des propositions issues du groupe majoritaire ont été examinées sans qu'on fasse à leur égard cette application de l'article 40. En outre, la tradition de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales voulait jusqu'ici que même les amendements passibles de n'être pas conformes à l'article 40 soient discutés en commission, afin de permettre un débat sur le fond – même s'ils n'étaient pas ensuite examinés en séance publique. Enfin, si certains articles de la proposition, pris isolément, peuvent se voir opposer l'article 40, la proposition de loi dans son ensemble n'entraîne pas d'accroissement des charges publiques, car son article 2 procure à l'État des ressources qui compensent largement les dépenses induites par les autres articles.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Cette procédure a été appliquée à la proposition de loi de Mme Marie-Louise Fort visant à identifier, prévenir, détecter et lutter contre l'inceste sur les mineurs et à améliorer l'accompagnement médical et social des victimes, et devrait s'appliquer le mois prochain à la proposition de loi de M. Jean-Frédéric Poisson pour faciliter le maintien et la création d'emplois, tous deux parlementaires appartenant au groupe UMP. Par ailleurs, je me dois d'appliquer une décision prise par la Conférence des présidents, d'autant que j'ai toujours défendu l'application de l'article 40, qui se justifie tout particulièrement dans la situation de crise que notre pays traverse.

PermalienPhoto de Dominique Dord

Je m'étonne que l'exposé des motifs de cette proposition de loi s'apparente à ce point à la motion d'un parti politique ou à un tract, puisqu'il y est indiqué que « le président de la République et la majorité sous-estiment l'ampleur et la nature de la crise ». Et plus loin : « Pour agir vraiment contre la crise, les socialistes ont présenté un ensemble de mesures (…) ». Nous sommes là dans la polémique politicienne.

PermalienPhoto de Patrick Roy

Quoi d'étonnant qu'une proposition de loi du groupe socialiste soit proche des propositions du parti socialiste ? Je croyais qu'on faisait quand même un peu de politique dans cette assemblée ! Preuve en est que tous les slogans de campagne du candidat Nicolas Sarkozy sont repris par le groupe UMP et souvent traduits dans les textes votés. Nous revendiquons nos convictions, et la situation dans laquelle les choix politiques de la majorité ont plongé notre pays suscite de notre part une réaction légitime.

PermalienPhoto de Jean Mallot

Il ne se passe pas une séance sans que les députés UMP nous expliquent qu'ils ne font que mettre en oeuvre les engagements du candidat Nicolas Sarkozy. Je vois donc dans la remarque de M. Dord une autocritique…

PermalienPhoto de Dominique Dord

Quand l'exposé des motifs d'une proposition de loi parle de « majorité », ou des « socialistes », nous sommes dans la polémique pure : il ne s'agit plus de trouver des solutions aux problèmes des Français, mais de régler des comptes entre nous.

PermalienPhoto de Alain Vidalies

Quoi de plus légitime que de se référer au Parti socialiste, quand la Constitution elle-même précise que les partis politiques concourent à l'expression de la démocratie ?

En ce qui concerne l'application de l'article 40, la question n'est pas celle de son bien-fondé juridique, mais de son opportunité. Son application à ce stade nous semble très prématurée car cela interdira de débattre de beaucoup de propositions de loi, y compris du groupe UMP : c'est un recul démocratique. Le Gouvernement peut opposer l'irrecevabilité à tout moment ; une application moins précoce de l'article 40 lui laissait la liberté de reprendre les propositions irrecevables discutées en commission. Cette décision conduit donc à un appauvrissement du débat et de la capacité d'initiative, non seulement de l'opposition, mais aussi de la majorité.

J'en viens à la proposition de loi. La crise nous impose, premièrement de prendre la mesure de sa gravité et de son ampleur afin de protéger ses premières victimes, deuxièmement d'analyser son origine.

Le nombre de chômeurs s'est accru de 90 000 en janvier et de 80 000 en février, et la question est aujourd'hui de savoir si on dépassera le million de chômeurs supplémentaires en 2009. Or seulement 15 % de ces nouveaux demandeurs d'emplois le sont en raison de licenciements, la plus grande partie des pertes d'emplois provenant de la fin de contrats à durée déterminée (CDD) ou de missions d'intérim.

Autre particularité de cette crise : le quatrième trimestre 2008 a vu en même temps le chômage exploser et le nombre d'heures supplémentaires continuer à augmenter. Classiquement, au contraire, un ralentissement économique provoque d'abord une chute du nombre des heures supplémentaires, avant de faire baisser le nombre des CDD et des missions d'intérim, puis de provoquer dans un troisième temps la suppression des contrats à durée indéterminée (CDI).

Cette inversion des deux premiers temps de la crise prouve bien que les dispositions relatives aux heures supplémentaires de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (la loi TEPA) favorisent l'accroissement du chômage : des salariés qui étaient en CDD ou en intérim ont perdu leur emploi plus tôt que dans le schéma habituel. Il y a donc là une responsabilité de la majorité.

Dans ces conditions, nous proposons de renforcer le dispositif de protection des salariés licenciés. Certes, la nouvelle convention d'assurance chômage améliore leur situation à partir du 1er avril 2009, date de son entrée en vigueur : il suffira d'avoir travaillé quatre mois au lieu de six pour avoir droit à l'indemnisation. Mais la durée de l'indemnisation, égale à celle de la période travaillée, reste insuffisante pour parer aux effets d'une crise qui s'annonce durable, notamment aux risques d'exclusion. C'est pourquoi nous proposons de prolonger la durée d'indemnisation de certains salariés licenciés en CDD ou en intérim.

Nous proposons aussi de supprimer purement et simplement les dispositions de la loi TEPA sur les heures supplémentaires, qui coûtent 4,4 milliards d'euros à l'État et dont le nombre a encore augmenté au quatrième trimestre 2008 alors que l'économie perdait 107 000 emplois. Certains nient encore, comme Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, que les heures supplémentaires coûtent moins cher aux entreprises que des heures normales. Mais M. Gilles Carrez – dans son rapport sur la loi TEPA – a lui-même démontré qu'elles y gagnent, sauf pour ce qui concerne les salariés rémunérés à un niveau supérieur à 1,4 fois le SMIC, dans les entreprises de moins de vingt salariés. Voilà qui explique sans doute pourquoi nous sommes le seul pays au monde à appliquer ce système… J'ajoute que ce même mécanisme qui, au début de la crise, a poussé plus tôt hors des entreprises les salariés en CDD ou en intérim, va freiner leur recrutement au moment de la reprise, puisque les entreprises auront plus intérêt à faire effectuer des heures supplémentaires à leurs salariés qu'à embaucher. Il faut donc supprimer ce système.

Il existe – c'est le deuxième point – une véritable divergence politique sur l'analyse de la crise : sommes-nous confrontés à une simple crise des outils de financement de l'économie ou à une crise de système ? Nous pensons que la crise des outils n'est que la conséquence de la recherche d'une équation impossible, fondée sur l'idée qu'un pays peut avoir une croissance forte – laquelle repose aux deux tiers sur la consommation, puis sur l'investissement – sans augmentation des salaires. C'est ce que le modèle américain a tenté d'imposer. La conséquence a été un endettement généralisé, y compris pour les particuliers. Et, alors qu'une rémunération des actionnaires à hauteur de 15 % du capital semblait être devenue la règle, le salaire médian aux États-Unis n'a pas augmenté depuis vingt ans…

En France, l'évolution du pouvoir d'achat est plus que préoccupante : il a augmenté de 0,1 % au premier trimestre 2008, diminué de 0,3 % au deuxième, puis encore stagné à 0,1 % au troisième trimestre ; il devait chuter à - 0,8 % au quatrième. Le pouvoir d'achat régresse donc, en pleine crise économique, alors qu'il avait augmenté en moyenne de plus de 3 % par an entre 1998 et 2002. Les travaux de l'économiste Camille Landais font aussi apparaître que 0,01 % des foyers les plus riches ont vu leur revenu augmenter de 42,6 % entre 1998 et 2005, contre 4,6 % pour les 90 % les moins riches…

Se pose dès lors la question de la politique des allégements de charges, qui a subi une rupture majeure en 2003. Avant cette date, les allégements de charges étaient liés à des obligations, notamment en termes de créations d'emplois. C'était le cas à l'occasion de la mise en oeuvre des 35 heures : les entreprises devaient conclure un accord avant de bénéficier des avantages prévus. Mais en 2003, la loi Fillon a aboli toute conditionnalité et a fait des allégements de charges une politique autonome de réduction du coût du travail. Cela n'a d'ailleurs pas été sans débat puisque la Cour des comptes, en juillet 2006, a affirmé que même si des emplois avaient été créés ou des destructions évitées, les allégements représentaient un coût trop élevé et une efficacité trop incertaine pour ne pas s'interroger sur leur pérennité. On ne peut pas mieux dire ! En outre, sur les mesures relatives aux heures supplémentaires de la loi TEPA, le Conseil d'analyse économique a émis dès le départ un avis réservé.

C'est pourquoi nous proposons de renouer avec la conditionnalité des allégements de charges. Vous avez vous-mêmes fait un pas en ce sens en prévoyant, dans la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail, que des négociations salariales devraient être ouvertes dans les entreprises bénéficiaires des allègements, mais cette condition reste purement formelle. Pour aller jusqu'au bout de cette logique, il suffit de se référer au discours du président de la République, alors candidat, à Périgueux le 12 octobre 2006, qui disait que le maintien des exonérations de charges pour les entreprises devait dorénavant être subordonné à la hausse des salaires et à la revalorisation des grilles de rémunération fixées par les conventions collectives. Si cela ne suffit pas à vous convaincre… Nous souhaitons donc lier les allégements de cotisations à la véritable conclusion d'accords salariaux dans les entreprises.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Sur un tel sujet, qui fait apparaître de profondes divergences, je suis heureux que nous puissions avoir un débat de qualité. En France, le niveau du revenu moyen a plus que doublé entre 1960 et 2005, mais la part la plus importante de cette hausse (environ 80 %) a eu lieu avant 1981. Des études du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) montrent clairement que l'augmentation du pouvoir d'achat est due à la formidable hausse des prestations sociales et des dépenses des collectivités territoriales, qui ont alimenté l'essentiel du pouvoir d'achat. Nous sommes devenus les champions des dépenses sociales, devant la Suède, mais nos résultats en termes de performance sociale sont décevants, comme l'a montré récemment M. Jérôme Vignon, président des Semaines sociales de France. C'est un devoir de vérité que de le rappeler.

Quant aux augmentations des hauts revenus par rapport aux plus faibles, le constat est vrai. Partout dans le monde, la petite classe moyenne a été tirée vers le bas et les salaires les plus élevés vers le haut. Il n'y a quasiment aucune exception. La crise nous oblige aujourd'hui à y réfléchir, mais le problème n'est pas spécifiquement français. Il est lié à la mondialisation.

Enfin, je crois beaucoup aux heures supplémentaires, qui sont un antidote à la rigidité des 35 heures. Certes, elles peuvent se substituer à des CDD et à l'emploi intérimaire, mais pour une faible part seulement, le reste correspondant aux dizaines de milliers d'emplois que nous n'arrivons pas à pourvoir. L'emploi ne peut pas se diviser de façon arithmétique ! Par ailleurs, les heures supplémentaires ont permis une amélioration considérable du pouvoir d'achat des salariés manuels aux faibles salaires. Nombre d'ouvriers, dans mon bassin d'emploi très industriel, ont vu leur revenu augmenter de 10 à 15 % grâce aux mesures sur les heures supplémentaires. Même à cause de la crise, il serait dommage de remettre en question cette politique d'efficacité économique et de justice, d'autant qu'au moment du rebond, nous aurons besoin de la flexibilité que permettent les heures supplémentaires.

PermalienPhoto de Jean Mallot

Confrontés à une crise sans précédent, nous proposons d'agir sous les deux angles d'attaque indispensables, à la fois par des mesures conjoncturelles, pour faire face à un chômage qui augmente de 3,5 ou 4 % par mois, à un pouvoir d'achat qui stagne et à une économie en récession, et par des mesures structurelles qui doivent empêcher que cette situation ne se reproduise.

Du point de vue conjoncturel, il est clair que ce Gouvernement a pris des mesures qui ont aggravé la crise, à commencer par le subventionnement des heures supplémentaires. Celles-ci devenant moins chères pour le patron que les heures normales, il n'y a eu aucune surprise à constater une explosion du chômage dès août 2008, sans que cela ait rien à voir avec une crise financière qui s'est déclenchée en septembre. Et si le groupe des 20 (G20) est une aussi grande réussite que vous le dites, il faut se dépêcher de mettre sa déclaration commune du 2 avril 2009 en application, et donc par exemple s'engager, comme elle le préconise, à aider ceux qui sont touchés par la crise en créant des emplois et en soutenant leurs revenus (point n° 26). C'est pourquoi les articles 3 et 4 de notre texte prévoyaient, pour soutenir le pouvoir d'achat, une indemnisation à hauteur de 80 % du salaire pendant deux ans des salariés touchés par un licenciement économique et six mois de prolongation de l'indemnisation pour ceux qui se retrouvent au chômage à la suite d'un CDD ou d'une mission d'intérim.

D'un point de vue structurel, le président Méhaignerie souhaite manifestement rétablir la prééminence du salaire direct. Il ne peut donc qu'encourager la négociation collective visant à améliorer les salaires, qui doit servir de contrepartie aux exonérations de cotisations. En faisant cela, nous améliorerons la transparence des rémunérations et rétablirons l'équilibre entre la rémunération du capital et celle du travail, car l'écart qui existe aujourd'hui entre ces deux rémunérations est la cause majeure de la crise. Par ailleurs, ce n'est pas parce que les inégalités entre les revenus s'aggravent partout dans le monde qu'il ne faut rien faire. Je vous invite donc à nous aider à avancer sur ce sujet.

À plusieurs reprises, la majorité a dit vouloir encourager la négociation collective, faire en sorte que les partenaires sociaux soient bien considérés et transcrire le résultat de leurs négociations dans des textes. Nous avons notamment eu droit à un premier projet de loi destiné à transposer le volet sur la flexibilité de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 – mais nous attendons toujours celui sur la sécurité. Notre proposition de loi va donc vous aider à avancer, notamment pour généraliser le contrat de transition professionnelle ou alors pour établir des conditions pour bénéficier des allégements de cotisations sociales, comme vous avez dit vouloir le faire. En refusant de voter ce texte, vous manqueriez quelque peu de cohérence. Surtout, vous poursuivriez dans la démarche que vous aviez entreprise par exemple en supprimant l'allocation équivalent retraite, au détriment de la situation de 70 000 personnes dans ce pays.

PermalienPhoto de Francis Vercamer

Tout comme le rapporteur, je trouve extrêmement regrettable que l'application de l'article 40 de la Constitution conduise à nous interdire de débattre sur certains articles. La censure n'est pas un bon procédé : mieux vaudrait discuter de ces sujets ici en commission, même si le débat n'a pas lieu en séance publique, que dans la rue.

Sur le fond, je suis assez surpris que le Parti socialiste se prononce aussi fermement pour une relance par la consommation, qui se finance par l'endettement. Il faudra bien rembourser un jour les dettes contractées aujourd'hui : faire payer par nos enfants ce que nous dépensons aujourd'hui ne me paraît pas une bonne politique. Par ailleurs, lorsqu'on se bat pour le pouvoir d'achat, on ne commence pas par augmenter les impôts locaux – de 19 % dans le département du Nord, ou de 40 % à Paris !

Il me semble indispensable que les entreprises jouissent d'une certaine souplesse pour pouvoir s'adapter à l'évolution de la conjoncture, qu'il s'agisse de périodes de crise ou de relance. Et je préfère une entreprise qui se sépare de certains salariés lorsqu'elle y est obligée, avec tous les dispositifs qui permettent d'atténuer les effets de telles mesures, à une entreprise en liquidation qui licencie tout le monde et aura disparu après la crise ! Les heures supplémentaires favorisent une telle adaptation aux évolutions du marché : ces évolutions sont inéluctables, parce que nous ne sommes pas dans un système collectiviste. En revanche, il faut bien sûr assurer une couverture sociale aux salariés et leur permettre de rebondir. C'est pourquoi je regrette qu'on ne puisse évoquer le contrat de transition professionnelle, qui permet la reconversion dans des métiers d'avenir.

Il faut aussi mener une politique de développement de la production en France, car la production crée beaucoup d'emplois – plus que le secteur des services. La suppression de la taxe professionnelle va dans ce sens. Les entreprises de production ont en effet tendance à quitter le territoire, et même si c'est au profit des entreprises de service, le bilan total montre un appauvrissement de la France en richesses et en emplois.

Enfin, il faut rappeler que plus on encadre les salaires, plus on oblige les gens à négocier, plus on décourage en fait la négociation : il est de la responsabilité des partenaires sociaux de se mettre autour d'une table ; mais si on les y contraint, ou s'ils savent que la loi viendra de toute façon régler le problème, ils auront tendance à ne pas négocier, ou à ne pas aller aussi loin qu'ils auraient pu le faire. Il faut une bonne fois pour toutes décider que l'État n'intervient pas dans le domaine des partenaires sociaux.

PermalienPhoto de Alain Néri

Cette proposition de loi vient à point nommé dans une situation d'urgence sociale. Monsieur Vercamer, on aurait pu éviter d'augmenter les impôts locaux si l'État avait remboursé les dépenses de revenu minimum d'insertion (RMI) des départements, comme le prévoyait une de nos propositions de loi que vous avez refusée ! Ou s'il assumait la moitié des dépenses liées à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), comme c'était prévu, au lieu de 27 % aujourd'hui !

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Croyez bien qu'au début du mois de septembre, avant que les feuilles d'impôts ne soient distribuées, on connaîtra l'apport de l'État et celui des collectivités pour chaque ville et chaque département au cours des dernières années. Vous verrez que l'État, par le biais des dégrèvements et des exonérations, aura au total donné beaucoup plus que ce qui manque aux collectivités.

PermalienPhoto de Alain Néri

Qui n'écoute qu'une cloche, n'entend qu'un son…

Vous prétendez que les heures supplémentaires permettent d'augmenter le pouvoir d'achat. Mais ce que certains attendent, c'est déjà des heures de travail ! Pensez à tous ces jeunes qui ne trouvent pas d'emploi adapté à leurs qualifications – et qui ne sont pas des fainéants, contrairement à ce qu'on entend : ils acceptent n'importe quel travail, temporaire ou à temps partiel, et gagnent cinq ou six cents euros par mois. Expliquez-leur qu'ils n'ont qu'à attendre pendant que vous consacrez 450 millions d'euros au bouclier fiscal – qui permet, dans mon département, à 64 privilégiés de recevoir plus de 46 000 euros chacun en moyenne ! Nous avons compté 90 000 nouveaux chômeurs en janvier et 80 000 en février, et 250 000 jeunes vont arriver sur le marché du travail en juillet et août. Il faut des mesures urgentes pour tous ceux qui n'ont même pas de pouvoir d'achat – parce que le pouvoir d'achat, c'est ce qui reste lorsque vous avez dépensé l'indispensable et qu'avec six cents euros par mois, lorsqu'on a payé le loyer et l'essence, il ne reste même pas de quoi manger.

Les propositions du Parti socialiste – gel des loyers là où ils sont trop élevés, baisse de la TVA, augmentation de 10 % de l'allocation logement – sont des mesures de bon sens. Cette proposition de loi permettra de renforcer la cohésion nationale et d'assurer la paix sociale.

PermalienPhoto de Michel Liebgott

Nous sommes dans un débat classique entre politique de relance par la consommation ou par l'investissement, entre politique de l'offre et politique de la demande. Les deux ne sont pas incompatibles. Mais, à l'heure où la crise nous atteint aussi durement, la relance par la demande est nettement insuffisante.

Vous avez, monsieur le président Méhaignerie, rappelé l'importance de nos dépenses sociales ; pour moi, elles contribuent largement à amortir la crise et permettent peut-être à la France d'être dans une situation un tout petit peu moins difficile que les pays voisins. Le Gouvernement l'a d'ailleurs compris puisqu'il a relancé les emplois aidés, qu'il avait presque entièrement supprimés. L'importance du secteur public contribue aussi largement au maintien d'une certaine activité. Les fonctionnaires, que certains vilipendent et dont vous voulez réduire le nombre, consomment, et souvent en France des produits dont la production n'est pas délocalisable : ils favorisent ainsi la production par les entreprises.

Nous avons adopté le dispositif du revenu de solidarité active (RSA). Même si sa forme ne nous a pas paru tout à fait satisfaisante, nous étions d'accord sur la philosophie qui le sous-tend. Salaires et dépenses sociales ne doivent pas être opposés mais peuvent tout à fait se conjuguer pour à la fois répondre à des difficultés personnelles des salariés et s'inscrire dans une logique économique.

En tant qu'élus locaux, nous connaissons des salariés à qui des heures supplémentaires sont proposées ; nous savons que ce sont toujours les mêmes. Dans la commune de taille moyenne dont je suis maire, j'ai constaté que le nombre de chômeurs est passé en un mois de 700 à 775. Je ne peux pas croire que certains de ces demandeurs d'emploi ne seraient pas capables d'effectuer, en contrat à durée déterminée ou indéterminée, des tâches aujourd'hui réalisées par d'autres sous forme d'heures supplémentaires. Même si leur formation est parfois insuffisante et doit alors être améliorée, ces 775 personnes ne sont pas toutes incapables de travailler.

Enfin, élu d'une région sidérurgique, j'ai constaté qu'Arcelor-Mittal continue à faire des bénéfices considérables, même s'ils sont passés de 9 milliards d'euros à 6 ou peut-être 4 milliards d'euros. En même temps, de telles sociétés suppriment aujourd'hui des postes d'intérimaires, mettent fin à des contrats à durée déterminée, conduisent très durement les négociations sur les salaires, envisagent des suppressions d'emplois dans les fonctions tertiaires. Il est clair qu'il s'agit d'accroître leur productivité pour satisfaire leurs actionnaires et respecter le ratio de 15 % de retour sur investissement, et non de faire face à une impossibilité de mieux payer les salariés.

PermalienPhoto de Marcel Rogemont

En réponse à Francis Vercamer, je rappelle que la relance par la consommation n'augmente pas spécifiquement le déficit. Les 110 milliards d'euros environ du déficit actuel – contre 44,8 milliards d'euros l'an dernier –, que nos enfants, mais aussi nous-mêmes, devront de toute façon rembourser, pourraient se répartir différemment. La question n'est pas celle de la masse du déficit mais de la répartition de ses causes, et de son utilisation au profit d'une politique en faveur de l'emploi.

Le président Pierre Méhaignerie a raison de parler de la participation de l'État aux ressources des collectivités locales. Mais on ne peut additionner les dotations de l'État, comme la DGF, et les exonérations d'impôts locaux. Celles-ci ne créent aucune richesse supplémentaire pour les collectivités : que l'État compense les exonérations de taxe professionnelle ou de taxe d'habitation n'ajoute pas un centime à leur budget.

Le président Pierre Méhaignerie a également remarqué avec raison que partout dans le monde les revenus des petites classes moyennes avaient été tirés vers le bas, tandis que ceux des classes supérieures l'avaient été vers le haut. Mais du fait que le phénomène est mondial, il ne faut pas conclure qu'il est impossible d'y rien changer. Des actions sont possibles. Pour y remédier, le salaire différé n'est pas un instrument négligeable. Les effets de la crise auraient été plus graves sans l'existence de « filet sociaux ».

Les allègements de cotisations conduisent à une diminution du salaire différé pour les petits salaires et à un renforcement du différentiel entre ces petits salaires et les hauts salaires. La conditionnalité des cotisations sociales est donc un instrument intéressant : le salaire différé ne doit pas être diminué sans contreparties portant sur le salaire direct. Votre argumentation, Monsieur le président, comporte donc des éléments qui vont dans le sens des propositions défendues par le rapporteur.

L'argumentaire relatif aux heures supplémentaires est largement fondé sur la prétendue rigidité introduite par les 35 heures. Mais une telle rigidité existe depuis que la loi fixe une durée hebdomadaire légale du travail, qu'elle ait été de 39 heures ou même de 48 heures ! Les heures supplémentaires aussi existent depuis très longtemps. La spécificité du moment est que leur régime crée un effet d'aubaine pour les entreprises ; du travail qui pourrait justifier des créations d'emplois est en conséquence donné à des salariés déjà en poste.

Il n'est pas possible d'opposer en permanence l'intérêt particulier à l'intérêt général. L'intérêt particulier, c'est la possibilité pour les salariés d'effectuer des heures supplémentaires pour améliorer leur salaire ; l'intérêt général, c'est la diminution du nombre de chômeurs. Les décisions prises doivent être porteuses d'intérêt général, de façon à sauver des emplois qui permettent à leurs titulaires de vivre décemment. Ce dernier point me paraît être aussi l'un des objectifs de la proposition de loi que nous défendons.

PermalienPhoto de Pierre Morange

À en croire son exposé des motifs, la proposition de loi qui nous est présentée vise à soumettre le maintien des allègements de cotisations sociales à la conclusion effective d'accords salariaux annuels avant le 1er septembre 2009, accompagnée d'une augmentation du SMIC. Elle comporte aussi une proposition de suppression des dispositions de la loi TEPA relatives aux heures supplémentaires, ces mesures étant censées préfigurer la mise en place d'une véritable sécurité sociale professionnelle à bâtir après une large concertation avec les partenaires sociaux.

La proposition d'instituer par la loi un tel cadre contraignant nous amène à réfléchir à la problématique de la démocratie sociale, de la représentativité, et de l'espace qui doit être réservé à ce qui relève du contrat par rapport à celui qui relève de la loi. Ce débat nous amène au thème central de la flexisécurité à la française. Celle-ci fait l'objet d'une mission d'information dont je remercie la Commission, Monsieur le président, de m'avoir nommé président et rapporteur. Les parlementaires qui en sont membres vont, à mon sens, s'inscrire dans la cohérence d'un dispositif global permettant de répondre aux défis auxquels notre pays est confronté. Il s'agit en effet de concilier la nécessaire productivité dans une économie de marché mondialisée et la sécurité des travailleurs qui y participent. La productivité horaire par salariés en France est la deuxième plus élevée au monde ; la productivité par salarié est la dix-septième seulement. La question du volume horaire annuel reste donc encore à revisiter. L'équilibre doit être revu au travers du contrat et de la loi. Pour cette raison, la coordination des textes déjà votés et ceux à venir sur la formation professionnelle – qu'évoque d'ailleurs notre collègue Alain Vidalies dans son exposé des motifs – prendra tout son sens au travers du contrat de transition professionnelle, qui constitue l'ébauche de cet équilibre voulu par le Président de la République.

PermalienPhoto de Régis Juanico

Les mesures contenues dans la proposition de loi que vient de nous présenter notre collègue Alain Vidalies, tant en faveur des salariés que des chômeurs, se justifient pleinement.

Elles se justifient d'abord par la gravité sans précédent de la situation économique et sociale : 300 000 chômeurs de plus en six mois, 180 000 en deux mois. La politique du Gouvernement n'est pas à la hauteur de la crise, qu'il s'agisse du nombre de contrats aidés ou de l'emploi des jeunes. Le contrat d'autonomie est un échec : 4 500 ont été signés pour un objectif de 45 000. Les dispositifs concernant l'emploi des seniors sont également inefficaces, élaborés à contretemps et contre-productifs. Il en est ainsi du durcissement des départs anticipés, mis en place l'an dernier, et de la suppression de la dispense de recherche d'emploi pour les chômeurs de plus de 55 ans. Ces deux mesures gonflent les chiffres du chômage. Il en est de même de l'assouplissement des règles du cumul emploi-retraite, et du droit de travailler jusqu'à 70 ans, décidés l'an dernier. Dans le contexte de récession d'aujourd'hui, ces dispositifs, qui incitent les retraités à rester présents sur le marché du travail, les mettent en concurrence avec les nouveaux chômeurs. Enfin, la nouvelle réglementation relative aux heures supplémentaires est aussi une machine à fabriquer de nouveaux chômeurs.

Le président Pierre Méhaignerie a évoqué les rigidités induites par les 35 heures. Aujourd'hui nous constatons que les entreprises redécouvrent les vertus de l'aménagement et de la réduction du temps de travail, et les pratiquent – au titre d'autres dispositifs – pour éviter d'avoir à se séparer de leurs salariés. J'ai remarqué que, depuis quelque temps, le groupe UMP ne parlait plus des 35 heures que mezzo voce…

Les dispositions adoptées depuis quelques mois par le Gouvernement ne font pas preuve du pragmatisme nécessaire. Quand des mesures vont contre l'emploi, il faut savoir les réformer.

Il faut en finir avec l'expérimentation et le saupoudrage. Cette proposition de loi insiste avec raison sur les mesures destinées à mieux indemniser le chômage partiel, à améliorer l'indemnisation, et surtout à généraliser le contrat de transition professionnelle à l'ensemble des bassins d'emploi : nous le savons, en matière de plans sociaux et de licenciement économiques, le pire est devant nous. Il faudrait aussi accélérer le processus de nomination des commissaires à la réindustrialisation – un seul est aujourd'hui nommé –, et les doter de moyens.

PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Je trouve étonnant que certains de nos collègues, tout en se refusant à voter les lois proposées par le Gouvernement, en exigent ensuite l'application générale. Je pense là au contrat de transition professionnelle.

Notre collègue Alain Vidalies a évoqué la gravité de la crise. Après le pouvoir d'achat, c'est la nouvelle antienne du Parti socialiste. Nous aussi, membres de la majorité, sommes au fait des difficultés de nos concitoyens. Les chefs d'entreprise que nous rencontrons dans nos permanences nous décrivent des carnets de commandes vides et de très grandes difficultés pour organiser le temps de travail de leurs salariés. Pourtant aucun ne m'a confié avoir redécouvert les vertus des 35 heures. Ce dispositif, qui continue à poser problème, est aussi spécifique à la France.

Nous rencontrons aussi des personnes privées d'emploi. Je trouve dommage que l'on établisse une relation entre les heures supplémentaires et le chômage. Si la suppression des heures supplémentaires pouvait mettre fin au chômage, nous nous y rallierions spontanément.

Monsieur le rapporteur, vous citez dans votre projet de rapport l'évolution du nombre des salariés en intérim : 300 000 en 1993, 700 000 en 2007. J'en suis un peu surprise. Défendez-vous l'intérim ? Pour moi, l'emploi intérimaire n'est pas un avenir. La situation difficile d'aujourd'hui doit nous rappeler la nécessité d'utiliser les dispositions mises en place par le plan de relance, ou d'autres qui lui préexistaient, sur la formation, de façon à pouvoir rendre possible le retour à l'emploi d'un certain nombre de personnes, et gagner la bataille de l'employabilité.

Je m'élève contre la conclusion de votre projet de rapport, où vous expliquez que « les salariés doivent utiliser leurs jours attribués au titre de la réduction du temps de travail pour diminuer les effets de la crise… dont seul le Gouvernement est responsable. » Cette crise est mondiale. Il me paraît aussi ubuesque de vouloir d'interdire aux salariés d'effectuer des heures supplémentaires pour permettre à des personnes de travailler de nouveau, alors que dans le contexte actuel, il ne sera pas créé d'emplois.

PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Monsieur le président, ce n'est pas parce qu'un phénomène est largement répandu dans le monde qu'il est vertueux. L'augmentation du surendettement des ménages a conduit à la crise des subprimes.

Les 35 heures sont-elles le grand mal qu'on décrit ? Les salariés de Continental ont accepté de revenir aux 40 heures ; après quoi leurs emplois ont été supprimés !

Vous avez aussi évoqué l'augmentation du pouvoir d'achat que permettait le levier du salaire différé socialisé. C'est cependant déconsidérer la valeur travail que d'oublier l'augmentation du pouvoir d'achat à travers celle du salaire réel, celui que l'on doit à tout salarié qui travaille.

Notre collègue Francis Vercamer a soutenu qu'une proposition comme celle qui est présentée engendrerait des dettes, qui pèseraient sur les générations à venir. Je le renverrai aux 100 milliards de déficit de la protection sociale accumulés depuis 2002.

Je voudrais aussi pointer deux contradictions entre la politique actuellement menée et certains textes que le Gouvernement a fait adopter ces derniers mois. En septembre 2008, nous avons voté une loi qui organisait le recours à la participation et à l'intéressement pour augmenter le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Vous ne vouliez pas, à l'époque, reconnaître la crise financière. Or on voit maintenant que ce type de mesures n'améliore pas le pouvoir d'achat. Beaucoup de salariés, notamment ceux des PME, ne bénéficient pas de mesures d'intéressement ni de participation ; quant à ceux qui peuvent en bénéficier, les entreprises dont ils sont salariés ne génèrent plus forcément de bénéfices, du fait de la crise et de l'effondrement des carnets de commande.

Monsieur le président, vous avez aussi exposé que le recours aux heures supplémentaires offrirait une forme de flexibilité nécessaire lorsque l'économie de notre pays se porterait mieux. Pourquoi alors le Gouvernement nous a-t-il soumis en juillet 2008 un projet de loi traitant des droits et devoirs des demandeurs d'emploi ? Nous avions tous fait le constat que nos concitoyens devaient rester le moins longtemps possible au chômage. Lorsque viendra une reprise, que nous espérons tous, il sera donc souhaitable qu'elle permette, plutôt que l'augmentation du nombre d'heures supplémentaires, la réintégration le plus tôt possible dans le monde du travail des personnes qui vont continuer à être mises au chômage dans les prochains mois. La présente proposition de loi est donc positive pour nos concitoyens.

PermalienPhoto de Gérard Cherpion

Je suis très étonné par cette proposition de loi. La crise est internationale. Je comprends mal, alors que nos collègues nous parlent des mesures contre-productives qu'aurait prises le Gouvernement, que le texte qui nous est proposé s'appuie sur des dispositions déjà votées, notamment le contrat de transition professionnelle (CTP), longtemps dénigré et qu'il faut maintenant généraliser !

La convention de reclassement personnalisé, nous expliquait-on, donnait satisfaction ; ce n'était pas vrai. Aujourd'hui, suite à l'accord que viennent de passer les partenaires sociaux, ses caractéristiques se rapprochent de celles du CTP : le délai de réflexion et la durée sont les mêmes, le salaire versé s'approche de 100 % du salaire net pendant huit mois – douze pour le CTP. On voit que les deux dispositifs convergent, pourvu qu'on leur en laisse le temps. Je ne vois donc pas ce qu'apporte la proposition sur ce point.

Deuxièmement, la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail étend le champ de l'obligation de négociation annuelle issue des lois Auroux. C'est une disposition que jamais depuis 1982 vous n'aviez modifiée quand vous étiez aux affaires. C'est nous les premiers à en avoir élargi la portée

J'ajoute qu'on considère que les exonérations de charges sociales ont permis de préserver 800 000 emplois menacés par la concurrence internationale. Ce système fonctionne, il faut le conserver.

Il est faux par ailleurs de prétendre que les heures supplémentaires nuisent à l'emploi. En Suède, où l'âge de la retraite est de soixante et un ans, il y a deux fois plus de seniors qui travaillent que dans notre pays, où on part en moyenne en retraite à cinquante-huit ans, et le chômage des jeunes y est moindre. Ces chiffres montrent qu'en France l'emploi souffre d'autres problèmes – problèmes d'intégration, de formation ou d'insertion dans l'entreprise. Dans les petites entreprises, les mesures de la loi TEPA en faveur des heures supplémentaires ont porté leurs fruits.

Quant à la loi du 3 décembre 2008 précitée, en permettant la mobilisation immédiate des sommes accumulées au titre de l'intéressement et de la participation, elle donne aux salariés un supplément, direct ou différé, de pouvoir d'achat.

Loin d'être contre-productives, toutes ces mesures sont appréciées sur le terrain.

PermalienPhoto de Christian Eckert

La question n'est pas de savoir si la crise est nationale ou internationale mais si une crise majeure justifie qu'on change de politique. Si le choix des heures supplémentaires au détriment d'une augmentation générale des salaires pouvait peut-être encore se défendre en 2007, comme celui de l'intéressement et de la participation au détriment des salaires directs en septembre 2008, ce n'est vraiment plus le cas aujourd'hui.

J'ajouterai trois remarques plus techniques. Premièrement, les mesures en faveur des heures supplémentaires ne sont pas justes puisqu'elles ne profitent pas à ceux qui n'ont pas de travail. Deuxièmement, comme le souligne la Cour des Comptes, l'exonération de charges crée une trappe à bas salaires, et c'est précisément la raison pour laquelle il faut l'assortir d'une obligation de négociation annuelle sur les salaires. Enfin, je rappelle que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 est construite sur une hypothèse d'augmentation des salaires de 4,5 % pour 2009 : la facture sera terrible pour les comptes sociaux. Une mesure favorisant l'augmentation des salaires pourrait l'adoucir un peu.

Par ailleurs, en réponse à Gérard Cherpion, opposition ne veut pas dire contestation systématique : si nous n'avons pas voté le renforcement de l'obligation de négociation annuelle sur les salaires, c'était à cause de son insuffisance.

Je peux vous dire enfin, pour l'avoir observé dans ma circonscription, et même dans ma propre famille, qu'en 2008 l'intéressement a été proche de zéro pour beaucoup de salariés. L'erreur fondamentale était de présenter l'intéressement et la participation comme un substitut de salaire. Il est temps de mettre les actes en accord avec les mots.

PermalienPhoto de Pierre Cardo

Je note d'abord que la situation de l'emploi se dégrade moins rapidement chez nous que chez nos voisins. Et nombre d'établissements financiers résistent mieux en France.

En ce qui concerne les heures supplémentaires, vos propos sont contradictoires. D'un côté, vous soutenez l'idée simpliste que les heures supplémentaires sont défavorables à l'embauche – comme si les emplois étaient interchangeables et que les heures supplémentaires effectuées par une secrétaire pouvaient empêcher l'embauche d'un chirurgien ! – alors qu'elles permettent d'adapter le tissu économique à des besoins ponctuels. Mais d'un autre côté, vous vous êtes opposés au revenu de solidarité active (RSA) au motif qu'il favoriserait le temps partiel, qui devrait pourtant dans votre logique favoriser la réduction du temps de travail dans l'entreprise !

PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Sur les heures supplémentaires, l'opposition confond les niveaux d'analyse : si on peut affirmer que 105 heures égalent trois postes de travail sur le plan macroéconomique, cette équivalence ne résiste pas à l'analyse microéconomique, les emplois n'étant pas interchangeables.

D'autre part personne n'a présenté la participation et l'intéressement comme un substitut au salaire : il s'agit d'éléments importants de la politique salariale, mais dépendant malheureusement de l'activité de l'entreprise : sans bénéfices, on ne peut pas distribuer de l'intéressement.

Troisièmement, je veux bien envisager une suppression des allègements de charges, mais à condition que les taux globaux de cotisations soient abaissés dans les mêmes proportions. Ce serait revenir au coût réel du travail et engager – pourquoi pas ? – un débat sur le partage de la valeur ajoutée.

Je vous fais observer par ailleurs qu'en Allemagne, la Confédération générale des syndicats milite pour l'établissement d'un salaire minimum sur tout le territoire de 750 euros mensuels, contre 680 actuellement de fait dans certains Länder. Nous ne pouvons pas faire l'économie d'un examen des exemples étrangers, non pas pour s'aligner, mais pour être conscients que le débat sur les allègements de charges s'inscrit dans un contexte de coût global du travail.

PermalienPhoto de Alain Vidalies

Il ne faut pas caricaturer nos positions : je n'ai jamais écrit que le Gouvernement était le seul responsable de la crise. Il faut relire tout mon rapport et ne pas tronquer ce que l'on en cite.

Le vrai débat, qui porte sur les heures supplémentaires, est entièrement faussé. Il est impossible de les considérer comme un élément de politique salariale alors que 53 % des salariés ne font jamais d'heures supplémentaires, et que, dans les entreprises qui y ont recours, la moyenne annuelle d'heures supplémentaires est de 55 heures.

Il est également caricatural de prétendre que nous voulons supprimer les heures supplémentaires, alors que nous reconnaissons au contraire leur rôle d'ajustement aux variations de l'activité. La question est de savoir s'il faut inciter à recourir aux heures supplémentaires – par des allègements qui coûtent 4 milliards –, même en situation de crise.

La majorité devrait aussi arrêter d'invoquer constamment les 35 heures et de dire que la loi TEPA se borne à y répondre. C'est l'histoire de l'oeuf et de la poule. La majorité a tordu le cou des 35 heures, de la poule, il est temps de casser l'oeuf…

Vous pouvez d'autant moins ignorer ce débat qu'il agite l'ensemble de la société, jusqu'à la Cour des comptes, qui revient sur cette question dans son rapport public 2009, observant que le « dispositif des allègements généraux a vu sa complexité s'accroître et ses coûts progresser encore », notamment du fait de la loi TEPA.

En ce qui concerne l'intéressement, le rapport de Gérard Cherpion posait la question du lien entre cotisations sociales et existence d'un accord salarial. Il ne proposait pas d'instaurer cette conditionnalité, mais seulement parce que le cadre de la loi en faveur des revenus du travail n'était pas le bon : sur le fond, Gérard Cherpion avait une approche nuancée, d'autant qu'il y avait l'engagement, que j'ai cité, du président de la République.

Par ailleurs, il n'est pas vrai que l'augmentation des heures supplémentaires concerne surtout les petites et moyennes entreprises. Certaines grandes entreprises détournent cette disposition afin de cumuler allégements de charges sur les heures supplémentaires et aides de l'État pour le temps partiel. Il y a une utilisation opportuniste du système. Le Parti socialiste le démontrera dans des monographies consacrées à certaines entreprises.

Quant aux emplois disponibles non pourvus, il est temps que le Parlement consacre une enquête ou une mission d'information à ce sujet. Le Gouvernement parle de 500 000 emplois disponibles, mais toutes les enquêtes parcellaires dont je dispose conduisent à s'interroger sur la réalité de cette disponibilité.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Je partage cette dernière observation. Il conviendrait également de connaître précisément le nombre de jeunes sans formation.

Article 1er: Conditionnalité des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale à la conclusion d'accords collectifs sur les salaires

La Commission rejette l'article 1er.

Article 2: Suppression du dispositif sur les heures supplémentaires prévu par la « loi TEPA »

La Commission rejette l'article 2.

Article 5: Gage

La Commission rejette l'article 5.

En conséquence, la Commission rejette l'ensemble de la proposition de loi.

La séance est levée à midi.