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Commission des affaires étrangères

Séance du 15 février 2012 à 17h00

Résumé de la séance

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La séance

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Examen du rapport d'information sur la situation intérieure en Belgique

La séance est ouverte à dix-sept heures.

PermalienPhoto de Robert Lecou

Au moment de présenter les travaux de la mission d'information, il me paraît tout d'abord indispensable d'insister sur le fait que, si le pays a traversé une crise politique de 588 jours sans disposer d'un gouvernement de plein exercice, les Belges n'ont cependant pas vu leur vie quotidienne réellement perturbée. Cela paraît étonnant pour un Français, mais c'est un élément qu'il faut garder présent à l'esprit lorsque l'on cherche à analyser les ressorts de la vie politique belge.

Cette mission, essentiellement organisée autour de deux déplacements à Bruxelles, a été conduite avec une grande prudence : en effet, la situation politique était extrêmement délicate, notamment lors de notre premier déplacement, en juillet 2011.

Ce qui marque d'emblée les esprits lorsqu'on découvre la Belgique, c'est la profondeur des clivages qui traversent ce pays et, en tout premier lieu, la conviction ancrée chez tous les acteurs que la Belgique est composée de deux sociétés différentes. Les liens se distendent entre les deux parties du pays : les médias « médiatisent » surtout à l'intérieur de chaque communauté et la classe politique est de plus en plus séparée. Même le sport ne réunit plus vraiment, puisque les fédérations sportives nationales ont été progressivement scindées entre des fédérations flamandes et des fédérations francophones.

En fait, de multiples points de friction communautaires conduisent depuis longtemps à cultiver un ressentiment réciproque, soit par des processus longs et réguliers qui exacerbent la sensibilité communautaire, soit en raison d'événements ponctuels qui ne s'effacent pas de la mémoire collective.

Le problème principal de la Belgique est peut-être la méconnaissance de l'autre, qui amène la tentation du repli : c'est la porte ouverte aux clichés réducteurs. Dans une large mesure, le débat politique est confisqué par la problématique communautaire, et ce n'est certainement pas sans lien avec la mondialisation. M. Herman De Croo, député libéral flamand, ancien ministre, a par exemple employé cette heureuse formule : « plus la fenêtre du monde s'ouvre, plus les gens se mettent dans le coin de la pièce ; et dans le coin prêchent les nationalistes… ». Cette appréciation, portée dans un cadre belge, peut être étendue à tout pays plongé dans la mondialisation : celle-ci peut effectivement amener à rechercher des « lieux » où l'on peut être en sécurité, où l'on peut retrouver un certain bien-être.

D'où viennent ces tensions communautaires ? Certes, la Belgique est un pays récent, créé en 1830, mais il faut entrer dans l'histoire pour bien le comprendre.

A l'origine des tensions, on trouve évidemment le clivage linguistique, qui est un conflit fondateur dans l'histoire de la Belgique contemporaine. Je veux préciser immédiatement que le mouvement flamand n'est pas d'abord un mouvement anti-belge ou anti-wallon mais un mouvement d'émancipation culturelle et sociale essentiellement dirigé contre les élites flamandes francophones. Aux premiers temps de la Belgique, l'élite et la bourgeoisie parlent français, comme dans beaucoup de pays européens ; le peuple, en Flandre, parle des dialectes flamands. Les revendications linguistiques du mouvement flamand traduisent donc, au moins à ses débuts, ce que l'on pourrait appeler une « remontée sociale » du peuple contre ses dirigeants. On trouve encore trace de ce phénomène dans les polémiques relatives au sort des soldats lors de la Première guerre mondiale : il est souvent affirmé que les soldats flamands ont été envoyés se faire massacrer au front parce qu'ils ne comprenaient pas les ordres qui leur étaient donnés par leurs officiers francophones (qui pouvaient eux-mêmes être flamands ou wallons).

Le conflit linguistique est aujourd'hui concentré sur quelques enjeux symboliques. Pour les Flamands, j'évoquerai la préservation souhaitée du caractère bilingue de Bruxelles – qui est, en fait, une ville dont 85% des habitants sont francophones – ou bien la scission de l'arrondissement électoral et judiciaire de BHV (Bruxelles-Hal-Vilvorde), qui est un dossier explosif depuis plusieurs années.

Pour leur part, les forces politiques francophones cherchent à préserver les droits des populations francophones vivant dans les 6 communes dites « à facilités » situées dans la périphérie de Bruxelles, qui bénéficient d'un régime linguistique particulier. Les francophones contestent également des décisions de certaines autorités flamandes susceptibles de faire apparaître des discriminations linguistiques à leur détriment, et luttent contre les atteintes à la liberté d'usage des langues dans la sphère privée. Certains bourgmestres flamands ont, par exemple, suscité des polémiques en mettant en place des dispositifs qui appelaient à la « délation linguistique », notamment pour empêcher l'usage systématique du français comme langue de communication entre un commerçant et ses clients.

Le clivage linguistique est apparu très tôt après la naissance de la Belgique, mais il a donc aujourd'hui évolué. Pour sa part, la revendication flamande est aujourd'hui surtout une aspiration d'ordre économique et social.

Plusieurs de nos interlocuteurs ont ainsi affirmé que la Flandre en a « ras-le-bol » des transferts dont bénéficie la Wallonie. Cette expression, triviale mais forte, traduit tout à fait le sentiment d'exaspération que nous avons pu découvrir chez certains responsables politiques flamands. Une exaspération largement partagée qui a pu conduire Bart De Wever, président du parti nationaliste flamand N-VA, à entreprendre une action choc : en 2005, il a fait déposer dix milliards d'euros en faux billets au pied de l'ascenseur à bateaux de Strépy-Thieu (Hainaut) pour dénoncer la gabegie wallonne permise par les subsides flamands. Des phrases pas particulièrement élogieuses sont ressassées à l'envi aux oreilles des Flamands, comme celle-ci : « tous les 4 ans, chaque ménage flamand a payé une voiture neuve à chaque ménage wallon ».

Par ailleurs, la Flandre réclame des leviers plus importants pour préserver sa prospérité : elle veut pouvoir conduire des politiques (notamment économiques et sociales) plus autonomes, dans les domaines de l'emploi, de la santé, etc.

Il est remarquable que, confrontées à ces tensions communautaires récurrentes, les forces politiques belges aient toujours considéré que le meilleur moyen de les apaiser était d'adapter les institutions. C'est pourquoi le système institutionnel belge a évolué au fil des années, pour devenir de plus en plus complexe. L'État belge est aujourd'hui un État fédéral unique au monde car il est organisé autour de deux catégories d'entités fédérées, afin de répondre aux aspirations divergentes des Flamands et des Wallons. De plus, les Régions et les Communautés ont des compétences différentes mais sont placées au même niveau institutionnel ; la région Bruxelles-Capitale a, quant à elle, une organisation particulièrement compliquée. La fédéralisation du pays est très avancée et les régions et communautés ont un poids financier supérieur à celui des compétences discrétionnaires de l'État central. Le fédéralisme belge est un fédéralisme de gestion de crise.

La crise de 2010-2011 s'explique aussi par le fait que le système des partis a été bousculé par l'émergence d'un parti nationaliste, la N-VA (« Nouvelle Alliance flamande »). Ce parti est arrivé en tête aux élections fédérales de juin 2010, en particulier grâce au charisme de son leader, Bart De Wever, que nous avons pu rencontrer en janvier dernier. Dans un paysage politique très fragmenté, notamment en Flandre, – il faut rappeler que les familles démocrate-chrétienne, libérale, socialiste et écologiste sont chacune scindées en un parti flamand et un parti francophone – la large victoire de la N-VA a été un élément capital dans le déroulement et la durée de la crise, qui a commencé avec la démission du Premier ministre, Yves Leterme, en avril 2010. Il me paraît à cet égard essentiel de dresser devant la commission le « déroulé » de cette crise et des tensions qu'elle a provoquées.

Les premières difficultés apparaissent rapidement après les élections, alors que sept partis sont pressentis pour éventuellement participer à un gouvernement : les socialistes, les écologistes, les démocrates-chrétiens et la N-VA (les libéraux étant rejetés hors du champ des négociations à engager).

Le 17 juin 2010, Bart de Wever, président de la N-VA, est nommé informateur par le roi. C'est un rôle classique, qui revient en général à l'un des deux partis « vainqueurs » des élections et qui consiste à recueillir les demandes des partis susceptibles de participer à un gouvernement en vue d'élaborer par la suite un accord de gouvernement. A la fin de sa mission, Bart De Wever indique avoir trouve des « convergences », insuffisantes cependant pour commencer à négocier un accord de gouvernement.

Le 8 juillet 2010, Elio Di Rupo, président du Parti socialiste, est nommé préformateur, signe que la situation n'est pas assez mûre pour engager le processus de formation du gouvernement. Pendant l'été, de nombreuses tentatives sont engagées pour rapprocher les points de vue mais le climat et la confiance se détériorent peu à peu entre les négociateurs.

Le 4 septembre, André Flahaut, président de la Chambre, et Danny Pieters, président du Sénat, qui appartiennent respectivement au Parti socialiste et à la N-VA, sont nommés médiateurs afin de renouer les liens entre les négociateurs de leurs partis. C'est à nouveau un échec.

Le 8 octobre, Bart De Wever est nommé clarificateur afin de clarifier les positions respectives des sept partis qui continuent à former l'armature potentielle du futur gouvernement. Mais il ne se met pas suffisamment au-dessus de la mêlée et la note de synthèse qu'il a élaborée est rejetée par les partis francophones.

A l'automne 2010, le roi sollicite d'autres partis et confie d'autres missions royales, en premier lieu à Johan Vande Lanotte (socialiste flamand), nommé conciliateur. Celui-ci remet en janvier 2011 une note jugée complète et équilibrée, qui est acceptée par cinq partis mais rejetée par la N-VA et le parti démocrate-chrétien flamand (CD&V). Le conciliateur démissionne le 26 janvier. Sont ensuite appelés Didier Reynders (libéral francophone) et Wouter Beke (démocrate-chrétien flamand). Leurs échecs successifs montrent comme les partis gèrent leurs relations pendant une crise politique grave.

Au printemps 2011, la situation a quand même mûri et une formation semble pouvoir être envisagée : Elio Di Rupo est donc nommé formateur le 16 mai. Le 4 juillet, il publie sa « note de base » et propose aux partis de dire s'ils acceptent d'engager des négociations à partir de cette note. Le 6 juillet, la N-VA rejette la note d'Elio Di Rupo avec virulence ; nous étions à Bruxelles le lendemain et nous avons pu constater le désarroi de tous les acteurs et observateurs politiques, ainsi que des médias, face à ce rejet. De nombreuses personnalités étaient élogieuses sur le contenu de la note et estimaient qu'elle pouvait servir de base à l'engagement de négociations.

C'est alors que le roi, profitant du discours adressé au pays à l'occasion de la fête nationale, le 20 juillet, a fait usage de son « droit de mise en garde », appelant les responsables politiques à prendre leurs responsabilités et à penser au bien-être des Belges.

C'est le lendemain que la situation se débloque, lorsque le CD&V accepte d'entrer dans un processus de négociations sans exiger la présence de la N-VA autour de la table. Les négociations s'engagent le 16 août entre huit partis : socialistes (SP.A et PS) ; libéraux (Open-VLD et MR) ; chrétiens-démocrates (CD&V et CDH) et écologistes (Groen et Ecolo). Après quelques autres péripéties, elles aboutissent le 27 novembre et le Gouvernement prête serment devant le roi le 6 décembre.

Que dire à l'issue de cette frise chronologique, sinon que la longueur des négociations et l'intensité de la crise montrent d'évidence la complexité du pays. La Belgique est un pays, mais pas une nation, même si les séparatistes sont loin d'être majoritaires en Flandre et que les rattachistes n'ont qu'une présence anecdotique en Wallonie. A l'issue de notre mission, il m'apparaît qu'il n'existe pas une Belgique, mais plusieurs Belgique.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Kucheida

Notre mission s'est déroulée dans d'excellentes conditions, notamment grâce à l'accueil qui nous a été réservé par nos interlocuteurs et à l'efficacité avec laquelle notre ambassade à Bruxelles a organisé les deux déplacements que nous y avons accomplis.

Nous sommes donc entrés en découverte d'un pays proche mais qu'en fait nous connaissons mal. La Belgique existe, mais quelle est-elle ? Celle des Gaulois ? celle des Francs ripuaires ? Le géographe que je suis relève que la Belgique, c'est 10,5 millions d'habitants répartis sur une superficie équivalente à environ trois fois celle de la région Nord – Pas-de-Calais, soit une densité moyenne de 350 habitants au kilomètre carré. La Belgique est une zone de confluence, notamment parce que plusieurs fleuves européens, grands ou moyens, y ont leur estuaire ; je pense en particulier à l'Escaut, si important dans l'histoire et l'économie de cette région. C'est aussi une zone tampon, ce qui joué sur le caractère des peuples qui s'y sont installés et s'y sont mêlés peu à peu : les Français, les Flamands, les Espagnols, les Anglais, les peuples germaniques, etc.

C'est donc une zone de tous les risques ! Lorsqu'on balaie l'histoire de l'Europe, on voit que la plupart des grandes batailles se sont déroulées dans cet espace, de Bouvines à Waterloo. L'espace belge est une zone qui ne sait pas dans quels bras elle peut se jeter. Il faut attendre la Révolution française et la conquête napoléonienne pour que les choses se figent quelque peu. C'est dans ce cadre qu'une Belgique est intégrée au monde néerlandais ; elle en sort très bientôt, en raison des contraintes qui lui sont imposées : c'est la révolution de 1830.

Mais pour comprendre la Belgique, il faut remonter au Moyen-Âge, au temps des villes-États, Gand, Bruges, Anvers, Namur, qui organisaient alors l'espace politique. Les événements qui se déroulent à cette époque sont le creuset de la Belgique, tout en montrant déjà les germes de la séparation entre les deux parties du pays. C'est le cas de la fameuse bataille des Éperons d'or (1302), au cours de laquelle le comte Robert d'Artois subit une sévère défaite et trouve la mort ; les troupes flamandes, auxquelles se sont d'ailleurs jointes des troupes wallonnes écrasent la chevalerie française. C'est peut-être à ce moment qu'apparaît ce sentiment d'orgueil, qui sera si souvent dénoncé par la suite, et qui sera nourri par les succès économiques des villes du Moyen-Âge.

C'est au XVIIIe siècle que le français acquiert son statut privilégié en Europe : il est la langue des Lumières, il véhicule naturellement les idées de la Révolution française, il subjugue les élites – y compris flamandes –, ce qui explique le refus de la subordination de ces mêmes élites aux Pays-bas. Et lorsque naît la Belgique, en 1830, le français reste la langue des classes dirigeants, flamandes et wallonnes, et les dialectes flamands ne sont considérés que comme une langue ancestrale, mais moquée et humiliée.

Pendant tout le XIXe siècle et le XXe siècle, les Flamands s'efforcent de faire reprendre pied et de redonner une place à leur langue. C'est un processus permanent, qui entraîne de nombreuses évolutions juridico-institutionnelles.

Les questions économiques sont également essentielles. Le développement de la langue est souvent associé à la prospérité et au développement social. Or, la Wallonie étant l'économie dominante de l'espace belge au XIXe siècle, le néerlandais ne trouve pas ses marques. Le déclin de la Wallonie, qui commence à la fin des années 1950, suscite de nouvelles revendications linguistiques, d'autant que la Flandre elle-même s'est engagée dans un rattrapage qui va en faire progressivement l'une des régions les plus riches d'Europe. C'est à cette époque qu'apparaît le différend communautaire portant sur les transferts interrégionaux.

S'agissant des institutions, elles sont, certes, complexes, mais force est de constater qu'elles ont bien fonctionné pendant la crise.

Le sort de la Belgique, aujourd'hui, est lié à un parti et un personnage assez particulier, dont l'importance se nourrit de la fragmentation du paysage politique provoquée notamment par la scission des partis traditionnels. La N-VA a émergé depuis 2001, emmenée par Bart De Wever ; il s'agit d'un parti nationaliste, mais celui-ci ne s'identifie pas à l'extrême droite. Il refuse, par exemple, tout contact avec le Front national français malgré les sollicitations qu'il a reçues de celui-ci.

Je suis persuadé que la N-VA voudra aller jusqu'au bout : pour Bart De Wever, la Flandre doit aller vers son indépendance, avec cette nuance que celle-ci doit se faire dans un cadre européen.

PermalienPhoto de Michel Terrot

Est-ce un appel de sa part à l'Europe des régions ?

PermalienPhoto de Jean-Pierre Kucheida

Absolument. Dans la vision de Bart De Wever, la Flandre ne devra être rattachée à aucun État. Pour faire progresser son projet, il peut s'appuyer sur les tensions communautaires qui sont nées des différends non réglés dans les années 2000.

Quel avenir peut-on entrevoir pour la Belgique ? Mon sentiment est que ça va durer ce que ça va durer… Le principal message de la plupart de nos interlocuteurs était : « on va bien voir ». La crise de 2010-2011 a fait de grands gagnants, les Flamands, et un grand perdant, Elio Di Rupo, qui a dû consentir des concessions majeures par rapport au programme politique de son parti sur les sujets socio-économiques. Il commence d'ailleurs à être confronté à la pression des syndicats, qui sont normalement un allié. L'aboutissement des négociations et la constitution du gouvernement constituent à mon sens une victoire à la Pyrrhus et font peser une lourde hypothèque sur l'avenir politique du Premier ministre.

Les élections communales constituent la prochaine échéance. Ces élections ont une portée politique bien plus importante qu'en France. Si leur résultat montre que la situation se décante dans le sens souhaité par Bart De Wever, on peut être certain que de nouveaux problèmes, de nouvelles revendications, vont apparaître.

J'ai l'intime conviction que les Flamands ne seront jamais satisfaits dans le cadre actuel de la Belgique ; ils ne pourront être satisfaits que si le cordon belge est coupé ou, tout au moins, largement distendu. J'en veux pour preuve la critique permanente qu'ils adressent aux Wallons, en oubliant que la prospérité passée de la Wallonie a été bénéfique pour la Flandre.

L'avenir de la Belgique est donc fait de questions plus que de réponses.

Bruxelles y occupe une place majeure. Bruxelles, c'est tout à la fois une ville dont 85% de la population est francophone, la capitale de la Belgique et de la Flandre (la Wallonie a assurément pris une mauvaise décision en choisissant Namur pour capitale), la capitale de l'Union européenne, le siège de multiples organisations internationales… et une ville pauvre. Pourtant, personne ne peut l'abandonner, ni la rejeter, ni l'accaparer : cela crée une situation impossible. Selon toute vraisemblance, rien ne changera de longtemps autour de Bruxelles.

L'égoïsme flamand se nourrit de la réussite économique de la Flandre. Peut-être faudrait-il que, pendant la prochaine législature, la Commission des Affaires étrangères se penche sur les fondements du développement économique de la Flandre. J'ai interrogé sur ce point M. Nic Vandermarliere, délégué du Gouvernement flamand en France – c'est-à-dire quasi-ambassadeur de la Flandre ; celui-ci a répondu que dans les années 1950, les autorités flamandes avaient consenti un effort considérable sur l'éducation, la formation et la recherche. Il serait particulièrement utile d'étudier comment la Flandre a pu aller vers l'excellence dans de si nombreux domaines.

PermalienPhoto de Martine Aurillac

Dans le paysage politique belge, quelle est la place des écologistes ?

PermalienPhoto de Robert Lecou

Les écologistes sont présents des deux côtés : il y a le parti « Ecolo » chez les francophones et le parti « Groen » chez les Flamands. Ils ont recueilli environ 5% des voix à l'élection de la Chambre des Représentants. Fait notable et unique, ils forment un groupe commun au Parlement.

PermalienPhoto de Jacques Myard

Lorsqu'on parle de l'Orient compliqué, il faut raisonner avec des idées simples. C'est pareil avec la Belgique, laquelle est une nation artificielle voulue par les Anglais. La Wallonie est une population celtique qui, en 1815, après le Congrès de Vienne, s'est retrouvée dans le giron des Pays-Bas. A ce problème se greffe le fait que la Wallonie, riche par le passé, est en crise sur le plan économique. De même, la démographie flamande a connu une très forte poussée. La situation est donc explosive. J'ai assisté à un congrès du mouvement rattachiste. Cette idée n'est pas encore très répandue mais figurez-vous que des maires de communes françaises limitrophes de la Wallonie avaient été invités et déclarèrent que si le rattachement avait un jour lieu, ils demanderaient à rejoindre la Wallonie devenue française. Je souhaite aussi dénoncer certaines méthodes fascistes utilisées, aujourd'hui, en Flandre, s'agissant notamment de la langue. Enfin, Bruxelles est un problème majeur et nul doute que ça va mal se passer lorsque sera abordé le sort de cette ville. En tout cas, ça fait 30 ans que les rapports de fin de mission des ambassadeurs de France en Belgique nous disent que « la Belgique n'existe plus ». La question que l'on doit se poser, c'est : que fera la France ? Ignorer le problème ou accepter la Wallonie, quand bien même ça ne plairait pas au Royaume-Uni ? Et puis, il faudra aussi tenir compte de l'enclave germanophone d'Eupen-Malmedy. Quoiqu'il en soit, la Belgique est condamnée, c'est une construction artificielle qui ne tiendra pas et la seule question qui compte c'est comment la France traitera ce problème.

PermalienPhoto de Christian Bataille

J'ai une vision intime de la Belgique puisqu'une partie de ma famille vit près de Tournai et que ma circonscription est presque frontalière avec ce pays. Le Nord et la Belgique, c'est la même chose ! C'est le même pays ! Il n'y a aucune différence entre Valencienne et Mons, par exemple. Je suis d'accord avec notre collègue Jaques Myard lorsqu'il a invoqué l'histoire et, notamment, le Congrès de Vienne où Talleyrand, malgré son talent, n'a pu empêcher de rattacher la Belgique à la France. La Suisse a sans doute réussi là où la Belgique a échoué en raison d'un enracinement beaucoup plus ancien. Je ne suis pas allé au congrès des rattachistes mais je pense que la Belgique ne durera pas et que la France devra accueillir à bras ouverts la Wallonie. De tout ça, il faut tirer une leçon : notre période n'aime pas les solidarités. A l'échelle européenne, les Allemands ne veulent pas payer pour la Grèce. En Italie, Milan ne veut pas payer pour Naples. Et en Belgique, les Anversois ne veulent pas payer pour les Wallons qui passent à leurs yeux pour être tous paresseux, chômeurs et au crochet de la sécurité sociale. Et puis se pose aussi le problème de Bruxelles qui n'évoluera pas, je pense, sur le modèle de Washington DC, c'est à titre d'un territoire fédéral européen. Car un Bruxelles indépendant serait un Bruxelles francophone et, de ça, les Flamands ne veulent pas. Permettez-moi, pour conclure, de dire que j'ai trouvé les rapporteurs bien indulgents vis-à-vis de Bart De Wever. Car une des composantes du NVA est bel et bien fasciste !

PermalienPhoto de Robert Lecou

N'oubliez pas qu'il y a aussi le Vlaams Belang qui, lui, est ouvertement d'extrême droite.

PermalienPhoto de Christian Bataille

Certes mais je vous trouve indulgents. Cela me fait penser à la fable du loup devenu berger.

PermalienPhoto de Michel Terrot

Je partage totalement l'opinion de M. Jaques Myard sur le fait qu'un assemblage artificiel de différents peuples ne peut pas marcher. Les Rapporteurs n'ont pas cité la colonisation. La Belgique est un petit Etat mais son empire colonial, constitué de l'ex-Congo Belge, aujourd'hui RDC, et aussi du Rwanda et du Burundi, était immense. Le Congo Belge a d'abord été une possession personnelle du roi Léopold II. Wallons et Flamands y étaient présents mais l'administration s'est faite en français. Est-ce que cela n'a pas masqué une vérité qu'on ne peut plus cacher aujourd'hui ? Je crois que la question coloniale ne doit pas être écartée lorsqu'on se penche sur la Belgique.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Kucheida

Vous avez parfaitement raison de mentionner les comportements parfois inacceptables, proches de l'exaction, dont sont victimes les francophones en Flandre.

La France doit-elle ignorer les difficultés des Wallons ou offrir de les accueillir ? Nous avons posé cette question à nos interlocuteurs wallons, qui n'ont pas exprimé le souhait de rejoindre la France.

Le Congo a effectivement beaucoup pesé sur l'histoire de la Belgique, parfois pour le meilleur, souvent pour le pire. Mais aucune des personnes que nous avons rencontrées ne l'a mentionné.

PermalienPhoto de Robert Lecou

Ouvrir largement les bras aux Wallons ne me semble pas envisageable. Je tiens à souligner que, lorsqu'il nous a reçus, le représentant de la Flandre à Paris avait invité son homologue de Wallonie, et que les deux hommes semblaient bien s'entendre. Une offre de la France en direction des Wallons ne pourrait qu'aggraver la situation.

Puis la commission autorise la publication du rapport d'information.

La séance est levée à dix-huit heures.