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La séance

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Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-France

L'audition débute à dix-sept heures cinquante.

PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Le rapport thématique sur les transports ferroviaires régionaux en Île-de-France, publié en novembre 2010 par la Cour des comptes, constitue une des sources de référence pour notre commission d'enquête. C'est pourquoi il nous a paru indispensable d'entendre M. Christian Descheemaeker, président de la septième chambre, qui se consacre notamment à l'aménagement du territoire, à l'équipement et aux transports.

La Cour a confronté les coûts supportés par la collectivité et la qualité du service rendu, mais, dans le cas du RER, les présentations comptables distinctes adoptées par la RATP et la SNCF l'empêche de procéder à des comparaisons. Les particularismes et certaines insuffisances masquent les résultats comptables précis, notamment ceux de chaque ligne. De ce fait, l'autorité organisatrice – le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), qui contracte à moyen terme avec les opérateurs – manque d'une bonne connaissance des situations. Jean-Paul Huchon, qui, en tant que président de la région, préside le conseil d'administration du STIF, l'a souligné à plusieurs reprises.

La Cour se demande si le label Transilien, qui, à la SNCF, recouvre aussi bien les liaisons de banlieue que le RER, n'entretient pas une confusion entre des activités qui mériteraient d'être distinguées d'un point de vue comptable.

La question des bonus et des malus contractuellement opposés par le STIF à chaque opérateur est une autre source de complexité. La Cour souhaite une révision du système, qui renforcerait pour chaque opérateur les conséquences de son activité. À ce jour, les indicateurs de qualité du service semblent faire l'objet d'une sous pondération contractuelle.

Si la décentralisation de la compétence en matière de transport de voyageurs présente en Île-de-France des particularismes et des difficultés spécifiques, les usagers sont en droit d'attendre des opérateurs un service sûr et régulier, notamment une information fiable. Or, sur ce point, les résultats demeurent très en deçà des objectifs de la loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI) votée en 1982.

La commission d'enquête et la Cour se rejoignent sur la nécessité de simplifier la gestion des lignes du RER A et B, co-exploitées par la RATP et la SNCF. Ces lignes ne sont toujours pas dotées d'un poste de commandement unifié ! Par ailleurs, l'intervention de RFF, qui attribue les sillons de circulation, n'a évidemment pas contribué à simplifier la situation.

PermalienChristian Descheemaeker, président de la septième chambre de la Cour des comptes

La Cour a rédigé le rapport de novembre 2010 sur les transports ferroviaires régionaux en Île-de-France à partir de trois sources : le contrôle organique de la RATP, dont le rapport, datant d'octobre 2009, a été adressé à la Commission des finances de l'Assemblée nationale ; le contrôle du Transilien, de juin 2010 ; et la synthèse d'un contrôle sur le STIF, en novembre 2009, par la chambre régionale des comptes d'Île-de-France. En outre, la commission des finances de l'Assemblée nationale avait commandé une étude sur la « soutenabilité » de la dette de la RATP.

Depuis 2010, la situation a quelque peu évolué ; certaines de nos observations ont été prises en compte. Par ailleurs, la Cour procède au contrôle sur des marchés d'acquisition de rames supplémentaires, du point de vue de la RATP comme de la SNCF, mais, dès lors qu'elle n'a pas terminé son rapport, je n'y ferai pas allusion.

Enfin, je signale pour l'anecdote que je me déplace en métro depuis des décennies. Ayant présidé pendant six ans la chambre régionale des comptes d'Île-de-France, j'ai effectué quotidiennement le trajet reliant les Hauts-de-Seine à la Seine-et-Marne, via Paris, le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis. En d'autres termes, je suis un fidèle utilisateur de la ligne A, ce qui signifie, non que le rapport exprime mon opinion personnelle, mais que je connais assez bien le sujet sur lequel il porte.

La Cour a constaté d'abord l'inadaptation du réseau. Dans Paris, le réseau central du métro est exceptionnellement dense, puisque le nombre de stations excède largement celui d'autres villes comparables. En revanche, celui de la banlieue est inférieur à celui des autres métropoles étrangères. Si la création du RER, en 1969, a amélioré la situation, elle a aussi compliqué le schéma, en faisant apparaître des lignes cogérées par la RATP et la SNCF. En outre, les investissements ont marqué le pas pendant vingt ans, ce qui explique en grande partie les problèmes actuels.

La Cour observe ensuite que la qualité du service s'est dégradée. Si les premiers contrats conclus entre les opérateurs et le STIF ont fait apparaître des indicateurs de régularité, leurs chiffres sont souvent en décalage avec la perception des usagers. Jadis, on ne comptabilisait pas dans les retards, les suppressions des trains qui allongent pourtant l'attente sur le quai. Aujourd'hui encore, ces indicateurs semblent perfectibles, surtout si l'on veut s'en servir pour calculer les bonus ou les malus affectant la rémunération pour les opérateurs et leurs agents dont la Cour regrette le caractère trop peu incitatif. Par ailleurs, les usagers se demandent comment des bonus peuvent être versés, alors qu'ils constatent chaque jour des difficultés dans les transports.

Le rapport pointe en troisième lieu la lourdeur de l'organisation institutionnelle. En Île-de-France, le STIF est quasiment l'unique autorité organisatrice, mais les grands acteurs sont nombreux. Il s'agit de la RATP, de la SNCF, des propriétaires et des gestionnaires d'infrastructures, dont la RATP, Réseau ferré de France (RFF), l'État et, depuis la loi du 3 juin 2010, la Société du Grand Paris (SGP), auxquels s'ajoutent à présent les autorités de régulation. À cette lourdeur s'ajoute le fait qu'en raison d'une culture et d'une organisation très différentes, la RATP et la SNCF ont du mal à se coordonner. Le cas de l'aiguillage coexploité par la RATP, la SNCF et RFF frise la caricature. Heureusement que la France est le pays de Descartes !

La Cour regrette que les données comptables restent opaques, malgré les progrès intervenus dans l'exécution des contrats passés avec le STIF pour 2008-2011. Les chiffres qui permettraient d'évaluer le coût du transport collectif ne figurent pas dans les comptes rendus annuels d'exploitation. Or, si l'on ne connaît pas le taux de remplissage des trains, des métros ou des tramways, comment savoir si une ligne est saturée ? Ni la SNCF ni la RATP ne fournissent à l'autorité organisatrice le coût complet par ligne, alors même que la SNCF met ces chiffres à notre disposition pour la province. Cette imprécision tient peut-être à celle du mot Transilien, appellation très vague qui ne correspond ni à une branche ni à une filiale. En tant qu'usager, habitué à ce qu'on a appelé longtemps les « trains de banlieue », j'ai eu du mal à comprendre qu'il s'agissait d'un concept plaqué sur une entreprise.

Pour disposer de chiffres utilisables, il faudra procéder à de nombreuses facturations entre branches de l'établissement public, pour la traction, l'entretien du matériel roulant, des gares, du réseau de distribution, la sûreté et la lutte antifraude. Pour l'heure, la Cour considère qu'elle ne dispose pas d'informations suffisantes et directement exploitables. Les sommes en jeu étant considérables, il faudrait alourdir les pénalités financières sanctionnant la non transmission de données.

La Cour pointe également l'augmentation sensible des coûts de fonctionnement. La rémunération que le STIF verse à la RATP et à la SNCF en complément des recettes tarifaires croît plus vite que l'inflation. Certes, l'offre est plus importante aujourd'hui, puisque les plages horaires du week-end sont plus étendues, mais le coût unitaire du transport augmente indépendamment du volume, du fait d'une hausse des coûts de fonctionnement.

Enfin, le RER souffre d'un sous investissement. Longtemps, la SNCF a sacrifié la desserte de la banlieue parisienne à la construction du TGV. Quant à la RATP, elle a connu un épuisement financier après le chantier de METEOR, qui a coûté plus cher que prévu, et celui du nouveau tramway parisien. De plus, la Régie est lourdement endettée. De ce fait, l'investissement dans le RER a été insuffisant, même si un rattrapage est amorcé.

J'en viens à nos recommandations. Il faut d'abord faire prévaloir la clarté des coûts et des performances, afin que le STIF puisse exercer pleinement ses compétences. L'objectif n'a rien d'irréalisable. Pour peu qu'on adopte certaines conventions, comme il en existe dans toute comptabilité analytique, le STIF disposera d'un instrument de pilotage. À défaut, il devra se contenter de considérations vagues et risquées.

En second lieu, il faut rattraper le sous investissement, en privilégiant l'existant. Pour autant, la Cour n'ignore pas le besoin d'infrastructures nouvelles pour répondre à la demande, bien qu'elle n'ait pas travaillé sur les projets de grands investissements. En tout état de cause, on constate chaque jour sur les lignes A, B ou D, des retards supérieurs à trente minutes imputables à des incidents. Si nombre d'entre eux sont liés à des suicides, à des malaises de voyageurs ou au vandalisme, les postes de commande sont aussi trop anciens, l'automatisation est insuffisante et le matériel roulant dépassé. Il est donc urgent d'investir dans l'existant, au lieu de laisser vieillir un matériel dont la durée de vie est déjà dépassée. Il n'y a pas lieu de s'étonner quand des caténaires prévues pour durer trente ans, mais en service depuis plus de trente-cinq, viennent à se casser ! Les solutions sont admises, mais, pour renouveler les matériels et les équipements qui relèvent à la fois de la SNCF et de RFF, les deux entreprises doivent coopérer. Même si la situation est plus simple à la RATP, le matériel est également souvent périmé.

Un sérieux effort doit être consenti pour abaisser les coûts de fonctionnement. La Cour souligne l'importance de réaliser des gains de productivité. À cet égard, les projets de la SNCF comme ceux de la RATP pourraient être plus ambitieux.

La Cour n'a certes pas de légitimité en matière technique. Il reste toutefois bien difficile d'admettre que l'interconnexion soit si souvent suspendue à Nanterre, et que l'organisation n'ait pas évolué depuis des années. À la Gare du nord, où l'interconnexion est censée avoir disparu en novembre 2009, les arrêts durent toujours. On annonce qu'elle sera effectivement supprimée à Nanterre Université, mais j'ai quelques doutes à ce sujet. D'ailleurs, j'ai un peu de mal à comprendre qu'un conducteur de la RATP ne puisse pas conduire sur le réseau de la SNCF, alors qu'un chauffeur routier anglais qui arrive en France accepte de rouler à droite, sans qu'il soit nécessaire de le remplacer.

Au-delà de l'aspect technique, on peut s'interroger sur la coexploitation des lignes A et B. Certes, il s'agit d'un legs de l'histoire, mais rien n'a empêché que la ligne de Sceaux soit gérée, au sud, par la RATP, et, au nord, par la SNCF. Si deux entreprises exploitent les lignes A et B, pourquoi ne pas confier l'une à la RATP et l'autre à la SNCF ? Mais, pour l'instant, cette solution simple n'a pas été retenue.

PermalienPhoto de Pierre Morange

Puisque la clarté des comptes et la connaissance des coûts sont nécessaires pour donner à l'autorité organisatrice les moyens de ses ambitions, on doit sanctionner les opérateurs qui refuseraient de transmettre leurs chiffres. Par ailleurs, quels gains de productivité suggérez-vous ? Quelles conclusions tirez-vous de la mise en oeuvre de la comptabilité analytique en province ? Faut-il soumettre les sociétés de transport à un audit extérieur ?

Pour limiter ou supprimer les retards quotidiens, que les voyageurs endurent avec un stoïcisme remarquable, il est suggéré d'élever à 5% l'enveloppe du bonus ou du malus, qui représente 0,6 % des recettes d'exploitation de la RATP et 0,9% de celles de la SNCF. Le taux de 2%, suggéré par certains décideurs politiques, permettrait-il vraiment d'améliorer le service ?

Pour assurer la modernisation du réseau existant et sanctuariser les recettes qui lui sont attachées, faut-il, s'agissant des lignes A et B, attribuer en totalité une ligne à un opérateur, ou peut-on se contenter d'un commandement unifié pour chaque ligne ? Je rappelle toutefois que le commandement unifié, prévu pour la ligne B en 2009, est loin d'être opérationnel.

PermalienPhoto de Annick Lepetit

J'avais lu le rapport de la Cour des comptes dès sa publication en 2010, quand nous examinions le texte sur le Grand Paris. Aujourd'hui, la nécessité de privilégier l'existant ne fait plus polémique, signe que votre rapport a porté ses fruits. En revanche, le nombre élevé d'intervenants continue de poser problème, d'autant qu'une nouvelle instance est apparue en 2010 : la Société du Grand Paris (SGP), avec laquelle le STIF apprend à travailler. Cela dit, le financement des travaux n'est toujours pas phasé.

Plusieurs questions restent posées, notamment celle de la gouvernance et des relations entre les intervenants. En outre, même si l'exécution du contrat pour 2008-2011 et les nouveaux contrats qui lient le STIF, avec la RATP et la SNCF pour 2012 traduisent une amélioration, l'opacité demeure sur ce qui se passe au sein de ces grandes entreprises nationales. Le temps est peut-être venu d'entamer une troisième décentralisation, car le STIF, dont le conseil d'administration réunit des élus locaux, a du mal à exercer une contre-expertise face aux grands opérateurs.

Comme les coûts de fonctionnement, les coûts d'investissement augmentent, même quand les travaux n'ont pas commencé. C'est le cas pour l'allongement de la ligne E. Il faut donc poser le problème des rapports entre financeurs et opérateurs. Si, à brève échéance, le schéma directeur du RER fait l'objet d'un contrat, on peut craindre, à long terme, les effets de la multiplicité des intervenants. Les usagers ne savent plus à qui s'adresser quand les instances se renvoient la balle sans rien décider ! Comment améliorer les relations entre les opérateurs sans remettre en cause le principe d'une autorité régionale, garantie que les décisions se prennent au plus près ?

PermalienPhoto de Henri Plagnol

J'ai apprécié votre intervention, teintée de l'ironie que vous permet votre expérience personnelle d'usager. Vous avez bien fait de souligner que le concept de Transilien est une trouvaille du marketing qui n'a pas de traduction comptable ni juridique, et que rien ne vaut une expertise indépendante pour apprécier la pertinence des investissements.

Si les lignes actuelles sont congestionnées aux heures de pointe, ne faut-il pas améliorer le taux de remplissage pendant les heures creuses, en évoluant vers des horaires variables, et intégrer à la réflexion sur le transport la problématique habitatemploi ? À moyen terme, ne faut-il pas aussi densifier l'habitat et opérer un rééquilibrage entre l'Est et l'Ouest de l'Île-de-France ? Au lieu de doubler la surface de bureaux à La Défense, pourquoi ne pas en créer à l'Est de Paris ? Ne peut-on s'inspirer de l'exemple du Grand Londres, qui a délocalisé ses aéroports pour retrouver du foncier ? À Orly, il y aurait de quoi construire dix fois La Défense.

PermalienPhoto de Arnaud Richard

Quelles réponses vous ont apporté les administrations ou les entreprises citées dans le rapport ?

Pourquoi ne pas utiliser les indicateurs adoptés par d'autres régions ?

On jette l'anathème sur les deux opérateurs, mais parfois leurs clients ne sont-ils pas en cause, eux aussi ?

Ce qu'on nomme pudiquement la fluidité du dialogue social n'a-t-elle pas freiné certaines réformes de bon sens ?

Enfin, n'y a-t-il pas moyen de trouver un « espéranto » pour aider à se parler et à coopérer des structures ayant chacune leur légitimité et leur stratégie ?

PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Le RER est amené à devenir le métro de la métropole francilienne, ce qui suppose d'améliorer les dessertes existantes et de prévoir de nouvelles extensions. La Cour a-t-elle réfléchi au moyen d'intégrer au réseau du RER des lignes transiliennes qui appartiennent à celui de la SNCF ?

Pour les lignes A et B, vaut-il mieux une gestion unique par un opérateur ou une gestion unifiée ? Pour avoir visité le poste de commandement de la SNCF, à la Gare du Nord, et celui de la RATP, à Denfert-Rochereau, nous avons l'impression que le commandement unique est surtout un voeu pieux.

Comment sécuriser les investissements dans l'existant, alors que les financements ne sont acquis que pour le réseau Grand Paris Express, dans le cadre de la SGP ?

Dès lors que la RATP, la SNCF et RFF possèdent une forte logique interne, ne faut-il pas réunir dans une même instance les exploitants, les gestionnaires des infrastructures et l'autorité organisatrice ?

Ne faut-il pas revoir la séparation des tâches entre RFF et la SNCF, notamment pour la maîtrise d'ouvrage ?

Enfin, dès lors que les collectivités territoriales franciliennes pourvoient à certains financements, ne doivent-elles pas devenir à terme gestionnaires des infrastructures, soit de manière directe soit par délégation ?

PermalienChristian Descheemaeker, président de la septième chambre de la Cour des comptes

Sur l'avenir de La Défense, je commencerai par une remarque individuelle : avant de créer 40 000 emplois, il faut savoir où les situer et comment transporter ceux qui les occuperont. Quand j'ai contrôlé l'Établissement public pour l'aménagement de La Défense (EPAD), j'ai entendu, au conseil d'administration, un échange qui m'a inquiété. Quelqu'un posait la question suivante : si, pour financer la rénovation des tours, on accorde le droit de les élever de 30%, comment fera-t-on dans trente ans, quand le problème de la rénovation se posera à nouveau ? Quelqu'un a répondu : « nos enfants règleront le problème ».

Des audits externes me semblent effectivement nécessaires pour éclairer la comptabilité des deux opérateurs et identifier des gains de productivité. Les comptes de la SNCF sont complexes, mais, si une fois en place des conventions, on évite de les modifier, on pourra procéder à des comparaisons d'une année sur l'autre, ce qui est essentiel.

Il m'est difficile de me prononcer sur le taux optimal des bonus et des malus. En revanche, il me semble indispensable d'alourdir les sanctions financières à l'encontre des opérateurs qui ne transmettraient pas les informations demandées. Évitons cependant de les décourager, car, même si, sur le papier, la concurrence existe, elle rencontre rapidement ses limites dans les faits.

Faut-il confier les lignes A et B à un exploitant différent ou prévoir une coordination, ce qui serait déjà un progrès ? Je constate que les années passent sans aucune amélioration. Est-il si difficile que deux personnes dont le métier consiste à faire rouler des trains sur des rails collaborent quand une rame a du retard ? En Belgique, on peut attribuer les difficultés de communication à un problème linguistique, mais on ne peut tout de même pas invoquer cet argument en Île-de-France !

J'aimerais pouvoir répondre aux questions de Mme Lepetit sur l'avenir du transport en Île-de-France, mais la Cour ne s'est pas engagée dans cette voie, sans doute par prudence. Le nombre des acteurs a tendance à augmenter. Qu'arrivera-t-il si des concurrents surgissent ? En province, où la RATP n'existe pas, un dialogue est établi entre l'autorité organisatrice et la SNCF. Même si les coûts sont élevés et que l'intervention du département complique parfois la situation – par exemple quand il faut prévoir une ligne d'autocar –, un équilibre a été trouvé. Ce n'est pas le cas en Île-de-France, peut-être parce que les acteurs sont dans des situations différentes : la SNCF et RFF constituent un couple, ce qui n'est pas le cas de la SNCF et de la RATP.

Monsieur Plagnol, la réflexion sur les taux d'utilisation, pertinente pour la consommation d'électricité ou, dans une moindre mesure, pour l'étalement des vacances, est difficile à transposer dans les transports. Comment éviter l'affluence des usagers le matin et le soir ? En dehors des familles qui se rendent dans la journée à EuroDisney – mais rentrent tout de même en fin d'après-midi –, la plupart des trajets s'effectuent à la même heure, entre le domicile et le travail. Aucun schéma ne propose d'abaisser le prix du billet aux heures creuses. Si les adeptes de la voiture n'hésitent pas à partir de chez eux de plus en plus tôt et à rentrer de plus en plus tard, les usagers des transports, qui se plaignent d'être compressés, ne modifient pas pour autant leurs horaires. Quant au rééquilibrage entre l'Est et l'Ouest, j'y suis favorable, considérant, à titre personnel, que la densification de La Défense n'offrira pas d'autre avantage que d'attirer éventuellement des avions meurtriers, mais d'autres prétendent qu'il existe une clientèle qui ne se déplace, de Londres à Singapour, que dans des centres d'affaires de ce type.

Monsieur Richard, vous avez parlé des clients, c'est-à-dire des usagers, qui ont aussi une responsabilité dans les dysfonctionnements. On annonce souvent que le RER est arrêté parce que des gens circulent sur les voies – sans doute est-ce une question d'éducation ! Les suicides, le vandalisme ou l'utilisation intempestive du signal d'alarme ne facilitent pas la tâche des opérateurs dont la responsabilité n'est pas en cause dans 44% des incidents. Si une grande majorité de voyageurs suscite notre admiration par son fatalisme, une faible minorité gêne tout le monde. Des solutions existent, comme les portes palières qu'on trouve sur les lignes 1 et 14, mais elles coûtent cher, et ne règlent pas tous les problèmes.

Monsieur le président, vous avez évoqué les liens entre le RER et les autres trains de la région parisienne, mais il est difficile de savoir où commence et où finit le Transilien. À quoi sert un label qui n'est pas clair ? On a voulu se débarrasser de l'expression « train de banlieue », qui était connotée de manière péjorative, mais on n'a pas rénové le matériel en lançant une nouvelle étiquette. Dès lors, il est logique que la perception des usagers n'ait pas évolué. Certes, on peut créer un autre label pour désigner les trains qui ne sont pas des RER, mais, à titre personnel, il convient de se méfier des labels qui ne sanctionnent pas une amélioration du fonctionnement.

J'ai répondu partiellement sur la gestion unifiée ou la coordination. Celle-ci, qui représenterait déjà une amélioration, se heurte cependant à des obstacles juridiques. La SNCF prétend ne pas pouvoir indiquer le nombre d'agents affectés au Transilien, puisqu'ils peuvent à tout moment intervenir sur autre liaison, mais je ne crois guère à cet argument. Il est probable que certains personnels sont affectés durablement sur les lignes transiliennes. On nous oppose aussi que les conducteurs de la RATP et les cheminots obéissent à des règles de fonctionnement très différentes. Cependant, je l'ai dit, la ligne de Sceaux a été exploitée par la SNCF avant de l'être par la RATP.

La Cour ne s'est pas prononcée sur la réunion éventuelle des opérateurs dans une même instance. On pourrait certes confier la gestion des infrastructures aux collectivités locales, mais il me semble délicat d'introduire un nouvel intervenant dans un schéma très complexe – sauf si l'on en supprime d'abord un autre. Il a déjà fallu de longues discussions pour régler la plupart des litiges découlant, par exemple, du financement de l'extrémité des lignes par le STIF.

L'audition s'achève à dix-neuf heures vingt.

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Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-France

Réunion du mardi 7 février 2012 à 17 h 45

Présents. - M. Daniel Goldberg, M. Didier Gonzales, Mme Annick Lepetit, M. Pierre Morange, M. Henri Plagnol, M. Arnaud Richard

Excusés. - M. Yanick Paternotte, M. Axel Poniatowski, M. François Pupponi