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Commission de la défense nationale et des forces armées

Séance du 9 novembre 2011 à 10h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • BFA
  • allemand
  • brigade
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  • militaire
  • soldat
  • unité

La séance

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La commission examine pour avis sur le rapport de M. Georges Mothron le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la Brigade franco-allemande (n° 3813).

La séance est ouverte à dix heures cinq.

PermalienPhoto de Guy Teissier

Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sur la brigade franco-allemande fait suite à la décision prise en février 2009 par la Chancelière allemande et le Président de la République de renforcer cette dernière, avec notamment l'installation sur le territoire français, en banlieue de Strasbourg, d'un bataillon allemand.

Il convenait de lui donner un cadre juridique et financier, c'est l'objet du présent texte.

PermalienPhoto de Georges Mothron

Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui vise à autoriser la ratification de l'accord relatif à la BFA signé le 10 décembre dernier entre la France et l'Allemagne. En février 2009, en marge de la 45econférence de sécurité, la Chancelière allemande et le Président de la République ont en effet souhaité donner une nouvelle impulsion à la BFA en prévoyant l'installation d'une unité de la Bundeswehr dans la banlieue de Strasbourg, à Illkirch-Graffenstaden.

L'arrivée du 291erégiment de chasseurs a toutefois fait apparaître un certain nombre d'imprécisions dans les textes relatifs à la BFA. Depuis 1989, elle est en effet régie par un arrangement technique liant les ministères de la défense allemands et français. Des ajustements sont intervenus, notamment en 2004, mais il n'avait pas été envisagé jusqu'ici de donner plus de visibilité à cette unité avec la signature d'un accord intergouvernemental. Par ailleurs, il convenait de mettre certaines stipulations fiscales en conformité avec les nouvelles directives communautaires.

L'accord de 2010 répond donc à un triple objectif : réaffirmer solennellement l'importance de l'axe franco-allemand, renforcer le caractère opérationnel de notre coopération militaire et moderniser les règles fiscales applicables à la BFA.

Créée en 1989, la BFA constitue un symbole fort de la réconciliation entre la France et l'Allemagne. Le Président François Mitterrand et le Chancelier Helmut Kohl tenaient à montrer que même le champ militaire pouvait faire l'objet d'actions communes. Ils ont donc décidé de créer une brigade binationale regroupant des unités nationales (quatre régiments allemands et deux régiments français) ainsi que quelques unités mixtes (état-major et un régiment mixte). La BFA compte aujourd'hui 5 500 hommes répartis sur quatre sites : Müllheim, Donaueschingen et Immendingen en Allemagne et Illkirch-Graffenstaden en France. La BFA est alternativement commandée par un officier général français et allemand, étant entendu que le commandant en second est toujours d'une nationalité différente de celle de son supérieur.

Sur le plan opérationnel, elle est placée sous le commandement du corps européen dès lors qu'elle intervient dans une opération de l'Union européenne ou de l'OTAN. Il faut noter que l'engagement de la BFA doit respecter les règles institutionnelles d'engagement de chaque pays. En Allemagne, par exemple, l'autorisation parlementaire préalable reste la règle alors qu'en France cet accord n'intervient qu'a posteriori.

La BFA a été déployée au Kosovo dans le cadre de la KFOR en 1996 et en 2000. Certains de ces militaires ont également été projetés en Afghanistan en 2004, mais dans leurs zones nationales respectives. De même, des militaires de la BFA participent depuis maintenant près de deux mois à des missions au sein d'équipes de liaison (OMLT) de la FIAS.

Dans tous les cas, les troupes restent sous commandement national et les militaires de la BFA relèvent bien du droit militaire de leur pays. Ainsi les règles d'ouverture du feu pour un soldat assurant la sécurité d'une garnison diffèrent : le droit allemand permet d'utiliser son arme en cas d'atteinte à un bien quand le droit français limite cette possibilité à la légitime défense. De même, il est interdit aux forces allemandes d'utiliser des lacrymogènes, y compris dans des opérations de maintien de l'ordre. Ces différences expliquent qu'il n'a pas été possible de définir un cadre d'ordre commun. La BFA a toutefois pour mission de rapprocher les doctrines et de faciliter l'intégration croisée. La question des règles d'engagement et du caractère opérationnel des forces européennes mérite en fait une réflexion à l'échelle de l'Union.

L'accord de 2010 ne revient pas sur les aspects opérationnels. Il ouvre cependant des pistes de réflexion en permettant par exemple d'intégrer au sein de l'état-major de la BFA des personnels issus d'autres pays de l'Union. La BFA constitue une réalité tangible sur laquelle l'Union européenne peut s'appuyer pour construire une véritable politique de coopération en matière de défense. C'est dans cette logique que se place l'accord de 2010 : faire de la BFA le fer de lance d'une coopération militaire de longue haleine.

Les dépenses liées à la brigade, hors rémunérations des personnels, représentent en 2010 environ 23 millions d'euros se répartissant en 12,8 millions d'euros pour la France et 10,2 millions d'euros pour l'Allemagne. La part de la France est conjoncturellement un peu plus élevée en raison des investissements que nous faisons pour remettre aux normes le site alsacien. Entre 2010 et 2012, cet effort représente 9,3 millions d'euros.

Dans ses rapports publics de 2008 et 2011, la Cour des comptes s'était inquiétée de la faible utilisation des corps militaires européens et de l'existence de contentieux financiers gênant leur déploiement opérationnel. Pour la BFA, il s'agissait de points de blocage relatifs à la répartition de certains coûts de construction et au régime de prise en charge des personnels civils. Ce contentieux a été réglé en 2004 et aucune difficulté n'est apparue depuis.

L'accord de 2010 tire les conséquences de ces problèmes et prévoit un régime financier très précis fondé sur la règle de la répartition équitable des charges. Chaque pays prend en charge les dépenses pour ses personnels ainsi que les coûts de fonctionnement des unités (matériel informatique, munitions d'instruction…). Les dépenses de garnison (chauffage, eau, électricité…) sont à la charge de l'État d'accueil. Pour les unités mixtes, les dépenses sont réparties en proportion des effectifs nationaux.

Pour les immeubles, chaque État met à la disposition de la BFA les infrastructures nécessaires, ce qui peut impliquer des travaux de mise aux normes comme en Alsace. En revanche, tout projet de construction nouvelle, d'aménagement ou d'agrandissement est à la charge de l'État qui en fait la demande. C'est le cas pour les ajustements demandés par l'Allemagne à Illkirch-Graffenstaden.

Pour régler rapidement le moindre problème, et notamment des contentieux financiers, l'accord prévoit une Commission commune : elle pourra ainsi régler des difficultés purement techniques sans être obligée de recourir à un arbitrage politique. Je gage que ce changement sera un facteur de souplesse et facilitera la gestion quotidienne de la brigade.

Il me semble que l'accord de 2010 va dans le bon sens. Il aurait certes gagné à s'intégrer à une réflexion plus globale sur la politique de défense à l'échelle de l'Union européenne. Il n'en reste pas moins qu'il consacre la BFA comme outil et symbole de la coopération militaire. Le processus est difficile et demande une volonté politique forte. Je crois qu'il nous faut encourager cette démarche et je formule donc un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi.

PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Je pense que les procédures financières mériteraient d'être pleinement harmonisées. Lorsqu'un problème survient sur un équipement, les Allemands le remplacent dans les plus brefs délais tandis que les Français suivent une procédure d'achat longue et contraignante, qui au final peut s'avérer plus coûteuse.

Par ailleurs, considérez-vous la BFA comme l'amorce d'une véritable armée européenne ?

Enfin l'accord de défense franco-britannique du 2 novembre 2010 a-t-il eu un impact sur la BFA ?

PermalienPhoto de Georges Mothron

Les habitudes françaises et allemandes différentes ont en effet pu compliquer dans un premier temps le fonctionnement de la brigade. Il y a eu une période de rodage. Les membres de la Cour des comptes que j'ai eu l'occasion d'auditionner ont notamment évoqué des différences concernant l'épaisseur des matelas et la superficie des chambrées. Différences qui ont peu à peu été harmonisées. En ce qui concerne les équipements, chaque pays est responsable de son matériel et doit à ce titre, en assurer l'entretien.

On peut voir dans la BFA l'amorce d'une armée européenne. La brigade est d'ailleurs subordonnée au Corps européen. De tous les corps militaires européens permanents, la BFA est l'unité la plus opérationnelle. Elle peut à ce titre constituer le noyau d'une force européenne en devenir. Le fait que d'autres pays de l'Union souhaitent s'y associer démontre l'aspect précurseur de la démarche franco-allemande.

PermalienPhoto de Gilbert Le Bris

La France prend à sa charge les 9,3 millions d'euros nécessaires à la mise aux normes de la nouvelle caserne de la BFA à Illkrich-Graffenstaden. Dans les années à venir l'entretien de ce bâtiment sera-t-il lui aussi à la charge de la France ?

La Cour des comptes recommande dans son rapport public annuel pour 2011, concernant les corps militaires européens permanents « de revoir l'ensemble de ces dispositifs, dans une perspective de refonte et de réorganisation, voire de suppression ». Quelle suite a été donnée à cette préconisation ?

PermalienPhoto de Georges Mothron

Les travaux initiaux de mise aux normes des locaux relèvent de la responsabilité de l'État en charge de la garnison, qui assurera par la suite le fonctionnement quotidien de ces bâtiments. En revanche tout aménagement autre est à la charge de l'État qui en fait la demande si ces dépenses sont destinées à la satisfaction exclusive de ses besoins.

À la suite des recommandations de la Cour des comptes, les litiges financiers entre la France et l'Allemagne ont été réglés. Une Commission commune de règlement des conflits est d'ailleurs consacrée par le présent accord afin d'éviter la résurgence de tels contentieux.

Les autres corps militaires européens permanents pourraient être amenés à évoluer, voire à disparaître à la différence de la BFA dont l'existence est pérennisée via cet accord.

PermalienPhoto de Christophe Guilloteau

Une école franco-allemande de pilotage d'hélicoptères existe au Luc. Pourquoi n'a-t-on pas réuni, en un seul « paquet » franco-allemand, cette école et la BFA ?

PermalienPhoto de Georges Mothron

La BFA comprend seulement des unités d'infanterie, et uniquement des unités opérationnelles. Sa nature est par conséquent très différente de celle de l'école de pilotage d'hélicoptères du Luc.

PermalienPhoto de Guy Teissier

Les deux dispositifs ont le même objectif : faire converger nos deux outils de défense. Néanmoins, les écoles militaires et les unités opérationnelles sont toujours placées sous des commandements distincts.

PermalienPhoto de Jacques Lamblin

Lors d'une récente cérémonie de commémoration de la Libération en Lorraine, les pouvoirs publics ont invité des militaires allemands de la BFA à participer aux manifestations. On pouvait nourrir des craintes quant à l'accueil que leur réserverait la population, mais il n'en a rien été : cet accueil a été chaleureux, ce qui est de bon augure pour la coopération militaire franco-allemande.

Les effectifs de la BFA vont être renforcés du point de vue quantitatif, mais qu'en est-il du point de vue qualitatif ?

PermalienPhoto de Georges Mothron

La réaction de la population est un signe encourageant pour la coopération militaire franco-allemande. Car certaines difficultés perdurent, ainsi les militaires allemands ne souhaitent pas exercer du gardiennage de bâtiment sur notre territoire, par crainte de raviver de douloureux souvenirs.

Concernant la composition de la brigade, rien n'empêche des changements qualitatifs. J'ai mentionné plusieurs adaptations depuis sa création en 1989 et l'accord ouvre la voie à d'autres évolutions. Jusqu'à présent la BFA a principalement été employée pour des missions de maintien de la paix plutôt que dans des combats, mais cela pourrait changer.

PermalienPhoto de Philippe Folliot

Nous sommes nombreux à espérer que la BFA puisse constituer le noyau dur d'une défense européenne. Quelle est la langue de travail de la BFA ?

PermalienPhoto de Georges Mothron

En 1989, la France disposait encore d'un effectif important de troupes stationnées en Allemagne et, de ce fait, habituées à parler en allemand, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. Dans le même temps, l'apprentissage de l'allemand est devenu plus rare dans notre système éducatif, de même pour l'apprentissage du français outre-Rhin. De plus la dimension multinationale de l'OTAN et du Corps européen notamment incite nos officiers supérieurs à échanger en anglais.

Néanmoins, les troupes constituant la BFA restent des troupes nationales, et ce n'est qu'au niveau du commandement que des échanges sont nécessaires entre Français et Allemands.

PermalienPhoto de Gérard Charasse

Peut-on vraiment penser que cet accord franco-allemand constitue une grande avancée vers une organisation militaire européenne plus large et plus intégrée ?

PermalienPhoto de Georges Mothron

La mise en place d'une organisation militaire européenne est un processus qui va demander du temps. Le présent accord constitue une première étape. Le Corps européen, composé de l'Allemagne, de la Belgique, de l'Espagne et du Luxembourg en est la preuve puisque qu'il continue de s'élargir et devrait bientôt accueillir en son sein la Pologne.

PermalienPhoto de Pierre Forgues

Dans quelle langue les soldats français et allemands communiquent-ils entre eux ? S'il n'y a pas de cohabitation étroite entre les soldats des deux armées, le caractère franco-allemand de la brigade reste virtuel, par conséquent l'existence d'un tel corps n'a que peu d'intérêt. Dès lors que les soldats sont appelés à servir ensemble, pourquoi ne pas leur dispenser une formation linguistique adaptée ?

PermalienPhoto de Guy Teissier

La BFA n'est pas la Légion étrangère. En son sein, les unités des deux armées manoeuvrent ensemble, mais la plupart de ces unités ne sont pas mixtes, elles restent nationales et travaillent donc au quotidien soit en allemand pour les unités de la Bundeswehr soit en français en ce qui concerne nos régiments.

PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

J'ai pu observer qu'à la caserne de Müllheim, en marque de respect mutuel, les Français s'adressaient aux Allemands en allemand, et inversement. En outre, il ne faut pas oublier que les soldats français sont des professionnels alors que les soldats allemands sont encore des appelés.

PermalienPhoto de Daniel Boisserie

Peut-on avoir des précisions concernant la répartition des charges d'investissement et des charges de fonctionnement?

PermalienPhoto de Georges Mothron

Chaque pays prend en charge les dépenses de fonctionnement de ses unités. Elles ne doivent pas être confondues avec les dépenses de garnison. Pour Illkirch-Graffenstaden, la France assure par exemple les coûts de garnison et l'Allemagne ceux du fonctionnement de l'unité.

PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Certains objectifs ont dû être assignés à la BFA au moment de sa création. Ont-ils été atteints ? Cette brigade permet-elle une harmonisation des procédures entre nos deux pays ?

PermalienPhoto de Georges Mothron

L'objectif de 1989 a été atteint, puisque la BFA est venue conforter la réconciliation entre la France et l'Allemagne. L'engagement de la BFA en Afghanistan entre 2004 et 2005 et au Kosovo actuellement démontre le bon fonctionnement de la BFA.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la Commission émet un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

La séance est levée à dix heures quarante-cinq.