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Commission d'enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux

Séance du 21 septembre 2011 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • emprunt
  • municipal
  • spéculatif
  • stock
  • toxique

La séance

Source

PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

Messieurs, nous venons d'écouter avec beaucoup d'intérêt vos prédécesseurs à la mairie de Saint-Étienne.

Après le changement de majorité municipale en 2008, quelles ont été vos premières décisions pour rétablir les finances de la ville et, surtout, pour gérer la dette ?

M. Maurice Vincent, M. Jean-Claude Bertrand et M. Cédric Grail prêtent successivement serment.

PermalienMaurice Vincent, maire de Saint-étienne

Dès mon élection, j'ai demandé la réalisation d'un audit sur la situation budgétaire de la ville et de sa dette. Sur le plan budgétaire, celui-ci a démontré que la ville était en grave difficulté du fait de l'effondrement de l'épargne nette. L'une des conclusions du Rapporteur a donc été la nécessité d'augmenter les impôts de 25 % pendant le mandat – ce que nous n'avons pas fait pour l'instant. Sur le plan de la dette, le rapport rendu par le cabinet Finance Active en juin 2008 a également mis en évidence une situation grave puisque 70 % de l'encours, soit 270 millions d'euros, étaient composés d'emprunts structurés. Aussitôt informé de cette situation, j'ai consulté mes adjoints et les services de la mairie, et, la semaine suivante, je leur ai demandé l'engagement d'une politique de sécurisation de la dette, consistant à saisir toutes les occasions de sortir de ces risques le mieux possible et au coût le plus faible pour la ville. Cette politique a donné des résultats puisque notre part toxique – certes, encore importante aujourd'hui : de 120 millions d'euros, soit 34 % de la dette – a été réduite de moitié en trois ans.

Par ailleurs, avec d'autres élus, j'ai alerté la ministre des finances et la ministre de l'intérieur de l'époque sur cette situation. Il s'est ensuivi, au mois de novembre 2008 au ministère de l'intérieur, la réunion des grandes banques françaises et des principaux responsables d'association d'élus locaux, puis la mise en place de la grille Gissler, visant à interrompre la diffusion de produits spéculatifs aux collectivités territoriales.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

Vous vous êtes publiquement prononcé en faveur de la création d'une « structure de défaisance » dont l'objectif serait de prendre en charge tous les prêts structurés souscrits par certaines collectivités. Mais je vous ferai observer qu'un prêt structuré n'est pas forcément toxique.

Quels seraient selon vous les collectivités et les produits concernés par cette structure de défaisance et quel en serait le coût ?

PermalienMaurice Vincent, maire de Saint-étienne

Cette idée d'une structure de défaisance constitue l'aboutissement de trois années de discussions et de résultats partiels, mais importants.

Vous avez raison : tous les produits structurés n'ont pas le même degré de dangerosité. Ceux que je n'ai pas pu renégocier sont les plus spéculatifs. Pour les autres, nous avons perdu de l'argent, nous avons accepté des taux d'intérêt rehaussés, nous avons payé de temps à autre telle ou telle soulte, mais nous en sommes sortis.

PermalienPhoto de Claude Bartolone

Quelle était l'indexation de ceux que vous avez réussi à renégocier, et par quoi les avez-vous remplacés ? Et quelle est l'indexation de ceux qui subsistent dans votre budget et que vous jugez aujourd'hui très toxiques ?

PermalienMaurice Vincent, maire de Saint-étienne

De mémoire, nous n'avons pas pu sortir des produits indexés sur les taux de change. Nous sommes sortis d'un ou deux produits indexés sur la pente, avec un levier faible. Nous sommes sortis parfois grâce à une opportunité et avons renégocié.

Les plus dangereux sont les produits dont la partie variable est indexée sur les taux de change, et les produits qui, étant indexés sur les écarts de pente, ont un fort coefficient multiplicateur. Ceux-là subsistent dans notre dette.

PermalienJean-Claude Bertrand, adjoint au maire de Saint-étienne, chargé du budget et de la gestion de la dette

La désensibilisation des emprunts à risque nous a coûté, en soulte, 2,4 millions d'euros. Avec certains établissements bancaires, il n'y a pas eu de soulte, mais intégration de la perte dans les nouveaux taux d'intérêt – de 3,36 % au lieu de 3,31 %.

PermalienMaurice Vincent, maire de Saint-étienne

La valorisation du risque des emprunts très risqués – de niveau 6 F, ou au-delà, de la charte Gissler – est telle que le coût est impossible à supporter à la fois pour les collectivités et pour les banques. Les premières seront donc amenées soit à augmenter très fortement les impôts pour payer des taux d'intérêt dissuasifs – ce que les élus ne feront pas, à commencer par moi –, soit à multiplier les procédures contentieuses en espérant sortir de ces prêts toxiques.

Pour les produits les plus toxiques, ne rien faire n'est pas gérable car cela risquerait, d'une part, d'abîmer l'image de notre pays – plusieurs centaines de collectivités étant concernées, comme l'indique le rapport de la Cour des comptes de juillet dernier –, et, d'autre part, de laisser ces dernières dans l'incertitude.

Selon moi, il faudrait donc créer, par la voie législative par exemple, une société où serait cantonné l'ensemble des prêts les plus toxiques, afin de faire revenir les collectivités territoriales dans le droit commun. La création de cette structure de défaisance n'est qu'une idée, et je ne prétends pas avoir entièrement raison.

Le rapport de la Cour des comptes évalue le stock de prêts très toxiques entre 7 et 12 milliards d'euros pour l'ensemble des collectivités territoriales concernées. Il faudra néanmoins y ajouter ceux des CHU, qui ne figurent pas dans le champ du rapport.

Pour Saint-Étienne, la valorisation de nos 120 millions d'euros de prêts très toxiques est aujourd'hui de 120 millions d'euros. Le risque de perte sur cette structure de défaisance est donc compris entre 7 et 12 milliards d'euros. Je pense qu'il appartient au Gouvernement et à la représentation nationale de réfléchir à la façon dont ce fardeau doit être pris en charge. Celui-ci est, selon moi, parfaitement gérable sur trois ans. Pour ma part, je préconise une taxation des banques.

Bref, le Gouvernement doit se saisir de l'affaire et proposer une solution de sortie, car le pire serait de laisser de grandes villes, mais aussi de petites communes, dans cette situation.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

La Cour des comptes n'est pas favorable à l'idée d'une structure de défaisance, car celle-ci reviendrait à déresponsabiliser les collectivités. Elle propose une mesure visant à mutualiser la gestion des emprunts les plus risqués par des spécialistes, plutôt que par les collectivités. Qu'en pensez-vous ?

PermalienMaurice Vincent, maire de Saint-étienne

J'ai écrit à Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, dont la proposition n'est pas incompatible avec la mienne. Néanmoins, je pense que l'on ne peut pas se contenter d'une seule structure technique, car il s'agit de savoir comment on sort du risque, combien cela va coûter et qui va payer. Or des experts techniques nous aideraient, certes, à gérer ce risque, mais ne le feraient pas disparaître.

Le rapport de la Cour aborde également la question de la responsabilisation des collectivités territoriales. Je pense qu'il n'y a aucun risque pour le futur à partir du moment où des textes interdisent clairement les emprunts spéculatifs aux collectivités territoriales. J'ai toujours proposé que la charte Gissler soit plus claire en interdisant ces produits. On entend dire que les collectivités ont fait preuve d'irresponsabilité entre 2002 et 2008. Certes, ces produits étaient inadaptés, et certains élus n'ont pas été capables d'en déceler le caractère pernicieux. Néanmoins, l'origine de l'affaire ne réside pas dans l'irresponsabilité des collectivités : elle réside, et cela figure dans le rapport de la Cour, dans la volonté des banques d'augmenter leurs marges bénéficiaires dans la mesure où, en 2002, elles étaient en concurrence et avaient des marges très faibles.

La charge de la preuve ne doit pas être renversée : c'est bien le système bancaire qui, pour augmenter ses profits, est à l'origine de cette situation dramatique !

Je suis d'accord pour que l'on se prémunisse à l'avenir de tous risques d'irresponsabilité potentielle des collectivités. Cependant, on peut aujourd'hui régler le problème définitivement. Après 2008, la charte Gissler a à peu près assaini la situation : il faut maintenant sortir des stocks couvrant la période de 2002 à 2008.

PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Dans votre courrier du 18 novembre 2010 adressé au président de la chambre régionale des comptes, vous écrivez : « S'il me paraît évident que mes prédécesseurs ont eu une gestion désastreuse et irresponsable de la dette, il est également clair que les banques ont vendu des produits spéculatifs interdits, ce qui est d'ailleurs reconnu dans la charte Gissler. » Vous ajoutez : « Ces pratiques budgétaires et financières me semblent incompatibles avec le principe de sincérité et de prudence présidant à l'établissement des budgets, mais également incompatibles avec une gestion responsable des deniers publics. »

Autrement dit, vous mettez fortement en cause, d'un côté, la gestion de vos prédécesseurs et, de l'autre, le contrôle de légalité en stigmatisant le manque de sincérité des éléments fournis au conseil municipal de l'époque.

Aviez-vous, à l'époque, en tant que membre du conseil municipal, la capacité d'analyser les éléments qui vous étaient donnés ? Et avez-vous déféré au préfet ou à toute autre autorité administrative les délibérations du conseil municipal qui décidait de recourir à ces emprunts pour le compte de la ville de Saint-Étienne ?

PermalienPhoto de Henri Plagnol

Je suis très frappé par la similitude des situations de nos communes. Je rejoins totalement votre constat : après plusieurs années d'efforts pour renégocier au mieux, avec des résultats non négligeables, on en arrive à un stock extrêmement dangereux à très court terme, face auquel il n'existe pas de solution à l'échelle de la collectivité. Il est très important que les membres de la Commission en aient conscience, sauf à exiger une ponction extrêmement forte sur les contribuables.

S'agissant de ma ville de Saint-Maur-des-Fossés, non seulement les conseillers municipaux de l'opposition n'avaient aucun moyen de connaître la nature de ces emprunts, mais aucun des contrôles de légalité n'a fonctionné. Des restructurations pour des montants extrêmement importants ont été opérés quelques semaines avant l'élection municipale, c'est-à-dire à un moment où le conseil municipal ne se réunissait pas.

Quel regard portez-vous sur cette question majeure pour la démocratie locale ?

PermalienPhoto de Lionel Tardy

Le problème se pose pour l'avenir, mais il faut aujourd'hui traiter le stock. Beaucoup de maires m'ont demandé ce qu'il était possible de faire pour les collectivités, sachant que les banques, elles, ont été aidées quand elles ont eu besoin de l'être. Ils se posent des questions sur leurs budgets futurs, et certains envisagent d'attaquer Dexia ou d'autres banques sur la conformité des contrats.

S'agissant du stock de prêts toxiques, vous avancez le chiffre de 12 milliards. Un grand quotidien national donne aujourd'hui un chiffre différent et évoque 5 500 communes concernées. Or pour éclairer nos débats et traiter le stock grâce à une structure de défaisance, nous devons connaître les sommes en jeu et le nombre de collectivités concernées, sans forcément les citer.

PermalienPhoto de Claude Bartolone

C'est notamment la raison pour laquelle nous avons accepté à l'unanimité la création de cette commission d'enquête.

Pour ma part, j'avais déposé, notamment dans le cadre des deux dernières lois de finances, des amendements permettant d'obtenir ces informations. Les uns et les autres ont voulu regarder ailleurs : le Gouvernement s'est demandé comment il pourrait éviter une soulte ; les banques, n'en parlons pas ; et certaines collectivités locales n'ont pas souhaité s'exprimer. Aujourd'hui, la parité entre l'euro et le franc suisse conduit un certain nombre de collectivités à « sortir du bois ».

Avant les vacances, ce sujet a fait l'objet d'un reportage dans un grand journal du soir. Aujourd'hui, il fait la une d'un grand quotidien. Néanmoins, le législateur ne peut pas se forger un avis sur des articles de presse. C'est pourquoi le programme arrêté par notre Rapporteur nous permettra d'aborder les points essentiels que vous soulevez, monsieur Tardy, en particulier celui, central, du nombre des collectivités concernées.

PermalienPhoto de Jean-Louis Gagnaire

M. Vincent a démontré l'impossibilité, même pour une grande ville, d'aller plus loin.

Face à cette situation, il faut épurer le stock dans une structure garantie par l'État et qui porte le risque, afin de faire tomber le coût du crédit. Toutes proportions gardées, cette proposition peut être faite pour les eurobonds, puisque porter le risque mutualisé à l'échelle européenne permet de soulager le coût de la dette pour tel ou tel pays – ce qui ne veut pas dire que le pays en question ne paie pas. En l'occurrence, si je comprends bien la proposition de M. Vincent, il ne s'agit pas pour la collectivité de se décharger sur une structure : il s'agit de rembourser, à travers une structure nouvelle, une dette dont le coût explose.

S'il est très intéressant d'analyser le passé, il faut surtout trouver des solutions pour l'avenir. Le cas de Saint-Étienne est emblématique. Il y en aura certainement d'autres. Je pense que les élus qui sont allés le plus loin possible devront revenir devant notre Commission avec les banques et d'autres opérateurs pour discuter des solutions opérationnelles.

PermalienPhoto de Claude Bartolone

Monsieur Vincent, quel a été votre sentiment en tant qu'élu de l'opposition lorsque ces différents produits vous ont été présentés ?

Il vous reste aujourd'hui 120 millions d'euros de produits toxiques, soit un tiers du total de votre dette. Sur l'ensemble des produits de ce stock, êtes-vous sortis de la période des taux bonifiés ?

Au dernier fixing qui vous a été communiqué, à quel taux d'intérêt sortez-vous ?

S'il vous fallait augmenter les impôts, dans quelles proportions devriez-vous le faire ?

Enfin, avez-vous entendu parler de la double vérification de la chambre régionale des comptes et de ses deux rapports, dont un semble être resté très secret ?

PermalienMaurice Vincent, maire de Saint-étienne

Selon moi, avant 2008, il était inimaginable pour n'importe quel élu que des produits spéculatifs de cette nature soient proposés et souscrits par les collectivités. En tout cas, il ne m'était jamais venu à l'esprit qu'on pouvait spéculer ou accepter des produits qui, de fait, revenaient à spéculer avec l'argent du contribuable.

À Saint-Étienne, l'opposition connaissait l'existence d'une dette importante. Elle surveillait donc son montant global. Comme l'a confirmé le rapport de la chambre régionale des comptes de 2010, elle a augmenté sur le dernier mandat de 14 millions. L'opposition surveillait également le taux d'intérêt. Mais celui-ci était bas puisque c'étaient les emprunts toxiques qui le faisaient baisser, ce que nous ne savions pas.

La souscription des emprunts toxiques faisait l'objet, non de délibérations du conseil municipal, mais de décisions du maire qui figuraient dans une liasse, bien connue des maires, sur une demi-page, très succincte. Il était donc très difficile de voir ces décisions.

Ainsi, jusqu'en 2007, nous constations, en tant qu'opposants, que la dette augmentait un peu et que le taux d'intérêt était plutôt bas.

Le hasard a fait qu'un élu du Syndicat intercommunal pour la destruction des résidus urbains (SIDRU) de Saint-Germain-en-Laye nous a alertés sur des prêts très avantageux souscrits par sa ville et celle de Saint-Étienne.

Cela m'a amené, lors de la séance du 18 décembre 2007 du conseil municipal, à poser les questions suivantes : « Avez-vous, comme cela semble être le cas à Saint-Germain-en-Laye, échangé des risques de taux très élevés après 2008 pour bénéficier de taux très favorables jusqu'aux élections ? Avez-vous, dans votre négociation de la dette, pris des risques sur l'évolution des taux futurs ? » « Avez-vous engagé la dette de la ville sur des produits financiers hautement spéculatifs, que ce soit sur les taux d'intérêt ou sur les taux de change pour les vingt ans qui viennent ? »

Les réponses qui m'ont été apportées à l'époque étaient rassurantes. Je pense franchement qu'il était difficile pour l'opposition d'aller au-delà dans son rôle de vigilance.

S'agissant du contrôle de légalité, je ne mets pas en cause spécialement les services de l'État. Je constate qu'ils ont exercé le contrôle de légalité sur telle ou telle délibération, mais pas sur ces décisions d'emprunts des maires, et ce dans toutes les villes de France. Peut-être ces décisions étaient-elles hors de leur champ de réflexion, ou peut-être le personnel des préfectures est-il insuffisant.

À mes yeux, la responsabilité principale revient aux organismes financiers qui connaissaient la complexité et la dangerosité de ces produits. Les proposer aux collectivités territoriales est une faute. C'est pourquoi j'ai saisi la justice sur plusieurs cas. J'ai parlé d'incompétence et d'irresponsabilité des élus, et je confirme ces critiques. En effet, même si les banques sont très agressives, les élus ne devraient jamais signer un contrat qu'ils ne comprennent pas.

J'ai découvert par la suite un autre élément qui m'a profondément choqué : la décision du maire de Saint-Étienne, par l'intermédiaire de son adjoint aux finances, prise le 18 mars 2008 après le deuxième tour de l'élection municipale, et actée définitivement le 20 mars 2008, de contracter avec la Deutsche Bank un prêt dont le taux serait aujourd'hui, si nous le payions, de 24 %. J'ai été élu maire par le conseil municipal le 21 mars. Je vous laisse apprécier les observations que j'ai faites sur la gestion de l'équipe précédente…

Selon le rapport de la chambre régionale des comptes de juillet 2011, le stock de prêts très toxiques est compris entre 7 et 12 milliards – sans compter les CHU, pour lesquels il faudrait sans doute rajouter plusieurs milliards. Ce matin, la presse donne un chiffre inférieur, mais elle ne cite que Dexia, alors que d'autres banques sont concernées. En outre, ce chiffre date de fin 2009. La valorisation du coût de la dette devrait donc, selon moi, être égale à celle du montant des emprunts – comme pour la ville de Saint-Étienne.

Pour notre ville, un emprunt est déjà sorti de la période des taux bonifiés depuis un an et demi : l'emprunt de la Deutsche Bank de 23 millions d'euros, dont le taux serait de 24 % aujourd'hui. Nous ne le remboursons pas car nous avons saisi la justice, et l'action est suspensive.

PermalienJean-Claude Bertrand, adjoint au maire de Saint-étienne, chargé du budget et de la gestion de la dette

Deux snow balls de la Royal Bank of Scotland (RBS) sont en période de risque depuis 2011.

PermalienMaurice Vincent, maire de Saint-étienne

Nous avons saisi la justice pour les faire annuler.

Deux autres emprunts, souscrits avec Dexia, sortiront en 2012.

En dehors de l'emprunt de la Deutsche Bank, le plus préoccupant à très court terme concerne l'agglomération stéphanoise puisque nous avons deux swaps dont la période de risque commence le 1er janvier 2012, pour un total de 20 millions d'euros et dont le taux d'intérêt théorique dépasse aujourd'hui les 30 %. Ce sont des produits très spéculatifs indexés sur la parité euro-franc suisse.

S'agissant du double rapport de la chambre régionale des comptes, les choses sont très claires pour moi. Un premier rapport a été rédigé. Le courrier que j'ai reçu du Président évoquait tout simplement une erreur de la Cour puisque l'un des magistrats avait déjà exercé dans la région Rhône-Alpes. Il a donc lancé une autre équipe de magistrats.

Enfin, en matière de fiscalité, la situation pour notre ville est ingérable : l'évaluation du marché est de 120 millions de soulte, alors que les impôts directs nous rapportent 93 millions par an. Même en deux ou trois ans, aucune collectivité ne peut augmenter les impôts dans de telles proportions. C'est pourquoi je propose une structure de défaisance.

PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Selon vous, les collectivités territoriales n'étant pas des emprunteurs comme les autres, les banques n'auraient pas dû leur proposer des produits de cette nature. Or je ne vois pas sur quoi cet argument peut se fonder juridiquement. Je me fais l'avocat du diable en me mettant à la place de l'organisme prêteur : d'une certaine façon, prêter à une collectivité territoriale est plus sûr puisqu'elle ne fera pas faillite.

Avez-vous mis en avant votre argument dans vos contentieux ? Avez-vous un premier écho de la justice à ce sujet ?

PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

Si autant de collectivités ont souscrit des emprunts structurés, c'est à cause du problème de liquidités. Pour financer des projets, les élus cherchent des emprunts, d'abord à des taux fixes avantageux, ensuite à des taux variables, et enfin, si cela ne suffit pas, ils se tournent vers des emprunts structurés. En effet, en cas d'encours d'investissements importants, les banques locales n'arrivent pas à suivre. Cela a été le cas pour ma ville, notamment sur un complexe aquatique de 60 millions d'euros : les banques ne suivaient pas et, en bout de chaîne, nous avons souscrit des emprunts structurés.

Le problème de liquidités va donc devenir de plus en plus dur. Les banques qui accordent des prêts structurés ne sont pas des banques de dépôt : elles vont chercher l'argent sur le marché monétaire.

Qu'avez-vous mis en place pour gérer ce problème ? Faites-vous toujours appel à des cabinets extérieurs ? Comment amenez-vous ces questions au conseil municipal ?

PermalienJean-Claude Bertrand, adjoint au maire de Saint-étienne, chargé du budget et de la gestion de la dette

Dès que nous avons eu conscience de la structuration de la dette, un comité de sécurisation de la dette a été mis en place à la demande de Maurice Vincent. Il se compose du maire, de moi-même, du directeur général des services (DGS) et du directeur général adjoint (DGA) aux finances. Nous nous réunissons une fois par mois pour passer en revue toutes les lignes et voir si des opportunités se dessinent pour renégocier, ou s'il nous faut saisir la justice.

En outre, je rencontre une fois par semaine la directrice des finances et le DGA aux finances pour étudier la situation et chercher des opportunités éventuelles.

S'agissant de l'information du conseil municipal, je présente un état de la dette et de sa structure trois fois par an : lors d'une séance dédiée du conseil municipal – je l'ai fait en février –, lors de la présentation du budget primitif et lors de la présentation du compte administratif.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

Malgré tout, votre commune continue de vivre. En trois ans, vous avez dû avoir des projets et recourir à des emprunts. Comment fonctionnez-vous ?

PermalienJean-Claude Bertrand, adjoint au maire de Saint-étienne, chargé du budget et de la gestion de la dette

Lorsque nous avons besoin d'emprunter, nous lançons un appel d'offres auprès des banques : nous recherchons le taux le plus avantageux pour la collectivité et prenons des emprunts sans risque, soit à taux fixe, soit à taux variable, mais classique, sur Euribor et Capé.

Nous faisons appel à deux expertises extérieures : Finance Active, qui conseillait l'équipe précédente, et Riskedge, cabinet spécialisé composé de traders reconvertis, avec lequel nous avons contracté.

PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Concernant le double rapport de la chambre régionale des comptes, je n'ai pas compris. La personne dont vous avez parlé avait-elle exercé à la chambre régionale ou avait-elle eu un mandat politique ?

PermalienJean-Claude Bertrand, adjoint au maire de Saint-étienne, chargé du budget et de la gestion de la dette

Elle était magistrat à la chambre régionale des comptes, mais avait été antérieurement DGA chargé des finances pour Villeurbanne, commune à direction socialiste. Selon moi, l'équipe précédente a jugé que cette personne pouvait ne pas être impartiale.

PermalienPhoto de Daniel Boisserie

Qui vous a poussé à agir en justice ? Pensez-vous avoir une chance de gagner votre procès ?

PermalienMaurice Vincent, maire de Saint-étienne

Nous avons fait un recours contre l'emprunt de la Deutsche Bank après avoir eu avec la banque des échanges qui ne nous ont pas semblé satisfaisants. Il nous était en effet proposé une sécurisation temporaire, alors que la dégradation du rapport entre la livre et le franc suisse nous amenait progressivement vers des taux ingérables. En l'occurrence, il était inenvisageable de payer un taux d'intérêt de 24 %. Avec le comité de sécurisation de la dette, nous avons donc regardé si le contrat contenait des points contestés et en avons trouvés qui nous semblent importants. Nous avons esté en justice sur ces bases.

Notre premier argument est le défaut de conseil de la banque. Sa connaissance de ces produits très spécifiques et très complexes était forcément très supérieure à celle des services et des élus de la collectivité. Il lui revenait donc de donner le meilleur conseil possible. Or, selon nous, elle aurait dû déconseiller à la collectivité de contracter ce genre de prêt très spéculatif.

Notre deuxième argument est celui du dol. De notre point de vue, la collectivité n'avait pas le pouvoir de souscrire un tel emprunt, et la banque a mis en oeuvre un certain nombre de stratégies pour la pousser à accepter ce produit.

En l'espèce, nous n'avons pas fondé notre démarche sur une différence entre les collectivités.

Avons-nous des chances de gagner ? Pour l'instant, nous examinons les mémoires des uns et des autres. La situation est complexe. Souvenez-vous de l'affaire concernant des particuliers auxquels une banque avait conseillé de transférer l'épargne de leur Livret A vers un produit lié à des cours de la bourse : elle a donné lieu à des jugements variables en fonction des situations puisque des clients ont gagné, alors que d'autres ont perdu.

Je tiens à dire que la Cour de cassation allemande a rendu le 22 mars 2011 un arrêt très important, opposant une banque allemande à une entreprise privée. Selon cette décision, à mes yeux fondamentalement juste, le professionnel – en l'occurrence un économiste de haut niveau – qui a conseillé l'entreprise ne pouvait pas avoir la même connaissance que le spécialiste ayant proposé le produit très spéculatif. En raison d'une asymétrie d'informations, le devoir de la banque était donc de dissuader l'entreprise de souscrire un tel emprunt.

Nous espérons voir se développer ce genre de décision. Pour autant, sur le long terme, il ne me semble pas possible d'axer une stratégie sur des contentieux à répétition pour l'ensemble des collectivités.

PermalienPhoto de Claude Bartolone

L'État n'a jamais considéré les collectivités locales comme des clients comme les autres, puisqu'une circulaire de 1992 réglementait les prêts qui pouvaient leur être accordés. Malheureusement, lorsque les produits de couverture, les swaps, les produits de pente, les snow balls sont arrivés sur le marché, cette circulaire n'a pas été réactualisée.

Je vous remercie beaucoup, messieurs.