Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Séance du 22 juin 2011 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • internet

La séance

Source

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mercredi 22 juin 2011

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de M. Christian Kert, vice-président de la Commission, et de M. Jean-Luc Warsmann, président de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République)

La Commission des affaires culturelles et de l'éducation examine, en présence de la presse, conjointement avec la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, le rapport d'information de MM. Patrick Bloche et Patrice Verchère, en conclusion des travaux de la mission d'information commune sur les droits de l'individu dans la révolution numération.

PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

La réunion conjointe de la Commission des lois et de la Commission des affaires culturelles vient conclure un an de travaux de la mission d'information commune à nos deux commissions sur les droits de l'individu dans la révolution numérique.

Je voudrais tout d'abord remercier les rapporteurs pour le travail considérable qu'ils ont accompli pendant toute cette mission. Je voudrais également associer à ces remerciements M. Charles Ange Ginesy qui a été rapporteur de la mission jusqu'en décembre dernier.

Près de 50 auditions ont été menées avec tous les acteurs dans ce domaine si riche. Par ailleurs, deux déplacements très instructifs ont été faits notamment à Bruxelles où nous avons dû constater que les autorités communautaires pourraient avoir une vision plus consistante sur ces dossiers, et c'est un euphémisme.

Le nombre de questions abordées est important car le champ de la mission l'était également. Je rappelle que nous avions décidé, dès l'origine, de ne pas traiter des questions de droits d'auteur et de fichiers de police qui ont fait l'objet de textes ou de mission d'information parallèles.

Ce rapport présente 54 orientations et me semble équilibré. Il met en évidence les formidables opportunités du numérique tout en montrant les difficultés qui peuvent se poser et en proposant des solutions. Nous ne sommes ni dans le catastrophisme de certains ni dans l'angélisme.

Je suis également très heureux que nous ayons mis en évidence les convergences franco-allemandes en la matière avec la déclaration parlementaire commune du 19 janvier dernier. Cette initiative entre Paris et Berlin est sans précédent. Il faut le souligner.

PermalienPhoto de Christian Kert

J'ai le plaisir de co-présider cette réunion qui traite d'un sujet dont les ramifications dépassent chacune de nos deux Commissions. Le rapport présenté se penche sur trois thèmes : la protection, les droits et l'individu. Je m'associe aux remerciements formulés à l'égard des rapporteurs. Ce travail illustre tout l'intérêt des missions d'information communes. Il conviendrait de presser chacun de mettre en oeuvre les préconisations du rapport de la mission.

PermalienPhoto de Patrice Verchère

Patrick Bloche et moi allons vous présenter le fruit d'une année de travail.

J'aimerais au préalable rendre hommage à notre collègue Charles Ange Ginesy qui a été rapporteur jusqu'en décembre dernier avant de quitter notre assemblée à la suite d'un remaniement ministériel.

Je voudrais aussi indiquer le plaisir que j'ai eu à mener ce travail avec Patrick Bloche. Il me semble important que, sur un sujet aussi complexe, on puisse dégager des perspectives communes et positives. C'est le sens de ce rapport qui entend proposer des orientations pour l'avenir et offrir à chacun de nos concitoyens la possibilité de s'y retrouver. Ce rapport a aussi pour nous une vocation pédagogique.

Nous avons souhaité aborder la question des droits de l'individu dans cette révolution sous un angle large. C'est pourquoi nous traitons aussi bien de l'éducation, de l'accès à l'information ou à la culture que de la démocratie numérique, de la e-administration ou de la protection des données personnelles ou la neutralité du Net.

Notre souci constant a été de montrer que la révolution numérique ne devait pas être perçue comme une menace pour nos libertés même s'il existe des risques qu'il faut identifier. Elle est une chance pour l'exercice des droits individuels.

Mais, pour cela, il faut que les citoyens sachent s'y orienter et puissent faire entendre leur voix, comme le rappelle le titre même de notre rapport : Révolution numérique et droits de l'individu : pour un citoyen libre et informé. Ils doivent aussi pouvoir s'appuyer, quand cela est nécessaire, sur les pouvoirs publics face aux grands groupes qui ont un sentiment de toute puissance.

C'est pourquoi nous avons proposé 54 orientations dans ce rapport. Nous avons souhaité employer ce terme d'orientation pour bien montrer qu'il s'agissait de pistes que nous livrions au débat.

Le titre Ier porte sur Internet au service des droits de l'individu.

Dans cette partie, nous avons entendu montrer combien Internet offrait de nouvelles opportunités tant en ce qui concerne le droit d'expression que l'accès à l'information ou à la culture. On l'a vu lors du Printemps arabe, Internet a permis à ces mouvements de liberté de s'appuyer sur l'opinion mondiale et de s'organiser. Parallèlement on voit aussi des tentatives de censure de la part de certains États, qui devraient être dénoncées plus vigoureusement.

Mais on constate également que la diffusion des informations sur le Net constitue des défis pour le monde de la presse. Derrière, se profile la question de la liberté d'informer qui doit reposer sur le pluralisme. Comment maintenir une information de qualité et non manipulée ? Il nous a semblé important d'insister sur la nécessité d'aider la presse à se développer sur les nouveaux supports numériques, pour valoriser les contenus et faire face aux pratiques discutables de Google actualités ou de Apple ; nous proposons, en particulier, la baisse du taux de la TVA applicable à la presse en ligne (orientation n° 1). Il nous a semblé également important que le service public de l'audiovisuel puisse avoir une présence forte dans le monde numérique, par exemple en déployant une stratégie claire en la matière et en assurant la gratuité de l'accès aux contenus du service public (orientation n° 2).

De même l'accès à la connaissance et à la culture sur le web est un formidable progrès mais les projets de numérisation, par exemple, par Google de l'ensemble du patrimoine mondial imposent aux États de réagir pour assurer un accès à cette culture sans passer sous les fourches caudines d'un grand groupe privé. La France qui a une longueur d'avance en ce domaine doit entraîner ses partenaires européens pour peser face à Google afin notamment de faire respecter le droit d'auteur (orientation n° 3).

Nous avons également abordé la e-démocratie que ce soit au plan mondial ou à l'échelle locale. Le développement de sites dans les communes est, par exemple, un progrès. Il nous a paru utile de rappeler la nécessité de préserver le pluralisme sur ces sites en laissant à l'opposition un espace pour s'exprimer (orientation n° 8). On sait aussi que les débats publics sont organisés via le Net. Après avoir entendu la commission nationale du débat public, il nous a semblé utile d'appeler à plus de transparence en ce domaine (orientation n° 9).

La e-administration a connu, quant à elle, des progrès considérables. L'exemple le plus évident ce sont les déclarations pour l'impôt sur le revenu. C'est un facteur de rapprochement et de simplification – auquel le Président de notre mission est très sensible. Grâce à Internet les administrés peuvent plus facilement accéder à leurs droits et les faire respecter. Il nous a cependant paru important de rappeler que les personnes qui n'ont pas un accès facile à Internet – notamment dans certains territoires ou chez certaines catégories de la population – doivent encore pouvoir disposer des moyens de s'adresser à l'administration par la voie classique afin justement de pouvoir faire respecter leurs droits (orientation n° 11).

Enfin, nous avons évoqué la question des open data, c'est-à-dire l'accès aux données publiques et leur réutilisation dont les enjeux sont considérables. On l'a vu avec l'affaire Wikileaks sur un mode extrême. La constitution de la mission Etatlab et l'ouverture du portail « data.gouv.fr » dans quelques mois est, de ce point de vue, une bonne nouvelle.

PermalienPhoto de Patrick Bloche

À mon tour, je voudrais indiquer que j'ai été très heureux de mener ce travail avec Charles Ange Ginesy puis Patrice Verchère. Nous avons voulu présenter un rapport qui dégage des lignes qui nous rassemblent et qui conduise à une vision optimiste. Vous verrez que, sur certains points, il peut exister des nuances entre nous. Mais il s'agit là du débat normal sur des sujets qui n'appellent pas de réponses simples et encore moins simplistes.

J'aborderai tout d'abord la question du droit à une protection dans l'univers numérique. C'est un point qui nous a beaucoup occupés et nous avons vu que c'était également un sujet chez nos collègues allemands lors de la vision-conférence avec Berlin le 19 janvier dernier – réunion qui a constitué une première dans les relations entre l'Assemblée nationale et le Bundestag.

La protection de la vie privée est au coeur de cette préoccupation avec ce paradoxe qui réside dans le fait que ce sont les internautes eux-mêmes qui dévoilent leur intimité sur le Net, sur Facebook, sur Twitter, sur leurs blogs. Il faudrait, en quelque sorte, les protéger contre eux-mêmes. C'est d'ailleurs l'argument principal des grands groupes comme Facebook qui jouent, trop facilement à nos yeux, les innocents en faisant valoir que les gens sont suffisamment informés et qu'ils sont volontaires pour s'exposer ainsi. Or on sait bien qu'il est difficile de savoir exactement ce qui est ou non livré à la vue de tous sur de tels sites. On sait aussi qu'il est très difficile de faire supprimer des données personnelles. Surtout il nous a paru que ces arguments ne valaient pas quand il est question de mineurs, et plus encore de très jeunes enfants qui se rendent ainsi sur le Net pour livrer leur intimité.

La géolocalisation, les puces RFID, le ciblage publicitaire posent de réelles questions. Au fil de nos auditions, il ne nous a pas paru nécessaire d'en rajouter sur le thème de la « menace pour nos libertés » que constitueraient toutes ces techniques – le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), M. Alex Türk, le fait avec grand talent. Le problème est d'ailleurs moins celui d'un sorte de contrôle exercé par les États sur les individus que le dévoilement de leur vie privée sous l'oeil de chacun, avec le risque d'une forme de « contrôle social numérique » qui, de fait, serait insupportable.

La loi « Informatique et libertés » de 1978 est un socle solide qui a inspiré les textes européens et qui doit continuer à les inspirer, notamment dans la perspective de la révision de la directive de 1995 sur les données personnelles.

Nous proposons toute une série d'orientations pour permettre à chaque « citoyen numérique » de prendre conscience des risques qu'il encourt à se dévoiler sans limite et de faire respecter ses choix en la matière.

Il s'agit ainsi, par exemple, d'assurer aux internautes la possibilité de s'opposer à l'utilisation par les réseaux sociaux de leur adresse mèl. (orientation n° 15), de prévoir une autorisation par la CNIL des systèmes de géolocalisation, et non plus seulement un régime de déclaration (orientation n° 16). De même pour les puces RFID, il faut interdire à des tiers non autorisés l'accès aux informations qu'elles contiennent et informer les individus de leur présence et de leur activation (orientation n° 17).

Il a semblé aussi important de clarifier le statut juridique de l'adresse IP afin de protéger les données personnelles qui y sont liées (orientation n° 18). Nous nous sommes aperçus que l'adresse IP n'était pas un moyen fiable pour identifier les internautes en raison de l'utilisation de plus en plus collective de ces adresses. Néanmoins cette adresse IP contient des éléments qui peuvent se rapporter à des données personnelles. Dans ces conditions, elle doit être protégée.

Il est essentiel que les fournisseurs de services détruisent les références aux adresses IP au bout de six mois et qu'ils les anonymisent (orientation n° 19).

La question du droit à l'oubli nous a beaucoup occupés pendant cette année. On a souvent évoqué, lors des auditions, la possibilité d'être rattrapé par son passé virtuel bien des années plus tard, à l'occasion, par exemple, d'une recherche d'emploi. L'idée de proclamer un droit à l'oubli est séduisante mais il est difficile de lui donner un caractère totalement opérationnel. Plus que de proclamer solennellement un tel droit, il nous a semblé utile de permettre à chaque internaute d'être mieux informé et de contrôler lui même ses données personnelles (orientation n° 20). Il doit disposer d'outils pour effacer réellement ses données et non simplement désactiver son profil sur un réseau social. La procédure doit être simple (orientation n° 21).

En matière de ciblage publicitaire, les internautes doivent être informés dans leur langue d'origine sur les finalités et l'utilisation faite de leurs données. Ils doivent aussi être toujours mis en mesure d'exercer leur droit d'accès, de rectification ou d'opposition, dont le principe a été posé par la loi « Informatique et libertés » de 1978 (orientations n° 22 et 23).

Dans le domaine des données personnelles, il faut évidemment assurer un haut niveau de protection en Europe. C'est pourquoi la révision de la directive du 24 octobre 1995 est un enjeu stratégique et qu'il faut absolument éviter une harmonisation par le bas.

Nous avons également abordé la question du cloud computing qui pose des problèmes de sécurité des données – comme les failles de sécurité d'ailleurs. Là encore, il faut une action commune européenne (orientations nos 25 à 28), grâce notamment à un G29 renforcé (orientation n° 29). De ce point de vue, il devra appartenir à l'Union européenne de porter au plan international, cette vision de la protection de la vie privée et des données personnelles (orientation n° 32).

Nous avons souhaité mettre l'accent dans ce rapport sur le cas des mineurs qui sont les plus exposés aux risques de la révolution numérique parce qu'ils vivent en direct cette révolution mais aussi parce qu'ils sont les moins avertis et informés sur ces risques. Il nous a paru important que cette génération numérique soit mieux préparée à assurer elle même sa propre protection. L'éducation aux médias et au numérique est évidemment un enjeu stratégique ce qui suppose notamment une meilleure formation des enseignants ; l'Éducation nationale doit jouer son rôle (orientation n° 36). Les parents ont aussi une responsabilité à exercer ; nous leur suggérons une règle assez simple – une sorte de tableau de bord – proposée par le psychiatre Serge Tisseron : 3 6 9 12 : pas de télévision avant 3 ans ; pas de console de jeux avant 6 ans ; pas d'accès à Internet avant 9 ans ; pas d'accès à Internet sans adulte avant 12 ans (orientation n° 37).

La question de l'accès à des sites comme Facebook avant 13 ans nous préoccupe. Je dois dire que l'audition du représentant de cette société et, surtout, l'absence de réponse au questionnaire que nous leur avons adressé nous ont semblé une forme de cynisme face à des questions essentielles. Cette entreprise qui a annoncé sa volonté de supprimer l'âge de 13 ans puis est revenu sur cette annonce sans exclure un abaissement ultérieurement ne joue pas le jeu en ce domaine. Son seul but semble bien de cumuler le plus de membres possibles quel que soit leur âge. Nous savons bien qu'il y a des enfants de moins de 13 ans qui s'inscrivent sur ces sites et qu'il est difficile techniquement de s'y opposer car ils ne donnent pas leur âge réel en s'inscrivant. Mais ce n'est pas une raison pour supprimer cette barrière. Il faut la maintenir et montrer plus de diligence en renforçant l'information des plus jeunes sur ces sites (orientation n° 41).

L'une des questions les plus complexes que nous avons abordées est celle de la neutralité du Net. Cette problématique a fait l'objet d'un rapport de nos collègues, Mme Laure de La Raudière et Mme Corinne Ehrel, en avril dernier, au nom de la commission des Affaires économiques ainsi que d'une proposition de loi de notre collègue Christian Paul et des membres du groupe SRC, que j'ai cosignée. Cette proposition de loi a été débattue le 17 février dernier mais n'a pas été adoptée par l'Assemblée. Sur cette question nous avons essayé de faire oeuvre de pédagogie en cherchant à définir la notion de neutralité du Net et à fixer les enjeux en termes de droits fondamentaux. Sur ce sujet, certains sont pour l'inscription du principe de neutralité du Net dans la loi ; c'est mon cas. Patrice Verchère – je ne pense pas trahir sa pensée – a jugé que la réflexion devait être poursuivie sur cette question avant d'envisager une telle inscription, notamment en étudiant les effets des mesures contenues dans le paquet télécoms.

Nous avons abordé le problème du blocage légal des sites, c'est-à-dire du « filtrage », en aboutissant à une position proche de celle exprimée par nos collègues Mme Laure de La Raudière et Mme Corinne Ehrel. Il nous semble nécessaire de procéder à une évaluation des mesures actuelles de blocage légal avant d'en étendre le champ éventuel. Surtout l'intervention du juge nous a semblé être une garantie indispensable dans tous les cas de blocage (orientation n° 42).

Enfin, toujours dans l'idée que l'accès à Internet devait être un droit pour tous, nous avons formulé des orientations afin de lutter contre la fracture territoriale, générationnelle, sociale et culturelle. Ainsi il faut soutenir fortement les territoires les moins bien connectés, par exemple par des mécanismes de financement leur permettant de développer la fibre (orientation n° 44). Cette problématique a été, en particulier, soulevée par M. le président Jean-Luc Warsmann. Il faut aussi rendre possible le maintien de l'accès à Internet pour les personnes qui font l'objet de saisies ou en difficultés financières (orientations n° 49 et 50). Nous avons également abordé le sort des personnes handicapées, notamment des malvoyants.

Je crois donc que l'accent doit être mis sur l'élément suivant : si nous ne formons par les citoyens à mieux accéder et à mieux saisir les enjeux du numérique, nous ne pourrons pas les protéger complètement contre eux-mêmes et les dangers qui les menacent. Il faut absolument conjuguer l'action de l'État et des pouvoirs publics lorsque cela a du sens et celle des internautes eux-mêmes. C'est bien tout l'esprit de la révolution numérique, que résume le titre donné à notre rapport.

PermalienPhoto de Patrice Verchère

Je conclurai en abordant le titre IV du rapport qui pose la question de la gouvernance pouvant être mise en oeuvre au service des différents droits évoqués précédemment.

La question de la régulation est évidemment au coeur de la révolution numérique. On voit bien que face aux grands acteurs, l'État peine à trouver des solutions juridiques. La loi est parfois la solution évidente, par exemple pour réprimer des délits ou des crimes manifestes ; dans d'autres cas, une co-régulation par les acteurs, des chartes ou des codes de bonne conduite sont de meilleurs instruments.

Dans le débat sur la rationalisation des acteurs – Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), Autorité de régularisation des communications électroniques et des postes (ARCEP), voire Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection sur Internet (HADOPI) ou Agence nationale des fréquences –, il nous a semblé que chacun avait un rôle particulier et que la distinction des régulateurs de « contenus » et de « tuyaux », en quelque sorte, n'était pas injustifiée. Néanmoins, la coordination entre le CSA et l'ARCEP doit être constante.

La création du Conseil national du numérique (CNN) qui a remplacé le Forum des droits sur Internet (FDI) a suscité des débats récemment. Nous avons examiné cette question et sommes arrivés à la conclusion que sa composition actuelle, et récente, qui fait la part belle aux industriels du secteur n'était pas de nature à permettre de poursuivre les missions utiles qui étaient celles du FDI : la médiation et la régulation sur Internet. Il nous semble indispensable que les associations de consommateurs, les représentants des ayants droit et, de manière générale, la société civile soient représentés au sein du CNN. Sa composition doit donc être revue si on souhaite en faire un outil utile pour instaurer des règles de bonne conduite dans ce secteur (orientation n° 54).

Mais la régulation doit essentiellement se faire au plan européen et international. C'est l'occasion d'évoquer l'initiative commune que nous avons prise avec la commission d'enquête qui s'est constituée au Bundestag il y a un an, au moment même où était créée notre mission d'information. Nous avons tenu une visio-conférence le 19 janvier dernier et avons adopté une déclaration commune. Elle a été adressée aux autorités communautaires dont l'inertie est préoccupante, comme Jean-Luc Warsmann et Patrick Bloche ont pu en juger lors de leur déplacement à Bruxelles en octobre 2010. Cette déclaration commune est articulée autour des questions de protection de données personnelles, de la capacité donnée à chaque citoyen de faire respecter ses droits sur le Net, autour également de la nécessité d'associer les interventions étatiques à des initiatives européennes et internationales mais aussi à des mécanismes de co-régulation entre les acteurs. C'est la première fois qu'une telle déclaration parlementaire est adoptée.

L'ambition de ce rapport était de faire le point sur les relations ambivalentes qui peuvent se nouer entre l'exercice des droits individuels et la révolution numérique. Nous avons essayé, dans ce travail, d'établir un bilan qui ne peut avoir pour ambition d'épuiser le sujet, tant celui-ci est ample. Mais il était important que nous posions des jalons et offrions des axes d'orientation pour tous ceux qui souhaitent savoir comment user de cet instrument formidable qu'est Internet. Il était important aussi que ce soit ici au parlement que l'on puisse ainsi poser les termes de ce débat. Je dois dire que face aux grands groupes comme Facebook et Google, nous pouvons avoir le sentiment de ne pas beaucoup peser. Mais c'est en multipliant les prises de parole des uns et des autres et en mettant sur la table ces questions, notamment au plan européen que l'on pourra faire en sorte que les formidables progrès des droits accomplis grâce à Internet ne soient pas dévoyés. C'est l'ambition de ce travail.

PermalienPhoto de Marcel Rogemont

J'ai suivi de près les travaux de la mission d'information et je remercie le président pour le bon déroulement de ses travaux et les deux rapporteurs pour la qualité de leurs préconisations. Les auditions présentaient toutes un grand intérêt.

Nos échanges avec nos collègues allemands doivent nous permettre de saisir Bruxelles de questions qui ne sont aujourd'hui pas abordées.

Je retiens deux grands sujets : l'éducation au numérique, notamment dans le cadre de l'Éducation nationale, et la protection des personnes. J'observe que la liberté de l'Internet a pour corollaire l'asservissement à la fonction publicitaire. Les entreprises collectent une masse d'informations qui finit par intéresser d'autres entités que les entreprises, comme en témoignent quelques exemples étrangers. Cette question est traitée dans le rapport, mais je tiens à souligner que les puces RFID devraient être « à activer » et non « à désactiver ». De même, il faut quatre ou cinq manipulations pour désactiver un compte Facebook. Nous devons insister sur ces enjeux auprès de l'Union européenne.

PermalienPhoto de Jean-Luc Pérat

On constate aujourd'hui que l'éducation aux médias est encore insuffisante. Il convient de mobiliser l'Éducation nationale sur cet enjeu, il faut éviter les « zones blanches » et renforcer la formation académique des enseignants.

PermalienPhoto de Dominique Le Mèner

Je me joins aux félicitations adressées aux rapporteurs et je tiens à souligner les limites et les difficultés techniques que présentent les outils de limitation d'accès à Internet. A côté de la liberté et des droits, il doit y avoir un contrôle. Il faudrait pouvoir passer par un filtre qui pourrait être la CNIL.

PermalienPhoto de Jean-Jacques Gaultier

Ce rapport est tout à fait d'actualité. Il convient aussi de s'interroger sur la télévision, compte tenu du développement des téléviseurs connectés à Internet. Il convient de relever le défi des contenus dérégulés ou des régulations qui varient fortement selon les sites. La protection de l'enfance à l'égard de la violence et de la pornographie doit être un souci majeur.

PermalienPhoto de Françoise de Panafieu

Le rapport contient de bonnes propositions. Il y a effectivement un décalage entre notre perception et celle de Bruxelles comme j'ai pu le constater lors de notre déplacement auprès des instances de l'Union européenne. L'Europe n'exprime pas cette préoccupation. Pourtant, il faudrait une démarche européenne pour peser face aux États-Unis. Je suggère donc que le rapport soit traduit en anglais et envoyé aux différents parlements des pays européens afin de créer un réseau à cette échelle.

PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Je me réjouis que l'Internet soit une préoccupation majeure de l'Assemblée nationale en 2011, votre rapport d'information, comme celui que j'ai présenté avec Corinne Ehrel au sein de la commission des Affaires économiques sur la neutralité de l'Internet et des réseaux, fournissent une base de réflexion commune importante sur cette question. Trois commissions de l'Assemblée auront donc contribué à l'élaboration de ces rapports transpartisans. Au-delà de ce travail, il importe de continuer à informer sur ce sujet, à destination du grand public. Je souhaiterais vous interroger sur votre réflexion sur le télétravail et les moyens de donner des droits aux individus qui s'y adonnent, qui constituent une attente forte de nos concitoyens.

PermalienPhoto de Corinne Erhel

Je salue également la dimension transversale de votre travail sur le monde numérique, que résume votre volonté de faire « de l'univers numérique un lieu d'épanouissement des droits des individus ». Il est important de considérer le numérique et l'Internet comme une chance pour la démocratie et l'innovation dans ce domaine. Comme les précédents intervenants, je souhaite souligner la convergence de nos rapports sur un certain nombre de points, et notamment ceux présentés dans le titre troisième sur le droit à l'accès à Internet. Comme Laure de La Raudière et moi-même, vous relevez la nécessité de l'intervention du juge pour encadrer le blocage légal.

À cet égard, que pensez-vous de la polémique soulevée à la suite de l'avis rendu par le Conseil national du numérique sur le projet de décret pris pour l'application de l'article 18 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, qui recommande de conditionner toute mesure de blocage à l'appréciation et au contrôle préalable du juge afin qu'elle ne relève pas de la seule autorité administrative comme le rend possible le projet de décret ?

PermalienPhoto de Christian Vanneste

L'étude du numérique présentée par le rapport est excellente. Elle me conduit à vous poser trois questions.

Internet est la langue d'Ésope de notre époque : il peut être la pire ou la meilleure des choses. C'est notamment la meilleure des choses dans le domaine de la liberté. Entre les lois n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (DADVSI) et les lois n° 2009-669 du 12 juin 2009, favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet et n° 2009-1311 du 28 octobre 2009 relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet (dites lois « HADOPI »), j'ai pris la mesure de cette dimension essentielle de la liberté dans la pratique d'Internet. Mais un problème se pose, qui est justement celui de la liberté et de ses limites, celui du très grand nombre d'images et d'informations relatives à la violence ou à la pornographie. Ces dernières sont notamment accessibles à un très jeune public et sont sans doute suivies d'effets dans la vie quotidienne. Les faits divers extrêmes dont les exemples existent sur Internet ne sont peut-être pas étrangers à ces pratiques. Je me demande si les propositions nos 35 et 37 de votre rapport sont à la mesure de ce problème. Le contraste me semble fort entre le danger justement souligné d'Internet et ces propositions. Une étude est actuellement menée en Grande-Bretagne qui examine s'il ne serait préférable de changer les conditions d'accès à Internet, en inversant le principe du contrôle parental et prévoyant que certains domaines ne pourront être ouverts qu'avec la volonté qu'ils le soient. L'orientation n° 37 me semble également un peu faible dans sa volonté d'éduquer le public, les parents sont en effet souvent inconscients des informations susceptibles d'être diffusées sur Internet.

Comme Mme de La Raudière, je me félicite du caractère transpartisan de ces études sur le numérique. J'entendais citer l'intervention spécifique du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et pourquoi pas de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI). Or, le rapport également transpartisan que j'ai publié avec M. René Dosière proposait un regroupement de ces trois autorités administratives indépendantes, d'une part parce que je pense qu'il y en a effectivement trop, mais aussi parce que la convergence sur Internet va conduire à ce que les différences de leurs champs d'intervention tendent à s'estomper. Qu'en pensez-vous ?

L'Internet est en effet un magnifique outil qui peut permettre de développer la démocratie ; M. Patrick Bloche ne pense-t-il pas qu'il serait mieux adapté pour l'organisation des primaires que prévoit un des partis politiques de ce pays pour désigner son candidat à l'élection présidentielle ?

PermalienPhoto de Martine Martinel

La remarque de M. Vanneste sur l'organisation des primaires au sein du Parti socialiste ne me semble pas adaptée au débat sur le rapport d'information qui nous est présenté ce matin. Ayant participé à la mission, j'en félicite le président et les co-rapporteurs non seulement pour la qualité du rapport mais aussi pour celle des auditions, tant pour leur progression que pour le choix des intervenants. La formule de M. Serge Tisseron sur les âges auxquels on devrait accéder au numérique et à l'audiovisuel a fait mouche, elle a surpris ou séduit. Pouvez-vous la préciser ? Quelle suite peut être donnée aux préconisations en matière d'élargissement du Conseil national du numérique, par exemple, aux associations de consommateurs et aux ayants droit ? Enfin dans le domaine de l'éducation et de la formation, ne conviendrait-il pas que le ministre de l'Éducation nationale prévoie une véritable formation des enseignants et un temps spécifiquement consacré en classe à l'éducation numérique, les « semaines » du Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (CLEMI), par exemple, restant trop sporadiques.

PermalienPhoto de Didier Mathus

Je me joins aux éloges adressés à nos deux rapporteurs pour cet excellent travail, qui donne un aperçu assez complet sur les questions posées par la révolution numérique. Des tensions contradictoires sont à l'oeuvre dans le monde de l'Internet, entre une aspiration à la liberté et une démocratisation de l'information et une volonté de contrôle marchand de la plupart des contenus. La discussion des lois « HADOPI » n'a été qu'un des révélateurs de cette dernière tendance. Je trouve, à cet égard, scandaleuse la campagne financée sur fonds publics en faveur de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI). Un aspect, cependant, ne me semble pas totalement éclairé par le rapport, celui de la qualité de l'information. Internet a été une révolution majeure dans la chaîne de diffusion de l'information. La situation ancienne qui voyait un émetteur de l'information s'adressant à des récepteurs passifs a cédé la place à une information collaborative, étudiée d'ailleurs aujourd'hui par de nombreux universitaires. Dès lors se pose avec une acuité accrue la question de la fiabilité de l'information diffusée, pour laquelle personne n'a de réponse, sauf à faire confiance aux marchés, l'internaute étant amené à en déterminer par lui-même la qualité, dans un contexte parasité par l'énormité des flux. Qu'en pensez-vous ?

PermalienPhoto de François Vannson

Je souhaite féliciter les auteurs de ce rapport, extrêmement fourni, pour sa qualité. Cela dit, on peut se demander dans quelle mesure les règles de déontologie journalistique sont toujours respectées sur Internet. Il existe, en effet, une forme de décalage entre la pratique des médias traditionnels, que ce soit la presse écrite, les médias audiovisuels, etc. très attachés à ces règles, et celle qui prévaut s'agissant d'Internet. De manière à améliorer cette situation, ne pourrait-on pas envisager de s'appuyer sur l'histoire et les usages des autres médias ?

PermalienPhoto de Patrice Verchère

Concernant l'éducation, l'orientation n° 36 rappelle que des efforts sont à faire en direction non seulement des enfants mais aussi des enseignants. On connaît les insuffisances du B2i. Nous estimons que l'Éducation nationale doit mettre en place de véritables cours consacrés à l'usage d'Internet car celui-ci est devenu un outil au même titre que l'anglais ou les mathématiques.

Le problème se pose aussi pour les adultes, bien souvent dépassés par l'évolution de la technologie.

Si la règle des 3 6 9 12 nous a séduits, c'est qu'elle est simple et facile à identifier par les parents. Il n'est évidemment pas question d'en faire une loi, mais elle donne des orientations dont les parents peuvent s'inspirer dans les responsabilités éducatives qui sont les leurs.

Quant à la déontologie des médias sur Internet, si la presse traditionnelle et professionnelle est bien présente sur le Net, il est de fait qu'on y trouve aussi un très grand nombre d'articles venant d'autres sources ; face à une telle masse d'informations, il paraît très difficile d'imposer des règles de déontologie.

PermalienPhoto de Patrick Bloche

Nous avons voulu dans ce rapport donner une vision positive et optimiste d'Internet, qui est un outil aux potentialités extraordinaires, sans être pour autant naïfs. Nous avons parfaitement conscience que cette architecture horizontale suscitant de la création à sa périphérie, ce média pluraliste et démocratique, cet Internet libre et ouvert tel qu'il était à ses débuts sur les campus américains il y a deux décennies, a aujourd'hui changé : il est de moins en moins gratuit et, parfois, de moins en moins libre. C'est pourquoi notre rapport rappelle la nécessité de protéger un Internet non marchand qui permette l'accès à l'information et à la culture.

En réaffirmant la liberté de communication sur Internet nous n'avons d'ailleurs fait que rappeler la décision du Conseil Constitutionnel du 10 juin 2009.

Dans le secteur des médias sur Internet, il est clair que la masse des informations diffusées sur le Net rend d'autant plus important le rôle des journalistes professionnels pour sélectionner ces contenus, les hiérarchiser et en donner la lecture la plus dynamique possible. Ainsi quand Wikileaks, dont le créateur, Julian Assange, a fait l'objet de tant de polémiques - on a même envisagé d'interdire l'hébergement de son site en France – a mis en ligne un très grand nombre d'informations, celles-ci ont encore dû être triées, mises en ordre et référencées dans le temps pour prendre un sens. C'est un grand quotidien du soir qui a fait ce travail indispensable.

Au sujet des puces RFID, le droit au silence des puces a fait l'objet d'un engagement très fort de l'Europe qui passe en particulier par la prise en compte de la vie privée dès la conception des technologies – ce qu'on appelle le « privacy by design ».

En ce qui concerne le rôle de l'Éducation nationale dans l'apprentissage d'Internet, il se pose clairement un problème de moyens. Dans notre rapport, nous proposons qu'une semaine soit consacrée à l'éducation aux nouveaux médias dans le cadre de la formation des enseignants. Nous citons aussi la loi du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communication électronique : « Dans le cadre de l'enseignement d'éducation civique, les élèves sont formés afin de développer une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l'information disponible et d'acquérir un comportement responsable dans l'utilisation des outils interactifs, lors de leur usage des services de communication au public en ligne. Ils sont informés des moyens de maîtriser leur image publique, des dangers de l'exposition de soi et d'autrui, des droits d'opposition, de suppression, d'accès et de rectification prévus par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. »

Nous avons aussi repris une proposition faite par la Ligue de l'enseignement de créer un B2i pour les adultes afin de promouvoir un usage responsable d'Internet.

De façon générale, notre rapport a été plus orienté vers la question des réseaux sociaux et de leur utilisation par les jeunes que vers celle des contenus violents et pédopornographiques contre lesquels luttent avec une très grande efficacité la police et la gendarmerie.

M. Christian Vanneste a soulevé la question de la fusion du CSA et de l'ARCEP, sujet qu'il avait abordé, avec M. René Dosière, dans un rapport du Comité d'évaluation et de contrôle. Notre orientation n° 53 ne va pas si loin mais en appelle à un regroupement, que l'émergence des télévisions connectées imposera tôt ou tard.

Cette convergence de positions, au-delà des partis, et que Mme Corinne Erhel et Mme Laure de La Raudière ont également évoquée dans leur rapport, pourrait être l'occasion de prendre en commun des initiatives législatives pertinentes.

Nous avons pris acte de l'avis du CNN sur le projet de décret d'application de l'article 18 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique. Si nous sommes, par ailleurs, favorables à un CNN plus ouvert, son avis réaffirmant la nécessité de recourir au juge pour toute mesure de blocage correspond à l'idée formulée, en particulier, dans notre rapport.

Enfin, je reviendrai sur la déception que nous a causée notre voyage à Bruxelles. Les préoccupations françaises portant sur la protection de la vie privée y trouvent un écho limité ; nous nous attendions à des positions plus ouvertes en faveur d'une régulation, au bon sens du terme, visant à responsabiliser les acteurs. Mais la ligne suivie consiste plutôt à faire confiance dans le marché et à n'admettre qu'une régulation par les opérateurs sans faire appel à la puissance publique et à l'intérêt général.

PermalienPhoto de Patrice Verchère

La question de l'usage de l'ordinateur comme outil de travail est abordée dans le rapport : on propose des mesures pour que les internautes, dans certaines conditions, ne soient pas dépossédés de leur ordinateur personnel ; on suggère aussi des connexions haut débit à faible coût pour les plus démunis qui se lancent dans des activités de télétravail. Enfin, on propose même un droit à la déconnexion pour éviter le travail en continu, selon une préconisation du professeur Jean-Emmanuel Ray.

La masse d'informations exploitées sur Internet est telle qu'on peut s'interroger sur la possibilité d'utiliser une partie du bénéfice commercial que certains acteurs d'Internet en tirent pour mieux assurer la neutralité des réseaux.

Le rapport propose un consensus au-delà des partis. Il représente un travail de longue haleine sur un sujet où les choses vont vite.

PermalienPhoto de Françoise de Panafieu

Je voudrais revenir sur le sujet préoccupant que constitue la situation que l'on observe en Europe. J'insiste à nouveau sur le fait que le présent rapport, qui est véritablement formidable, devrait être traduit et adressé aux autres pays européens, de sorte que puisse être engagé ce travail commun dont vous déplorez précisément l'absence.

PermalienPhoto de Patrick Bloche

Notre déplacement à Bruxelles, au cours duquel nous avons été reçus par le cabinet de Mme Neelie Kroes, nous a en effet déçus. Nous nous attendions à ce que les autorités européennes expriment une volonté plus claire, non pas de « corseter » ou de filtrer Internet, mais de mieux garantir les droits fondamentaux.

C'est pourquoi la résolution commune avec le Bundestag présente une grande importance. La proximité de nos approches laisse espérer que l'Allemagne et la France pourront, ensemble, faire bouger les choses sur les problèmes du numérique.

PermalienPhoto de Patrice Verchère

Nos propositions sont également attendues à Washington comme nous l'ont indiqué nos interlocuteurs lors de notre déplacement aux États-Unis. Il est certain qu'elles auront plus de poids si l'Europe s'unit pour les soutenir.

PermalienPhoto de Dominique Le Mèner

Je souhaite me faire l'écho d'une préoccupation identique à celle évoquée par Françoise de Panafieu. Il conviendrait de mettre en ligne une version anglaise du présent rapport, qui serait ainsi accessible à nos partenaires européens. Cela permettrait de les sensibiliser à ces sujets : cette tâche nous incombe également, compte tenu de l'importance des effets de la révolution numérique pour l'avenir.

PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Vous avez fait part de l'audition par la mission du professeur de droit, M. Jean-Emmanuel Ray, qui connaît bien la question du télétravail. J'ai, pour ma part, présenté en 2006 un rapport sur le développement du télétravail. Il existe en France une certaine réticence sur ce sujet, par rapport aux comportements que l'on observe dans les pays anglo-saxons : aux États-Unis, quelque 28 % de la population active a recours au télétravail, quand ce taux est de l'ordre de 11 à 12 % en France. Par-delà les conclusions résultant de l'audition précitée, que faire pour favoriser l'évolution du télétravail en France ?

PermalienPhoto de Philippe Gosselin

On ne peut occulter les difficultés qui existent pour harmoniser les situations qui prévalent respectivement en France et aux États-Unis. Les approches y sont très différentes pour ce qui concerne tant la notion de données personnelles - celle-ci inclut, aux États-Unis, les données de nature commerciale, qui sont l'objet d'échanges – que celle de libre circulation de l'information. En outre, les travaux menés depuis plusieurs années au plan européen par le groupe de travail sur la protection des données – le G 29 – attestent l'existence de difficultés pour s'accorder sur ces questions.

Une véritable ambition est évidemment nécessaire. Un travail doit être mené, sans doute avec l'Allemagne et d'autres partenaires. Mais une réelle détermination est de rigueur, car les obstacles sont nombreux.

PermalienPhoto de Gilbert Mathon

Par-delà la question de la fracture numérique concernant les réseaux à haut débit – en cours de résorption –, il est essentiel de mentionner celle qui concerne les réseaux à très haut débit, en particulier compte tenu de son impact sur la question du télétravail. Pour réduire cette fracture, plusieurs dizaines de milliards d'euros sont nécessaires et c'est pourquoi la mise en oeuvre d'un plan national en faveur du développement du très haut débit est indispensable.

Or l'orientation n° 44 du présent rapport, relative à la réduction de la fracture numérique territoriale, n'aborde que partiellement ce thème. Une étude sur la généralisation du très haut débit serait nécessaire car la fracture numérique qui serait la conséquence de cette absence de généralisation aurait un impact sur notre économie et nos territoires extrêmement négatif.

PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je partage cette préoccupation. Il est vrai que des schémas régionaux sont en cours d'élaboration, ou que certains départements travaillent, à l'élaboration de schémas directeurs d'aménagement numérique (SDAN), de manière à réduire cette fracture.

Il faut rappeler qu'en moyenne, 70 % des coûts de déploiement de la fibre optique relèvent du génie civil. Or de nombreux travaux de voiries sont aujourd'hui conduits dans nos communes sans que soit suffisamment prise en compte la nécessité de prévoir des gaines pour ce déploiement, ce qui génère des situations de gâchis.

Il est indispensable, en vue de l'établissement d'un schéma général, de chiffrer le coût du déploiement de la fibre optique au profit de tous, tout en optimisant ces coûts par l'utilisation des gaines déjà existantes, sans quoi nous ne pourrons atteindre notre objectif d'accès de l'ensemble des territoires à la fibre optique et provoquerons le décrochage d'une partie d'entre eux.

Ces efforts doivent être engagés, que les opérateurs privés aient l'intention d'investir – conformément aux cartes de déploiement du très haut débit publiées récemment par le ministre chargé de l'aménagement du territoire – ou non.

Il convient par ailleurs de garder à l'esprit la question de l'accès des citoyens à la technologie de l'ADSL – service de base, si l'on peut dire –, qui n'est toujours pas assuré dans certaines zones.

PermalienPhoto de Patrick Bloche

Notre rapport a d'abord porté sur les droits des individus. On a donc été conduit à réaffirmer le droit d'accès à Internet tant du point de vue social que territorial.

Il est vrai que nous avons été moins déçus par notre déplacement à Washington que par celui que nous avons fait à Bruxelles. Si, aux États-Unis, la conception des données personnelles peut paraître très différente de la nôtre en ce que les Américains les identifient volontiers avec des données commerciales dont le consommateur peut lui-même tirer bénéfice, il y existe néanmoins des mouvements représentant les consommateurs et la société civile extrêmement vigilants et qui interpellent fréquemment le Sénat et la Chambre des représentants. L'entretien que nous avons eu avec un conseiller du Président Barack Obama nous a convaincus que la question des données personnelles n'était pas une question secondaire aux États-Unis. Il serait donc opportun de traduire en anglais nos 54 orientations ; une association américaine comme l'EPIC (Electronic Privacy Information Center) sera certainement très intéressée d'en prendre connaissance. Mais la première étape reste de convaincre nos partenaires européens si nous voulons que nos préconisations aient une portée plus large.

La Commission, conjointement avec la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, autorise le dépôt du rapport de la mission d'information commune en vue de sa publication.

La séance est levée à onze heures.