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Séance en hémicycle du 18 juillet 2007 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • délinquant
  • enquête
  • garde des sceaux
  • injonction
  • mineur
  • ordonnance
  • récidive

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs (nos 63, 65).

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Manuel Valls, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Madame la garde des sceaux, je voudrais vous rappeler que le groupe socialiste souhaite que vous nous donniez des éléments chiffrés sur la population carcérale au 1er juillet. Ces données auraient déjà dû paraître, et elles sont utiles pour éclairer les travaux de notre assemblée, notamment sur les conséquences de la loi que nous sommes en train de discuter. Je vous invite donc, courtoisement mais fermement, à nous communiquer cette information.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 2 bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Christophe Caresche, inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

L'article 2 bis introduit par le Sénat sur proposition de son rapporteur, est très important. Malheureusement, la commission des lois en propose la suppression.

Cet article vise à rendre systématique l'enquête de personnalité mise à la disposition du juge, afin qu'il puisse déroger aux peines planchers, aussi bien en matière criminelle qu'en matière délictuelle. Sinon, comment le juge pourra-t-il exercer son pouvoir de dérogation tel qu'il est prévu dans le texte ? La question mérite d'être posée. Le Sénat a considéré que le juge devait être éclairé sur la personnalité du prévenu pour pouvoir juger en connaissance de cause. Or la commission nous propose, de façon inexplicable, de supprimer l'article, restreignant ipso facto la faculté du juge de déroger aux peines prévues.

Deux arguments sont invoqués à l'appui de l'amendement de suppression, et ils sont, à nos yeux, spécieux.

L'enquête de personnalité, dit-on, bénéficierait systématiquement à l'accusé. Elle se contente pourtant de retracer les éléments du curriculum vitae, d'une trajectoire personnelle, et je ne vois pas en quoi elle viendrait automatiquement conforter ou infirmer l'accusation. L'enquête éclaire le juge dans sa décision.

En commission, vous avez déclaré, madame la ministre, que l'enquête de personnalité serait obligatoire uniquement pour les récidivistes et pas pour ceux comparaissant devant le juge pour la première fois. Là aussi, il y a à redire. En effet, en cas de récidive, les peines encourues sont beaucoup plus lourdes. C'est précisément dans ce cas de figure que l'enquête de personnalité est totalement justifiée. Dès lors, pourquoi la supprimer sous le prétexte fallacieux que seuls les récidivistes y auraient droit ?

Les deux arguments ne sont pas recevables. M. Vidalies l'avait d'ailleurs souligné en commission des lois. Ils sont même choquants dans la mesure où priver le juge de la possibilité d'exercer son droit de dérogation en raison du caractère prétendument partial de l'enquête de personnalité correspond à une conception de la justice qui n'est pas la nôtre.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Nous en venons à l'examen des amendements.

Je suis saisi d'un amendement n° 3 tendant à supprimer l'article 2 bis.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour défendre cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Les propos de Christophe Caresche ne font que renforcer la commission dans sa conviction de supprimer l'article 2 bis adopté par le Sénat. Si l'intention initiale peut paraître séduisante et même pertinente, elle s'apparente en réalité à la catégorie des fausses bonnes idées.

En effet, il existe un décalage entre l'objectif visé et le texte tel que la Haute assemblée l'a voté et que je vous lis : « Le procureur de la République ne peut prendre aucune réquisition tendant à retenir l'état de récidive légale s'il n'a préalablement requis [...] afin de vérifier la situation matérielle, familiale et sociale de l'accusé... ». La mesure qu'il vous est proposé d'inscrire dans le code pénal est générale, c'est-à-dire que le procureur, chaque fois qu'il entendra lever l'état de récidive légale, sera obligé de procéder à cette enquête. Tel n'est pas notre but, qui est plus modeste. Nous voulons qu'il y ait enquête dans le cas où la récidive légale mise en jeu pourrait entraîner le prononcé de peines minimales, que vous craignez de voir se transformer en peines automatiques. L'amendement du Sénat, c'est-à-dire le nouvel article, déborde donc trop largement la cible.

Dès lors, les autres arguments n'en prennent que plus de poids, et notre collègue les a balayés trop rapidement.

En effet, cette disposition est en grande partie satisfaite par le droit existant car l'enquête rapide est déjà obligatoire dans de nombreux cas susceptibles de concerner les récidivistes, notamment en cas de réquisition de détention à l'encontre de majeurs de moins de vingt et un ans, ou dans le cadre de la comparution immédiate, ou encore dans celui de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Elle sera aussi inutilement lourde quand il s'agira de faits qui, bien que commis en récidive, sont d'une gravité si faible que, si le juge devait déroger aux peines minimales, ce serait pour des raisons tenant aux circonstances de l'infraction, et non à la personnalité du prévenu.

Enfin, il pourrait découler de l'article 2 bis des conséquences absurdes, voire ubuesques. Ainsi, l'enquête serait exigée pour des récidivistes à qui sont reprochés des délits passibles d'une peine inférieure à trois ans d'emprisonnement, pour lesquels, justement, des peines minimales ne sont pas requises !

Pour toutes ces raisons, j'ai proposé à la commission des lois, qui a bien voulu me suivre, la suppression de l'article 2 bis, qui passe par l'adoption de l'amendement n° 3 .

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 3 .

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Avis favorable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Le Sénat, en ajoutant l'article 2 bis, a voulu atténuer les conséquences perverses des articles 1er et 2 du projet de loi et donner sa pleine effectivité au pouvoir d'appréciation que vous dites reconnaître aux juges dans ce texte.

Comme le rappelait M. Zocchetto, le rapporteur au Sénat, si le procureur, en application de l'article 41 du code de procédure pénale, peut requérir les services compétents pour vérifier la situation matérielle, familiale et sociale, et recueillir des informations sur les mesures propres à favoriser l'insertion sociale de l'intéressé, vous savez fort bien, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que ces enquêtes ne sont pas systématiques et que, quand bien même elles sont prescrites, elles ne sont pas toujours réalisées. Par ailleurs, le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation a affirmé la nécessité, en matière délictuelle, pour le juge d'instruction d'effectuer systématiquement une enquête de personnalité avant de clore une information.

En l'état du droit, ce n'est effectivement ni obligatoire, ni fréquent. De même, en matière criminelle, l'enquête de personnalité, qui n'est pas systématiquement actualisée avant l'audience, n'est pas satisfaisante au regard de l'importance que revêt la qualité de l'information de la cour d'assises pour appliquer les dispositions relatives aux peines minimales.

Voilà pourquoi il nous paraît indispensable que le ministère public ne puisse prendre aucune réquisition tendant à retenir la circonstance aggravante de récidive – car il s'agit bien de cela – s'il n'a pas préalablement requis la réalisation d'une enquête de personnalité de l'intéressé et ses garanties d'insertion ou de réinsertion.

Les arguments que vous nous avancez, monsieur le rapporteur, ne peuvent donc nous convaincre, et le meilleur traitement des récidivistes qu'entraînerait ce nouvel article est tout aussi spécieux. Pour toutes ces raisons, nous voterons résolument contre cet amendement qui ne fait que confirmer, dans les faits sinon dans la lettre, le caractère automatique des peines planchers.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Monsieur le président, nous sommes surpris que, sur une question aussi sensible, Mme la ministre ne s'exprime pas autrement que par le simple rappel de son avis favorable à l'amendement. Nous souhaiterions que le Gouvernement s'exprime sur ce sujet. Il ne s'agit pas d'une simple question de forme : il se peut que nous reparlions de ce problème devant le Conseil constitutionnel, puisque nous touchons là aux modalités de mise en oeuvre de l'individualisation de la peine et de la préparation de la décision judiciaire. On ne peut à la fois nous dire, à l'occasion de la discussion générale, que ce texte préserve les mécanismes d'individualisation de la peine et, lorsque nous arrivons à leur examen concret, refuser des mesures visant à justifier la dérogation à la peine minimale par une enquête de personnalité – mesure soutenue par une partie de votre majorité au Sénat ainsi que, certainement, dans cette assemblée. Bruno Cotte, président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, n'a-t-il pas rappelé – c'est écrit dans le rapport de M. Zocchetto du Sénat – qu'il valait mieux mesurer les circonstances de l'infraction et les caractéristiques de la personnalité pour individualiser la peine et la mesure pénale au plus proche de la condamnation ?

Nous traitons d'un sujet fondamental sur lequel Mme la ministre doit nous donner, premièrement, des explications plus précises que le simple mot « Favorable », deuxièmement, les arguments lui permettant de démontrer la conformité de son texte à la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Madame la garde des sceaux, depuis le commencement de cette discussion, les députés du Nouveau Centre n'ont pas manqué de vous soutenir. Cependant, je ne comprends pas l'amendement de la commission. Hier, nous avons répondu à l'opposition que ce projet de loi ne mettait à mal ni le pouvoir d'appréciation des juges, ni le principe d'individualisation des peines. Objectivement, l'article 2 bis, introduit à l'initiative du rapporteur au Sénat, François Zocchetto, traduit cette double exigence en demandant que le procureur de la République puisse, à travers l'enquête de personnalité du prévenu, apprécier la peine avant les réquisitions. Je ne vois pas comment on peut être favorable à un amendement visant à supprimer une disposition qui enrichit votre texte.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Je voudrais en outre répondre à Manuel Valls. Vous avez, monsieur Valls, rappelé les exigences que vous aviez formulées hier au nom du groupe socialiste, en mettant presque en demeure Mme la garde des sceaux de donner à la représentation nationale des informations sur les prisons. Autant nous nous accordons sur le fait que la situation est préoccupante, autant je suis en désaccord avec votre façon de présenter les choses. Vous partez du postulat que ce projet de loi va aggraver la situation des prisons, laissant entendre qu'il y aurait 10 000 à 20 000 détenus supplémentaires après son adoption. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Nous n'avons jamais parlé de 20 000 détenus !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Or, jusqu'à preuve du contraire, ces affirmations sont invérifiables, d'autant que Mme la garde des sceaux a annoncé hier au nom du Gouvernement l'examen dans les prochaines semaines de deux textes que nous attendons depuis plus de dix ans : l'instauration du contrôle général des prisons et une loi pénitentiaire qui aura précisément pour objectif de vider celles-ci, grâce aux peines alternatives, de certains détenus qui n'ont rien à y faire. Assez de procès d'intention ! Ce texte n'aura pas pour conséquence d'augmenter le nombre de détenus dans les prisons. Vous faites exprès de tout mélanger afin de jeter le discrédit sur le projet ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

S'agissant de l'enquête de personnalité, le procureur a déjà toute latitude pour en prescrire une, quelle que soit la configuration. Elle est en outre obligatoire pour les mineurs et pour les jeunes majeurs en cas de comparution immédiate ou de réquisitions de détention. Si nous la rendons systématique pour les récidivistes, les primo-délinquants ne pourront pas en bénéficier de la même manière. Il ne s'agit pas d'une remise en cause ou d'une défaveur : l'appliquer à tout le monde aurait un coût – il faut compter de 40 à 77 euros par enquête.

S'agissant des autres informations que vous m'avez demandées hier, je vous réponds sans avoir aucunement besoin d'injonction. Au 1er juillet 2007, la population pénitentiaire s'élevait à 61 810 personnes placées sous écrou, parmi lesquelles 4 979 sont en aménagement de peine, dont plus de 2 000 sous bracelet électronique. En effet, toutes les personnes placées sous écrou ne sont pas en détention. Le nombre des aménagements de peine a augmenté de près de 28 %, celui des placements sous bracelet électronique de près de 59 %, grâce à une augmentation de 75 % du nombre des conseillers d'insertion et de probation depuis 2002.

Pour répondre à M. Montebourg, 1,1 milliard d'euros en autorisations d'engagement a été destiné aux investissements pour la construction et la rénovation des prisons depuis 2002, pour 13 200 places au total. C'est la conséquence de la loi Perben votée par le Parlement – je salue d'ailleurs la présence de son auteur. 2 031 places seront ouvertes en 2008, de même que 49 centres éducatifs fermés – il y en a 29 aujourd'hui. Je confirme à ce propos le financement des cinq centres à dominante pédopsychiatrique. Voilà les réponses aux questions que vous m'avez posées. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, lorsque M. le rapporteur propose de supprimer cet article si judicieusement ajouté par le Sénat, il se fait prendre, pour employer une expression un peu familière, le doigt dans le pot de confiture ! Son amendement révèle l'hypocrisie d'un texte qui, pour paraître conforme à la Constitution et ne pas risquer de se faire annuler par le Conseil constitutionnel, prévoit la possibilité pour le juge d'aménager les peines en cas de récidive, mais ne se donne pas la peine de faire appel à l'enquête de personnalité. Dans votre argumentaire, vous confessez d'ailleurs la nature profonde de votre texte, puisque vous dites : « La disposition est en grande partie satisfaite par le droit existant car l'enquête rapide est déjà obligatoire dans de nombreuses hypothèses susceptibles de concerner des récidivistes. »

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Nous l'avons déjà signalé à plusieurs reprises : les récidivistes étant souvent jugés en comparution immédiate, les juges n'ont pas le temps d'évaluer leur personnalité. Vous dites, madame la ministre, qu'une enquête coûte entre 40 et 77 euros. Or, il y a quelques jours, Mme Lagarde a présenté devant cette assemblée un paquet fiscal de 13 milliards d'euros ! Ne venez pas pleurer parce que vous ne pouvez financer des mesures qui contribuent à la paix civile de notre pays alors que vous préférez satisfaire 1 % des Français, les plus riches, sur le dos de ceux que vous considérez comme une menace pour la société ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Madame la ministre, vous représentez un gouvernement qui ne veut faire aucun effort pour favoriser la réinsertion sociale et l'éducation, car il préfère la répression. Avec un texte comme celui-ci, vous allez remettre en cause l'équilibre de notre société !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

C'est la raison pour laquelle nous demandons que la disposition venant du Sénat soit maintenue, parce qu'elle nuancera un texte qui est 100 % conservateur, 100 % réactionnaire et 100 % répressif. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Madame la ministre, nous vous remercions de nous avoir donné les chiffres que nous demandions, mais ce débat exprime, plus que notre réticence ou notre réserve, notre désaccord avec un projet qui ne réglera rien et risque au contraire d'aggraver les choses. Les Français attendent de la fermeté et le respect de la loi ; à juste titre, ils attendent que l'on fasse tout pour lutter contre la récidive. Nous aussi. Mais vous empruntez le mauvais chemin et allez susciter des désillusions, du découragement, parfois de la colère. Chaque étape de ce débat en apporte la démonstration !

Tout Français comprend que, même avec les aménagements de peine, quand la surpopulation des établissements pénitentiaires atteint 15 000 personnes, les conditions de détention sont telles que la réinsertion est particulièrement difficile, que l'on soit en détention provisoire ou en train de purger sa peine. Et c'est particulièrement vrai pour les jeunes.

Or, avec votre projet de loi, vous décidez sciemment d'aggraver cette situation ! La responsabilité que vous prenez aujourd'hui, vous la porterez demain. Nous, c'est le résultat qui nous préoccupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Bernier

Vous n'avez rien fait quand vous étiez au pouvoir !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Loin de vous donner les moyens de satisfaire à cette obligation de résultat, vous allez aggraver la situation. Vous ne pourrez pas toujours renvoyer la résolution des problèmes à une loi d'orientation ou une loi pénitentiaire à venir. Il ne suffit pas de construire des établissements supplémentaires ! En 2008-2009, il n'y aura que 2 000 places supplémentaires, alors que votre projet de loi va augmenter la population pénitentiaire. La situation va s'aggraver, tous les professionnels le disent, même s'ils n'osent vous l'avouer directement ! Et je ne parle pas seulement des syndicats, mais de tous ceux qui exercent sur le terrain et qui sont nos interlocuteurs, à nous les députés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Ce qu'il faudrait, c'est intervenir dès le premier délit et faire en sorte que lorsqu'une peine, même modeste, est prononcée, elle soit exécutée.

Mais où sont les postes d'éducateur et de juge délégué, ces postes qui permettront à l'ensemble de la chaîne de fonctionner, afin que les citoyens constatent que l'État de droit est enfin respecté, et que l'éducation, la prévention des délits et des sanctions adaptées permettent de lutter contre la récidive et contre l'extension de cette violence dont la société souffre tant aujourd'hui ?

Telle est la réalité. J'ai du reste été frappé par la réaction, hier, au cours de la discussion générale, de certains députés de l'UMP, qui ont fait mine de s'étonner de notre discours sur la lutte contre la violence, comme si nous en avions changé ! Croyez-vous vraiment que les députés socialistes viennent de découvrir ce problème ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Vous n'avez pas de chance ! Voilà cinq ans que vous êtes au pouvoir et vous n'avez pas cessé de faillir à vos responsabilités ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Avec cette loi, vous continuerez à décevoir les Français, mais ce sera sans nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 3 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

En conséquence, l'article 2 bis est supprimé et l'amendement n° 94 tombe.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi d'un amendement, n° 4 , à l'article 2 ter.

Cet amendement fait l'objet d'un sous-amendement n° 99 .

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 4 .

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

L'article 2 ter, introduit par le Sénat, est un bon article, qui va dans le sens de l'objectif général de la loi qui est de concourir, par tous les moyens, à prévenir la récidive ou la multirécidive.

Toutefois, il nous est apparu en commission que rendre systématique cette nouvelle disposition pourrait présenter des inconvénients, dont nous avons discuté de manière très libre. Du reste, il y a autant d'arguments qui plaident pour le maintien du texte du Sénat que pour son aménagement, en vue de pallier les effets indésirables que pourrait avoir son adoption en l'état.

L'amendement n° 4 , prévoit donc que le président de la juridiction, au moment du prononcé de la sentence, « informe » – et non « avertit » – le condamné des risques qu'il encourt en cas de récidive ou de multirécidive, tout en donnant au juge la possibilité dans certains cas de ne pas le faire « s'il l'estime opportun » – l'application de la disposition est donc laissée à sa libre appréciation.

L'information donnée par le juge au condamné doit être en effet suffisamment précise et personnalisée pour avoir du sens. Si elle reste trop générale, le condamné la percevra comme une formule officielle, voire une « rubrique », parmi d'autres : il ne sentira pas qu'elle lui est personnellement destinée et elle perdra alors beaucoup de sa portée. En revanche, si elle est personnalisée, comme le nombre des jugements correctionnels prononcés chaque année s'élève à 400 000, on courra le risque d'une réelle inégalité dans la personnalisation de l'information, entraînant à son tour un risque de nullité. Or il serait dommage que l'article 2 ter, qui est une bonne disposition, fasse prendre des risques de nullité pour de simples raisons de forme.

Prenons par ailleurs l'exemple, ni ubuesque ni caricatural, d'un président de cour d'assises qui vient de condamner pour plusieurs assassinats un accusé à une peine de réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de trente ans : imagine-t-on que ce magistrat puisse informer le condamné devant les familles des victimes, le public et la presse que s'il commet un nouvel assassinat il sera passible d'une peine minimale de quinze ans ? Cela serait contraire à l'objectif recherché et troublerait pour le moins les familles des victimes.

Telle est la raison pour laquelle la commission a décidé de proposer cet amendement, tout en précisant que sa rédaction est perfectible. Je propose donc que l'Assemblée le vote dans sa rédaction actuelle mais que, à l'occasion de la commission mixte paritaire, députés et sénateurs tentent de trouver ensemble la formulation définitive qui permettra de traduire dans la loi l'intention des sénateurs, que nous partageons, mais tout en en supprimant les effets indésirables.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir le sous-amendement n° 99 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Mon sous-amendement, prévoit, après les mots : « informe le condamné », d'insérer les mots : « de manière circonstanciée et compréhensible par lui, des conséquences » d'une récidive. C'est qu'il ne s'agit pas seulement d'informer mais également de s'assurer que l'information a été bien comprise. Le sous-amendement vise donc à garantir une meilleure compréhension, par le condamné, de sa peine et des conséquences d'une récidive.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

La commission n'a pas examiné le sous-amendement, mais à titre personnel et dans la logique de mes propos, j'y suis plutôt défavorable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Pourquoi, puisque ce sous-amendement améliore le texte ? Quel sectarisme !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Ce sous-amendement aurait amélioré la rédaction de l'article si nous n'avions pas pris la peine, auparavant, de l'amender par les mots : « S'il l'estime opportun ». C'est précisément parce que nous souhaitons que l'information soit personnalisée que nous proposons que le président de la juridiction décide de l'opportunité de faire ce rappel. Le sous-amendement est donc redondant et son adoption constituerait même un affront pour le juge puisqu'il reviendrait à lui demander de donner une information suffisamment personnalisée et compréhensible, comme s'il n'était pas capable d'y penser lui-même !

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4 et le sous-amendement n° 99 ?

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Avis favorable à l'amendement n° 4 et défavorable au sous-amendement n° 99 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Je suis déjà intervenu en commission sur cette question : je ne ferai donc que me répéter pour les députés qui ne sont pas membres de la commission des lois.

Lorsque je lis l'exposé sommaire de l'amendement présenté par M. le rapporteur, les bras m'en tombent !

« Tout d'abord, affirme cet exposé, il est nécessaire que cette information soit suffisamment précise et personnalisée si on souhaite qu'elle ait véritablement un impact sur le condamné, et il ne faut pas que le Président se borne à indiquer les règles générales applicables en cas de récidive mais bien qu'il précise clairement le montant maximum de la peine qui serait encourue en cas de commission en récidive de la même infraction, ainsi que le montant de la peine minimale alors prévue par la loi. Tout cela prendra un certain temps, et il semble matériellement impossible que cette information soit donnée à l'issue des 400 000 jugements correctionnels prononcés chaque année. » En clair, l'exposé des motifs suggère que la disposition est bien trop compliquée puisque les juges eux-mêmes, qui sont pourtant des praticiens du droit prononçant chaque jour de nombreux jugements, ne seront pas en mesure de fournir l'explication nécessaire aux condamnés ! Comment, dans ces conditions, nos concitoyens pourraient-ils la comprendre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Cette disposition, qualifiée de dissuasive, ne remplira donc pas son objectif !

Je poursuis ma lecture : « mais surtout, il est des hypothèses dans lesquelles cette information serait totalement incongrue : tel serait le cas d'une personne qui a commis un crime ou un délit de façon occasionnelle dans des circonstances qui rendent impossible ou très peu probable une éventuelle récidive. La traiter comme un récidiviste en puissance pourrait même laisser penser que la juridiction ne croit pas que la peine qu'elle prononce a un effet dissuasif. » Là, le rapporteur passe aux aveux ! En admettant, en effet, que la peine prononcée par une juridiction peut ne pas avoir de caractère dissuasif aux yeux du condamné, il reconnaît que tout ce que nous affirmons depuis hier sur le faible caractère dissuasif des peines encourues aux yeux de certains condamnés est vrai. Il l'a écrit noir sur blanc dans l'exposé sommaire !

Pour conclure, j'ajouterai simplement que mes propos n'avaient pas d'autre objectif que de vous amener à réfléchir à cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Je ne comprends pas l'objectif que vise le rapporteur avec l'amendement n° 4 . J'ai l'impression que nous n'assistons pas à la même discussion qu'hier. Les sénateurs ont voulu, en prévoyant que le président de la juridiction puisse avertir le condamné des conséquences pour lui, en termes de condamnation, d'une récidive, renforcer le caractère dissuasif des nouvelles dispositions sur les peines minimales. La suppression de la disposition prévue par le Sénat créerait donc un véritable problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

J'ignore dans quelles conditions se déroulera la commission mixte paritaire,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

…mais je crois que si nous voulons conserver l'objectif du texte et maintenir l'unité de la majorité – le Nouveau Centre y prend toute sa part –, nous aurions pu faire l'économie de la suppression des deux articles additionnels introduits par le Sénat et dont l'objectif était, dans le respect du principe de l'individualisation de la peine et du pouvoir d'appréciation des juges, d'informer le condamné des risques qu'il encourt en cas de récidive. Ces mesures avaient, je le répète, un caractère dissuasif : en les supprimant, vous modifiez la nature même du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix le sous-amendement n° 99 .

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 4 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'article 2 ter, modifié par l'amendement n° 4 .

(L'article 2 ter, ainsi modifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 2 ter.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 5 .

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Cet amendement vise, par un souci de coordination, à supprimer une disposition inscrite dans le code pénal par la loi du 5 mars 2007. En effet, si nous la maintenions dans le cadre du nouveau dispositif, le juge serait obligé de motiver son choix, qu'il déroge ou non aux peines planchers. La disposition nouvelle doit s'imposer et le dernier alinéa de l'article 132-24 du code pénal doit être supprimé.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 5 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi de deux amendements, nos 70 et 71 , qui poursuivent le même objectif. Accepteriez-vous, madame Batho, de les défendre ensemble ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir les amendements nos 70 et 71 .

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Madame la garde des sceaux, hier, dans la discussion générale, pour prévenir la récidive des mineurs, nous avons opposé à votre logique une autre démarche qui, reposant sur la fermeté précoce, consiste à sanctionner le mineur dès son premier délit, c'est-à-dire sans attendre qu'il s'installe dans un parcours délinquant.

Christophe Caresche l'a noté hier soir : votre texte est fondé sur la fameuse théorie des « noyaux durs ». Certains mineurs sont en effet des délinquants endurcis. Malheureusement, le problème est bien plus massif que cela. Souvent, pour étayer ladite théorie on cite le chiffre selon lequel 5 % des mineurs délinquants commettraient 50 % des actes délictueux ; or ce chiffre est faux. L'enquête de Sébastien Roché démontrait qu'il ne s'agissait pas de 5 % des délinquants mais malheureusement de 5 % d'une classe d'âge, ce qui est bien différent.

Nous sommes aujourd'hui confrontés à une délinquance massive, notamment de la part de mineurs. Nous avons d'ailleurs eu l'occasion hier, forts de multiples témoignages, de revenir sur la lenteur des décisions de justice concernant les mineurs primo-délinquants, et sur le sentiment d'impunité qui en découle et qui entraîne la réitération puis la récidive.

Vous avez affirmé hier, madame la garde des sceaux, que vous partagiez notre point de vue sur la nécessité de prévoir une sanction précoce pour les primo-délinquants. Aussi les amendements que nous proposons visent-ils à ramener le délai butoir prévu, de six mois à trois mois pour les décisions d'audience du juge des enfants. Il s'agit donc par là de mesurer la valeur de vos intentions et la sincérité de vos engagements en termes de moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

En ce qui concerne les amendements nos 70 et 71 , mais aussi les suivants, la commission approuve totalement les objectifs visés par leurs auteurs. Toutefois, le président de la commission le confirmera probablement, nous venons de créer une mission d'information sur l'exécution des décisions pénales, notamment pour les mineurs. Or la commission a pensé, en donnant un avis défavorable – à regret – sur ces amendements, qu'il était préférable d'attendre les conclusions de ladite mission avant de légiférer. Ajoutons que le Gouvernement va sans doute confirmer la refonte prochaine de l'ordonnance de 1945, occasion de poursuivre la réflexion sur les bases fort judicieuses jetées par ces amendements. La commission, par conséquent, tout en appréciant quasi unanimement leur teneur, émet, à moins qu'ils ne soient retirés, un avis défavorable.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Je salue tout d'abord la création de cette mission d'information, en particulier en ce qui concerne les mineurs.

Les amendements nos 70 et 71 présentent un réel intérêt. Ils mettent en effet en évidence l'inadaptation de l'ordonnance de 1945 pour certaines dispositions qui peuvent paraître ou obsolètes ou incohérentes entre elles. Il s'agit de la remettre à plat en prévoyant des procédures adaptées pour les 10-13 ans, les 13-16 ans et les 16-18 ans.

Nous souhaitons donc entamer ce chantier et nous attacherons à faire en sorte que l'on puisse juger plus rapidement les mineurs. Je rappelle d'ailleurs que la loi sur la prévention de la délinquance a mis en place une procédure de présentation immédiate devant le tribunal pour enfants, pour des mineurs récidivistes âgés de plus de seize ans.

Dans la mesure où nous pourrons examiner de telles dispositions le moment venu, le Gouvernement est défavorable, en l'état, aux deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

À la lumière de ce qui vient d'être dit, maintenez-vous vos amendements, madame Batho ?

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Oui, monsieur le président, parce que les réponses qui nous sont données montrent l'existence de deux logiques. On nous explique, d'une part – cela avait été fait lors de la précédente réforme de l'ordonnance de 1945 au mois de mars –, que, pour les récidivistes âgés de plus de seize ans, la présentation devant le juge doit être immédiate, que les délais doivent être rapides. D'autre part, lorsque nous proposons une sanction précoce pour les primo-délinquants plus jeunes, l'on nous répond qu'il est urgent d'attendre les conclusions de la mission d'information.

Il y a donc deux logiques contradictoires et nous maintenons nos amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Je note une contradiction entre la volonté du Gouvernement de nous faire débattre dans l'urgence d'un texte que l'on sait au mieux inefficace, au pire dangereux, un texte d'affichage, et sa volonté de repousser une mesure souhaitée sur tous les bancs et dont on peut penser qu'elle figurera au coeur du rapport de la mission d'information, qui sera rendu dans quelques semaines.

Rédigeons-nous des rapports pour trouver des solutions à des problèmes sur lesquels nous ne disposons pas d'éléments ou bien sommes-nous en séance pour essayer d'apporter de justes réponses à des problèmes que nous rencontrons tous, au quotidien, sur le terrain, solutions qui pourraient être adoptées à l'unanimité ?

La question essentielle est celle de la prise en charge des primo-délinquants, que le projet – qui est, j'insiste, un texte d'affichage – ne permet que d'entamer. Vous ne seriez de toute façon pas quitte en adoptant les amendements.

Il reste en effet bien d'autres mesures à prendre, bien d'autres moyens à mettre en oeuvre. Ces amendements sont les premiers qui pourraient marquer votre volonté d'aller au-delà d'un texte qui se contente de faire suite à la campagne électorale, votre volonté de combattre vraiment la primo-délinquance. On sait bien, en effet, dans nos quartiers, qu'il existe un réel problème de prise en charge à la sortie du commissariat, du palais de justice, de jeunes délinquants parfois pris en flagrant délit, faute d'une prise de conscience de la notion de délais à respecter et faute d'une réelle prise en compte de la notion de ligne jaune à ne pas franchir.

Les amendements nos 70 et 71 sont les premiers d'une série que nous présenterons pendant toute la discussion afin que vous vous attaquiez décidément à la prévention de la récidive, ce que ne fait pas votre texte inefficace, voire dangereux pour nos concitoyens. Aussi, madame la garde des sceaux, je vous demande de ne pas attendre les résultats d'une commission, mais de prendre toutes vos responsabilités, de manière que vous puissiez exprimer votre souhait de voir ces amendements votés à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

J'interviens au titre de l'article 58 alinéa 1, relatif au déroulement de nos travaux.

On nous fait légiférer sur des sujets dont on attend le résultat d'un rapport qui sera rendu par une commission qu'on n'a pas encore créée,…

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

…et l'on nous réunit en urgence, maintenant, pendant l'été, parce qu'on ne peut attendre plus longtemps !

Au cours du débat, nous avons fait état de nombreux témoignages de terrain. Nous nous sommes faits les porte-parole – même s'ils ne nous ont pas attendus pour s'exprimer – des professionnels du monde judiciaire et du monde policier qui, invariablement, ont affirmé qu'au lieu de faire des lois, il nous fallait leur donner des moyens !

À propos du fonctionnement de la chaîne pénale, des délais de jugement, M. Beschizza – pourtant un militant aux idées proches des vôtres, madame la garde des sceaux –, est allé jusqu'à déclarer qu'on ne trouvait pas de cas de récidive tant il est vrai qu'il faudrait d'abord qu'on condamne les gens dans un délai suffisamment proche du moment où ils ont commis des infractions pour qu'on constate qu'ils réitèrent et qu'ils récidivent. M. Beschizza conclut que, dépourvue de moyens, il s'agit d'une loi pour rien.

Ainsi Mme Batho soutient-elle un amendement en notre nom et souhaite des réponses plus rapides de la part du juge. Or l'on nous répond : surtout pas ! Il faut attendre ! Ainsi sommes-nous montés à la tribune, Christophe Sirugue, député de Chalon-sur-Saône, Didier Mathus, député de Montceau-les-Mines, et moi-même, pour dénoncer la situation du tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône, celui de notre ressort à tous trois ! Eh bien, aujourd'hui, au parquet, on inscrit en rouge en marge des décisions concernant les mineurs : « En attente d'exécution » !

Nous réclamons donc des moyens. Alors que, hier, Mme la ministre s'est engagée, bien gentiment d'ailleurs, à nous donner tous les éléments budgétaires nécessaires, tout à l'heure elle ne nous a plus rien dit. Elle nous a parlé de 1,1 milliard d'euros pour les prisons, mais on ne sait toujours pas comment seront financés les CEF, on ne sait pas non plus comment vous allez recruter les juges délégués aux victimes alors que vous diminuez le niveau des recrutements à l'École nationale de la magistrature ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

…bref, on ne sait rien ! Et l'on nous dit : surtout pas d'argent, et vous attendrez encore dans vos tribunaux, sur le terrain.

Je crains que l'écart entre le discours et la réalité ne soit source de graves déconvenues, comme le disait l'instant le président de notre groupe, Jean-Marc Ayrault. Madame la ministre, nous n'avons toujours pas les réponses que nous vous avons demandées ! Quel va être l'effort budgétaire national consacré à l'exécution des peines avant que ne soient rendues, dans je ne sais combien de mois, les conclusions du rapport de la mission d'information ? Ce rapport sera sans doute très utile, mais nous savons déjà, pour notre part, quelle sera notre contribution ; nous vous en avons déjà donné les éléments au cours de la discussion, forts notamment de témoignages, d'avis autorisés montrant de façon concordante qu'à l'évidence la priorité à laquelle ne répond pas votre texte, ce sont les moyens d'exécuter les lois existantes. Or vous en avez déjà fait approuver six, en la matière, en l'espace de cinq ans et les décrets d'application de la dernière n'ont même pas encore paru !

Nous vous remercions donc par avance, madame la ministre, pour vos réponses. Si vous ne nous en donnez pas, nous demanderons désormais les nécessaires suspensions de séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 70 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 71 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Le projet, madame la ministre, est destiné à mettre plus de gens en prison. Vous avez donné, en murmurant, tout à l'heure, certains chiffres. Nous vous avions demandé une projection à partir, notamment, des études déjà évoquées, comme celle de M. Tournier, et que vous avez, à l'instar de M. le rapporteur, validées, puisque vous avez fait état du premier scénario possible,…

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Et je l'ai fait pour démontrer que ce premier scénario d'une baisse de la population carcérale n'était pas viable, que personne ne croit à une telle diminution, pas même le chercheur en question, non plus que vous-même, d'ailleurs, puisque vous allez augmenter de toute façon le parc pénitentiaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Nous considérons, comme Arnaud Montebourg, que nous devons disposer de chiffres sur les investissements que nécessitera le dispositif que vous proposez. Or nous sommes privés des moyens de mener une discussion sereine, argumentée. C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, au nom de mon groupe, constatant l'absence de la sérénité et du sérieux nécessaires au bon déroulement du débat, je vous demande une suspension de séance.

Après l'article 2 ter

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures dix.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La séance est reprise.

Nous en venons à l'amendement n° 72 .

La parole est à Mme Delphine Batho, pour le défendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Cet amendement, qui participe de la même logique que les amendements précédents nos 70 et 71, a trait, cette fois, aux sanctions éducatives prévues à l'article 15-1 de l'ordonnance de 1945. Nous proposons que celles-ci soient prononcées dans un délai qui ne puisse excéder trois mois.

Notre amendement est en tout à fait en rapport avec le projet de loi puisqu'il s'agit, en prononçant des sanctions éducatives dans un délai plus rapide, de prévenir la récidive.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

L'avis de la commission est défavorable, pour les mêmes raisons qu'auparavant.

Tous ces points méritent d'être retenus, et le seront probablement, au titre des conclusions de la mission d'information qui a été créée ce matin. Nous avons là une occasion, qu'il nous faut saisir, de travailler ensemble utilement au profit de tous les mineurs.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Madame la ministre, je soutiens l'amendement de Mme Batho pour une raison très simple, qu'elle a très bien expliquée. Le projet que vous présentez est un texte d'affichage, mais aussi un texte très idéologique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il se situe dans la droite ligne de la campagne électorale qui a été menée par l'actuel Président de la République…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…et qui a consisté à faire croire aux Français que l'on allait arrêter tous les récidivistes et apporter la sécurité et la paix sociale dans notre pays.

À quelques jours d'intervalle, vous êtes capables de faire un cadeau de 13 milliards d'euros à un tout petit pourcentage de la population…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…et d'affirmer qu'il y a une classe dangereuse dans notre pays, singulièrement dans les banlieues. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Faut-il vous rappeler que la politique qui a été menée par l'ancien ministre de l'intérieur et actuel Président de la République…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…n'a eu aucun effet, que la violence sur les personnes a augmenté de façon exponentielle et que, depuis 2002, vous avez voté pas moins de dix lois relatives à la sécurité dont tous les décrets d'application n'ont pas encore été publiés ?

Vous ne pouvez pas affirmer que l'ordre que vous voulez faire régner dans notre pays est un ordre juste !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Labaune

« L'ordre juste » ce n'était pas notre slogan !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Votre politique ne contribuera qu'à semer un peu plus de désordres. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce que propose Mme Batho, c'est de continuer, dans la ligne de la politique judiciaire relative aux mineurs, à prendre des dispositions éducatives et sociales. Or, chaque fois que les juges prononcent de telles dispositions, il faut parfois plus de six mois pour qu'elles soient mises en oeuvre. C'est la raison pour laquelle l'amendement de notre collègue est à la fois justifié et nécessaire. Il est regrettable que M. le rapporteur ait usé de manoeuvres dilatoires (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) pour faire croire que tout sera résolu par une mission d'information – sans doute nécessaire –, qui rendra ses conclusions dans plusieurs mois. Nous sommes réunis dans l'urgence : il y a donc urgence à trouver des alternatives à la prison pour rétablir la paix sociale dont nous avons tant besoin.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Bruno Le Roux, qui saura éviter de répéter, comme M. Mamère vient de le faire, un point de vue déjà exprimé sur des amendements précédents. Il n'est peut-être pas utile de ressasser les mêmes arguments : ils ont été enregistrés au Journal officiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Le Gouvernement aussi utilise toujours les mêmes arguments !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Disons que le rapporteur utilise les mêmes arguments et que le Gouvernement répond avec gentillesse…

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

…mais avec beaucoup trop de parcimonie. (Sourires.)

Je soutiens l'amendement n° 72 qui, selon le rapporteur, est si évident qu'il figurera dans les conclusions de la mission d'information, que nous examinerons en leur temps, c'est-à-dire dans plusieurs mois ! Or, la disposition proposée est si ancrée dans la réalité quotidienne que nous aurions pu aller plus loin et demander, en cas de faits constatés nécessitant une sanction éducative, la mise en place d'un suivi du mineur dès la sortie du commissariat. Là se pose le problème des psychologues, que nous avons abordé en commission. Je me suis renseigné sur les effectifs susceptibles d'assurer cette prise en charge en Seine-Saint-Denis : ils sont trois pour tout le département ! Avec le renfort prévu sur la ville d'Epinay-sur-Seine, ils seront quatre à la rentrée. Autant dire que la prise en charge des mineurs délinquants n'est pas du tout à la hauteur des besoins. Mettons-nous, avec cet amendement, dans l'obligation d'apporter une réponse correspondant à la réalité vécue par les jeunes, à une dimension temporelle signifiante pour eux. Une réponse rapide doit intervenir dans les trois mois, ce terme étant un maximum, pas un délai normal. Je vous demande donc, monsieur le rapporteur, de ne pas nous renvoyer à l'hypothétique rapport de la mission que nous allons mettre en place. La prise en charge des mineurs délinquants, qui permet d'éviter la récidive, est trop importante pour nos concitoyens pour la renvoyer aux calendes parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Nous repoussons dans le temps tant de sujets importants dans cette assemblée, qu'il nous semble plus sûr d'adopter cet amendement dès aujourd'hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Alain Bénisti

Remettons les choses à plat et revenons sur les propositions de Mme Batho. Selon elle, plutôt que de prévoir des sanctions extrêmement lourdes pour la première, la deuxième ou la troisième récidive, mieux vaudrait apporter une réponse immédiate à la première infraction. C'est ce que nous avons fait par le texte adopté au mois de mars ! Les premiers délits des mineurs reçoivent des réponses immédiates et des mesures par paliers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

C'était il y a quatre mois ! Où avez-vous vu qu'il soit appliqué !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Alain Bénisti

Nous avons certes un problème d'application des peines. L'idéal serait effectivement qu'un jeune ayant commis un premier délit soit immédiatement sanctionné. Mais il y a l'ordonnance de 1945, à laquelle nous nous sommes heurtés au cours des travaux de la commission sur la prévention de la délinquance. Nous avions alors tous – parlementaires de l'UMP comme de l'opposition – convenu qu'il fallait procéder à une refonte totale de cette ordonnance, qui est complètement dépassée. Nous ferons donc des propositions à Mme la garde des sceaux pour ouvrir ce débat. Comment, dès lors, fonder une proposition sur un texte totalement obsolète ? Les amendements sont intéressants mais ils s'inscrivent dans la réflexion relative à cette refonte de l'ordonnance de 1945, qui demande du temps. Mobilisons-nous aujourd'hui essentiellement sur le problème de la récidive, qui n'a rien à voir avec les mineurs que vous visez.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je suis choqué d'entendre que nous utiliserions des manoeuvres dilatoires pour ne pas résoudre un certain nombre de problèmes, alors que, élus depuis un mois et un jour exactement, nous, députés de la majorité, siégeons dans l'hémicycle pour tenir une promesse faite par notre candidat à la présidence de la République : renforcer la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. S'il y a un reproche qu'on ne peut pas nous faire, c'est bien celui-là ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Vous êtes président de la commission ou ministre de la propagande ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

C'est l'honneur de la majorité de respecter les engagements pris devant notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'opposition joue son rôle d'une manière qui me laisse dubitatif. Elle nous explique que cette loi ne servira à rien et qu'elle est inutile pour nous dire, trente secondes après, qu'elle est dangereuse et qu'elle va saturer les prisons. (« Elle est les deux à la fois ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Ce n'est guère convaincant ! Il faut choisir : ou elle est inutile, ou elle va déstabiliser l'administration pénitentiaire de notre pays. Si une majorité peut être fière de ses votes en matière pénitentiaire, c'est bien la nôtre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

C'est en 2002 – sans vos voix – qu'a été voté le plus grand plan de modernisation des établissements pénitentiaires dans notre pays, avec la création de 13 200 postes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous n'avons vraiment pas de leçons à recevoir !

Je rappelle, par ailleurs, que le projet de loi n'a pas pour objet une refonte de l'ordonnance de 1945. Que n'aurions-nous entendu si nous avions introduit quelques amendements en ce sens ! Vous nous auriez reproché sur tous les tons de vouloir, dans la précipitation, retravailler l'ordonnance de 1945. Aujourd'hui, notre propos est de tenir la promesse du Président de la République. Pour le reste, la législature n'en est qu'à son début. Là encore, je ne peux accepter cette accusation de manoeuvre dilatoire : ce matin, un mois seulement après notre élection, nous avons créé une mission d'information sur l'exécution des décisions pénales. On ne peut pas dire que nous ayons tardé ! Avant la fin de l'année, les rapporteurs de cette mission – dont l'un sera spécialement chargé des sanctions à l'encontre des mineurs – présenteront leur travail. Nous travaillerons sans tabou, sans fermer les yeux sur ce qui ne va pas. Nous examinerons, peine par peine, les délais dans lesquels elles sont prononcées, le fonctionnement et les dysfonctionnements de la chaîne pénale et les conséquences qui en découlent. Peine par peine, nous proposerons les modifications législatives, réglementaires, fonctionnelles ou les demandes de moyens qui s'imposeront. Mme la garde des sceaux a aimablement indiqué qu'elle attendrait nos résultats pour poursuivre le travail législatif. Nous allons donc prendre le taureau par les cornes, tant pour les mineurs que pour les majeurs. Le travail sera fait et il y aura un suivi. Encore une fois, un mois après les élections, on ne peut pas nous reprocher d'enterrer les sujets.

Enfin, on peut se faire plaisir en proposant des amendements mais pourquoi proposer, sans aucune étude d'impact, de rendre des décisions dans un délai n'excédant pas trois mois ? Pourquoi pas deux ou quatre ? Ce n'est pas sérieux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Sur le fond, le rapporteur a émis un avis positif, que je partage. Il y a des difficultés, nous le savons, et elles sont inscrites parmi les priorités de la commission des lois pour cette législature. Pour l'heure, restons dans l'ordre du jour de l'Assemblée, qui est de traduire dans les faits la promesse du Président de la République en votant la loi relative à la lutte contre la récidive. J'espère que l'opposition votera de manière plus conforme à ses déclarations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je vous entends aujourd'hui défendre, avec des trémolos dans la voix, des amendements demandant des décisions des tribunaux pour les mineurs dans un délai trois mois (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche),…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

…alors que, il y a quelques semaines à peine, au moment où nous examinions la loi du 5 mars 2007, vous aviez voté contre la présentation immédiate des mineurs au juge !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Il y a trois mois, vous aviez voté contre les dispositifs accélérant les procédures ; aujourd'hui, vous voulez faire l'inverse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il y a cinq ans, vous aviez voté contre les centres éducatifs fermés ; hier, vous avez pris la ministre à partie parce qu'il n'y en a pas assez ! J'admire vos évolutions, mais parfois elles donnent le tournis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Nouveau Centre. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Je demande, au nom de mon groupe, la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Manuel Valls, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Mon rappel au règlement porte sur le déroulement de la séance.

J'en appelle à la sérénité des débats. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Je dis cela sérieusement, comme je me suis exprimé hier à la tribune. J'essaie en tout cas, à chaque fois, d'argumenter.

Monsieur le président de la commission des lois, je vous ai connu plus calme. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

D'abord, vous me permettrez de vous dire qu'aucun d'entre nous n'a qualifié de « sérieux » ou de « pas sérieux » les articles qui nous sont présentés. Le fait, monsieur le président de la commission des lois, de qualifier de « pas sérieux » l'amendement présenté de façon très argumentée par Delphine Batho vous fait sortir du rôle qui est le vôtre. Ce n'est pas à vous, non plus, de rappeler au président de séance comment doit se dérouler celle-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Il est un peu fort de café – si vous me permettez d'employer cette expression – de nous dire que l'amendement n° 72 n'a fait l'objet d'aucune évaluation, qu'il n'est pas sérieux, hors contexte, alors que nous réclamons sans les obtenir les éléments indispensables pour la sérénité et le sérieux – je crois que là, précisément, le mot est justifié – de nos débats, éléments portant sur les crédits nécessaires à la justice. On nous renvoie alors à la loi pénitentiaire ou à la loi de finances. Nous n'avons pas obtenu non plus les évaluations des experts et des chercheurs sur les conséquences de ce projet de loi.

Je demande donc au président de la commission des lois de bien vouloir rester dans son rôle. Nous pouvons travailler avec lui, je crois, de façon très sereine. La mission d'information à laquelle nous allons participer peut être un élément extrêmement positif. Si nous voulons éviter de terminer trop tard, examiner les autres amendements avec sérénité et enrichir nos débats, il me semble qu'un autre ton est indispensable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Non, monsieur Dray ! M. Valls vient d'en faire un au nom de votre groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Monsieur le président, il s'agit d'un autre rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Sur l'article... (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 72 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Si vous menez les débats de cette manière, monsieur le président…

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

…vous risquez de perdre du temps, au lieu d'en gagner !

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Au nom de mon groupe, je demande une suspension de séance.

Rappel au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)

Rappel au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Julien Dray, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Monsieur le président, je vous rappelle, avec tout le respect que je vous dois, que les rappels au règlement sont de droit pour tout parlementaire. Celui-ci est fondé sur l'article 58, alinéa 2. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur Warsmann, je voudrais vous dire avec amitié et tout le respect qui vous est dû, que c'est la première fois qu'un président de la commission des lois nous dit qu'il est là pour exécuter les engagements du Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Si ! Il a employé exactement ces termes-là. Vous pourrez vérifier au Journal officiel.

On peut certes réfléchir à l'évolution des institutions, mais la commission des lois n'est pas le lieu d'exécution des engagements. Elle est d'abord et avant tout, comme le définit la Constitution, le lieu central de la réflexion du législateur. Si le Parlement n'est plus qu'un lieu d'exécution, c'est une évolution intéressante des institutions, mais elle ne semble pas comprise dans les thèmes dont doit débattre la fameuse commission chargée de réfléchir aux engagements pris lors de la campagne présidentielle.

Monsieur le président de la commission des lois, vous nous avez reproché d'avoir retenu de façon arbitraire un délai maximal de trois mois. Ce n'est pas une idée nouvelle, je vous renvoie aux débats précédents. Ce délai de trois mois avait été évoqué par un certain nombre d'amendements lors des discussions précédentes. C'est un moyen terme entre la réalité actuelle de non-exécution d'un certain nombre de décisions de justice en raison de difficultés réelles et une solution idéale. Il répond à la volonté d'avancer malgré tout par rapport à un problème dont personne ne nie l'existence.

On aurait pu sombrer dans l'irresponsabilité, en exauçant le rêve de chacun : l'exécution immédiate. Mais nous savons que ce n'est pas réalisable aujourd'hui, d'un coup de baguette magique. Le délai de trois mois nous semble donc raisonnable. En effet, vous savez – vous l'avez évoqué à plusieurs reprises au cours des débats – qu'à partir du moment où nous nous trouvons face à des adolescents, nous nous situons dans l'instantané. La durée de la réponse judiciaire va donc à l'encontre ce que nous recherchons.

Quand, dans une cité, un jeune qui a fait une bêtise ressort libre, sans la moindre sanction, avec un sentiment d'impunité totale et même comme grandi aux yeux des autres par son acte, cela a des effets dévastateurs non seulement pour lui, mais aussi sur son entourage. C'est pour cela qu'il nous faut avancer. Si une sanction éducative était prise dans un délai de trois mois, ce serait déjà un premier pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Monsieur Dray, nous ne sommes plus dans le cadre d'un rappel au règlement. Je vous remercie.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi d'un amendement n° 73 .

La parole est à Mme Delphine Batho, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Monsieur Bénisti, nous ne sommes pas seulement dans la théorie. Il faut également considérer la pratique.

Récemment, dans mon département, deux mineurs ont été interpellés de nuit, pour avoir jeté des parpaings sur des véhicules en circulation. L'un d'entre eux avaient déjà commis un certain nombre d'actes de délinquance. Il a donc été, selon le processus prévu, conduit devant le juge des enfants.

L'autre, comme c'était la première fois qu'il jetait des parpaings sur un véhicule, a été relâché sans recevoir la moindre convocation ultérieure. C'est pourtant un acte grave !

Monsieur Bénisti, il n'est nulle part fait mention dans l'ordonnance de 1945 qu'un mineur – il avait quatorze ans – ayant commis un tel acte ne doive pas être sanctionné. Notre problème ne porte pas simplement sur le texte de l'ordonnance de 1945, dont on peut discuter – il a été tellement modifié,

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

…quatre fois encore dernièrement par l'actuelle majorité parlementaire – que, à un moment donné, il faudra peut-être mettre un peu d'ordre dans toutes ces modifications successives.

Le problème posé n'est pas celui du texte, c'est celui de l'obligation de moyens et de résultat qu'il faut se fixer.

Monsieur le président de la commission des lois, les amendements que j'ai présentés ne sont absolument pas hors sujet. Le projet de loi qui nous est présenté ne s'intitule pas « projet de loi de lutte contre les récidivistes » mais « projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs ». Nous considérons, avec mes collègues du groupe socialiste, que la prévention de la récidive fait partie de cette lutte.

L'amendement n° 73 tend à compléter la dernière phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 15-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, en précisant que le suivi de l'exécution de la sanction éducative par la protection judiciaire de la jeunesse se fait pas le biais de la mise en place d'un tuteur, d'un éducateur référent. Nous savons qu'un certain nombre de mineurs sont « baladés » – pardonnez-moi cette expression – d'un éducateur à un autre pour la mise en place des mesures éducatives. Ils ne bénéficient donc pas de cette prise en charge personnalisée suivie et continue qui permet un véritable travail éducatif.

Il s'agissait d'une proposition de la commission d'enquête sénatoriale de 2002, qui n'a malheureusement pas été reprise parce que cela implique la mise en place d'un certain nombre de moyens dédiés à l'exécution de ces sanctions éducatives.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Compte tenu de la sérénité qui nous anime, j'espère que mes propos ne seront pas perçus comme dilatoires.

La commission, pour les mêmes raisons évoquées lors de l'examen des amendements précédents, a jugé cette idée très intéressante. Cependant, dans l'attente des conclusions de la mission d'information, je vous suggère de ne pas retenir cet amendement.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Avis défavorable. Je l'ai dit tout à l'heure : l'ordonnance de 1945, qui a été modifiée à de nombreuses reprises, par petites touches, n'a jamais été refondue. Les travaux préparatoires à la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance ont commencé le 9 décembre 2002. Depuis cette date, à chaque fois que nous avons essayé de remettre à plat l'ordonnance de 1945, notamment au moment de l'examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, l'opposition s'y est refusée. Elle n'était pas favorable à l'introduction de procédures plus rapides pour les mineurs, en dépit des conclusions de nombreux rapports. La loi du 5 mars 2007 comporte de nombreuses procédures visant non seulement à éviter la récidive, mais aussi à prévenir la délinquance par des mesures et des sanctions éducatives.

Nous avions souhaité remettre à plat l'ordonnance de 1945, mais nous n'y sommes pas parvenus. Aujourd'hui, l'occasion s'offre à nous – même si cela demande du temps et si tel n'est pas l'objet principal du texte que nous examinons aujourd'hui.

Trois principes régissent cette ordonnance : primauté de l'éducatif ; juridictions spécialisées ; atténuation de responsabilité. Il s'agit de revoir cette ordonnance à l'aune de ces trois principes afin d'aboutir à une réelle protection des mineurs, qu'ils soient victimes ou auteurs d'actes d'infractions. Unissons nos efforts pour tout remettre à plat. Certes, vos propositions sont intéressantes, mais il s'agit de les mettre en cohérence avec le texte.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

En effet, nous souhaitons une refonte plus générale de l'ordonnance de 1945.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Eu égard à la question du jugement des mineurs, nous sommes tous – à quelques exceptions près – imprégnés de l'idéal porté par l'ordonnance de 1945. Lors de la précédente législature, notre état d'esprit n'a jamais été celui que vous venez de décrire, madame la garde des sceaux. Nous avions simplement refusé la logique du tout ou rien !

Engager une réflexion sur le traitement de la délinquance des mineurs, dans le cadre des compétences du juge pour enfants, des mesures éducatives ou du tribunal pour enfants, suppose de prendre en considération la minorité, donc, la responsabilité des parents, dans le respect de l'esprit de l'ordonnance de 1945. Dès lors qu'une mesure technique ou juridique porte atteinte aux principes de cette ordonnance, nous nous y opposons.

À M. Warsmann avec qui nous avons beaucoup débattu pendant la précédente législature, j'indique qu'il n'y a aucune contradiction dans la position du groupe socialiste : nous refusons la comparution immédiate de mineurs devant le juge pour enfants, et, nous souhaitons, par le biais de nos amendements, que la saisine du juge lui permette de rendre un jugement dans un délai de trois mois.

Cela dit, l'improvisation d'une rencontre immédiate avec le juge est contraire à l'importance que l'ordonnance de 1945 attache à la convocation par le juge et à la réunion de toutes les informations sur la situation du mineur et de sa famille ainsi que sur les circonstances des faits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

J'invite mes collègues qui n'ont jamais assisté à des séances de comparution immédiate à faire cette expérience afin qu'ils se rendent compte des risques que comporte l'immédiateté des jugements. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas aller plus vite. Mais je pense pouvoir affirmer que, dans la plupart des cas, il n'y a pas de quoi être fier de ce qui s'y passe – les magistrats sont, du reste, les premiers à le reconnaître ! La non-immédiateté de la comparution devant le juge n'empêche pas un enfant d'être conscient de la possibilité de la sanction qui pèse sur lui.

Nous ne proposons pas de laisser de côté ce problème dans l'attente d'ultimes réflexions. Même si nous critiquons les instruments de lutte contre la récidive que vous avez choisis, nous partageons l'objectif poursuivi. Dans ces conditions, nous considérons que vous pourriez au moins tenter d'améliorer les conditions d'exercice des juges pour enfants.

Je vous rappelle qu'un juge pour enfants n'ouvrira un dossier que si celui-ci pose problème. Aucun juge – vous pouvez leur poser la question – ne vous dira qu'il consulte l'ensemble des dossiers : tout simplement parce que ce n'est matériellement pas possible. Ce qui signifie que l'ouverture d'un dossier n'a rien à voir avec la volonté du juge de faire avancer les choses.

C'est la raison pour laquelle, je vous pose la question de fond, madame la garde des sceaux, à savoir l'instrument d'application des dispositions de la loi. La commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Outreau – dont les conclusions qui ont été adoptées à l'unanimité des membres de cette assemblée, ont été lâchement négligées par la majorité, à l'opposé de ses propres convictions – nous a montré la réalité des moyens mis en oeuvre tant pour traiter les procédures d'instruction que pour les personnes en détention préventive.

Madame la garde des sceaux, vous ne parviendrez pas à obtenir un dispositif efficace si vous ne vous posez pas d'emblée le problème des moyens mis en oeuvre. Si vous ne le faites pas, vous accréditerez l'idée que vous ne visez que l'affichage au détriment des solutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Je ne prétends pas qu'il en soit ainsi, mais j'indique que si vous ne posez pas le problème des moyens, vous resterez dans l'affichage.

Je rappelle que les décrets d'application des deux derniers textes de loi qui ont été votés, n'ont pas tous été publiés. Comment appliquer une loi si l'on ne peut appliquer la précédente ? Je souhaite bien du plaisir à ceux qui devront s'y atteler ! La jurisprudence aura de quoi faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 73 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à Mme Delphine Batho, premier orateur inscrit sur l'article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

L'article 3 est la pierre angulaire de ce projet de loi. Sa rédaction est contournée et contradictoire ! D'un côté, nous avons droit à une version « grand public » qui donne à entendre que les mineurs récidivistes seront condamnés comme des majeurs.

De l'autre, la version présentée dans l'hémicycle, tout en précaution et prudence, qui prétend que les spécificités à valeur constitutionnelle de la justice des mineurs sont préservées dans ce texte.

C'est soit l'un, soit l'autre, mes chers collègues, mais certainement pas les deux à la fois !

Nous avons déjà montré en quoi ce texte était inadapté à la lutte contre la récidive des mineurs et contre l'augmentation des violences visant les mineurs : il s'attache à la récidive légale alors que le problème est celui de la réitération ; il concerne les mineurs de seize à dix-huit ans alors que nous constatons que les délinquants mineurs sont de plus en plus jeunes ; il n'aura aucun effet dissuasif – je ne reviens pas sur l'ensemble des objections que nous avons formulées.

Premièrement, cet article applique les peines planchers aux mineurs. Si nos objections concernant la personnalisation des peines sont valables pour les majeurs, elles le sont a fortiori pour les mineurs.

Deuxièmement, il allonge la liste des dérogations à l'application de l'atténuation de peine pour minorité. Permettez-moi de faire une remarque sur l'expression d'« excuse de minorité », tout à fait inappropriée à nos yeux car s'il existe une responsabilité pénale des mineurs, qui peut être atténuée – les textes le prévoient – il ne s'agit en rien d'excuser l'acte commis. En fait, la gradation des peines en fonction de l'âge est l'équivalent de ce que les parents pratiquent de façon empirique au sein de la famille. Une même bêtise commise par un enfant de onze ans ou par un adolescent de dix-sept ne sera pas sanctionnée de la même façon par les parents. C'est tout simplement ce principe qui est inscrit dans notre droit.

Troisièmement, il déroge au principe de la motivation : la non-atténuation de la peine sera la règle, et c'est l'atténuation de la peine qui devra être motivée. Dès lors que l'article 2 de l'ordonnance de 1945 prévoit que « le tribunal pour enfants ne peut prononcer une peine d'emprisonnement, avec ou sans sursis, qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine » – disposition qui ne figure pas dans le tableau récapitulatif des règles de motivation des décisions de justice s'appliquant aux mineurs, page 82 du rapport de la commission des lois – la motivation exigée à l'article 2 de l'ordonnance de 1945 deviendra purement formelle. Elle consistera à dire : application est faite du nouvel article 20-2.

De modification en modification, vous alignez, madame la garde des sceaux, le droit pénal des mineurs sur celui des majeurs. Toute la subtilité de cette démarche consiste à procéder par étapes successives, ce qui permet sans doute, à chaque étape, d'assurer qu'un certain nombre de principes à valeur constitutionnelle sont respectés.

Mais puisque vous voulez viser les mineurs récidivistes, madame la garde des sceaux, vous auriez pu proposer une autre rédaction du texte. Vos auriez très bien pu prévoir un durcissement des peines pour les mineurs récidivistes. Mais tel n'a pas été votre choix. Vous avez décidé que les juridictions appliqueront aux mineurs les mêmes peines qu'aux majeurs, et qu'elles pourront déroger aux obligations de motivation. Voilà la preuve que votre projet est entièrement idéologique, et qu'il se borne à reprendre le leitmotiv de l'actuelle majorité depuis des années et des années.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

La seule réponse à apporter, selon vous, à la délinquance des mineurs est de les traiter comme des majeurs. Or, chers collègues, c'est précisément le problème auquel nous sommes confrontés. Les violences contre les personnes sont commises par des mineurs, non par des majeurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je ne peux qu'abonder dans le sens de Mme Batho. Si l'opposition n'avait besoin que d'un motif pour saisir le Conseil constitutionnel, elle le trouverait dans l'article 3, lequel n'est ni constitutionnel, ni conforme à la convention internationale des droits de l'enfant et sur lequel le Conseil d'État a émis un certain nombre de réserves. L'article 3 est au coeur de l'architecture de votre projet. Il n'autorise ni dérogations, ni atténuations de peines. M. Warsmann – et je regrette qu'il se soit absenté – s'est emporté tout à l'heure, affirmant que notre mission consistait à accomplir les promesses du Président de la République, comme si nous n'étions qu'une assemblée de godillots, une chambre d'enregistrement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ils sont nombreux en effet, ils ont même la majorité ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le président de la commission ne nous a-t-il pas, tout à l'heure, reproché d'avoir changé d'avis ? Mais, lui, n'a-t-il pas fait de même ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Que n'avait-il dit en décembre 2004 au moment de l'examen d'une proposition de loi dont il était l'un des auteurs ? Il s'opposait alors à M. Estrosi pour nous expliquer que les peines minimales et obligatoires n'étaient pas conformes à l'esprit de notre droit, et que cela était dangereux pour la société, la justice et les justiciables.

Or avec l'article 3, l'atténuation de la peine est reléguée au rang de l'exception, lors de la deuxième récidive d'infraction violente, ce qui est non seulement anticonstitutionnel, mais contraire à l'esprit de l'ordonnance de 1945 dont vous prévoyez, une fois de plus, la refonte.

Parmi les lois sécuritaires votées depuis 2002, aucune n'a été évaluée, comme M. Le Bouillonnec l'a souligné : nous n'avons donc pas de leçons à recevoir de la part du président de la commission sur la question de l'évaluation. De surcroît, pour certaines d'entre elles, les décrets ne sont toujours pas sortis. Et voilà qu'au nom des engagements pris par le Président de la République, pour des raisons purement idéologiques, vous nous présentez en urgence une nouvelle loi qui a pour objectif de fixer des peines plancher, source de désordre et non de paix sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Nous ne sommes pas les seuls. Dans l'opposition, nous avons pour mission de porter les idées que nous avons défendues pendant la campagne.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Lesquelles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Et si c'est radoter que de défendre un projet de société qui n'a rien à voir avec celui que vous prônez , celui d'une société ouverte contre une société réactionnaire, une société de l'ordre qui favorise les privilégiés (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), alors je revendique l'honneur d'être un radoteur et je radoterai encore longtemps !

Depuis 2002, les moyens que vous avez accordés à la protection judiciaire de la jeunesse ont été centrés sur le milieu carcéral, et non sur le milieu ouvert.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Mais alors, monsieur le rapporteur, apportez-nous la preuve du contraire. Les auditions que nous avons faites de représentants d'associations et de l'administration de la protection judiciaire de la jeunesse montrent l'inverse. En outre, les juges, comme l'a montré avec force Mme Batho, n'ont pas de moyens suffisants pour mettre en oeuvre les dispositions éducatives depuis si longtemps attendues.

Cet article central de votre texte est au coeur de votre projet qui consiste à jeter encore plus de mineurs en prison, c'est-à-dire à criminaliser une partie de la jeunesse de ce pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Nous en venons aux amendements.

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 26 , 40 et 74 , tendant à supprimer l'article 3.

Monsieur Mamère, pouvons-nous considérer que vous avez déjà défendu l'amendement n° 26 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

J'aimerais le défendre, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je vais m'efforcer de ne pas radoter afin de ne pas déplaire à certains de mes collègues de la majorité, qui nous demandent d'exécuter les promesses du Président de la République. Mais nous ne sommes pas des béni-oui-oui, mesdames, messieurs. Nous avons pour mission, je le répète, de défendre un projet de société alternatif. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Les Français vous ont choisis, vous avez la majorité : c'est la démocratie. Cela ne vous empêche pas de respecter les droits de l'opposition. N'oubliez pas que les choses se terminent toujours très mal pour les majorités arrogantes et méprisantes. Nous avons encore cinq ans pour défendre nos idées. Pour l'heure, je demande la suppression de l'article 3 qui ne montre que trop bien la réalité de votre projet : un projet conservateur, idéologique, répressif, qui va criminaliser une partie de notre société.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement n ° 40 .

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Cet amendement vise aussi à supprimer l'article 3, qui étend aux mineurs le principe des peines minimales défini aux articles 1er et 2 et limite l'atténuation de la responsabilité pénale du mineur de plus de seize ans prévue par l'ordonnance de 1945.

Depuis cinq ans que vous réformez la justice, vous videz par petites touches l'ordonnance de 1945 de son contenu. Il ne s'agit pas d'un problème législatif au sens littéral du terme, mais de l'esprit même des lois. C'est le souffle humaniste de ce texte que vous voulez réduire à néant, car il vous gêne. Cela révèle l'incompatibilité profonde entre les positions que vous défendez et celles que nous défendons.

Rechercher dans l'aggravation des peines, dans leur allongement et dans la sévérité des décisions judiciaires une solution au dramatique problème que pose la délinquance des mineurs et des majeurs vous mènera droit dans le mur, nous ne cesserons de vous le répéter. Partout où les peines ont été aggravées, les résultats ont été contre-productifs : les violences se sont multipliées et se sont mieux organisées. Vous n'obtiendrez pas ce que vous souhaitez par cette voie-là : la géographie de la délinquance correspond aux îlots de pauvreté, à l'échelon national comme à l'échelon mondial, et si les indispensables mesures de sanction ou d'incarcération ne s'accompagnent pas de politiques sociales et éducatives, elles seront vouées à l'échec.

Avec les dispositions prévues à l'article 3, le juge pourra écarter l'excuse de minorité sans motiver spécialement la condamnation en cas de délit de violence volontaire, de délit d'agression sexuelle ou de délit commis avec la circonstance aggravante de violences. Elles obligent également la juridiction à écarter l'excuse de minorité lorsque le mineur se trouve une nouvelle fois en état de récidive. Autrement dit, les peines prévues pour les majeurs s'appliqueront. Lorsque la cour d'assises des mineurs ou le tribunal pour enfants décideront de faire application de l'atténuation de la peine, leurs décisions devront être spécialement motivées.

En renversant le principe de l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs, cet article, je le répète, remet fondamentalement en cause l'esprit de l'ordonnance de 1945. Il est également contradictoire avec la convention internationale des droits de l'enfant, pourtant ratifiée par la France. La Défenseure des enfants vous a alertés sur ce point en rappelant qu'aux termes de la convention, un mineur doit toujours pouvoir bénéficier d'une justice adaptée à son âge. Mme Versini vous demande donc très légitimement de maintenir les dispositions actuelles qui permettent déjà au juge de décider d'écarter l'excuse de minorité en fonction de la gravité de l'infraction.

L'Allemagne, l'Autriche, le Portugal, les Pays-Bas, l'Espagne, la Croatie maintiennent, même au-delà de la majorité, un régime plus protecteur que celui que notre pays prévoit pour les mineurs dès seize ans. Vous conviendrez, et j'en ai un peu honte pour la France, que ces dispositions ne la grandissent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Je n'ai pas pour habitude d'abuser de mon temps de parole, vous le savez, monsieur le président. Par cet amendement, je demande simplement la suppression de l'article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 74 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Je voudrais d'abord mettre en relief la pertinence de l'observation de Delphine Batho selon laquelle l'excuse de minorité n'implique aucunement d'excuser l'acte lui-même par l'âge de celui qui l'a commis. Il s'agit simplement de prévoir une atténuation de la peine, compte tenu du principe de personnalisation de la sanction, qui doit continuer à habiter l'acte du juge.

La difficulté, c'est que, petit à petit, vous avez égratigné ce dispositif jusqu'à inverser la procédure. Pour les multirécidivistes, le juge devra ainsi justifier pourquoi il choisit de ne pas aggraver la sanction. C'est tout un symbole : on passe d'une atténuation systématique à une obligation de justifier la non-aggravation, ce qui n'est pas sans poser problème.

La convention des droits de l'enfant rappelle que tout État se doit de prévoir des dispositions à dimension éducative pour accompagner l'enfant qui serait rendu coupable d'une infraction à la loi, quel que soit le seuil de majorité retenu. L'important est en effet de préserver les promesses d'avenir dont la société est encore porteuse pour le mineur. Avec votre dispositif, vous supprimez cette exigence, en allant à l'encontre de nos engagements internationaux.

Mes chers collègues, j'ai toujours pensé qu'on ne pouvait combattre des injustices au bout du monde, si on n'était pas capables de se rendre compte qu'il y en avait dans son propre pays. La révolte que suscite en nous cette nouvelle procédure est de la même nature que l'indignation qui nous gagne quand nous voyons des enfants de douze ou quatorze ans travailler dans des conditions inacceptables à l'autre bout du monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

La responsabilité de la société est de faire bonne mesure entre deux exigences : préservation des promesses d'avenir et application de nécessaires sanctions. L'ordonnance de 1945 parvenait à un équilibre. Qu'il soit complexe à mettre en oeuvre aujourd'hui, personne ne le nie. Mais vous faites sauter un verrou : il n'y aura plus de situation où l'excuse de minorité pourra être invoquée.

Cet amendement de suppression procède de notre volonté, non pas de ne pas sanctionner, mais de rappeler la nécessité de donner un sens à la sanction et à la justice. Si vous ne le faites pas, le combat que vous engagez sera perdu d'avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Nous avons un point d'accord et un seul : l'article 3 se trouve effectivement au coeur d'un dispositif relatif à la délinquance des mineurs qui vise à combattre la tendance de plus en plus marquée à la récidive, voire à la multirécidive, qui nous inquiète tant.

Mais vos propos, par leur extrême généralité, sont tellement éloignées du texte qu'ils en constituent une caricature.

Tel qu'il est rédigé, l'article 3 traduit fidèlement la volonté du Gouvernement d'apprécier toutes ces questions en respectant un principe fondamental inscrit dans la philosophie de l'ordonnance de 1945, à savoir la gradation de la réponse de la justice par rapport au comportement délictueux ou criminel du mineur.

Vous vous êtes bien gardés de rappeler le 1° du I de l'article 3 : « 1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "la diminution de moitié de la peine encourue s'applique également aux peines minimales prévues par les articles 132-18, 132-18-1 et 132-19-1 du code pénal". » C'est bien l'atténuation de la peine qu'on appelle maladroitement l'excuse de minorité.

Le 2° du I de l'article 3 traite des mineurs âgés de plus de seize ans. À vous entendre, on pourrait croire que le Gouvernement et sa majorité veulent durcir les sanctions au point de franchir la ligne qui sépare les moins et les plus de seize ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

L'article 3 prévoit que si le mineur est âgé de plus de seize ans, le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs peut décider qu'il n'y a pas lieu de le faire bénéficier de l'atténuation de la peine prévue dans trois cas qui ne sont pas des plus bénins : premièrement, lorsque les circonstances de l'espèce et la personnalité du mineur le justifient ; deuxièmement, lorsqu'un crime d'atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne a été commis en état de récidive légale ; troisièmement lorsqu'un délit de violences volontaires, un délit d'agressions sexuelles, un délit commis avec la circonstance aggravante de violences a été commis en état de récidive légale. Avouez que ce n'est pas rien !

S'agissant de ce troisième cas, il n'est pas nécessaire de motiver spécialement le refus d'appliquer l'atténuation de la peine.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Effectivement, c'est ce que vous appelez un renversement et que nous assumons.

Nous sommes dans la suite logique de la réponse responsable de la justice par rapport à un comportement qui, certes, concerne un mineur, mais qui est particulièrement grave. Le simple rappel du titre du projet de loi suffit à le démontrer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Ces dispositions montrent la volonté des pouvoirs publics de prendre à bras-le-corps cette question dans le cadre d'un respect scrupuleux de la philosophie et de la lettre de l'ordonnance de 1945. Le présent projet de loi ne mérite donc pas l'indignité systématique ni la caricature dont vous avez fait preuve en l'édulcorant dans certains cas et en l'aggravant dans d'autres.

Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté ces amendements de suppression de l'article 3.

La majorité n'est pas constituée d'un ensemble d'élus béni-oui-oui, le petit doigt sur la couture du pantalon. Nous avons été élus dans le cadre d'un projet qui s'inscrit totalement dans l'application du programme présidentiel de Nicolas Sarkozy, qui comporte, plus que des promesses, des engagements clairs. C'est le peuple qui a décidé de les retenir pour qu'ils soient appliqués ensuite.

Le Président de la République s'était engagé à dire ce qu'il ferait et à faire ce qu'il aurait dit. Nous ne sommes pas là en train d'appliquer servilement une cause dont le peuple ne connaît rien, nous appliquons de manière lucide et responsable une politique que les Français ont voulu faire leur au travers de l'élection présidentielle puis des élections législatives. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Ce sont les parlementaires qui font la loi et pas le Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements de suppression ?

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Nous sommes attachés à la préservation d'un droit spécifique applicable aux mineurs.

Je rappelle les trois principes de l'ordonnance de 1945 que respecte le texte qui vous est soumis aujourd'hui : primauté de l'éducatif, des juridictions spécialisées pour les mineurs et l'atténuation de la responsabilité pénale. Actuellement, le tribunal pour enfants peut déjà écarter le principe de l'atténuation de responsabilité pénale sans motiver sa décision dès lors que le mineur de plus de seize ans est récidiviste au sens légal. Ce que prévoit le texte, c'est que le principe de l'atténuation de responsabilité ne s'appliquera plus pour les mineurs de plus de seize ans qui en sont à la troisième récidive pour des délits ou des crimes comportant des éléments de violence ou de nature sexuelle. Mais nous laissons au magistrat la possibilité de rétablir ce principe d'atténuation de la responsabilité à condition de le motiver.

Tout cela est parfaitement cohérent avec l'ordonnance de 1945.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Non, monsieur le Bouillonnec, c'est une gradation. Comme pour les peines minimales, on a un régime de récidive simple et de récidive aggravée.

Je veux prendre un exemple. Comment peut-on excuser le meurtre sauvage de la jeune Ghofrane, morte lapidée, avec une quarantaine d'impacts de pierres sur le crâne, un doigt et une oreille sectionnés, dix-sept dents cassées, plusieurs côtes fracturées. Ses deux meurtriers, âgés de seize et dix-sept ans, avaient été condamnés avant les faits, dix fois pour le premier, quatre fois pour le second, lequel avait été jugé dans un cas en assises. Le principe de l'atténuation de la responsabilité avait été respecté pour les condamnations antérieures. Cela n'a pas servi à grand-chose. Devaient-ils encourir une peine maximale de quinze ans si le principe d'atténuation avait été retenu ? La cour d'assises en a décidé autrement en les condamnant à vingt-trois ans de réclusion criminelle. C'est le verdict d'un jury populaire. Cessons de faire de l'angélisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Alain Bénisti

M. Le Bouillonnec nous parle de révolte à l'égard de ce qu'il appelle une injustice, à savoir le fait de ne plus trop protéger les mineurs. Mais ils ne ressemblent pas aujourd'hui aux mineurs de 1945. Dans votre département, monsieur Le Bouillonnec, un commerçant a été attaqué la semaine dernière alors qu'il apportait sa recette à la banque. Comme il résistait face à son agresseur, son complice a pris sa moto et lui a roulé dessus. Il a eu le bras arraché. Comment traiter un délinquant capable de tels actes odieux ?

Certes, il faut conserver les bases de l'ordonnance de 1945. Mais il faut aussi prendre en compte l'évolution de la délinquance. Comme l'a dit Mme Batho, un fait de grande délinquance aggravé avec violence est, une fois sur deux, commis par un jeune mineur.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Ne nous jetons pas les victimes à la figure ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Alain Bénisti

Madame Batho, je vous ferai remarquer que c'est vous qui avez cité des exemples tout à l'heure ! Alors, ne nous donnez pas de leçons !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Le sujet est suffisamment grave pour mériter l'écoute et le respect réciproque.

Revenons un instant sur ce qui est arrivé à Ghofrane. Le mineur qui a commis un tel geste n'en était pas à son premier acte de violence.

Quant aux mineurs qui ont brûlé Mama Galedaou à Marseille, exemple qu'aime citer le Président de la République…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Alain Bénisti

Je vous ferai remarquer que c'est vous qui prenez un exemple !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

…ils avaient eux aussi déjà commis d'autres délits. Nous ne voulons pas rester les bras croisés devant cet échec terrible et se dire que la seule chose que peut faire la représentation nationale, c'est de demander une sanction terrible une fois que Mama Galedaou a été brûlée et Ghofrane lapidée.

Comment se fait-il qu'aucune sanction suffisamment précoce et solide ne soit prévue pour que de tels actes ne se produisent pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Vos collègues se sont opposés aux centres éducatifs fermés il y a cinq ans, alors que maintenant ils les approuvent !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Dans de multiples déclarations, le Président de la République et les membres de son équipe de campagne ont expliqué que le présent texte visait à supprimer l'excuse de minorité, expression dont j'ai rappelé tout à l'heure qu'elle était impropre, afin que les mineurs récidivistes soient jugés comme des majeurs. Il y a donc bien une entorse au principe de l'ordonnance de 1945 auquel le Conseil constitutionnel a donné valeur constitutionnelle. En effet, le présent texte ne dit pas que pour un mineur récidiviste, il faut durcir la sanction, mais que le mineur récidiviste doit être jugé comme un majeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Quand on touche au code pénal, à la procédure pénale, on touche à la situation de chaque citoyen quel qu'il soit, coupable, condamné, délinquant, victime, membre d'une famille de victime, etc. Cela veut dire que nous sommes nécessairement dans une certaine distance à l'égard des arguments électoraux. Le Parlement ne peut pas être privé d'aucun de ses droits de discuter, de contester telle ou telle disposition. C'est à lui de faire la loi. On pourra nous ressasser les promesses du Président de la République, cela n'empêchera pas l'opposition de gauche de continuer à défendre ses positions, qui ne sont pas celles de Nicolas Sarkozy. Nous avons été élus pour ça.

S'agissant de la loi pénale et de la loi de procédure pénale, leur importance vient du fait que personne ne peut y échapper. Nous avons donc la responsabilité d'élaborer une loi juste, équitable, qui ne se transforme pas en rouleau compresseur – comme ce fut le cas pour les textes précédents, la commission d'enquête sur Outreau l'a bien montré.

Mme la ministre nous a accusés de faire preuve d'angélisme. Elle sait pourtant que je n'ai rien d'un ange ! Je ne fais qu'assumer la responsabilité attachée à mon mandat. Par ailleurs, nous ne servons pas les délinquants contre les victimes – un tel argument ne saurait d'ailleurs être invoqué dans nos débats. Ce que je souhaite vous faire admettre, en revanche, c'est que la dérogation légale au principe de l'excuse de minorité en cas de multirécidive constitue une rupture avec l'ordonnance de 1945.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

En effet, dans ce cas précis, le juge n'appliquera pas l'excuse de minorité, sauf s'il apporte une justification. La règle est inversée, et c'est une première. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Alain Bénisti

Faites un recours devant le Conseil constitutionnel ! Les Français jugeront !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Vous pouvez protester, c'est la réalité. Or il n'y a pas pire façon d'aborder la loi de 1945, parce que l'on agit au bout de la chaîne, pas au début.

Ce n'est pas en se focalisant sur la récidive ou en brandissant la menace de peines multiples que nous empêcherons qu'il y ait des victimes. Pour qu'il n'y en ait plus – ou pour qu'il y en ait moins, ne soyons pas angéliques –, nous devons nous efforcer de limiter tout ce qui concourt à la commission de l'infraction. C'est seulement ainsi que nous atteindrons notre objectif.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 26 , 40 et 74 .

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi d'un amendement n° 41 .

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Il s'agit d'un amendement de repli, dans la mesure où nous n'avons pas pu obtenir la suppression de l'article. Mais si j'ai bien compris votre propos, madame la garde des sceaux, vous ne pourrez qu'y être favorable.

Nous souhaitons compléter l'alinéa 3 de l'article 3 par la phrase suivante : « Toutefois, le tribunal pour enfants peut, dans tous les cas, prononcer une mesure éducative. » L'emprisonnement des mineurs doit en effet demeurer une exception. Les dispositions relatives aux peines minimales n'ont vocation à s'appliquer aux mineurs que si le tribunal prononce une peine d'emprisonnement, et même en cas de récidive, les juges doivent pouvoir faire le choix d'une mesure éducative.

Lorsque cet amendement a été présenté au Sénat, vous l'avez jugé superflu au motif que l'article 2 de l'ordonnance de février 1945 n'est pas modifié par ce projet de loi. Mais la clarté n'est jamais superflue.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

On peut qualifier cet amendement de sympathique, mais il n'apporte pas pour autant quelque chose au droit existant. Notre collègue nous propose de réécrire ce qui figure déjà au premier alinéa de l'article 2 de l'ordonnance de 1945. La commission des lois ne peut qu'y être défavorable.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis. C'est le principe même de l'ordonnance de 1945 que de privilégier l'éducatif sur le répressif.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Je crains justement que la remise à plat de l'ordonnance de 1945 ne conduise à supprimer ce principe.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

C'est pourquoi j'ai voulu anticiper en l'inscrivant dans ce texte, misant sur la cohérence entre vos propositions actuelles et celles que vous nous ferez demain. Je persiste, en effet, à juger que l'esprit même de l'ordonnance est visé. La dimension éducative ne sera pas prise en compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Pas du tout, je veux simplement mettre l'accent sur un point essentiel pour la réalisation de l'objectif que vous vous êtes fixé, c'est-à-dire la réduction de la délinquance et celle de la récidive – même si nous ne proposons pas le même chemin pour y parvenir, ce dont personne ne sera étonné.

Tout à l'heure, madame la garde des sceaux, vous affirmiez vouloir simplement mettre en oeuvre les engagements du Président de la République. Mais souvenez-vous qu'au lendemain du deuxième tour, 61 % des Français se déclaraient opposés à la mise en place d'une franchise sur les soins, qui faisait pourtant partie de son programme. Lorsque nos concitoyens verront comment se concrétisent ces engagements, ils auront d'autres surprises douloureuses !

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 41 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi d'un amendement n° 6 de la commission, tendant à une harmonisation rédactionnelle.

Le Gouvernement y est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 6 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi d'un amendement n° 77 .

La parole est à Mme Delphine Batho, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 77 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi d'un amendement n° 75 rectifié .

La parole est à Mme Delphine Batho, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 75 rectifié .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi d'un amendement n° 7 rectifié .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi d'un amendement n° 27 .

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 27 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi d'un amendement n° 8 rectifié .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi d'un amendement n° 9 de la commission.

C'est un amendement de coordination. Le Gouvernement y est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 9 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'article 3, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi de trois amendements, nos 28 , 42 et 78 , tendant à supprimer l'article 4.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 28 .

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement n° 42 .

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Manuel Valls, pour soutenir l'amendement n° 78 .

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 28 , 42 et 78 .

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 5.

La parole est à M. Serge Blisko, premier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Le législateur n'a, a priori, aucune raison de se priver d'une mesure telle que l'injonction de soins, qui fait l'objet des articles 5 à 9. Nous avons cependant souligné dans la discussion générale l'extrême difficulté dans laquelle ces articles allaient mettre le monde de l'expertise psychiatrique et les juges de l'application des peines si d'aventure ils étaient adoptés.

L'injonction thérapeutique suppose en effet une extrême précision dans ce que l'on cherche à obtenir ; à cet égard, comme nombre de professionnels qualifiés l'ont indiqué, l'extension du champ des incriminations visées n'est pas satisfaisante. Le crime et le délit ne sont pas réductibles à la maladie. À force de tout psychiatriser, on va déresponsabiliser : la médecine va tenir lieu de sanction. Le paradoxe, c'est que dans le même temps, on va continuer à punir des gens authentiquement malades, parfois gravement atteints, mais dont l'irresponsabilité n'est, dans le meilleur des cas, que partiellement reconnue. Dès lors, on trouve de plus en plus de ces personnes dans le monde carcéral, où elles sont mal soignées.

Il faudrait que les SMPR, les services médico-psychologiques régionaux – chargés du suivi psychologique en milieu pénitentiaire –, voire les UHSA, les unités hospitalières spécialement aménagées, dont on nous a annoncé la création, soient beaucoup mieux dotés en personnels compétents pour accomplir correctement ce travail difficile, qui suscite tant d'angoisses et d'interrogations.

De la même manière, les SMPR – services médico-psychologiques régionaux – qui ont, pour certains, rendu de grands services, doivent être multipliés. L'état de délabrement que nous connaissons ne concerne pas seulement les locaux, mais également la médecine pénitentiaire, qui n'existe plus en tant que telle, puisqu'il s'agit d'une extension du secteur psychiatrique dans les établissements de détention. Ce service doit être beaucoup plus armé en termes de personnel, de matériel et de missions qu'il ne l'est aujourd'hui. Au-delà des soins, il faut qu'il y ait des structures intermédiaires pour continuer à aider, soutenir et soigner les détenus à leur sortie de prison. Procéder de façon détestable – pardonnez-moi d'employer un terme blessant –, comme vous le faites…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

…en soumettant, dans les articles 5 à 10, la libération conditionnelle ou le sursis à une obligation de soins ne me paraît pas de bon augure. En effet, les détenus, qui ne sont pas désireux de se soigner, l'accepteront afin d'améliorer leurs conditions de détention ou de bénéficier d'un sursis. Or chacun sait que le consentement de la personne est essentiel en matière de traitement psychiatrique.

Tel est l'arrière-fond de ce texte qui me paraît confus, grave et peu étayé.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je demande à nos collègues inscrits sur les articles de respecter leur temps de parole qui est, puisque nos débats sont ainsi organisés, de cinq minutes pour tout le monde.

La parole est à M. Michel Vaxès.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Je respecterai mon temps de parole, monsieur le président. De plus, mon intervention sur l'article vaudra défense de tous mes amendements de suppression des articles relatifs aux injonctions de soins.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Il semble que tout le monde s'en réjouisse. Nous sommes, il est vrai, au mois de juillet et, face à un projet aussi difficile, chacun a le souci de tourner une page que l'on rouvrira à la rentrée, sans doute avec davantage d'efficacité.

Nous abordons donc, avec cet article 5, le volet de votre texte relatif aux injonctions de soins. La psychiatrisation de la délinquance que vous organisez ici opère un transfert dangereux de la responsabilité de la justice vers la médecine. En fait, je crains qu'elle ne serve de justification à l'absence de prise en charge socio-éducative des délinquants. Or tout le monde, ou presque, sait que le cadre socio-éducatif demeure, dans l'immense majorité des cas, le plus adéquat pour prévenir la délinquance.

Madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, en confiant un pouvoir juridictionnel à des experts – tels que les psychiatres – dont ce n'est pas la mission, vous vous défaussez de toute responsabilité. Nous ne sommes plus dans la logique de la séparation des pouvoirs. L'insuffisance des médecins coordonnateurs assurant l'interface entre le juge de l'application des peines et le médecin traitant est telle que ce phénomène sera encore amplifié. Vous assurez vouloir en recruter en nombre, et c'est pourquoi vous n'envisagez l'application de ces mesures qu'en mars 2008. Vous n'ignorez cependant pas qu'aujourd'hui plusieurs centaines de postes de praticiens hospitaliers en psychiatrie sont vacants. Comment allez-vous faire ? Imposerez-vous aux psychiatres du secteur privé de s'investir dans le cadre pénitentiaire ? Si telle était votre intention, mais j'en doute, je vous souhaite bien du plaisir. J'attends en tout cas une réponse de votre part sur ce point.

J'ajoute, et tout le monde ici pourrait en convenir, que les psychiatres considèrent, à juste titre, que l'instauration d'une relation de confiance avec le patient est indispensable à l'évolution positive de toute psychothérapie. Il serait d'ailleurs utile, près de dix ans après l'entrée en vigueur de la loi de 1998 instaurant le suivi socio-judiciaire avec injonction de soins, de dresser un bilan de l'efficacité de cette mesure. Rien, à ma connaissance, n'a été fait en ce sens. Mais qu'importe pour vous ! Vous systématisez ces injonctions de soins sans même vous préoccuper de leur pertinence. Au fond, ce qui vous intéresse, ce n'est pas de soigner, mais de vous débarrasser des problèmes que posent les délinquants, quelle que soit l'importance du délit. Les articles 8 et 9 de votre texte prévoient même d'interdire les réductions de peine et la libération conditionnelle aux personnes refusant les soins. Ils sont la preuve de votre aveuglement et de votre véritable motivation !

Nous demandons, en conséquence, la suppression de tous ces articles relatifs aux injonctions de soins.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Monsieur Vaxès, vous avez mal apprécié le problème posé par cet article.

Il ne s'agit pas aujourd'hui de psychiatriser les délinquants, mais, au contraire, dans un souci de pragmatisme et d'efficacité, d'identifier ceux qui relèvent d'une prise en charge psychiatrique. Vous ne trouverez pas de réponse dans des arguments fallacieux tels que le manque d'effectifs dans le secteur psychiatrique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Pas du tout !

La société demande aujourd'hui à ce que l'on prenne réellement en considération les problèmes auxquels elle est confrontée. Certains délinquants relèvent d'une prise en charge purement éducative,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

…d'autres d'une mesure répressive, et d'autres, enfin, d'une prise en charge médicale. Ce discernement n'est certes pas aisé, mais nous devons avant tout faire preuve d'efficacité et être en mesure de répondre à une attente. Remettre en liberté des personnes qui n'ont pas toute leur conscience et qui font, de ce fait, courir des risques à la société n'est pas souhaitable. Si nous nous attaquons aujourd'hui à la récidive, si nous voulons protéger nos concitoyens, il est indispensable de faire la part des choses : certaines situations, je le répète, relèvent de la psychiatrie, d'autres de la répression. En tout cas, ne tentez pas de faire croire que Mme la garde des sceaux n'assume pas sa responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Nous débattons d'un article clé de ce projet de loi, et je ne comprends pas la réaction de nos collègues. En effet, l'objet de ce texte est de lutter contre la récidive. Après avoir entendu l'administration pénitentiaire dans le cadre de l'élaboration de rapports parlementaires que nous avons rédigés sur la situation des prisons, nous avons unanimement constaté qu'un certain nombre de détenus relevaient davantage de la psychiatrie que de la détention. Nous enregistrons, personne ne peut le nier, un fort taux de récidive pour les crimes et délits sexuels.

Avec ce projet de loi, nous voulons lutter efficacement contre la récidive en assortissant les sanctions d'une obligation de soins. Pourquoi ? Nous savons très bien, mes chers collègues, que les taux de récidive sont très élevés. En quoi l'obligation de soins est-elle condamnable ?

Une chose sera plus difficile pour Mme la garde des sceaux et son homologue, ministre de la santé, c'est de disposer de moyens, en termes de personnels qualifiés, pour la mise en application des mesures que nous allons aujourd'hui adopter. Mais Mme la garde des sceaux a prix des engagements hier à cette tribune. Il ne faut donc pas, dans ce domaine, la combattre, mais, au contraire, la soutenir dans la bataille qu'elle devra livrer !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je tiens à préciser que mon intervention vaudra défense des amendements de suppression des articles 5 à 10.

Je tiens à m'inscrire en faux contre ce que vient de déclarer notre collègue Hunault. On ne peut en effet pas nier qu'il y a une sorte de psychiatrisation de la délinquance – l'expression convient très bien. Nous savons pertinemment qu'un certain nombre de criminels et de délinquants sexuels ne sont pas atteints de troubles psychiatriques, mais, et ce qui est différent, de troubles de la personnalité devant lesquels la psychiatrie moderne est impuissante. Pour avoir visité les prisons, dans le cadre de la commission d'enquête sur les prisons, nous savons qu'un certain nombre de malades y sont envoyés alors qu'ils n'ont rien à y faire, puisque ces lieux de détention ne disposent d'aucuns moyens dans ce domaine.

Dans son intervention sur l'article, mon collègue Blisko a évoqué les SMPR. J'ai rendu visite avec l'Observatoire international des prisons au SMPR d'Amiens, qui a été supprimé. Dans de nombreux lieux de détention, les détenus ne peuvent pas rencontrer de spécialistes pour les aider à vivre mieux et, sans doute, à se réinsérer.

Les articles 8, 9 et 10 relatifs aux soins contraints, même s'ils prennent en considération la santé mentale, sont encore un autre moyen de supprimer le principe constitutionnel de l'individualisation des peines.

Si l'on veut réellement se pencher sur la question des malades en prison qui, bien que ne souffrant pas de troubles de la personnalité, ont besoin d'un traitement psychiatrique, il faut aborder plus attentivement celle du renforcement des moyens médicaux, psychologiques et psychiatriques au sein des prisons. Il nous faudrait donc plus de temps que celui qui nous est imparti dans le cadre de l'examen de ce projet de loi pour lequel l'urgence a été déclarée. Comme j'ai eu l'occasion de le répéter, on préfère donner 13 milliards d'euros à 1 % de la population (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) plutôt que de se donner les moyens de la pacification et de la réinsertion.

Telle est la réalité de la politique de ce gouvernement et de ceux qui l'ont précédé, puisque, depuis cinq ans, c'est la même majorité qui est en place ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 29 , 43 et 80 , tendant à supprimer l'article 5.

L'amendement n° 29 a déjà été défendu par M. Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

M. Vaxès a déjà défendu son amendement n° 43 .

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 80 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Jusqu'à présent, la juridiction pouvait prononcer une injonction de soins après expertise. L'article 5 modifie l'article 131-36-4 du code pénal en rendant cette injonction obligatoire, à moins que la juridiction ne prenne une décision contraire. Si la personne concernée refuse les soins proposés – et, sur ce point, il n'y a pas de modification – la sanction sera mise en oeuvre ; du reste, le président le rappelle à cette personne.

Un principe est à nouveau modifié. L'injonction thérapeutique, qui était une possibilité ouverte à la juridiction, devient une sorte d'obligation, sauf décision contraire motivée. Cette mesure paraît assez superfétatoire, puisqu'on ne peut en effet aller contre la volonté de la personne concernée, sachant que si celle-ci ne respecte pas l'injonction, elle subit la sanction.

Nous ne comprenons donc pas le sens de cet amendement. Personne ne conteste la pertinence de l'injonction thérapeutique, personne ne conteste le fait qu'une juridiction doit être éclairée par des experts et que le refus de la personne concernée entraîne l'application de la sanction d'emprisonnement. J'aimerais donc que l'on nous explique pourquoi on prévoit une obligation alors que, si la personne concernée refuse le traitement, on ne peut pas le lui imposer.

En outre, si une personne n'a pas toutes les capacités pour assumer ce type de décision, le processus de conseil et d'assistance est suffisant pour l'éclairer, de sorte que, sincèrement, je ne suis pas certain que ce dispositif n'ait pas été introduit pour donner une dimension un peu plus honorable à ce texte.

Je voudrais bien, monsieur le rapporteur, que vous nous éclairiez car l'introduction d'une obligation n'est pas compréhensible.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Cet article ainsi que les suivants concernent la même problématique : la généralisation de l'injonction de soins. La réflexion des pouvoirs publics sur ce sujet n'est pas récente. La loi de 1998 avait justement pour objectif de mieux prendre en charge le délinquant grâce à une obligation de soins et donc de mieux prévenir une éventuelle récidive.

Ce qui caractérise l'ensemble de ces articles, qui concernent toutes les dispositions relatives au suivi socio-judiciaire, au sursis avec mise à l'épreuve, à la surveillance judiciaire, aux réductions de peine et à la libération conditionnelle, c'est qu'il n'y a pas de voie sans issue. Il y a des orientations, des chemins de plus en plus balisés, mais, à l'arrivée, c'est toujours la juridiction qui garde la maîtrise de la décision pénale. Quand on n'a pas cela à l'esprit, on a une vision partielle, donc obligatoirement partiale, réductrice et parfois erronée du texte.

Concernant plus spécifiquement l'article 5, vous ne pouvez pas dire, monsieur Blisko, qu'il tend à transférer la responsabilité de la justice vers la médecine, ce n'est pas vrai. Le juge ne se prononcera éventuellement sur une injonction de soins que sur la base d'une expertise médicale, et il aura toujours la faculté de ne pas suivre l'avis des experts, ce qui prouve bien qu'il n'y a pas de transfert. On met l'ensemble de l'expertise des milieux médicaux au service du juge et du délinquant.

L'injonction de soins dans le cadre du suivi socio-judiciaire est systématisée mais ce n'est pas pour ça qu'elle est imposée. Nous ne sommes pas, je le répète, dans une voie sans issue. Le juge peut toujours, s'il l'estime opportun, prendre une décision contraire.

Enfin, et cet argument vaut bien sûr pour l'ensemble des articles 5 à 9, la date d'entrée en vigueur étant fixée dans l'article 10, tout cela n'a de sens et n'est possible que si l'on accorde des moyens supplémentaires à la médecine psychiatrique en milieu judiciaire. C'est la raison pour laquelle ces dispositions n'entreront en vigueur que 1er mars 2008, ce qui donne un délai au Gouvernement. Mme la garde des sceaux nous l'a dit en commission et l'a répété à plusieurs reprises dans cet hémicycle, son ministère, en coordination avec le ministère chargé de la santé, prépare un recrutement massif de médecins coordonnateurs supplémentaires. Il y en a aujourd'hui 202, il y aura les 500 nécessaires d'ici au 1er mars prochain.

Tout ce qui est écrit dans les exposés sommaires de ces amendements est donc réducteur et erroné. La systématisation de l'injonction de soins, avec la faculté pour le juge de ne pas la mettre en oeuvre, est une chance pour le condamné et elle permet de lutter contre la récidive. Il y a donc une chance qu'il y ait moins de récidives et moins de victimes.

C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable aux amendements de suppression de l'article 5, mais également, je le dis par avance, des articles 6, 7, 8 et 9.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Le suivi socio-judiciaire est considéré comme une mesure très efficace. Nous avons le sursis avec mise à l'épreuve, avec des obligations de soins, dont le maximum est de trente-six mois. Le suivi socio-judiciaire peut être d'au moins dix ans pour certains délinquants qui nécessitent des soins de longue durée, avec un médecin coordonnateur. Cela permet à l'autorité judiciaire de suivre l'exécution de la mesure.

Dès lors que les experts considéreront qu'un traitement s'impose, les soins seront obligatoires, sauf si le tribunal ne l'estime pas nécessaire parce que d'autres soins sont menés en parallèle ou qu'il y a une autre prise en charge. Pour une personne déjà condamnée, le juge d'application des peines pourra soumettre à l'expertise le condamné et imposer une injonction de soins dans les mêmes conditions. À aucun moment le médecin n'est juge et le juge n'est médecin.

Dans le cadre des procédures criminelles, je vous le rappelle, la juridiction ne peut juger quelqu'un que s'il est responsable, et la responsabilité est déterminée par des experts. La cour d'assises est donc liée par les avis des experts, qui sont des psychiatres. C'est la même procédure pour les délinquants sexuels ou les délinquants qui ont des troubles graves de la personnalité ou des troubles psychiatriques. L'objectif est de prévenir la récidive chez ce type de délinquants.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Je ne reprends pas les arguments qui ont été développés tout à l'heure. J'aurais aimé que l'on parle de la psychiatrie dans les prisons, mais je suppose que ce sera le cas lors de la discussion de la loi pénitentiaire.

Cela dit, que se passera-t-il si, en 2008, en dépit des engagements du Gouvernement, on n'a pas trouvé suffisamment de médecins et de psychiatres ? On sait que, dans de nombreux établissements psychiatriques de France entre un tiers et 50 % des postes sont vacants, ce qui crée d'énormes problèmes dans l'exécution des soins.

Sans rentrer dans les détails, j'aimerais qu'on m'explique ce qu'est un traitement, ce que signifie exactement « la possibilité d'un traitement » et ce qu'on fait quand l'injonction de soins est prononcée et qu'on n'a pas les moyens de l'appliquer. Dans un cas, que vous connaissez sans doute, où la récidive a été évitée grâce à l'intervention d'un témoin, la personne concernée a expliqué que cela faisait sept mois qu'elle attendait un rendez-vous.

Je pense que c'est en amont, pendant l'exécution de la sanction, qu'il faudra trouver des solutions, y compris en motivant un certain nombre de médecins et en les formant à l'intérieur du système pénitentiaire.

Là, on a un vrai souci, parce que je ne sais pas ce que, en droit, veut dire traitement, et je ne sais pas qui fera le suivi.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 29 , 43 et 80 .

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi d'un amendement n° 81 .

La parole est à M. Serge Blisko, pour le défendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Si je reprends les chiffres de Mme la ministre, on va passer de 200 médecins capables de faire une telle expertise à 500 au mois de mars prochain. Or je doute que l'on puisse trouver en six mois 300 psychiatres publics, formés, car il ne s'agit pas de n'importe quelle psychiatrie. Cela concerne certainement les cas les plus difficiles et les plus délicats.

En même temps, et c'est là, je pense, que l'on triche, on supprime la double expertise. Ce n'est pas innocent. On pourrait penser que c'est réaliste puisqu'il n'y a pas assez de psychiatres, tout le monde le dit. Un expert de moins, c'est autant de temps de gagné et de difficultés évitées, mais cette raison n'est pas recevable.

Pourquoi avait-on prévu deux experts dans la loi de 1998 qui avait créé le suivi socio-judiciaire ? Parce que ce sont des questions extrêmement difficiles que l'on va poser aux experts psychiatres. Cette personne est-elle dangereuse si elle n'est pas soignée ? Si on la soigne, pourra-t-elle sortir sans être dangereuse ? Si elle bénéficie de soins dans la continuité et dans la durée, pourra-t-elle bénéficier d'une libération conditionnelle ? Et, si elle sort au bout de treize ans au lieu de dix-huit, sera-t-elle moins dangereuse que si elle sort sans soins au bout de dix-huit ans ?

Ce sont des questions extrêmement compliquées, et très peu d'experts psychiatres sont capables de savoir si, après avoir bénéficié de soins pendant dix ans, une personne ayant commis des agressions sexuelles sera beaucoup moins dangereuse qu'elle ne l'est aujourd'hui. Ou alors on passe à des traitements interdits en France, qui sont radicaux et dramatiques, et que notre humanisme en matière pénitentiaire ou médicale nous interdit même d'envisager.

Étant donné que nous ne pouvons pas répondre à ces questions, le dispositif que vous nous proposez ici n'est qu'un leurre, comme le savent tous ceux qui ont eu à connaître de ces cas, soit directement, soit à travers la relation des experts qu'ils ont auditionnés.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

L'amendement n° 81 , puisque c'est cet amendement qu'il s'agit d'adopter ou de repousser – soyons précis –, propose de rétablir la double expertise là ou le projet de loi confie le soin de l'expertise à un seul expert.

Une expertise unique poserait un problème s'il s'agissait, comme dans l'article 712-21 du code de procédure pénale, de déterminer si une personne condamnée peut être remise en liberté de manière anticipée. Toutefois, dans les cas visés par l'alinéa 4, qu'on nous propose de compléter en rétablissant la double expertise, le dispositif ne concerne pas une éventuelle libération mais seulement les modalités de mise en oeuvre du suivi socio-judiciaire. La simplification proposée par le projet de loi ne remet donc pas fondamentalement en cause les droits attachés à l'expertise. La disposition proposée par l'amendement n° 81 viendrait inutilement alourdir les procédures d'expertise. C'est pourquoi la commission propose son rejet.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Tout le monde a compris le sens de cet amendement : il s'agit de maintenir, dans les cas particuliers rappelés par l'amendement, le droit en vigueur, qui prévoit que l'expertise est réalisée par deux experts.

Sur la question de l'expertise judiciaire, je voudrais simplement renvoyer l'ensemble de mes collègues au rapport de la commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau. Toutes les personnes qui ont été auditionnées, et la commission à leur suite, ont reconnu qu'il n'était plus possible d'envisager des expertises sans qu'il y ait des dualités d'intervention d'experts et une contradiction, avec la faculté éventuelle de saisir un autre expert s'agissant des conclusions.

Certains de mes collègues ont souligné, comme vient de le faire M. Blisko – et cette question relève de sa compétence professionnelle – la fragilité des expertises psychiatriques, et tous les experts, médecins, psychologues ou psychiatres, entendus par la commission Outreau, ont insisté sur la terrible responsabilité qui pesait sur leurs épaules, puisque de leur appréciation découlait une décision de justice.

Nous attirons donc l'attention sur les risques énormes que nous prendrions en votant cette mesure, qui trouve bien entendu son origine dans des problèmes d'intendance : il est clair que si les experts psychiatres étaient en nombre suffisant, on ne proposerait pas de supprimer la double expertise. Mais chaque fois qu'on a modifié la procédure pénale pour des raisons de moyens, on s'est planté ! Quand la procédure pénale court après le budget de l'État, c'est l'État de non-droit qui avance.

Les membres de la commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau ont été unanimes – c'est pourquoi je me permets de le rappeler – à condamner la pratique qui a été celle de tous les gouvernements depuis des décennies, au-delà des clivages partisans, consistant à faire de la procédure pénale un instrument pour réduire le poids budgétaire de la justice. Ce n'est pas acceptable dans des domaines aussi essentiels que ceux-là.

Dans ces domaines-là, et s'agissant de crimes aussi graves que ceux mentionnés par l'amendement, je pense, mes chers collègues, que nous aurions tort de laisser à la sagacité d'un seul expert la responsabilité d'éclairer le juge chargé d'appliquer la loi. Je crois que ce serait une erreur fondamentale de revenir ainsi aux errements dont nous avions tous considérés que le législateur devait désormais s'abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 81 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

L'amendement n° 10 est un amendement de clarification, monsieur le rapporteur ?

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Je voudrais m'inscrire en faux contre le terme de « clarification » : j'ai beau lire et relire l'amendement, il me paraît particulièrement opaque et obscur, et je compte, monsieur Geoffroy, que vous nous éclairiez. Pourrait-on expliquer à la représentation nationale le sens de ces deux alinéas, qui ne clarifient rien du tout ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Éclairez-nous, monsieur le rapporteur, ou du moins éclairez M. Blisko !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Je confirme qu'il s'agit d'un amendement de clarification, mais je reconnais qu'être clair impose quelquefois d'être plus précis : je vais essayer d'être l'un pour justifier l'autre.

Dans ce projet de loi, le Gouvernement a voulu préciser les dispositions applicables dans le cadre de l'application des peines au condamné à un suivi socio-judiciaire.

Dans le cas, toujours possible, où le condamné refuse les soins proposés, la peine est mise en exécution par provision. Le projet de loi propose de préciser explicitement que, dans ce cas, le condamné doit être auditionné et que le procureur de la République donne son avis.

L'amendement clarifie la rédaction initiale en proposant de supprimer l'adverbe « alors » qui laisse penser que ces garanties ne s'appliquent que si le condamné refuse les soins, ce qui n'est pas le cas. Une fois l'adverbe « alors » supprimé, les garanties mentionnées s'appliquent tout au long de la procédure devant le juge de l'application des peines.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 10 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

L'amendement n° 11 de la commission est un amendement de coordination.

L'avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 11 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'article 5, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 30 , 44 et 82 , tendant à supprimer l'article 6.

La parole est à M. Noël Mamère pour soutenir l'amendement n° 30 .

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

L'amendement n° 44 a déjà été défendu par M. Vaxès.

L'amendement n° 82 est-il défendu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 30 , 44 et 82 .

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi d'un amendement n° 83 .

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 83 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

L'amendement n° 12 de la commission est un amendement de coordination.

Avis favorable du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 12 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'article 6, modifié par l'amendement n° 12 .

(L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi d'un amendement n° 65 rectifié , portant article additionnel après l'article 6.

Cet amendement est-il défendu ?

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 65 rectifié .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suppose que la commission et le Gouvernement y sont défavorables.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 66 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 31 , 45 et 84 , tendant à supprimer l'article 7.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

L'amendement n° 45 a déjà été soutenu.

Qu'en est-il de l'amendement n° 84 ?

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 31 , 45 et 84 .

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 32 , 46 et 85 , tendant à supprimer l'article 8.

La parole est à M. Noël Mamère pour défendre l'amendement n° 32 .

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

L'amendement n° 46 a déjà été défendu.

La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l'amendement n° 85 .

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 32 , 46 et 85 .

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

L'amendement n° 52 de M. Hunault portant article additionnel après l'article 8 a été supprimé par son auteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 33 , 47 et 86 , tendant à supprimer l'article 9.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 33 .

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

L'amendement n° 47 a déjà été soutenu par son auteur.

L'amendement n° 86 est-il défendu ?

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 33 , 47 et 86 .

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi d'un amendement n° 13 .

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Le Gouvernement y est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 13 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

L'amendement n° 14 de la commission est rédactionnel.

Avis favorable du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 14 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

L'amendement n° 15 de la commission est un amendement de coordination, auquel le Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 15 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'article 9, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi d'un amendement n° 79 , portant article additionnel après l'article 9.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Cet article additionnel fait obligation au Gouvernement d'établir, en relation avec les services compétents, un bilan de l'application de l'injonction de soins, à la fois qualitatif et quantitatif, avant l'entrée en vigueur des dispositions concernées, qui est fixée au 1er mars 2008 par le présent projet de loi.

Neuf ans après la création de ce dispositif de suivi socio-judiciaire par la loi de 1998, un tel bilan s'impose. En effet, d'après les statistiques de la chancellerie, 1 066 justiciables se seraient vu imposer un suivi socio-judiciaire, soit 10 % des quelque 10 000 condamnés éligibles.

Je veux à ce propos citer M. Laurent Bédouet, membre du bureau de l'union syndicale des magistrats, s'exprimant dans un très bon journal du matin, puisqu'il s'agit du Figaro du 16 juin – mais vous ne l'avez peut-être pas tous lu in extenso – : « le recours encore insuffisant à ce dispositif s'explique en grande partie par le manque de médecins coordonnateurs censés organiser cette obligation de soin. » Cette observation, que nous avons tous faite depuis hier, pose un certain nombre de questions.

Nous sommes tous favorables à une meilleure application de la loi du 17 juin 1998, qui souffre déjà de l'insuffisance des moyens. Il faut nous indiquer un état précis des besoins, et non se contenter de lancer ici le chiffre de 300 médecins coordonnateurs supplémentaires, qui ne peut que nous laisser sceptiques. Ce scepticisme est partagé par nombre de magistrats. Après l'USM, que vous jugez certainement avec suspicion puisqu'il s'agit d'un syndicat, je citerai Xavier Lameyre, chargé de formation et de recherche à l'école nationale de la magistrature après avoir été juge d'application des peines dans l'Essonne – on ne peut guère le soupçonner de partialité ! – : « les juges ont aujourd'hui tous les outils législatifs dont ils ont besoin. La difficulté n'est pas là : ce qui compte, c'est de pouvoir mettre correctement en oeuvre l'existant, notamment en matière de soins. »

Nous sommes là face à une demande tout à fait légitime. Sans répéter ce que votre rapport dit très bien, monsieur Geoffroy, nous ne devons pas garder de ce mois de juillet 2007 l'impression que nous avons légiféré en vain, faute de moyens suffisants pour que la loi s'applique à partir de mars 2008.

Je souhaite donc que le Gouvernement soumette à la représentation nationale un premier bilan de la loi du 17 juin 1998.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Défavorable, car cet amendement entretient une confusion entre la punition du délit et les soins, qui sont deux choses différentes. Le texte propose uniquement de généraliser la procédure de l'injonction de soins, qui a fait ses preuves, pour que le soin soit au service d'une meilleure connaissance et d'une meilleure prise en charge du délinquant, et donc d'une meilleure justice. Il ne s'agit pas de mettre les soins à la place de la punition.

On peut s'étonner, en outre, que vous demandiez, monsieur Blisko, la remise d'un rapport pour le moment même où la loi est mise en oeuvre. Les services du ministère de la justice sont certes connus pour leur célérité, mais il est peut-être excessif de penser qu'ils sont en mesure de produire instantanément un rapport sur la mise en oeuvre d'une loi le jour même où elle est promulguée.

Cet amendement sous-entend de surcroît, et cela ne me semble pas juste, que les effets de l'injonction de soins ne sont pas connus et suggère, sans le dire, que les dispositions du projet de loi ne devraient entrer en vigueur qu'au vu du rapport demandé. Or l'injonction de soins n'est pas une nouveauté. Elle a largement fait ses preuves et tous, y compris les experts qu'invoque M. Blisko, s'accordent à souligner ses effets très positifs lorsqu'il s'agit – car c'est là l'esprit et la volonté du texte – de limiter le risque de récidive.

La commission a donc rejeté cet amendement.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

L'amendement n° 79 demande un bilan de l'application du suivi socio-judiciaire. Ce bilan a déjà été fait et peut être consulté en ligne sur le site du ministère de la justice.

Vous avez raison, au demeurant, de le demander, car on constate que les mesures de suivi socio-judiciaire sont très efficaces contre la récidive. Toutefois, ce suivi n'est prononcé que dans 10 % des cas où il serait nécessaire. C'est afin de pouvoir disposer des moyens nécessaires à ce suivi que nous avons souhaité différer jusqu'à mars 2008 l'entrée en vigueur des dispositions relatives à l'injonction de soins.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 79 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi d'un amendement n° 16 , portant article additionnel avant l'article 10.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 16 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi d'un amendement n° 34 , tendant à supprimer l'article 10.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir cet amendement.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 34 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi d'un amendement n° 87 .

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Nous déplorons avec Mme la ministre que le recours au suivi socio-judiciaire, qui donne pourtant de bons résultats, soit insuffisant. L'estimation de 10 % qu'elle avance nous paraît en effet correspondre à la réalité.

Face au manque de moyens et au caractère quelque peu utopique du volontarisme avec lequel le Gouvernement envisage de créer 300 postes en six mois, l'amendement n° 87 vise à repousser au 1er mars 2010 l'application des dispositions du I de l'article 5 et celles de l'article 6. Il nous semblerait alors possible de disposer des moyens de recourir d'une façon sérieuse à l'injonction de soins.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 87 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi d'un amendement n° 68 rectifié , portant article additionnel après l'article 10.

La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Nous nous trouverons, à partir du 1er mars 2008, sur un terrain quelque peu difficile, car le juge d'application des peines devra peut-être travailler sans disposer des moyens indispensables.

Il importe donc d'évaluer les dispositifs prévus par les articles 5 à 9 afin de mesurer leur pertinence et leurs effets bénéfiques ou néfastes, et d'apporter, le cas échéant, les corrections qui s'imposent.

L'amendement n° 68 rectifié est un amendement de repli : à défaut de disposer d'un bilan pour le 1er mars 2010, efforçons-nous d'avoir pour le 31 mars 2011 une évaluation des mesures que vous mettez en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Lors de l'examen de la première version de l'amendement n° 68 , la commission a estimé que l'idée était intéressante et qu'il fallait trouver le moyen de la retenir. Je remercie donc nos collègues socialistes d'avoir revu, selon notre souhait, la formulation de cet amendement. La rédaction qui nous est proposée a reçu l'agrément de la commission, et j'émets donc un avis favorable à son adoption. (« Ah ! » sur de nombreux bancs.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Quelle ouverture !

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Puisque nous différons l'entrée en vigueur au 1er mars 2008, il me paraît bien légitime que cette loi soit évaluée, en particulier pour ce qui concerne le suivi socio-judiciaire. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'amendement n° 68 rectifié .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 35 et 69 , visant à supprimer l'article 11.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 35 .

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Manuel Valls, pour soutenir l'amendement n° 69 .

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 35 et 69 .

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix l'article 11.

(L'article 11 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Nous avons achevé l'examen des articles.

Conformément aux décisions de la conférence des présidents, nous allons procéder aux explications et au vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Dans les explications de vote, la parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Madame la ministre, je ne pourrai, en guise d'explication de vote, que reprendre les arguments que nous avons développés, au cours d'une journée et demie de débats, sur votre projet de peine plancher. Il s'agit d'une loi d'affichage, d'une loi idéologique qui correspond à l'esprit conservateur et répressif de ce gouvernement et s'inscrit dans la lignée des lois sécuritaires votées depuis 2002, qui ont montré leurs limites d'une manière cinglante. N'oublions pas, en effet, que le nombre des violences sur les personnes a considérablement augmenté depuis 2002, malgré la politique d'affichage sécuritaire du ministre de l'intérieur, devenu Président de la République. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je rappelle, à la suite de mes collègues de l'opposition, que vous avez procédé à des inversions contraires à l'esprit de la Constitution. Nous nous réservons donc le droit de saisir le Conseil constitutionnel sur ce projet de loi hypocrite, qui s'éloigne des principes constitutionnels.

Vous opérez également l'inversion également et la remise en cause d'une politique judiciaire en direction des mineurs : le juge est désormais obligé de motiver la remise en liberté d'un mineur. Les mineurs ne sont pas des adultes en réduction, mais des êtres en développement. À la différence de l'Allemagne, la France applique aux mineurs les dispositions applicables aux majeurs. Nous estimons que vous procédez ainsi à une inversion dangereuse et contribuez à criminaliser une partie de la société française et une partie importante de notre jeunesse.

Vous avez choisi, madame la ministre, face à la faillite du système judiciaire et des dispositifs sociaux et éducatifs, le volet répressif. Vous serez comptable devant les Français…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…des choix que vous avez faits aujourd'hui et qui vont être approuvés par votre majorité. Le moment des comptes et des explications viendra. ( Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Nous nous retrouverons dans peu de temps, soyez-en sûrs !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

La loi que vous demandez et qui va être approuvée par votre majorité ne fera que contribuer, de l'aveu de tous les spécialistes – magistrats, avocats et associations et de tous ceux qui sont préoccupés par la condition des mineurs et la condition carcérale – à augmenter la surpopulation carcérale dans notre pays et la dégradation de la condition des détenus, qui n'a jamais été aussi importante depuis 1945.

Vous prenez donc devant le pays et la représentation nationale une grave responsabilité. C'est la raison pour laquelle le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera résolument contre ce projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Madame la garde des sceaux, vous avez le soutien des députés du groupe Nouveau Centre : nous voterons ce projet de loi.

Celui-ci vise tout d'abord à renforcer la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. C'était un engagement du Président de la République pendant la campagne électorale. Il est aujourd'hui tenu devant les Français.

En instaurant des peines minimales pour les récidivistes, ce projet crée un régime juridique spécifique à la récidive. En excluant l'excuse de minorité pour les mineurs multirécidivistes, il contribue à mettre fin au sentiment d'impunité. Votre projet de loi, nous venons d'en discuter, soumet à un suivi judiciaire et psychiatrique les condamnés atteints de troubles mentaux et les auteurs de crimes sexuels.

Ce texte ne sera efficace que s'il est accompagné, et comme l'a affirmé notre groupe tout au long de cette discussion, des moyens financiers indispensables pour rendre notre justice plus efficace. Contrairement à ce qu'a prétendu l'opposition – et à l'instant même M. Mamère –, il ne restreint pas la capacité de juger des magistrats, qui garderont leur pouvoir d'évaluer la peine. En aucun cas le juge ne sera contraint d'appliquer mécaniquement la loi. Sa liberté d'appréciation sera maintenue. Le juge conserve la possibilité d'aménager les conditions d'application de la peine privative de liberté.

Ce projet de loi n'instaure en rien un mécanisme de condamnation systématique. D'ailleurs, comme vient de le souligner M. Mamère, ces deux principes de personnalisation et d'individualisation de la peine et d'appréciation par le magistrat sont garantis par le Conseil constitutionnel.

Votre projet de loi, madame la garde des sceaux, qui se place résolument du côté des victimes, n'est pas sans susciter, vous le savez, des interrogations quant à ses conséquences sur le nombre des détenus en France, à un moment où la situation dans les prisons françaises est à l'origine de bien des inquiétudes. C'est pourquoi nous saluons la confirmation que vous avez donnée hier, dans le cadre de la discussion générale, de l'engagement du Gouvernement de déposer dès le mois de septembre deux projets de loi, dont l'un vise à instaurer un contrôle indépendant des prisons et l'autre à élaborer une loi pénitentiaire destinée à redéfinir les missions de la prison. Nous vous soutiendrons.

L'opposition a relayé l'hypothèse d'une augmentation sensible du nombre de détenus. C'est une affirmation infondée. Il revient au législateur de promouvoir, à l'occasion de l'examen de la prochaine loi pénitentiaire, les peines alternatives à l'emprisonnement – contrôle judiciaire, bracelet électronique ou semi-liberté – et à rendre plus exceptionnelle la détention provisoire. Une façon de lutter efficacement contre la récidive sera de faciliter le travail et la formation dans la prison et d'éviter les sorties sèches, cause de récidive.

Vous le savez aussi, la réalité de l'exécution des peines prononcées est aussi essentielle dans un pays où sont prononcées chaque année 100 000 peines d'emprisonnement, dont un tiers ne sont jamais exécutées.

Madame la garde des sceaux, je vous assure à nouveau du soutien du groupe Nouveau Centre à ce projet de loi, qui concilie fermeté et humanité. Vous pouvez compter sur nous. Nous serons au rendez-vous que vous nous avez donné dès le mois de septembre pour deux autres projets qui viendront atténuer les craintes que suscite la situation dans les prisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Alain Bénisti

Monsieur le président, le groupe de l'UMP salue le débat extrêmement constructif que nous avons mené ces jours derniers sur ce texte. Celui-ci est novateur par son système de peines minimales, juste et humain par ses articles 5 à 11 qui incluent pour la première fois dans la procédure pénale une aide psychologique importante, notamment pour les délinquants sexuels, et équilibré du fait des nombreuses possibilités données aux magistrats d'aménager les sanctions.

Ce texte est une des réponses nombreuses que le Gouvernement apporte, une fois de plus – on a parlé de septième ou huitième loi –, pour essayer de pallier le problème de la délinquance dans notre pays.

Le groupe de l'UMP votera bien évidemment ce projet de loi car il répond à la fois à une demande forte de la majorité des Français, souvent victimes de ces actes délictueux, et au premier des engagements du Président de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Le scrutin sur le vote de l'ensemble du projet de loi est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est àM. Manuel Valls, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Au moment où s'achève la discussion du projet de loi, je tiens d'abord, madame la garde des sceaux, à revenir d'un mot sur notre attitude à votre égard. Nous avons lu ici ou là que le groupe socialiste vous ménageait.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Nous ne vous ménageons pas : nous vous respectons. Et c'est au nom de ce respect – comme Marylise Lebranchu, Julien Dray ou Arnaud Montebourg l'ont expliqué – que nous estimons pouvoir vous juger, vous, sur votre action et sur elle seule. Or, au terme de ce débat, le jugement est sévère.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Nous avons abordé nos travaux dans un esprit d'ouverture, animés par la conviction que la récidive n'est une fatalité que pour ceux qui s'enferment dans les certitudes dogmatiques. Avec un talent que chacun a pu découvrir et apprécier, Delphine Batho a bien exprimé cet état d'esprit au cours de son intervention liminaire. Ce qui en est ressorti, c'est la responsabilité des uns et des autres, votre incapacité à traiter cette montée de la violence depuis des années, le pragmatisme et efficacité de nos propositions, notre refus commun de transformer la discussion en débat entre les angéliques et les tout répressifs. Je dois dire que beaucoup de nos collègues de la majorité ne voulaient pas rentrer dans un tel débat, même s'il y a évidemment encore chez certains d'entre eux la volonté de nous entraîner sur ce terrain. Je crois donc pouvoir affirmer très sincèrement qu'aucun député du groupe socialiste ne s'est livré à ces attaques outrancières que la chancellerie a dénoncées.

L'échange que nous espérions n'a malheureusement pas eu lieu. Nos amendements ont tous été rejetés – à l'exception d'un seul, celui de Serge Blisko –, malgré un débat très passionnant sur l'injonction de soins et sur le suivi socio-judiciaire.

Nos interrogations sont restées sans réponse. Elles étaient pourtant relayées, au coeur même de la majorité, par plusieurs de nos collègues UMP. Nous avons d'ailleurs apprécié qu'ils votent certains de nos amendements – je pense notamment à M. Fenech. Dans une intervention remarquée,Étienne Pinte a fait part de sa « perplexité » et expliqué sa crainte que le « dispositif ne puisse malheureusement qu'accroître la récidive des mineurs ».M. Jacques Myard, pourtant favorable au texte, s'est lui-même ému – c'est dire ! – que l'on envoie en prison des mineurs « au risque de les rendre pires…

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

…au contact des vieux chevaux de retour » – il sait de quoi il parle. (Mouvements divers.)

Les conditions d'une discussion constructive étaient donc bien réunies. Faute de nous avoir écoutés, le Gouvernement et la majorité porteront seuls la responsabilité de son immanquable échec.

Cet échec est en effet déjà inscrit dans le projet de loi lui-même. Rédigé sans concertation, dans une hâte fébrile dénoncée depuis plusieurs semaines par tous les professionnels et par tous les experts à longueur de page, dans toute la presse quelle que soit son opinion (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine),…

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

…il rate sa cible et provoquera sans doute de graves dommages collatéraux !

Il rate sa cible car, comme de très nombreux orateurs l'ont expliqué au cours de nos débats, la justice souffre avant tout de l'insuffisance criante de ses moyens humains et matériels ! Mesdames, messieurs de la majorité, vous êtes au pouvoir non pas depuis un mois, comme certains d'entre vous aiment à le dire, mais depuis un mois et cinq ans ! Vous êtes donc comptable aussi de ce bilan ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Certes, il est moins médiatique d'augmenter une ligne budgétaire que de présenter un huitième projet de loi en conseil des ministres ; certes, il est plus populaire – dans vos rangs – d'accorder des avantages fiscaux aux plus riches (« Encore ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) que de créer des postes de médecin-psychiatre ou de greffier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Pourtant – et aucune majorité n'y échappera –, la première priorité est d'accorder enfin à la justice les ressources nécessaires à son bon fonctionnement. C'est ainsi, et ainsi seulement, que la justice deviendra plus efficace et préviendra la récidive.

Le projet de loi rate également sa cible car, comme le rapporteur l'a lui-même souligné, il ne comprend aucune mesure pour diminuer la réitération des mineurs. Or c'est ce phénomène qui constitue l'essentiel de leur délinquance et qui provoque l'exaspération de nos concitoyens.

Dans ces conditions, l'opinion de Bruno Beschizza, secrétaire général du syndicat de police Synergie – je pense qu'elle vous touche tout particulièrement, chers collègues –, selon lequel « ce texte est une escroquerie », nous paraît pleinement justifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Si les dispositions qu'il comporte sont donc largement inopérantes pour réduire la récidive, il risque cependant d'entraîner des conséquences dangereuses.

En premier lieu, plusieurs principes constitutionnels sont mis à mal par les trois premiers articles du texte. Un juriste captivé par la forme expliquera sans doute que leur lettre respecte nos droits fondamentaux, mais tous ceux qui s'attachent à l'esprit des lois reconnaîtront, comme Christophe Caresche l'a démontré, que, sur le fond, ils portent atteinte aux principes de l'individualisation des peines et de la spécificité de la justice des mineurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Nous saisirons à ce propos le Conseil constitutionnel. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

La conclusion ! Revenez dans cinq ans, monsieur Valls !

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Monsieur le président, nous avons fait en sorte que le débat s'accélère, aussi je vous demande de me laisser terminer.

Nous sommes revenus à plusieurs reprises sur la question de la surpopulation carcérale. Alors que le nombre de détenus s'élève, au 1er juillet, à 61 810 personnes, soit son plus haut niveau depuis le pic historique de juillet 2004, les analyses de Pierre Victor Tournier prouvent que ce texte pourrait le faire passer à 70 000 dès l'année prochaine. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, comme Arnaud Montebourg l'a rappelé, la facture totale des mesures annoncées s'élève à 1,5 milliard d'euros : 500 millions pour les 13 200 places de prison, 500 millions également pour les 21 CEF, et 500 millions encore pour les 700 places en unités hospitalières. Lorsque l'on sait que le budget annuel de la justice ne dépasse pas 6 milliards d'euros, comment croire à ces promesses ?

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous appelons à voter contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 237

Nombre de suffrages exprimés 237

Majorité absolue 119

Pour l'adoption…………144

Contre ..93

Le projet de loi est adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

La parole est à Mme la garde des sceaux. (Les députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent longuement Mme la garde des sceaux.)

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

N'en faites pas trop ! On va avoir l'impression qu'il y a une session de rattrapage ! (Huées les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est nul !

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, au moment de clôturer nos débats je tiens à vous remercier pour la qualité de nos échanges, ainsi que pour le soutien qui m'a été apporté sur tous les bancs de cet hémicycle. Je tenais à le dire à titre préliminaire.

Votre assemblée a su depuis de très nombreuses années s'intéresser à l'efficacité de notre dispositif pénal à l'égard des récidivistes, des délinquants mineurs, des criminels sexuels. Je tiens à rappeler à cet instant avec une certaine émotion le rôle éminent joué par le regretté Gérard Léonard – que j'ai connu – au sein de la commission d'information sur la récidive pour moderniser notre droit, ainsi que le travail effectué par mon prédécesseur Pascal Clément à l'occasion de l'examen de la proposition de loi relative au traitement de la récidive.

Cette préoccupation a continué à se manifester lors de nos débats. Nous avons eu un vrai débat républicain. Car nous devons répondre à une grande préoccupation des Français : celle de pouvoir vivre dans un pays dans lequel la sécurité de chacun est garantie sans pour autant que nos principes juridiques soient malmenés.

Je sais que cette préoccupation est partagée sur l'ensemble des bancs de cette assemblée. C'est pourquoi nous avons accepté l'amendement de l'opposition déposé par M. Blisko prévoyant une évaluation de la loi trois ans après son entrée en vigueur.

Notre philosophie pénale est claire : plus d'amnistie qui affaiblit la force de la loi, plus de grâces collectives qui amoindrissent le travail des juges, notamment celui des juges d'application des peines, mais la volonté de convaincre chacun que des peines adaptées et dissuasives seront prononcées à l'égard de tous les délinquants et que ces peines seront véritablement exécutées.

C'est dans cet esprit que la commission des lois a travaillé pour préparer nos échanges. Je souhaite en remercier ses membres et dire à M. Warsmann, son président, et à M. Geoffroy, son rapporteur, combien j'ai pu apprécier leur position et leurs propos toujours très pertinents. Ils ont ainsi permis d'enrichir le texte du Gouvernement, qui a donné un avis favorable aux seize amendements présentés par la commission des lois. L'équilibre du texte, auquel je tenais, a été préservé.

Plusieurs amendements de votre commission ont grandement amélioré le projet et ont utilement précisé et complété le texte issu des travaux du Sénat. Je pense notamment à l'amendement transférant dans l'ordonnance de 1945 la précision souhaitée par le Sénat – à l'initiative du groupe socialiste – selon laquelle les mesures et les sanctions éducatives ne sont pas prises en compte pour la récidive. Je pense également à l'amendement rendant facultative l'information des condamnés sur les conséquences d'une éventuelle récidive.

Je suis également très heureuse de constater qu'il n'y a eu aucune divergence de fond sur les dispositions principales du projet entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Je suis donc persuadée que la commission mixte paritaire parviendra sans difficulté à un texte commun sur l'ensemble du projet de loi.

Le texte qui a été adopté concilie de façon équilibrée la nécessaire fermeté qui doit s'appliquer aux récidivistes, y compris mineurs, et les principes constitutionnels, comme l'individualisation des peines et l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs. Il respecte ainsi les engagements du Président de la République de renforcer la sécurité des Français, et permettra, je n'en doute pas, de rétablir la confiance entre les Français et leur justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de charger M. Dominique Perben, député du Rhône, d'une mission temporaire auprès de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Lundi 23 juillet 2007, à quinze heures, première séance publique :

Discussion du projet de loi, n° 71, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif aux libertés et responsabilités des universités :

Rapport, n° 80, de M. Benoist Apparu, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures.)

Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

Jean-Pierre Carton