Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Séance du 11 janvier 2011 à 16h15

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • HLM
  • centralisation
  • collecte
  • dépôts
  • livret
  • logement
  • prêts
  • réglementée
  • épargne

La séance

Source

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Mes chers collègues, pour notre première réunion de l'année 2011, j'adresse à chacun d'entre vous tous mes voeux pour l'année nouvelle.

Nous accueillons M. Thierry Repentin, en sa qualité de président de l'Union sociale pour l'habitat, pour l'entendre sur le niveau de centralisation des encours d'épargne réglementée auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

Jusqu'au vote de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, l'épargne réglementée du livret A n'était collectée que par la Banque postale, les Caisses d'épargne et le Crédit mutuel et elle était entièrement centralisée auprès de la Caisse des dépôts et consignations, essentiellement afin de financer le logement social. Depuis, la distribution des produits correspondants a été étendue à tout le réseau bancaire. Se sont alors posées les questions du taux de décentralisation de ces encours au niveau des établissements collecteurs, de l'utilisation de ces encours et du taux de commission.

Lors de l'examen de la LME, certains de nos collègues – notamment Jean-Pierre Balligand – avaient proposé de fixer dans la loi le taux de centralisation à 70 % pour que la Caisse des dépôts puisse continuer à assurer le financement du logement social dans de bonnes conditions et à répondre ponctuellement à d'autres demandes du Gouvernement à partir de son fonds d'épargne. De leur côté, les établissements bancaires souhaitent une décentralisation importante en faisant valoir leur besoin de liquidités, les exigences de Bâle III et leur rôle dans le financement des entreprises. La LME a disposé qu'après une période de transition 2009-2011, le taux de centralisation pour 2012 et les années suivantes serait fixé par décret avant le 30 septembre 2011.

Un projet de décret, qui doit être soumis prochainement à l'avis de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts, prévoit de fixer à 65 % le taux de centralisation, ce qui semble ne satisfaire aucun des acteurs concernés. Les opérateurs du logement social s'inquiètent et la Caisse des dépôts aussi, d'autant qu'elle doit conserver un volant de liquidités au-delà de ses encours de prêts au logement social – le montant de ses ressources garanties doit être au moins égal à 125 % du montant des prêts consentis au logement social et à la politique de la ville. Le réseau bancaire, quant à lui, souhaiterait un taux de centralisation proche de 50 %, afin de conserver une collecte lui permettant de financer le développement des petites et moyennes entreprises. Les banques doivent en effet « flécher » l'épargne réglementée qu'elles collectent et qui n'est pas centralisée, à destination des PME et des travaux permettant de réaliser des économies d'énergie. Aucun des trois acteurs n'étant satisfait, on pourrait penser que le taux choisi, fruit d'un compromis, serait le bon... Mais la question est plus délicate qu'il n'y paraît.

L'importance des enjeux justifie que notre commission entende l'ensemble des acteurs concernés : outre M. Repentin, elle entendra MM. Bouvard et de Romanet pour la Caisse des dépôts, M. Pérol pour la Fédération bancaire française et Mme Lagarde, ministre de l'économie ; nous ajouterons si possible à ce programme le gouverneur de la Banque de France, comme l'a suggéré notre rapporteur général Gilles Carrez.

PermalienThierry Repentin, président de l'Union sociale pour l'habitat

Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de prendre le temps de nous écouter. En m'exprimant devant vous, j'ai conscience que je représente un monde qui dépense beaucoup d'argent : le mouvement HLM est le premier utilisateur de l'épargne populaire de notre pays par le biais des mécanismes du financement du logement social.

Vous ne connaissez sans doute pas tous dans le détail le montage des opérations portées par les organismes HLM. Aussi, avant d'en venir au projet de décret qui me vaut d'être auditionné, ferai-je quelques rappels.

Le financement du logement social repose pour partie sur des fonds gratuits. Ce sont les aides de l'État – qui sont en diminution constante, puisque d'environ 7 000 euros par logement construit au début des années 2000, elles ne dépasseront pas 800 euros en 2011 ; les subventions des collectivités locales, communes, intercommunalités, départements ou régions. Il y a également les aides au titre du 1 %, dont les ressources, déjà en diminution puisqu'elles sont assises sur la masse salariale, sont en partie préemptées par l'État ; et, enfin, les fonds propres des organismes HLM. Au-delà, c'est-à-dire pour couvrir 75 % du besoin de financement, il faut faire appel aux prêts de la Caisse des dépôts, qui sont d'ailleurs garantis par les collectivités locales. Ces prêts de très long terme, à taux avantageux, sont une caractéristique française qui a permis, et permet encore, à la collectivité nationale de se constituer un patrimoine pérenne et de qualité – le parc compte 4,5 millions de logements sociaux –, contrôlé par les pouvoirs publics, en limitant le recours aux subventions : ces dernières couvrent une part beaucoup plus importante du coût des opérations dans tous les autres pays d'Europe. Bref, le rapport coûtefficacité du système français est jusqu'à présent excellent.

Le doublement de la production depuis 2005, avec désormais quelque 100 000 logements par an, s'est traduit par une augmentation considérable de l'encours des prêts : environ 112 milliards d'euros aujourd'hui. Du fait de la politique de l'État, la tendance devrait se poursuivre au moins jusqu'en 2020. Il faut se réjouir, ne serait-ce que pour notre économie, d'être en mesure de continuer, pendant les dix années qui viennent, à construire plus que nous ne l'avons fait, pourvu que nous puissions mobiliser les fonds nécessaires. Cette tendance est due à l'ampleur du déficit en logements abordables, à la volonté affichée des pouvoirs publics et à la baisse des subventions directes de la ligne fongible décidée en loi de finances, et compensée par l'augmentation des emprunts auprès de la Caisse des dépôts. Selon les prévisions de celle-ci, l'encours nécessaire pour assurer la production passera de 112 milliards d'euros en 2010, à 153 milliards en 2015 et à 183 milliards en 2020. Cette hypothèse modérée correspond à une moyenne de 75 000 nouveaux logements sociaux par an, programme national de rénovation urbaine inclus, à comparer aux 100 000 logements actuels. En outre, il subsistera un besoin de réhabilitation important, qui n'est pas suffisamment pris en compte dans les estimations actuelles.

Si les besoins sont avérés, l'évolution de la collecte demeure la grande inconnue, et une impasse risque d'apparaître rapidement. Cela implique de relever la centralisation pour couvrir les besoins si la marge de sécurité de 125 % imposée par la loi est conservée. Le taux plancher devrait être atteint entre 2012 et 2014 selon nos analyses, qui sont cohérentes avec celles de la Cour des comptes, de l'Observatoire de l'épargne réglementée et de la Caisse des dépôts. Ce seuil, s'il garantit la liquidité des fonds d'épargne, n'assurera pas la bonification traditionnelle et indispensable des prêts de la Caisse.

À ce propos, j'ai dû rappeler dernièrement au gouverneur de la Banque de France que le monde HLM empruntait, pour financer certaines opérations, sur une durée de quarante ou cinquante ans à 1,15 % ou 1,20 %. Pour le foncier, les taux pratiqués sont de 2,10 %. De telles conditions sont possibles parce que la Caisse recueille une épargne abondante, qu'elle la fait fructifier judicieusement, et qu'elle en fait profiter le monde HLM en lui proposant des taux très inférieurs aux 3 % que coûte la ressource – 1,75 % servis aux épargnants auxquels s'ajoutent 0,6 % de frais de gestion de la Caisse et la commission pour frais de collecte de 0,6 %, bientôt ramenée à 0,5 %. Nous espérons, dans l'intérêt général, c'est-à-dire pour l'équilibre financier des opérations de logement social, que cette baisse sera répercutée au moins sur les nouveaux emprunts.

D'autres investissements d'intérêt général sont effectués grâce à la collecte centralisée par la Caisse des dépôts : la rénovation des campus universitaires, celle des hôpitaux, les infrastructures de transport en commun en site propre, les politiques foncières, et la politique de la ville. Ce sont autant d'actions de service public qui, comme le logement social, affectent la vie quotidienne de nos concitoyens.

En 2008, les fonds d'épargne ont été mobilisés très rapidement en faveur des collectivités locales, et ils se sont substitués aux concours des banques dont l'activité était quasi suspendue. Et, grâce à la Caisse des dépôts, le monde HLM a aussi été capable de reprendre certains programmes qui avaient été engagés sur vos territoires par des promoteurs privés qui ne trouvaient plus à se financer. Rien de tel n'aurait été possible sans la centralisation.

Logement social et autres grands investissements, prêts immédiats aux collectivités locales ne peuvent être financés que parce que la Caisse des dépôts prête sur des durées particulièrement longues. En outre, elle ne fait aucune discrimination entre les emprunteurs, quelle que soit leur situation financière, ni entre les territoires. Les banques, elles, sélectionnent les risques et ne prêteraient pas à des organismes pauvres ou pour des opérations situées dans des zones jugées à risque.

Le projet de décret sur la centralisation fixerait la centralisation initiale à 65 %, en contradiction avec les engagements très fermes pris en 2008 par le Gouvernement en faveur d'une centralisation effective à 70 %. Je vous renvoie aux déclarations respectives de Mme Lagarde et de Mme Boutin. De plus, aucune sanction n'est prévue si ce n'est la rédaction d'un rapport. Certes, le décret instaure un mécanisme pour canaliser les fonds d'épargne dans une sorte de corridor, en vertu duquel la centralisation serait revue à la hausse si l'augmentation de la collecte tombait en dessous de 2 %, et, inversement, à la baisse si elle croissait de plus de 3 %. Mais si l'on est certain que la Caisse des dépôts, placée sous le contrôle du Parlement, respectera l'obligation de décentraliser, comment être sûr que les banques en fassent autant pour ce qui est de la recentralisation. À cet égard, nous sommes instruits par l'expérience du Codevi devenu livret de développement durable – LDD – : centralisé à 90 % à l'origine, il ne l'était plus qu'à 9 % au moment de la réforme de 2008. Fixer la centralisation initiale à 65 % constitue une grave erreur car l'impasse serait quasi immédiate : d'une part, le plancher de 125 % serait menacé dès 2012, et au plus tard en 2014 ; d'autre part, un pourcentage aussi faible condamnerait la bonification et les autres emplois d'intérêt général, avec pour corollaire le risque de devoir contingenter le logement social, faute de liquidités suffisantes.

Le décret comporte une autre disposition critiquable : lorsqu'une banque aura une collecte au-delà du niveau plancher, le surplus ne bénéficiera plus à la Caisse des dépôts, mais aux autres banques. Cette compensation est contraire non seulement aux intérêts du logement social et des investissements d'intérêt général, mais aussi à la loi qui prévoit que toute somme non affectée par une banque à des prêts aux PME est obligatoirement centralisée à la Caisse des dépôts. La loi n'a pas prévu cette logique de « pot commun ».

S'agissant des prêts aux PME et au développement durable, dont il n'est pas question de nier les besoins, ils ne sauraient justifier la moindre décentralisation d'une ressource subventionnée. D'une part, le financement des PME relève du métier ordinaire des banques, et non d'une ressource particulière – a fortiori quand elles prêtent au taux du marché – ; d'autre part, elles n'ont pas justifié à ce jour du bon emploi des fonds. Elles ont certes prêté aux PME, mais le rapport de l'Observatoire de l'épargne réglementée montre que les fonds conservés à leur bilan ont augmenté davantage que leurs concours aux PME. Surtout, la hausse des prêts aux PME s'est faite en contrepartie de l'abandon de toutes les contraintes qui pesaient sur les prêts financés par des ressources LDD – quote-part réservée aux TPE et conditions de taux et de durée – de sorte que les banques « n'aident » pas les PME puisqu'elles leur prêtent aux conditions du marché au moyen d'une ressource aidée ! La commission des finances de l'Assemblée nationale avait tenu à renforcer les obligations en matière de financement des PME en contrepartie de la décentralisation de l'épargne réglementée, mais les textes d'application de la LME ont assoupli les contraintes sans garantir pour autant que l'épargne décentralisée soit affectée en totalité aux PME.

Les banquiers invoquent les difficultés liées à la crise. Mais celle-ci était déjà là en 2008 et il ne faut pas soumettre le livret A aux aléas des crises internationales. Quant à la difficulté à obtenir des informations fiables sur l'utilisation des fonds collectés par les banques, elle contrevient au droit européen selon lequel une ressource subventionnée doit être affectée exclusivement à des objectifs d'intérêt général mesurables et vérifiables. Plusieurs d'entre vous avaient fait des déclarations clairvoyantes le 10 juin 2008, en particulier MM. Forissier, Balligand, Bouvard. Il ne faudrait pas que la France s'expose à des critiques de la part de la Commission qui, je le rappelle, ne mettait pas en cause la centralisation.

Nous demandons, premièrement, que les banques se conforment à la loi et fournissent, avant que soit pris un nouveau décret, les informations que le Parlement a lui-même demandées, de sorte que l'on ait l'assurance que l'argent conservé par les établissements depuis 2008 a effectivement servi aux petites et moyennes entreprises. Les textes d'application devront préciser les obligations des collecteurs.

Deuxièmement, le taux de centralisation ne devra pas descendre en dessous de 70 % à la date initiale de mise en application du nouveau décret. Je ne vais pas aussi loin que le président de la Fédération nationale du Crédit agricole qui déclarait, dans un article de juin 2006, qu'il fallait « sauvegarder le financement du logement social en laissant à la Caisse des dépôts et consignations la centralisation intégrale des fonds et leur utilisation, comme elle l'a toujours bien fait. »

Troisièmement, il convient de prévoir les moyens de garantir la bonification en restant au-delà du plancher de 125 % pour assurer, outre le logement social, le financement des grands services publics indispensables à la population.

Quatrièmement, il faut à tout prix éviter d'atteindre le plancher de 125 %, par exemple en déterminant un seuil d'alerte à partir duquel les banques devraient « provisionner » en vue d'une recentralisation.

Cinquièmement, les besoins des PME devront être pris en compte, en affectant au réseau bancaire, en cas de surliquidité avérée du fonds d'épargne, autrement dit d'excès de collecte par la Caisse des dépôts, des enveloppes qu'il devrait utiliser en respectant un cahier des charges précis et vérifiable au bénéfice des PME. Elles auraient ainsi accès à des prêts sans doute plus avantageux qu'aujourd'hui.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je remercie M. Repentin, dont j'approuve le propos. Une campagne est manifestement en cours dans certains organes de presse à propos du taux de centralisation de la collecte du Livret A à la Caisse des dépôts et consignations. Ce matin encore, dans un quotidien économique, le directeur général de la Fédération nationale du Crédit agricole tirait argument de la situation spécifique de son établissement pour mettre le dispositif en question.

On sait la modération habituelle de mon expression. Aujourd'hui, je tiens à mettre à nouveau chacun en garde et j'espère être entendu. Mettre le doigt dans l'engrenage d'une centralisation autre que complète de l'encours de l'épargne réglementée à la Caisse des dépôts, c'est tuer les fonds d'épargne. Je l'avais dit au cours du débat sur le projet de loi de modernisation sociale, je n'ai pas changé d'avis. À l'époque, les banques se battaient pour obtenir la banalisation du Livret A, non pour la décentralisation partielle des encours. Aujourd'hui, nous sommes engagés dans une bataille qui me conduit à vous le dire : prêter la main à une telle évolution, c'est signer la fin du seul coup de génie bancaire français qu'a été la transformation, voici bientôt deux siècles, de l'épargne liquide en prêts à long terme d'intérêt général. Ce coup de génie a permis de financer bien des politiques nationales. Il ne faut pas se focaliser exclusivement sur le logement social, même s'il doit rester prioritaire : il y a aussi les autres missions d'intérêt général que sont la politique de la ville, les transports collectifs en site propre, la rénovation de nos universités - qui sont dans un état lamentable - et celle des hôpitaux.

Pour aucune de ces politiques indispensables il n'y a plus d'argent public et, quel que soit le gouvernement, il n'y en aura plus pendant longtemps. Dans le même temps, le rapporteur général s'est inquiété à juste titre du coût cumulé des partenariats public-privé créés pour externaliser ces dépenses, et une enquête est en cours à ce sujet. Autant dire que nous devons absolument garder la ressource que constitue la collecte du Livret A pour financer le logement social et les quelques missions d'intérêts général que j'ai citées.

Je me dois de souligner qu'en revanche le financement des PME n'est pas une mission d'intérêt général. Cela relève du métier de banquier, et il revient au CIC, au Crédit agricole, aux Banques populaires, aux Caisses d'épargne – des établissements qui, pour certains, ont une assise mutualiste – de prêter aux particuliers, aux PME et aux TPE. Sachant que personne – pas même la ministre de l'économie, elle l'a reconnu – n'a la moindre idée du montant qui a été distrait des sommes collectées par le biais du livret de développement durable, l'ancien Codevi, pour financer effectivement les PME, nous devons suivre cette affaire avec la plus grande vigilance.

Je rappelle enfin que l'avantage fiscal consenti dans ce dispositif n'a été jugé compatible avec la réglementation européenne que parce qu'il s'agit de financer une mission d'intérêt général. Si l'on finance ainsi, outre le logement social, la politique de la ville, la reconstruction d'universités et d'hôpitaux, on reste dans les limites fixées ; mais si l'on centralise moins la collecte et que l'on s'oriente vers le financement de l'économie, le principe de l'épargne administrée sera immanquablement remis en cause.

La sagesse doit nous conduire à ne pas détruire ce formidable outil.

PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Après cette intervention instructive, je me permettrai une remarque : on vient de réduire la rémunération versée aux banques pour la collecte de l'épargne réglementée, alors que ce marché est ouvert depuis peu ; les établissements collecteurs sont fondés à s'en émouvoir.

Monsieur Repentin, l'Union sociale pour l'habitat a-t-elle étudié la manière dont le logement social est financé dans les autres démocraties occidentales où existe un secteur HLM ? Si oui, quel mode de financement voit-on ? Est-ce le recours au marché et, dans ce cas, quelle garantie l'État apporte-t-il ?

D'autre part, chacun comprend l'avantage considérable que constitue pour le secteur HLM le fait que la Caisse des dépôts prête à tous les organismes, quelle que soit leur situation, mais cette bienveillance uniforme n'a-t-elle pas indûment retardé la restructuration du mouvement HLM et d'indispensables regroupements ?

PermalienPhoto de Michel Bouvard

Étant auditionné demain par la Commission en ma qualité de président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts, je me limiterai à poser quelques questions à M. Repentin pour éclairer le débat. Avant cela, je tiens à préciser que si la Caisse prête à tous les organismes HLM, elle ne s'interdit pas d'apprécier leur situation financière. Ils font l'objet d'une cotation par les équipes de la Caisse, qui jouent auprès d'eux un rôle de conseil et d'alerte pour éviter que certains ne se retrouvent dans une situation difficile.

La loi de modernisation de l'économie a fixé un ratio minimum de 125 % entre les ressources de la Caisse des dépôts et les prêts finançant le logement social et la politique de la ville ; il s'agit bien, je le souligne, d'un taux plancher. Vous estimez, Monsieur Repentin, qu'avec un taux de centralisation de 65 %, le ratio de 125 % ne pourra plus être atteint dès 2012. La Caisse des dépôts retient plutôt la date de 2014. C'est pourquoi, j'aimerais savoir comment l'Union sociale pour l'habitat a fondé son hypothèse de croissance des besoins, sachant que pour ce qui est de l'augmentation des prêts consacrés au logement social et à la politique de la ville, nous sommes déjà au-delà des niveaux envisagés dans le rapport Camdessus, qui avaient justifié la réforme de la distribution du Livret A, précisément par le souci d'accroître la collecte.

Par ailleurs, la part des projets couverte par les subventions de l'État est aujourd'hui très limitée et la capacité d'autofinancement des organismes HLM n'est pas infinie ; il en résulte que le bouclage financier d'un projet n'est possible que par des subventions des collectivités territoriales pour partie, par l'emprunt pour le reste. L'Union sociale pour l'habitat considère-t-elle que la part du financement couverte par l'emprunt restera stable ou qu'elle est vouée à augmenter, notamment en raison de la nécessité nouvelle de constituer des réserves foncières ?

PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Je fais miens les propos de M. Jean-Pierre Balligand. J'ajoute que les subventions destinées aux aides à la pierre tendent vers zéro et qu'une part de la solidarité en faveur du logement social est assumée par les organismes eux-mêmes par le biais de taxes nouvelles. La charge qui pèse sur eux dans l'exercice de leurs missions est donc très lourde. Je souhaite que la Commission des finances se persuade que fragiliser le mouvement HLM en banalisant son financement serait lui porter un coup très dur.

PermalienPhoto de Alain Cacheux

Je félicite le Président et le bureau de la Commission des finances, qui ont décidé de ces auditions. Sans cette initiative, nous aurions été mis devant le fait accompli, avec la publication d'un décret sans grand rapport avec les assurances qui nous avaient été données au cours des débats. J'ai le souvenir précis des engagements formels pris par la ministre de l'économie lors de l'examen de l'article 39 du projet de loi de modernisation de l'économie réformant la distribution du Livret A : le ratio entre les ressources de la Caisse des dépôts et les prêts finançant le logement social et la politique de la ville serait de 125 % au minimum et le taux de centralisation des dépôts collectés au titre du livret A et du LDD serait fixé à 70 % de la collecte au bas mot. On en est très loin, puisqu'il est question aujourd'hui de fixer le taux de centralisation des encours à 65 %, la perspective de parvenir à 70 % étant repoussée à 2017 au mieux.

Au cours du même débat, nous avions eu l'assurance que nous recevrions des banques un rapport annuel sur les prêts consentis aux PME au titre du LDD, ainsi qu'un rapport de l'observatoire de l'épargne réglementée. Nous les attendons toujours, si bien que nous n'avons aucune idée de la manière dont les sommes collectées par ce biais sont utilisées.

En bref, ce qui figure dans le projet de décret est en décalage complet par rapport à ce que prévoit le texte, pourtant récent.

PermalienPhoto de Jean-Louis Dumont

Siégeant au comité exécutif de l'Union sociale pour l'habitat, je ne peux laisser passer sans réagir les propos de M. Jérôme Chartier, qui a laissé entendre que les prêts de la Caisse des dépôts aux organismes HLM leur seraient accordés sans contrôle. Ce n'est pas exact. La Caisse effectue des contrôles et manifeste auprès des organismes HLM un souci d'efficacité en tous points semblable à celui qu'elle attend des mairies qu'elle aide, si bien que certains organismes ne perçoivent plus d'aide. Il n'y a donc pas lieu de laisser croire à une mauvaise gestion de ces fonds, qui seraient distribués n'importe comment. Par ailleurs, la recherche d'efficacité est fonction des missions confiées aux organismes concernés. Ils ont évidemment la mission générale de gérer, réhabiliter et rénover leur patrimoine immobilier, mais ils ont aussi des missions spécifiques. Qui ne se souvient de M. Périssol lançant les premières opérations visant à fournir des logements aux plus démunis pour accueillir une population jusqu'alors laissée à l'abandon ?

Je plaide, bien sûr, en faveur de la préservation de ce système unique, et je défie quiconque d'apporter la preuve de son inefficacité. Qu'on adapte l'outil, que l'on cherche à le rendre plus efficace encore, soit, mais il faut en finir avec le dénigrement systématique.

Le discours officiel est que le Gouvernement veut plus de logements de plus grande qualité pour tous les publics, mais la réalité, c'est que les moyens sont supprimés. La Caisse des dépôts est placée sous la bienveillante attention du Parlement, ce que certains ministères semblent avoir oublié. Au nom de notre mouvement HLM, M. Repentin a donc le devoir d'appeler l'attention sur les conséquences dramatiques qu'aurait la banalisation totale du financement du logement social sur la cohésion sociale de la République.

PermalienPhoto de Olivier Carré

Le nombre des productions nouvelles et le taux d'utilisation des fonds d'épargne montrent que le logement social se développe de façon très positive.

Monsieur Repentin, pourriez-vous nous indiquer le ratio entre le montant des capitaux empruntés par les organismes HLM et le montant des remboursements effectués la même année, les organismes remboursant actuellement le capital des prêts qu'ils ont massivement contractés il y a une trentaine d'années ?

Vous avez par ailleurs évoqué la différence entre les taux d'emprunt à long terme pratiqués sur le marché et le coût, bien inférieur grâce à la centralisation, des emprunts au fonds d'épargne. C'est que les organismes HLM empruntant sur le marché doivent payer une commission qui varie en fonction du type d'opération considérée mais qui, dans tous les cas, renchérit singulièrement les prêts contractés. Il fut un temps où l'Union pour l'habitat social tenait, au sujet de cette commission, un discours musclé. Qu'en est-il aujourd'hui ?

PermalienThierry Repentin, président de l'Union sociale pour l'habitat

M. Balligand a évoqué le risque d'incompatibilité avec la réglementation communautaire que ferait courir à notre dispositif d'épargne réglementée une moindre centralisation auprès de la Caisse des dépôts. Je confirme ce danger et je rappelle à ce sujet que, lors de son audition devant votre commission, le 30 janvier 2008, M. Michel Camdessus avait insisté sur le fait que la Commission européenne n'acceptait l'exonération fiscale du livret A que « du fait de ses deux fonctions sociales, le logement social et l'accessibilité bancaire ».

M. Chartier redoute un moindre appétit des établissements bancaires pour la collecte de l'épargne réglementée si leur taux de commission venait à baisser. Puis-je rappeler que, lors de cette même audition, M. Camdessus avait évalué à 0,4 % le « niveau normal » de commissionnement des organismes collecteurs ? Dans leur grande mansuétude, le Parlement et le Gouvernement ont fixé ce taux à 0,6 %. Ainsi, même en réduisant le taux de commissionnement des banques à 0,5 %, alors que les obligations d'intérêt général qui existaient au moment où M. Camdessus est venu traiter devant vous de l'accessibilité bancaire ont été considérablement amoindries, on continue de rémunérer fort bien les nouveaux entrants. À ce sujet, le président de la Fédération nationale du Crédit agricole, plaidant en 2006 en faveur de la banalisation, expliquait d'ailleurs qu'il fallait « réduire le coût des crédits accordés aux organismes HLM en répercutant à leur profit la diminution de la rémunération de la collecte proposée par les banques ». Je constate que les analyses de l'instance de décision au Crédit agricole ont substantiellement fluctué en moins de cinq ans. Comme en font foi les auditions de M. Michel Delebarre, mon prédécesseur, le mouvement HLM a plus de constance et une expression moins erratique.

Que la Caisse des dépôts prête à tous les organismes HLM, quelle que soit leur situation, ne signifie pas qu'elle n'analyse pas celle-ci. Par ailleurs, nous avons mis au point un dispositif de mutualisation des risques ; fort heureusement, nous n'avons eu à connaître qu'un seul sinistre.

Nous sommes convenus que je répondrai ultérieurement à la question de M. Michel Bouvard sur l'évolution générale du mouvement HLM, qui est disjointe de l'accès aux prêts de la Caisse des dépôts.

M. Michel Bouvard a relevé une légère divergence d'appréciation entre la Caisse des dépôts et l'Union pour l'habitat social sur l'estimation de la date à laquelle le taux de centralisation de 65 % ne permettrait plus d'atteindre le ratio minimum de 125 %. Pour arriver à cette estimation, nous avons demandé aux collectivités locales, aux offices HLM et aux entreprises sociales pour l'habitat quels étaient leurs programmes et nous sommes partis de ces demandes en considérant que le mouvement HLM répondrait à tous les besoins exprimés sur le territoire national. Nous avons, en revanche, anticipé la baisse de la subvention prévue par la loi de finances pour 2011. Nous allons mécaniquement chercher un peu plus de fonds auprès de la Caisse des dépôts. En tout cas, je le répète, la différence d'analyse entre l'USH et la Caisse des dépôts est marginale : elle n'est que de deux ans. Que ce soit en 2012 ou en 2014, la question se posera – et elle est cruciale pour nous.

Pour être parfaitement honnête, nous n'avons pas su intégrer l'évolution de l'attitude des collectivités locales à l'égard du monde HLM. Nous sommes partis de l'hypothèse, peut-être hasardeuse, que les collectivités continueraient à aider le logement social comme elles le font aujourd'hui. Or, le financement du monde HLM n'est pas une compétence obligatoire des collectivités. Les subventions pourraient donc se tarir. Au cours des dix dernières années, la part des collectivités dans les plans de financement des opérations de logement social a été multipliée par cinq, et le recours aux fonds propres des organismes HLM a évolué dans les mêmes proportions. Mais, il y a des limites : la part des collectivités dans le financement des opérations est déjà de 11 %, de même que celle des fonds propres – contre 2 % pour l'État. L'accompagnement des pouvoirs publics dans les années à venir constitue donc un élément d'incertitude pour nous.

Les politiques foncières sont un segment qui va probablement s'accroître considérablement, même si nous ignorons dans quelle mesure. De plus en plus d'établissements publics fonciers locaux – EPFL – se créent et nous savons, grâce à notre dialogue avec le ministre en charge de l'urbanisme et du logement, qu'il existe une forte volonté d'intervention dans ce domaine. Dans 90 % des cas, les EPFL ont aujourd'hui recours aux prêts bonifiés « Gaïa » de la Caisse des dépôts : ils empruntent à un taux de 2,10 %, c'est-à-dire à un coût inférieur à celui de la collecte et de la rémunération du livret A. Comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer à la Caisse des dépôts, il y a là un champ de réflexion qui est collectivement sous-estimé pour ce qui concerne les politiques foncières – je pense notamment au coût pour la nation.

Comme vous, monsieur Cacheux, je regrette que nous ne disposions pas des informations, prévues par l'article 145 de la loi LME, sur l'utilisation par les banques de la collecte supplémentaire dont elles bénéficient. Cette évolution devait leur permettre de prêter davantage aux PME, à des coûts moindres, grâce à l'accès à une ressource, l'épargne populaire, qui est moins coûteuse que les financements sur les marchés.

M. Carré m'interroge sur la différence entre les montants remboursés chaque année et les sommes empruntées pour de nouveaux programmes. Les remboursements s'élèvent à environ 4 milliards d'euros et les emprunts à 12 milliards : + 8 milliards donc au cours de l'année 2010. Nous sommes dans une phase dynamique, ce dont chacun ne peut que se réjouir.

Dans l'immédiat, je ne suis pas en mesure de vous répondre sur la rémunération de la collecte, mais je vous apporterai plus tard les éléments que vous souhaitez connaître.

PermalienPhoto de René Couanau

J'aimerais savoir en quoi le taux, peu élevé, auquel les EPFL achètent du foncier, constitue une difficulté. N'est-ce pas plutôt un facteur qui facilite la politique du logement ?

PermalienThierry Repentin, président de l'Union sociale pour l'habitat

J'ai dû m'exprimer un peu vite. Le coût d'une opération inclut tous les segments : la construction, mais aussi l'achat du foncier. Quand les EPFL achètent des biens, ils les revendent ensuite aux organismes de logement social à un prix d'achat majoré des intérêts dus au titre des emprunts souscrits. En fin de compte, plus les EPFL peuvent emprunter à un taux faible auprès de la CDC, moins les opérations sont coûteuses pour les organismes de logement social. Voilà qui plaide pour un taux de centralisation encore plus élevé. J'ai pu constater la semaine dernière, à l'occasion d'une réunion avec les établissements publics fonciers de France, qu'il y a aujourd'hui de grandes ambitions en matière foncière. Les opérations d'achat de terrains projetées seront sans doute très coûteuses, mais elles présentent une grande importance pour la maîtrise publique du foncier dans le cadre de missions d'intérêt général.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Merci, monsieur Repentin, d'avoir bien voulu répondre aux questions de notre Commission.

Nos auditions se poursuivront demain et la semaine prochaine.

Informations relatives à la Commission