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Commission des affaires étrangères

Séance du 8 décembre 2010 à 11h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • amende
  • bilatéraux
  • conducteur
  • infraction
  • plaque
  • radar
  • véhicule

La séance

Source

Allemagne et Belgique : approbation des accords concernant l'échange de renseignements sur les titulaires du certificat d'immatriculation de véhicules contenus dans les fichiers nationaux d'immatriculation des véhicules dans le but de sanctionner les infractions aux règles de la circulation

La séance est ouverte à onze heures quarante.

La commission examine, sur le rapport de M. Gérard Voisin, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne concernant l'échange de renseignements sur les titulaires du certificat d'immatriculation de véhicules contenus dans les fichiers nationaux d'immatriculation des véhicules dans le but de sanctionner les infractions aux règles de la circulation (n° 2726) et le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique concernant l'échange d'informations et de données à caractère personnel relatives aux titulaires du certificat d'immatriculation de véhicules contenues dans les fichiers nationaux d'immatriculation des véhicules dans le but de sanctionner les infractions aux règles de la circulation (n° 2910).

PermalienPhoto de Gérard Voisin

Jeudi dernier à Bruxelles, le Conseil des ministres des Transports de l'Union européenne est parvenu à un accord politique que nous étions nombreux à espérer depuis longtemps, sur la question des infractions au code de la route commises dans un État membre à bord d'un véhicule immatriculé dans un autre État membre. Par exemple, une voiture immatriculée en Allemagne, en Belgique ou en Italie qui aurait été « flashée » en France par un radar pour cause d'excès de vitesse ou de non-respect d'un feu rouge, ne devrait plus rester totalement hors d'atteinte comme c'est le cas aujourd'hui. En effet, il sera possible – si l'accord politique obtenu jeudi devient une directive communautaire, elle-même transposée – d'obtenir de l'État d'immatriculation les renseignements permettant de poursuivre le conducteur dangereux pour l'infraction qu'il aura commise en France. Cela vaut aussi, inversement, pour les conducteurs français qui commettraient avec leur propre véhicule des infractions ailleurs en Europe.

Cet accord est une avancée substantielle mais nous ne sommes pas encore au bout de la route. Je connais ce sujet pour y travailler, à la commission des Affaires européennes, depuis plusieurs années déjà, ce qui m'autorise à dire que les deux accords bilatéraux que nous examinons ce matin conservent donc tout leur intérêt, au-delà de l'accord politique obtenu à 27 jeudi dernier dont je me félicite pour plusieurs raisons. Premièrement, il s'agit du début de résolution d'un problème qui est sur la table depuis des années. Il est devenu de plus en plus aigu en France à mesure que progressait le nombre de radars fixes ou embarqués, à compter de 2003. Mon rapport écrit contient des chiffres éloquents décrivant l'augmentation très forte du nombre d'infractions relevées à l'aide de ces appareils ; en conséquence, le nombre d'amendes non recouvrées n'a cessé de croître lui aussi. Le nombre d'infractions aux règles de limitation de vitesse qui sont constatées au moyen de radars fixes et embarqués est ainsi passé de 1,55 million en 2004 à 8,6 millions en 2009, soit une augmentation de près de 7 millions. Dans cet ensemble, on estime à près de 25 % en moyenne, voire 50 % l'été, le nombre des contrevenants qui ne peuvent être poursuivis en France dans le cadre du système de contrôle-sanction automatisé, car leur identification par la lecture de la plaque d'immatriculation n'est pas possible. Ce pourcentage s'élève même à 75 % l'été dans certains départements français frontaliers de la Belgique, du Luxembourg et de l'Allemagne. En particulier, le nombre de messages d'infraction relevés par le système de radars pour des véhicules allemands qui ont pu sans ambiguïté être identifiés comme tels s'est élevé à 400 000 en 2009, soit environ 12 % de l'ensemble des véhicules immatriculés à l'étranger qui auraient dû être sanctionnés pour excès de vitesse.

Que « pèse », en conséquence, le montant des amendes non recouvrées, au regard des 570 millions d'euros annuels de produit des « amendes radars » ? Pour l'ensemble des véhicules immatriculés à l'étranger, qui représente un volume annuel de 3,3 millions d'infractions « constatables » – c'est-à-dire abstraction faite des rebuts techniques –, sur le fondement d'un coût moyen par amende de 66 euros, on peut estimer le manque à gagner lié, chaque année, à l'absence d'accords ad hoc, à plus de 200 millions d'euros. Cependant, compte tenu des problèmes inhérents aux interrogations transfrontalières de fichiers de cartes grises, le montant susceptible d'être effectivement recouvré avoisinerait plutôt 100 millions d'euros par an. Il faut toutefois relativiser ces sommes et garder en tête les vraies priorités : lors de l'audition que j'ai organisée de Mme Michèle Merli, Déléguée interministérielle à la Sécurité routière, une femme très compétente et volontaire, il m'a été indiqué que le coût de l'insécurité routière en Europe, toutes conséquences comprises, avoisinait, en 2009, 130 milliards d'euros, dont 23,7 milliards d'euros pour la France. Que valent alors 200 millions d'euros de manque à gagner ? Voilà qui permet de souligner, si besoin était, l'objectif premier du contrôle radar, qui est aussi celui des deux projets de loi soumis à l'examen de notre commission ce matin : épargner des vies et éviter des handicaps à vie. En 2009, 4 273 personnes ont été tuées sur les routes françaises, et 4 à 5 000 personnes sont devenues handicapées à vie. Voilà aussi qui doit permettre de relativiser les discours trop faciles sur le mode du prétendu « racket » ou encore du « jackpot » des amendes radars. Le problème est donc de principe. Et s'il est focalisé sur les amendes radars c'est parce qu'en cas d'interpellation du conducteur fautif, par la police ou la gendarmerie, quelle que soit l'immatriculation du véhicule, les poursuites existent ; en revanche elles n'existent pas automatiquement pour tous les véhicules étrangers « flashés ». Cela est si bien connu que des cas m'ont été rapportés de conducteurs français qui louent en France des véhicules équipés de plaques étrangères pour échapper aux contrôles !

Il y a une deuxième raison de se réjouir de l'avancée obtenue par le Conseil jeudi dernier à Bruxelles. Sous l'empire du Traité de Nice, à cause d'une minorité d'États peu coopératifs sur ce sujet – l'Allemagne et les Pays-Bas en particulier –, il n'était pas possible d'aboutir à la solution qu'avec d'autres, j'appelais de mes voeux, à travers des rapports d'information et une proposition de loi demeurée lettre morte : à savoir la poursuite et la condamnation, partout en Europe, des conducteurs dangereux. Car la base juridique retenue imposait l'unanimité au sein du Conseil des ministres de l'Union. Cela permettait au ministère allemand de la justice de s'arc-bouter sur sa position fondamentale, selon laquelle il n'est pas possible de poursuivre, ni a fortiori de condamner, si l'on n'a pas acquis la certitude que c'est bien le conducteur fautif que l'on a identifié, photographie à l'appui ; par conséquent, pas de présomption pesant sur le propriétaire du véhicule si personne d'autre ne se dénonce, comme c'est le cas en France. La pratique allemande est celle d'une photographie de face, très nette, tandis qu'en France nous privilégions à 70 % la photographie de la plaque minéralogique arrière du véhicule.

Désormais, avec l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, il est possible de s'affranchir de la contrainte juridique que je mentionnais et c'est ainsi que les efforts de la présidence belge du Conseil, fermement soutenus par la France, ont été couronnés de succès. Maintenant, ne nous enthousiasmons pas trop. Et ce pour deux raisons : premièrement, il s'agit simplement, avec cette directive en projet, de généraliser entre États membres l'échange d'informations sur les cartes grises. C'est ce compromis qu'a trouvé la présidence belge pour aboutir. La France, avec d'autres États membres, dont l'Italie et la Grèce, était partisane d'un texte allant plus loin, jusqu'aux poursuites et à la sanction. Deuxièmement, le compromis trouvé n'est qu'un accord politique qui devra être entériné, au terme d'une procédure de codécision, par le Conseil des ministres et le Parlement européen. Au mieux, selon mes informations, nous devrions pouvoir parvenir à l'adoption d'une directive d'ici la fin de 2011, sous présidence polonaise. Ce qui signifierait, dans le meilleur des cas, une entrée en vigueur du texte en 2013.

Sur ces deux points, et sur le second en particulier, les deux accords que nous examinons ce matin à travers les deux projets de loi d'approbation qui nous sont soumis, gardent donc toute leur pertinence. En effet, ils s'inscrivent dans le contexte, que je viens de décrire, d'un long cheminement du compromis parmi les 27, compromis qui vient enfin d'être trouvé mais selon une formule minimaliste et qui n'est pas encore en vigueur, loin de là. Initialement, ces accords bilatéraux devaient permettre de contourner l'obstacle de l'unanimité à 27 pour progresser sans tarder, à une échelle plus modeste. Cet obstacle a certes été levé par l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne mais les accords bilatéraux, si nous les approuvons rapidement, pourront arriver au but bien avant la directive communautaire. Ce seront autant de mois ou d'années gagnés pour la sécurité routière dans l'espace franco-allemand et franco-belge. J'ajoute que l'adoption dans les meilleurs délais de ces accords bilatéraux créera forcément une saine émulation avec nos partenaires dans le cadre de la négociation de la directive. Émulation pour aboutir rapidement, d'une part ; émulation, surtout, pour aller plus loin, car tel est le cap que nous devons garder. Je précise enfin que l'enjeu de la pression par les pairs pour faire aboutir ces textes vaut surtout à l'égard de l'Allemagne, dont j'ai mentionné tout à l'heure la position pour le moins rétive, incarnée par le ministère allemand de la justice. Car du côté de la Belgique, qui est le deuxième de nos partenaires de l'Union européenne avec lequel un accord ait été signé, les progrès sont beaucoup plus rapides : nous sommes en effet sur la même ligne.

J'en viens à ces deux accords bilatéraux, pour en décrire brièvement le contenu et les modalités de négociation. Le contenu en est quasi identique, tandis que le climat et le rythme de la négociation sont diamétralement opposés : un blocage en Allemagne alors que le texte a été signé il y a plus de quatre ans ; une grande rapidité en Belgique où les formalités de ratification sont accomplies depuis mai dernier, soit environ 18 mois seulement après la signature de l'accord en octobre 2008. Les deux accords comprennent chacun cinq articles : l'article 1er définit les infractions auxquelles l'accord s'applique et désigne les autorités compétentes pour leur traitement ; l'article 2 détaille les modalités des demandes de renseignements en cas d'infraction et précise quelles informations et données à caractère personnel la Partie requise doit fournir à la Partie requérante ; l'article 3 souligne que les données communiquées sont soumises à des règles de protection. Pour la Partie française, l'échange de données est réalisé conformément à la loi « informatique et libertés » de 1978. La transmission de données à caractère personnel est ainsi soumise, notamment, aux principes de finalité – identifier l'auteur d'une infraction –, d'exactitude – la véracité et l'actualité de l'information – et d'identification de la seule autorité appelée à connaître de l'information transmise ; l'article 4 stipule, très classiquement, que les différends relatifs à l'accord sont réglés par la voie diplomatique et l'article 5 contient les non moins classiques stipulations finales. Chacun des deux accords est conclu pour cinq ans et renouvelable par tacite reconduction. Je précise que ces accords qui portent sur l'échange de données ne modifient aucune règle procédurale de poursuite. Ainsi, les personnes responsables d'infractions et identifiées comme telles seront poursuivies dans l'État où l'infraction a été commise et les recours s'exerceront dans cet État.

En définitive, l'approbation de ces deux accords par la France permettrait de compléter la « panoplie » des accords bilatéraux signés ou envisagés par notre pays avec ses voisins : Suisse, Luxembourg, Italie, Espagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Portugal et Monaco. Pour l'heure, seul l'accord franco-suisse a véritablement franchi toutes les étapes de son parcours juridique, et encore ne concerne-t-il que les départements limitrophes. Il est donc à la fois indispensable et urgent de voir plus grand. De même, l'approbation de ces accords donnerait plus de poids à la politique de communication actuellement menée sous l'égide de la Délégation interministérielle à la sécurité routière, dont les dépliants multilingues largement diffusés sont utiles, mais sans doute plus informatifs que réellement dissuasifs.

L'accord obtenu en Conseil des ministres jeudi dernier à Bruxelles est donc une bonne nouvelle mais il doit nous inciter à aller plus loin ; voter en faveur des deux projets de loi d'approbation que nous examinons ce matin y contribuera certainement.

PermalienPhoto de Gilles Cocquempot

À l'occasion de l'application de ce type de conventions, vérifie-t-on l'exactitude des plaques minéralogiques ? J'ai eu connaissance du cas d'un conducteur français dont la plaque était exactement la même que celle d'un Italien. C'est d'autant plus difficile à comprendre qu'il existe désormais un système européen d'immatriculation.

PermalienPhoto de Geneviève Colot

Ai-je bien entendu que l'on ne pouvait recouvrer que la moitié du montant total potentiel d'amendes du fait d'un problème inhérent aux fichiers de cartes grises ?

La séance est levée à douze heures.