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Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Séance du 10 novembre 2010 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • actionnaire
  • indépendance
  • journaliste
  • télévision

La séance

Source

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mercredi 10 novembre 2010

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

La Commission des affaires culturelles et de l'éducation procède à l'examen, pour avis, des crédits pour 2011 des missions « Médias, livre et industries culturelles » et « Avances à l'audiovisuel public » sur le rapport de Mme Martine Martinel (Audiovisuel ; Avances à l'audiovisuel public) et de M. Michel Françaix (Presse).

PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Nous devons nous prononcer sur les crédits en faveur des médias du projet de loi de finances pour 2011. Je rappelle que, jeudi dernier, en commission élargie, nous avons entendu le ministre et nos deux rapporteurs pour avis sur ces crédits. Nous pouvons donc en venir directement aux crédits et aux amendements qui s'y rapportent.

Article 48, État B : Crédits du budget général

La Commission est saisie de l'amendement AC 1 de Mme Muriel Marland-Militello.

PermalienPhoto de Muriel Marland-Militello

Cet amendement vise à transférer 2 millions d'euros supplémentaires au profit de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits surInternet (HADOPI).

Cette initiative n'a pas d'autre objet que d'appeler l'attention de la commission sur le fait que la qualité de la loi HADOPI repose sur l'équilibre qui a été trouvé entre le travail pédagogique promu par le texte et le développement de l'offre légale.

C'est pourquoi je voudrais faire comprendre à mes collègues à quel point l'efficacité et la réactivité de la Haute autorité seront déterminantes pour assurer le plein succès de la loi. Je peux en outre vous témoigner qu'au niveau du Conseil de l'Europe, ce dispositif est observé de près et que s'il fait preuve de son efficacité, il sera imité par certains de nos partenaires.

On ne peut développer l'offre légale et la pédagogie sans donner d'importants moyens à la Haute autorité. La loi qui l'a créée est vitale pour l'industrie culturelle, la création et le patrimoine. Pour lui donner vie, il faut faire en sorte qu'elle puisse s'appuyer sur une Haute autorité pleinement opérationnelle. À l'inverse, si ce nouveau cadre ne permet pas de développer rapidement l'offre légale, les internautes sauront trouver les moyens de contourner les dispositifs de protection des oeuvres culturelles.

PermalienPhoto de Martine Martinel

Il me semble que le budget de douze millions d'euros prévu pour la HADOPI est déjà bien suffisant pour financer cette autorité. Les crédits que vous proposez de transférer sont consacrés à l'enjeu majeur que constitue le passage à la télévision tout numérique. Je rappelle que la majeure partie des régions, soit plus des deux tiers de la population métropolitaine, basculera en 2011. Le triplement des crédits prévus par le projet de loi de finances est donc nécessaire et c'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

PermalienPhoto de Muriel Marland-Militello

Mais je vais le retirer dans la mesure où mon message aura pu être entendu par la Commission.

PermalienPhoto de Patrick Bloche

Je ne souhaite pas rouvrir une querelle ancienne, mais je ferai une observation. La HADOPI dispose déjà d'un beau budget qui était, en 2009, de l'ordre de six à sept millions d'euros je crois. Or, l'an dernier, la Haute autorité n'a pas eu, c'est le moins que l'on puisse dire, une grande activité. Je crois savoir aussi que les premiers mèls d'avertissement ne sont partis qu'au mois d'octobre 2010. Ma collègue Mme Muriel Marland-Militello devrait être prudente s'agissant des moyens de cette Haute autorité. Je suggère en outre que cette structure consacre moins de crédits à l'envoi de courriers et de questionnaires aux élus.

L'amendement AC 1 est retiré.

PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Je vous propose que nous revoyions, dès que notre agenda nous le permettra, les responsables de la HADOPI et que nous leur rendions visite au siège de la Haute autorité.

Contrairement aux conclusions des rapporteurs pour avis, la Commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2011 des missions « Médias, livre et industries culturelles » et « Avances à l'audiovisuel public ».

Article 76 : Report de l'échéance de suppression de la publicité sur les antennes de France Télévisions

La Commission est saisie des amendements AC 2 de Mme Michèle Tabarot et MM. Michel Herbillon, Christian Kert et Franck Riester et AC 3 de Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis et MM. Patrick Bloche, Michel Françaix et Marcel Rogemont.

PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Nous sommes saisis de deux amendements à l'article 76, relatifs à la publicité en journée sur les antennes de France Télévisions.

Je me propose de présenter l'amendement AC 2, que j'ai cosigné avec les rapporteurs du groupe de travail de notre Commission sur la publicité et les activités commerciales de France Télévisions. Je souhaiterais, à cet égard, exprimer ma reconnaissance auprès de mes collègues Michel Herbillon, Christian Kert et Franck Riester, qui ont été chargés d'animer, pendant plusieurs mois, différents ateliers thématiques.

Le groupe de travail mis en place par la Commission, que j'ai coprésidé avec M. Jean-François Copé, a tiré un bilan très positif de la suppression de la publicité après vingt heures. Il a, en revanche, préconisé de ne pas supprimer la publicité en journée, ce point devant d'ailleurs être examiné dans le cadre de la clause de rendez-vous prévue par la loi du 5 mars 2009.

Cette suppression n'est pas opportune, en raison notamment du manque à gagner qu'elle créerait pour France Télévisions, de l'ordre de quatre cents millions d'euros, que l'État aurait dû combler alors que la situation budgétaire est très tendue. Ces recettes publicitaires doivent être conservées dans les caisses de France Télévisions, en particulier pour que le groupe continue à améliorer la qualité de sa programmation.

Comme vous le savez, les téléspectateurs ont été interrogés, dans le cadre d'une enquête d'opinion, par le groupe de travail, et les résultats de ce sondage sont significatifs. Ainsi, plus de 76 % des personnes interrogées se déclarent satisfaites de la suppression de la publicité en soirée. À l'inverse, 79 % d'entre elles considèrent que le maintien de la publicité en journée ne pose pas de problème. Par ailleurs, le taux de satisfaction des téléspectateurs du service public est élevé et 81 % des sondés se déclarent défavorables à une augmentation de la contribution à l'audiovisuel public. Tous ces éléments d'information sont à prendre en compte.

PermalienPhoto de Martine Martinel

Je donnerai un avis d'autant plus favorable à l'amendement présenté par la présidente que le nôtre est identique, même si les exposés des motifs divergent totalement.

La suppression de la publicité a été, à tous égards, une très mauvaise mesure. Son mode de financement est en outre précaire et bancal et de nature à dégrader la qualité de la programmation du service public. Quand une réforme est mauvaise, il est sage de s'arrêter à mi-chemin au lieu de s'obstiner.

PermalienPhoto de Michel Françaix

Puisqu'on est à la recherche d'économies, je pense que l'on peut se passer d'enquêtes constatant – quelle surprise ! – qu'une écrasante majorité des Français ne veulent pas d'une augmentation de la contribution à l'audiovisuel public. Je dois dire que le décalage fréquent entre les résultats des enquêtes de satisfaction et les résultats électoraux m'amuse de plus en plus. À titre d'anecdote, je ferai remarquer que M. Bernard Kouchner bénéficie d'une cote d'amour élevée, mais qu'il a été battu aux quatre élections auxquelles il s'est présenté.

PermalienPhoto de Michel Françaix

J'observe que la chaîne Arte est celle qui donne le plus de satisfaction à ses téléspectateurs mais qu'elle est, en même temps, l'une des moins regardée. Pour en revenir à la réforme de l'audiovisuel public, ce qui m'ennuie le plus, c'est le fait que, malgré les résultats positifs de l'enquête de satisfaction, l'audience de France 3 n'a jamais autant baissé. Dès l'an dernier, j'avais tiré la sonnette d'alarme en considérant que son audience risquait d'être égale ou inférieure à celle de M6. La réalité est bien pire : c'est tous les jours que France 3 se situe à quatre ou cinq points derrière M6.

Un dernier point, parfaitement souligné par notre rapporteure pour avis : nous ne disposons pas des moyens qui permettraient de supprimer la publicité en journée. Ce qu'a dit Mme Martine Martinel nous va droit au coeur. Par ailleurs, au vu des amendements adoptés par la Commission des finances, je m'étonne de constater chez des libéraux cette tentation de « piquer » dans les caisses d'une entreprise publique parce qu'elle a réussi...

Je vous l'ai dit, mesdames et messieurs les membres de la majorité : vous êtes à contre-courant. S'agissant de l'amendement présenté par notre présidente, s'il me va moins droit au coeur que celui de la rapporteure pour avis, je remarque qu'il traduit une prise de conscience tardive des réalités que nous pointions du doigt il y a un an et qu'à ce titre, je comprends l'initiative présentée par nos collègues de la majorité…

PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Je tiens à préciser à mes collègues qu'un amendement présenté par Patrice Martin-Lalande et prévoyant la réduction de la dotation de l'Etat à France Télévisions en fonction de ses résultats en matière de ressources publicitaires a été adopté hier par la Commission des finances. Les différents amendements seront discutés en séance lundi 15 novembre et ce temps du débat parlementaire nous permettra d'exprimer nos positions.

Monsieur Françaix, je partage votre analyse quant au fait qu'il faut être prudent et ne pas remettre en cause les équilibres du financement de France Télévisions. Quant à l'enquête d'opinion, elle n'a pas servi de point de départ à notre réflexion. Bien au contraire, nous avons auditionné pendant des semaines et des mois toutes les parties prenantes et c'est en fin de parcours que nous avons voulu regarder de près ce que pensait l'opinion publique. D'ailleurs, ce sont les dirigeants de France Télévisions qui, les premiers, nous ont déclaré ne pas avoir de retour, de la part des téléspectateurs, sur la perception de la réforme.

Par ailleurs, nous avons mis en évidence que la télévision publique est appréciée, ce point étant essentiel. Mais il ne faut peut-être pas citer l'exemple d'Arte, qui certes, donne pleine satisfaction à ses téléspectateurs curieux et exigeants, mais qui n'est que très peu regardée.

Pour ma part, je mettrai plutôt en avant le fait que, grâce à l'action déterminée de Patrick de Carolis, qui sera poursuivie par Rémy Pflimlin, France Télévisions a connu un virage éditorial très intéressant. Le fait de démarrer les programmes de soirée plus tôt contribue aussi au renouveau du service public et il ne faut pas qu'à ce moment de l'histoire de France Télévisions, la ressource que constituent les quatre cents millions d'euros apportés par la publicité diurne lui fasse défaut.

PermalienPhoto de Marie-George Buffet

L'amendement présenté par la rapporteure permet de lever les incertitudes pesant sur les personnels de la régie publicitaire de France Télévisions et sur tous les personnels de France Télévisions de manière générale. Il est difficile de construire un projet et une ligne éditoriale sans financement.

On mesure les conséquences d'une loi votée sans concertation, à la va-vite et résultant du fait du prince. Les effets n'en ont pas été évalués et il conviendra à l'avenir de veiller à associer les personnes concernées par une réforme à une concertation préalable ainsi que de laisser suffisamment de temps au débat parlementaire.

Par ailleurs, j'estime qu'un travail de plus long terme doit être mené sur le financement pérenne de la télévision publique, qu'il s'agisse des investissements publics comme de l'ex redevance. Personne n'est favorable à une hausse de cette dernière, mais il faut toutefois constater qu'elle représente une charge relativement plus importante pour les foyers les plus modestes. Il serait sans doute nécessaire de moduler son niveau en fonction des ressources.

PermalienPhoto de Christian Kert

M. Michel Françaix suggère qu'il y a un problème entre nous. Or nous sommes d'accord sur la nécessité d'un maintien de la publicité en journée. Je récuse également l'analyse de Mme Buffet selon laquelle la loi a été votée à la va-vite. Cette loi comportait une clause de rendez-vous, que nous anticipons afin de tenir compte de l'évolution du marché de la publicité, qui a connu un important fléchissement depuis le vote de la loi, et non pas seulement en considération du besoin de financement de France Télévisions. Nous constatons également que a loi n'aura pas donné lieu à des effets d'aubaine, c'est-à-dire à un transfert de la publicité vers les écrans privés, mais plutôt à des transferts entre les diffusions en soirée et les diffusions en journée.

Il faut maintenir la publicité en journée afin de doter France Télévisions des ressources dont elle a besoin. Je suis en désaccord avec l'amendement présenté par M. Martin-Lalande et adopté par la Commission des finances, dont il a été question, ainsi qu'avec celui qui a pour objet de supprimer la publicité sur RFO dès 19 heures, ce qui me parait soulever un problème de cohérence. Il faudra sans doute sous amender cet amendement afin de maintenir la publicité jusqu'à 20 heures.

Quant aux amendements qui nous sont présentés, si leur dispositif est identique, leur exposé des motifs diverge, et ma préférence va à l'amendement présenté par la Présidente de notre Commission, dans la mesure où il fait référence aux travaux de la commission dite « Copé ».

PermalienPhoto de Michel Herbillon

Dire, comme le fait Mme Buffet, que la loi a été votée sans concertation et la va-vite, m'oblige à réagir pour rappeler que nous avons débattu jour et nuit pendant plus de trois semaines.

Ces débats ont été précédés par les travaux de la commission « Copé », au sein de laquelle toutes les sensibilités politiques étaient représentées, ainsi que les professionnels du secteur.

On ne peut pas dire que nous avons procédé à la va-vite, que ce soit pour le vote de la loi ou pour le réexamen auquel nous nous livrons aujourd'hui en vertu de la clause de rendez-vous que comportait cette dernière.

Je me félicite du consensus que recueillent les deux amendements qui nous sont présentés, et ne m'étonne guère des qualités de plume dont notre rapporteure témoigne, du fait de ses antécédents littéraires…

J'insiste sur l'importance d'une visibilité des ressources pour le président et les personnels de France Télévisions, et sur la nécessité que cette visibilité s'inscrive dans la durée du mandat du président ainsi que dans celle du contrat d'objectifs et de moyens.

Je suis en désaccord avec l'amendement adopté par la Commission des finances, et je trouverais tout à fait surprenante la démarche consistant à pénaliser une entreprise qui fait preuve de sa performance.

PermalienPhoto de Martine Martinel

L'amendement que je vous présente permet le maintien de la publicité en journée avant 20 heures, y compris en outre-mer. S'il était adopté, il nous dispenserait de proposer un sous-amendement à l'amendement de notre collègue M. Martin-Lalande.

La Commission adopte l'amendement AC 2, l'amendement AC 3 devenant sans objet.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 76, ainsi modifié.

Après l'article 76

La Commission examine ensuite deux amendements AC 4 et AC 5 présentés par Mme la rapporteure pour avis.

PermalienPhoto de Martine Martinel

Ces amendements n'ont pas pour objet d'augmenter la « redevance », mais d'élargir son champ aux appareils de télévision des résidences secondaires.

Le second amendement plafonnerait le montant total dû au titre de la contribution à l'audiovisuel public à une fois et demie son montant unitaire.

Cet amendement procède de notre volonté de donner à France Télévisions les moyens de se développer et d'être une télévision créatrice, en visant une population qui a les moyens d'y contribuer. Il s'agit d'amendements équitables.

PermalienPhoto de Christian Kert

Il ne me semble pas opportun de donner suite à vos propositions d'amendement car il me semble nécessaire, dans un premier temps, de conduire une réflexion globale sur la « redevance ». Nous sommes quelques uns à penser qu'une augmentation est nécessaire, mais notre groupe prendra prochainement l'initiative d'une analyse plus approfondie sur le financement de la télévision publique, après que France Télévisions aura publié ses chiffres.

PermalienPhoto de Patrick Bloche

Comme l'ont dit M. Françaix et Mme Buffet, la réforme de l'audiovisuel public a été conduite sans qu'aucune étude d'impact n'ait été menée. Nous en mesurons aujourd'hui les effets et devons dresser un bilan négatif puisque nous sommes déjà contraints d'en modifier les dispositions et de trouver des financements. Rappelons que la taxe dite « télécoms » est de surcroît menacée après l'injonction qui nous a été adressée par la Commission européenne.

L'erreur commise entre 2002 et 2009 a consisté à ne pas augmenter la redevance. En 2009, nous nous sommes mis d'accord pour ajuster son montant et l'indexer sur le coût de la vie.

La redevance, au même titre que la TVA d'ailleurs, est injuste car sans vouloir être caricatural, Mme Bettencourt paie, par exemple, le même montant que n'importe quel contribuable.

L'amendement qui nous est proposé n'est pas une initiative révolutionnaire, il consiste seulement à ressusciter un dispositif qui existait avant 2004.

PermalienPhoto de Alain Marc

On ne pourra s'exonérer d'une réflexion globale sur la redevance. J'ai par exemple été saisi par des propriétaires de résidences touristiques rurales qui paient la redevance pour des appareils qui ne fonctionnent qu'une fois par an. Ce système ne parait pas exempt d'une certaine injustice.

PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Je soutiens ces amendements, même si je partage le constat de la nécessité d'une réflexion plus large sur la modulation de la redevance par rapport aux revenus.

Les amendements AC 4 et AC 5 sont rejetés.

La Commission procède ensuite à l'examen, sur le rapport de M. Patrick Bloche, la proposition de loi de M. Patrick Bloche et plusieurs de ses collègues, relative à l'indépendance des rédactions (n° 2255).

M. Michel Herbillon, vice-président de la Commission, prend la présidence de la séance.

PermalienPhoto de Michel Herbillon

Mes chers collègues, la Commission est saisie d'une proposition de loi relative à l'indépendance des rédactions, déposée par le groupe SRC.

PermalienPhoto de Patrick Bloche

Le groupe SRC, qui a déposé cette proposition de loi en début d'année, a souhaité qu'elle soit examinée dans la niche qui lui est réservée, le 18 novembre. Ce texte d'intérêt général devrait rallier tous les députés, puisqu'il vise à garantir ce fondement de notre démocratie et de notre République qu'est la liberté des médias, récemment inscrite dans l'article 34 de la Constitution.

La liberté de la presse, garantie dès le début de la IIIe République par la loi emblématique de 1881, souffre de certains déséquilibres causés non seulement par des raisons économiques et sociales, mais aussi par la remise en cause de l'indépendance des journalistes par les actionnaires qui dirigent, souvent de loin, les entreprises de presse. À cet égard, la présente proposition de loi est cohérente avec celle que notre groupe a défendue il y a un an et qui visait à lutter contre la concentration dans les médias. Dans ce cadre, nous avions souligné la particularité très française qui consiste pour de grands groupes industriels et financiers fort éloignés des enjeux de l'information et des médias à acquérir des titres de presse écrite ou audiovisuelle, tout en vivant des marchés publics, c'est-à-dire des commandes de l'État. Le rejet de cette première proposition de loi nous a amenés à déposer un nouveau texte visant à rééquilibrer le rapport entre les rédactions, c'est-à-dire les journalistes, et ceux qui possèdent les médias, à savoir les actionnaires.

À l'appui de notre démarche, je rappellerai certaines affaires qui ont retenu l'attention de tous ceux qui sont attachés à la liberté de la presse. Depuis que Bernard Arnault a pris possession des Échos, en vendant La Tribune, pas moins de soixante-deux journalistes ont fait jouer la clause de conscience et quitté le journal. Le 8 juillet dernier, quand Étienne Mougeotte, directeur du Figaro, a choisi de citer, dans un article non signé et de façon tronquée, un extrait de l'audition de Mme Claire Thibout, ancienne comptable de Mme Bettencourt, la société des journalistes (SDJ) du quotidien s'en est émue. Récemment, des journalistes de ce titre n'ont pu apporter un éclairage complet sur des pays en négociation avec le groupe Dassault pour l'achat d'avions Rafale. L'audiovisuel public n'est pas à l'abri de reproches similaires : à peine élu président de Radio France, Jean-Luc Hees s'est invité en direct sur France Inter pour répondre à Edwy Plenel, dont les propos lui avaient déplu. Enfin, la rédaction du Journal du Dimanche, où les directeurs de rédaction se sont d'ailleurs succédé à un rythme rapide, a été censurée quand elle a révélé que l'ex-épouse du Président de la République n'avait pas voté au second tour de l'élection présidentielle. Autant d'exemples que j'ai rappelés dans mon rapport, afin d'en rendre la lecture plus attrayante…

Notre proposition de loi se justifie d'autant plus que l'indépendance des rédactions est également menacée par la crise de la presse, qu'a analysée Michel Françaix dans son rapport pour avis sur les crédits de ce secteur. On en connaît les effets : précarisation et vieillissement des rédactions, baisse des rémunérations, recours croissant aux pigistes et aux contrats à durée déterminée…

Outre la convention collective nationale qui régit les relations entre les journalistes et leur direction, le rapport mentionne les différentes chartes déontologiques qui ont été publiées. La charte des devoirs professionnels des journalistes français remonte à juillet 1918, mais on cite plus souvent celle de Munich, datant du 24 novembre 1971. Ces documents, qui visent à garantir aux journalistes un droit à l'indépendance, tout en leur créant des devoirs dans la manière de chercher ou de rapporter l'information, offrent toutefois l'inconvénient de n'être pas opposables. Leur absence de portée juridique les condamne à rester purement incantatoires, puisqu'un journaliste en conflit avec un actionnaire ou avec sa direction ne peut s'y référer. C'est ce qui a amené les journalistes à s'organiser, notamment depuis cinq ans. Le Forum des sociétés de journalistes, qui regroupait treize sociétés de journalistes lors de sa création en 2005, et vingt-trois en 2007, en compte trente-trois aujourd'hui. C'est lui qui a alerté la représentation nationale sur l'impérieuse nécessité d'inscrire l'indépendance des rédactions dans le droit.

J'y insiste auprès de nos collègues de la majorité : il ne s'agit pas de contester, dans le secteur de la presse, le pouvoir des chefs d'entreprise ni celui des actionnaires en tant que tels. Mais une entreprise de presse n'est pas une entreprise comme les autres : y sont en jeu la liberté d'informer et celle de communiquer, garanties par la Constitution et qui doivent à ce titre être protégées.

L'article 1er de la proposition de loi vise à ce que chaque entreprise de presse se dote, soit d'une équipe rédactionnelle autonome et permanente, soit d'une société de journalistes. Cette formule souple permet de prendre en compte l'histoire et la réalité de chaque entreprise. Ces deux structures seront dotées de pouvoirs. Les sociétés de journalistes disposeront notamment du droit de s'opposer, à une majorité des trois cinquièmes, à la désignation du directeur de la rédaction. Si les actionnaires, qui conservent malgré tout le pouvoir, ne tenaient pas compte de ce veto et maintenaient la nomination, les journalistes pourraient faire jouer la clause de conscience, prévue dans le code du travail, qui leur permet de négocier leur départ en bénéficiant d'avantages sociaux.

Les articles 2 et 3, qui visent à améliorer la transparence des entreprises de presse, concernent non seulement les journalistes mais tous les citoyens.

Afin de faciliter l'application des dispositions proposées, l'article 4 prévoit des sanctions au cas où elles ne seraient pas respectées. Les représentants de certaines entreprises de presse auditionnés étaient hostiles à ce qu'on joue pour cela sur les aides publiques à la presse, mais d'autres nous ont dit préférer ce système à l'instauration d'amendes.

L'article 5, plus général, rappelle notre intention de préserver les intérêts des journalistes.

J'aimerais que nos collègues de l'UMP ne considèrent pas le texte comme une provocation à leur égard ou à l'adresse du pouvoir exécutif. Certes, il est présenté dans un contexte que nous dénonçons souvent lors des séances de questions au Gouvernement, et au moment où notre groupe rédige une proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête sur la manière dont le travail d'investigation des journalistes, sur lequel repose la liberté d'informer, est régulièrement entravé. Mais la proposition de loi traite d'un autre problème : elle vise avant tout à garantir l'indépendance des rédactions vis-à-vis de ceux qui possèdent les entreprises de presse. Notre but est non de retirer le pouvoir aux uns pour le donner aux autres, mais de rééquilibrer un rapport de force qui pâtit actuellement de la concentration des médias aux mains de grands groupes industriels et financiers vivant des commandes de l'État.

Compte tenu de notre attachement à l'histoire de notre pays, patrie des droits de l'homme et des libertés, nous regrettons tous que la France, qui occupait en 2002 la onzième place dans le classement de Reporters sans frontières sur la liberté d'informer dans le monde, ait glissé l'an dernier à la quarante-troisième place pour occuper aujourd'hui la quarante-quatrième. Le vote de la proposition de loi lui permettrait sans doute de faire un grand bond en avant, et de remonter dans ce classement dès 2011.

PermalienPhoto de Christian Kert

L'enfer est pavé de bonnes intentions. Si nous sommes certains de celles de M. Bloche, son texte risque de produire le contraire de ce qu'il souhaite. La proposition de loi comporte deux grandes mesures. La première tend à garantir l'indépendance des rédactions par la constitution d'un comité veillant au respect de la déontologie. La seconde vise à renforcer les obligations d'information sur l'actionnariat, à la charge des entreprises éditrices et des actionnaires.

La proposition de loi aurait été servie par l'actualité si le groupe Amaury avait persisté dans l'idée de vendre Le Parisien-Aujourd'hui en France, mais nous savons que ce n'est pas le cas. Pour avoir auditionné des patrons de presse, M. Bloche sait que la première mesure suscite l'opposition de tous les responsables d'entreprises de presse, qui y voient une grave limitation de leur pouvoir. Ils ne souhaitent pas être contraints par la loi, ce qu'on peut comprendre, ni voir créer une nouvelle structure, autonome, qui réduirait manifestement leur liberté d'action. Au reste, loin de renforcer le respect de règles déontologiques, le dispositif ne ferait que paralyser les entreprises de presse. Comment ferait-on coexister, au sein d'une même rédaction, deux équipes composées des mêmes journalistes, mais dotées de pouvoirs et de statuts différents ? Les membres de l'équipe rédactionnelle chargés du respect de la déontologie bénéficieraient en effet, en matière de droit du travail, de la même protection que les représentants du personnel. Ainsi, il faudrait une autorisation préalable de l'inspecteur du travail pour les licencier. En outre, comment envisager que, par le biais du droit de veto, ils puissent peser sur la nomination du responsable de la rédaction, c'est-à-dire de leur propre supérieur hiérarchique ? Enfin, la notion de déontologie étant vaste et relative, il faut réfléchir à l'étendue des compétences de l'équipe rédactionnelle, qui disposerait d'un droit de regard sur la politique éditoriale et rédactionnelle de l'entreprise. Comment imaginer que les journalistes aient le même niveau de responsabilité sur le contenu que le responsable de leur équipe ?

La deuxième mesure, contenue dans les articles 2 et 3, consiste en une obligation de déclarer les noms des actionnaires détenant plus de 10 % du capital et, en cas de changement, l'identité des nouveaux dirigeants et des actionnaires. Mais l'article 5 de la loi de 1986 sur la presse oblige déjà les entreprises de presse personnes morales à indiquer le nom de leur représentant légal et de leurs trois principaux associés, et à porter à la connaissance des lecteurs le nom du directeur de la publication. Il suffit d'ouvrir n'importe quel quotidien pour le vérifier. À cet égard, la proposition de loi est donc en grande partie satisfaite.

Enfin, puisque ces mesures visent, ce qui est louable, une plus grande transparence quant à la détention du capital, elles devraient s'inscrire dans une réflexion plus globale sur l'ensemble des sociétés par actions. En la matière, il n'est pas souhaitable de prévoir un régime spécifique pour les entreprises de presse.

Pour toutes ces raisons, et malgré la bienveillance avec laquelle nous avons accueilli ce rapport, nous ne voterons pas la proposition de loi.

Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission, reprend la présidence de la séance.

PermalienPhoto de Michel Françaix

M. Kert a suggéré que le texte serait devenu moins utile à présent que la vente du Parisien-Aujourd'hui en France n'est plus d'actualité. Même si l'on a tendance à l'oublier depuis la dernière élection présidentielle, il ne faut pas perdre de vue que nous ne votons pas la loi en fonction des faits divers : nous obéissons à un souci non de mise en scène, mais de mise en perspective, qui justifie la position du rapporteur.

Le texte ne fait qu'appliquer le principe de la séparation des pouvoirs, que tous s'accordent à louer, aux entreprises de presse, en séparant biens matériels et immatériels. Ces entreprises ne sont pas des entreprises comme les autres : on n'achète pas un journal comme on achète un chapeau, observait Hubert Beuve-Méry. Si nul ne remet en cause la gestion des biens matériels par les actionnaires, auxquels il incombe de développer l'entreprise et de lui garantir le meilleur rendement, il faut faire leur part aux biens immatériels. J'ai souvent taquiné les journalistes en leur reprochant de trop vouloir s'occuper des biens matériels, alors que les patrons de presse intervenaient à tort dans le domaine immatériel. Séparons davantage les deux aspects. Nul ne défendra mieux que les journalistes les biens immatériels, dont l'existence justifie les aides à la presse, versées par les contribuables afin de garantir le pluralisme. Et comment le feront-ils mieux qu'avec l'appui d'une charte ? Toute personne qui achète un journal doit pouvoir connaître non seulement ses actionnaires principaux, mais aussi les thèmes retenus dans la charte. La proposition de loi ne vise pas à bouleverser l'entreprise ni même à assurer un pourcentage du capital aux journalistes. Elle rappelle seulement que ceux-ci sont les seuls à pouvoir veiller sur l'existence et la préservation de biens immatériels.

À l'heure où le métier est en difficulté – la profession vieillit et son statut n'est pas à la hauteur de nos ambitions démocratiques –, il faut assurer l'indépendance des rédactions, sauf à mettre les entreprises de presse sur le même plan que les autres, ce qui suppose de supprimer les aides qui leur sont versées à hauteur d'un milliard d'euros.

PermalienPhoto de Patrick Bloche

Plusieurs arguments devraient nous dissuader de banaliser les entreprises de presse : le montant des aides qu'elles perçoivent, que nous avons examinées la semaine dernière, et auxquelles M. Cardoso a consacré récemment un rapport ; le fait qu'elles soient régies par un droit du travail spécifique ; enfin, l'enjeu majeur que constitue la liberté d'information et de communication.

D'autre part, le texte propose non de bonnes intentions, mais un dispositif opérationnel qui, sans priver les actionnaires de leur pouvoir, les amènera à négocier, à discuter, et introduira davantage de médiation dans leurs rapports avec les rédactions, ce qui constitue un objectif d'intérêt général. D'ailleurs, le droit de veto des journalistes sur la nomination d'un directeur ne peut être considéré comme une pure création du législateur, puisqu'il existe déjà dans de nombreux journaux : Le Nouvel Observateur, La Vie, Télérama, Libération et Le Monde. À ce titre, la société des rédacteurs du Monde a joué un rôle essentiel lors du changement d'actionnaires intervenu récemment. Nous ne cherchons pas à introduire de nouvelles structures, puisque équipes rédactionnelles et sociétés de journalistes existent déjà. Nous voulons seulement leur donner un pouvoir de droit, ce qui suppose d'accorder à ceux qui les composent le statut de salariés protégés que le code du travail assure aux représentants du personnel et aux délégués syndicaux. Je ne veux pas ouvrir de polémique en citant tel journal ou tel grand média audiovisuel, mais on sait combien une telle protection est nécessaire dans certaines entreprises de presse. Notre démarche ne vise pas à mettre les journalistes au même niveau que le directeur de la rédaction, mais obéit à un souci de rééquilibrage : les actionnaires doivent prendre en compte le souhait des équipes rédactionnelles de pouvoir travailler en toute indépendance.

Or, s'il vrai que l'on peut toujours donner du temps au temps, il ne l'est pas moins que, après la clôture d'états généraux de la presse qui ont été l'occasion, pour le Gouvernement notamment, de beaucoup communiquer, a été confié à M. Bruno Frappat le soin d'élaborer un code de déontologie journalistique dont j'ai cru comprendre que les entreprises de presse se satisferaient grandement s'il était annexé à leurs conventions collectives. Les sociétés et les syndicats de journalistes, quant à eux, rejettent d'autant plus une telle perspective que ce code vise surtout à établir les devoirs qui leur incombent en méconnaissant quelque peu ceux des actionnaires à leur endroit.

Enfin, monsieur Kert, comment prétendre que la transparence serait déjà acquise alors que les structures capitalistiques de ces entreprises sont on ne peut plus complexes ?

PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Outre que j'aurais été plus enclin à signer une proposition de loi relative à la neutralité politique des journalistes, je considère en l'occurrence que trop de loi tue la loi.

Par ailleurs, si l'indépendance des rédactions était menacée, je puis vous assurer, en tant que membre de la majorité et au vu de la façon dont nous traitent les médias, que cela se saurait.

Enfin, l'instauration d'un scrutin de défiance ne serait pas sans effet pervers, la « cogestion » de fait des journaux risquant d'éloigner de la presse de grands groupes capitalistiques soucieux de s'engager dans un véritable projet rédactionnel, et pas seulement d'engranger des profits. Le récent remerciement de la directrice de la rédaction d'un quotidien atteste déjà d'une situation difficile, que l'adoption de cette proposition de loi ne ferait qu'aggraver en faisant fuir d'éventuels repreneurs et en affectant aussi bien la composition des rédactions que l'éthique journalistique.

PermalienPhoto de Monique Boulestin

Nous nous soucions tous de la précarité de l'emploi chez les jeunes. Or, comme le rappelle opportunément le rapport de M. Bloche, 77 % des journalistes en contrat à durée déterminée et 40 % des pigistes – lesquels sont 37 % à gagner moins de 1 500 euros par mois – ont moins de 35 ans, alors que cette tranche d'âge ne compte que pour 27 % chez les permanents. Cette situation est d'autant plus préoccupante que nous avons affaire à de jeunes diplômés.

PermalienPhoto de Patrick Bloche

Je remercie Mme Boulestin pour ce rappel en effet important, un jeune souhaitant aujourd'hui embrasser cette profession devant se préparer à un véritable parcours du combattant, à une longue période de précarité et à de faibles rémunérations.

Monsieur Grosperrin, ma proposition de loi est en tout cas politiquement neutre puisqu'elle ne concerne en rien les relations entre le « quatrième pouvoir » et les trois autres.

En outre, j'ai invité les patrons de presse – que nous avons tous auditionnés – à s'interroger sur les réponses faites par les Français aux sondages relatifs au degré de confiance qu'ils accordent aux médias : ils y verront qu'à partir du milieu des années 90, la défiance a crû. Le vote de cette proposition, en garantissant l'indépendance des rédactions, contribuerait à restaurer la confiance dans la presse, rendant ainsi service à des entreprises qui se lamentent souvent de l'érosion de leur lectorat – ce indépendamment de la concurrence d'internet et de la crise structurelle dont M. Françaix nous a souvent entretenus fort à propos.

Cette proposition vise donc à faire en sorte que les journalistes puissent faire leur travail en toute indépendance mais, également, à mettre en place une manière de « label » quant à la qualité de l'information, dont profiteraient l'ensemble des entreprises de presse. Il s'agit par conséquent d'une démarche qu'on peut qualifier d'intérêt général.

PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Je vous remercie.

Nous en venons à la discussion des articles, sur lesquels je ne suis saisie d'aucun amendement.

Article 1er : Modalités de mise en oeuvre du principe de l'indépendance des rédactions

La Commission rejette l'article 1er.

Article 2 : Amélioration de l'information des lecteurs

La Commission rejette l'article 2.

Article 3 : Informations relatives au changement de statut et de dirigeants ou actionnaires de l'entreprise éditrice

La Commission rejette l'article 3.

Article 4 : Sanctions

La Commission rejette l'article 4.

Article 5 : Préservation des intérêts des journalistes

La Commission rejette l'article 5.

Elle rejette l'ensemble de la proposition de loi.

PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Je rappelle que la proposition de loi sera examinée en séance publique le jeudi 18 novembre, à 9 heures 30.

La séance est levée à onze heures.